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vit dans la néceflité d’acheter de fes anciens. fujetS-,
àü prix de beaucoup de promeffes, la liberté d’aller
jfe faire couronner empereur.il tint mal fa parole :
les principales villes du royaume formèrent une
ligue qui l’obligea de repaffer en Efpagne pour la
dilîiper par une févérité mêlée de clémence. Au milieu
de ces troubles ,'les François lui avoient enleve
ïe Navarre en quinze jours: elle fut reconquife en
aufli peu de tems. .
Le feu de, la guerre allumé entre la France & ^Empire
, embràfa l’Italie. Les deux monarques brûlans
du defir de fe fignaler l’un contre l’autre, écoutèrent
plus leur animofité que la juftice, 6c le bien des
peuples qu’ils facrifioient à leurs haines personnelles;.
Charles-Quint s’empara du Milanez, & en chaffa
Lautrec. Gênes fut afliégée & prife par les Impé-.
riaux. Une ligue entre le roi d’Angleterre Henri VIII
& l’empereur, fortifia le parti de celui-ci : il fut encore
corrompre le connétable de Bourbon, en lui
promettant fa foeur en mariage avec une dot confidé-
rable. Le pape Adrien VI , Florence & Venife fe
joignirent à lui. Bourbon, il eft v rai, fuy oblige de
lever le fiege de Marfeille ; mais Fontaràbie fut prife
par la lâcheté du gouverneur Bonni^et, battu à Bria-
gras en 1524, & l’année fuivante fe donna la fameufe
bataille de Pavie, oh François I. fut pris. On fait
combien cet illuftre prifonnier fe montra plus grand
dans fa captivité , que fon vainqueur qui le laiffa
traîner & languir de prifon en prilon, demanda une
rançon exorbitante, 6c propofa des conditions qu’il
lavo'it que la grandeur d’ame de François I. ne lui
permettroit pas. d’accepter, accompagna tous ces
procédés d’une fauffe démonftration d’amitié, dont
le roi feül fut peut-être la dupe, parce qu’incapable
lui-même d\me fi baffe diffimulation, il avoir encore
l ’ame trop généreufe pour en foupçonner fon ennemi.
Enfin CharUs, que la fortune avoit fécondé
jufqu’au point de le rendre maître d’un grand roi,
d ’un héros, événement qui fembloit annoncer une
grande révolution, ne fut pas en profiter ni pour fa
gloire, ni pour fon ambition. L’intérêt de fa gloire
auroit du le rendre plus généreux ; celui de fon ambition
exigeoit qu’auffi-tôt après la bataille de Pavie,
il attaquât la France avec une armée triomphante
qui auroit trouvé peu de réfiftance dans la confter-
nation générale oit étoit le royaume de la prife de
fon roi.
Tandis qu’il chicanoit en Efpagne avec fon captif
fur les conditions de fa liberté qu’il lui rendit enfin
fous des claufes très-onêreufes, par le traité de •
Madrid en 1526, l’Angleterre, les^Florentins & les,
Vénitiens fe aétachoient de fon alliance ; 6c le pape
Clément VII, touché des malheurs de François I ,
ou plutôt craignant l’énorme puiffance de l’empereur
en Ita lie,fe déclara contre celui-ci. Auffi-tôt Bourbon
marcha contre Rome ; il fut tué : le prince d’O-
range prit fa place. Rome pillée & faccagée éprouva
pendant neuf mois toutes fortes d’horreurs. Le pape
réfugié dans le château Saint-Ange, y fut retenu
captif par les Impériaux, 6c fut témoin de toutes ces
atrocités, fans pouvoir les empêcher. Charles-Quint
qui fut tenté de le faire mener en Efpagne , 6c qui
l’eût fait peut-être, s’il n’avoit craint de fe rendre
odieux à toute la Chrétienté, ordonna des prières
& des prôceflions pour la délivrance du faint pere,
qu’il pouvoit délivre? lui-même par une fimple
lettre. Enfin le pape, forti de fa prifon à' la faveur
d’un déguifement, ne dut qu’à lui-même fa liberté.
Il ménagea pourtant Charles-Quint ; il flatta même
fon humeur defpotique, en le.rendant arbitre du fort
de Florence qu’il fournit à la puiffance des Médicis.
Le traité de Cambrai, appellé la paix des dames,
pacifia la France & l’Empire, fans réconcilier les
coeurs des deux monarques. L’empereur accorda
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aufli la paix aux Vénitiens 6c au due de Milan. En
153 5 >.*1 pafla en Afrique ; la vi&oire le fuivoit.
Après la prife de la Goulette, il marcha droit à
T unis, 6c rétablit Muiey-Haffem. De retour de cette
expédition, il eut bientôt occafion de recommencer
la guerre contre la France. La mort de François
Sforce réveilla les prétentions de François I. fur le
Milanez. Charles-Quint étoit bien éloigné d’entendre
aucune propofition à cet égard. Au milieu d’une
feinte négociation, Rentre en Provence à la tête de
foixante mille hommes , s’avance jufqu’à Marfeille ,
ôc envoie en même tems une autre armée fous la
conduite de Henri deNaffaïl, ravager la Champagne
6c la Picardie. Une treve de dix ans conclue à Nice
en 1538, fufpend de ce côté les ravages de ce' fléau
des nations ; mais les Gantois révoltés parce qu’on
les dépouilloit de leurs privilèges, éprouvent fa colère.
Charles-Quint, obligé de paffer par la France ,.
pour aller les réduire, eut lieu de fe louer de la gé-
nérofité des François, vertu qui lui étoit fi étrangère,
qu’il la taxa de foibleffe 6c d’aveuglement. 11 avoit
pris néanmoins la précaution dejromettre au roi l’in-
veftiture- du Milanez pour un de fes fils. Le roi ne
lui parla point de fa promeffe pendant fon féjour
dans fes états. Charles lorti de France, i’oublia 6c fe
ligua avec l’Angleterre contre un prince dont il ve-
noit de recevoir l’accueil le pîus noble, 6c auquel il
avoit prodigué des démonftrations d’amitié. Cette
guerre ne lui fut pas aufli glorieufe que les précédentes;
fonarméefut défaite à Cérifoles: la paix fe
conclut à Crépi en 1545. Son expédition d’Alger
n’avoit pas été plus heureufe. .
Depuis plufieurs années le Luthéranifme remplifi
foit l’Allemagne de troubles; La maniéré dont l’empereur
fe comporta envers les princes proteftans,
ne Fut ni plus loyale, ni plus noble que fes procédés
envers le roi de France 6c ie pape Clément. Il
épuifoit les tréfors de l’Efpagne, fous prétexte de
fubvenir aux frais d’une guerre de religion, 6c d’ap-
paifer une guerre civile qu’il fomentoit pour diviler
les proteftans. La viâoire qu’il remporta à Mulberg ,
fur l’armée de la ligue de Smaleade, n’effacera jamais
la honte dont le couvrit l’injufte détention de
l’éleéteur de Saxe 6c du landgrave de Heffe. Uintérim
publié en 1548 dans ladiete d’Ausbourg, formulaire
de fo i , catholique pour le dogme, 6c favorable aux
proteftans pour la difcipline, ne fit que dévoiler
davantage les vues de l’empereur. La liberté de l’em-.
pire étoit menacée : la monarchie univerfelle rèndue
héréditaire dans la maifon d’Autriche, pouvoit feule
fatisfaire l’ambition de Charles ; au moins l’Europe
alarmée fe le figuroit. Les princes proteftans eurent
recours à Henri II. qui avoit fuccédé à François I. fur
le trône de France. Ce monarque arma en leur faveur.
Dès ce moment les affaires des proteftans fe rétablirent
en Allemagne. L’empereur furpris dans les
défilés d’Infpruck, penfa tomber entre les mains
des princes ligués. Charles devenu plus traitable,
offre à l ’éle&eur de Saxe de lui rendre la liberté que
celui-ci refufe enjouiffant de fon effroi, 6c ne voulant
devoir fon élargiffement qu’à ceux qui avoient
pris fa défenfe. Charles-Quint acheva de perdre fa
réputation devant Metz, dont il fut obligé de lever
le fiege après y avoir perdu plus de vingt mille
hommes, 6c la prife de Terouenne ne la.rétablit
point.
Ce fut alors que ce prince fe voyant en butte à
l’inimitié de prefque tous les fouverains de l’Europe ,
aigri par des revers auxquels il n’etoit pas accoutumé
, accablé d’infirmités, dégoûté peut-être d’une
vie tumultueufe, ou croyant aufli avoir déjà trop
régné pour fa gloire, prit l’étrange réfolution d’abdiquer
fon trône 6c l’empire. En 15 5 5 , il céda
la couronne d’Efpagne à Philippe fon f ils , avec,
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tous les royaumes qui en dépendoieht dans l’ancien
& le nouveau monde ; 6c l’année fuivante il abdiqua
la couronne impériale en faveur de .Ferdinand Ion
frere. Après cette abdication entière, il fe retira dans
une agréable retraite dans l’Eftramadure , quelques-
uns difent dans le couvent même de S. juft, de l’ordre
des Hiéronimites, 6c félon d’autres, dans une petite
maifon qu’il fit bâtir près de ce couvent. Il y mourût
en 1558. Ainli finit ce monarqüe qui remplit l’univers
entier du bruit de fon nom & de fes armés. A le
confidérer du côté de l’efprit, du courage,, de la politique,
il pourroit mériter quelques elogès; mais
l’équitable poftérité ne proftitue point fes louanges .
à des qualités qui ont troublé le repôs du monde
dont elles dévoient faire le bonheur.
C harles V I , archiduc d’Autriche, ( Hiß. d'Allemagne,
d'Hongrie & de Bohême') XLii. empereur
d'Allemagne depuis Conrad I , x x x v in . rpi de
Bohême , x l iï. roi d’Hongrie , II. roi héréditaire
de cette derniere couronne, né le premier o&obre
1685 , de l’empereur Léopold 6c de l’imperatrice
Èléonore-Magdelaine de Neubourg, élu empereur
d’Allemagne le 22 oftobre 1 7 1 1 , couronné le 22
decèmbre fuivant ; mort à Vienne le 20 octobre
’1740, âgé de 55 ans. .. . > . .
La mort de l’empereur Jofeph , fon Frere , fut
fuivie d’un interrègne de fix mois, pendant lequel
les élëfteurs Palatin 6c de Saxe, vicaires ordinaires
de l’empire , fe chargèrent du gouvernement dé
l’Allemagne : une diete qui fe ténoit à Welard pour
régler la capitulation perpétuelle , continua;, fes
'féances jufqu’au 7 juillet 1711 , qu’elle eut rempli
fa commiffion ; cette importante capitulation fut enfin
terminée. Les empereurs doivent religieufement
l’obfervef. Il fut défendu d’y faire aucun changement
; les électeurs fe réferverent feulement le droit
d’y ajouter des articles que le tems & les circonftan-
ces pourroient rendre néceffaires, 6c l’empire y
eonfentit, à cette condition râifonnable , que ces
articles ne pourroient préjudicier aux droits accordés
aux états, par les loix fondamentales. Cette capitulation
, entre autres articles, porte qu’aucun
prince , aucun état d’Âllemàgnë ne pourra être mis
au ban de l’empire, que dar le jugement des trois
colleges. Cependant l’arcnevêque de Mayence convoqua
les électeurs qui s’affemblerentà Francfort,
afin de donnérun fucceffeur à Jofeph. Le prince Eugene
s’approcha de cette ville pour la défendre des
infultes des François. Il y avoit ün grand nombre
des prétendans , mais tous furent obfcurcis par l’archiduc
Charles. L’Allemagne qui perfiftoit dans fes
projets de ruiner la maifon dé Bourbon, ne croyoit
pas pouvoir fe difpenfer de prendre un chef dans là
maifon d’Autriche, qui lui avoit porté les coups les
plus terribles. L’archiduc quitta l’Efpagne , fans cependant
abandonner fes projets fur cette Couronne.
Il reçut,à Milan la nouvelle de fon élection, 6c fe
rendit auffi-tôt à Francfort, oîi il fut couronné. La
guerre de là fucceffioh commençoit à perdre de cette
àÉKvité qu’elle avoit eue fous Léopold & fous Jofeph.
Les alliés de l’empire s’apperçurent qu’ils la conti-
nuôient fans motifs. Ilsàvoient fait payer bien cher
à Louis X IV , cette petite vanité qu’il avoit eue dé
vouloir les humilier ; leur inquiétude pour la maifon
d’Autriche fe réveilla : la Hongrie, la Bohême lui
étoient parfaitement foumifes. Cette maifon illuftre
& puiffantë poffédoit encore le Mantouan , le Milanez
, Naples & Sicile, 6c neuf provinces dans les
Pays-Bas ; ajouter l’Efpagfle à çés vaftès domaines ;
c’étoit vouloir renouer les chaînes qui avoient menacé
l’Europe, 6c qu’elle avoit eu tant de peines à
brifer. De toutes les puiffances alliées de l’empiré,
l’Angleterre étoit, fans contredit,la plus refpe&â-
ble. Eblouie par lçs briUaos fuccès de Malbçroug ;
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çette nation d’ailleurs fi fage, perdoit de vue fes
véritables intérês ; elle ne s’appercevoit pas qu’elle
ne combattoit que pour l’élévation de ce général.
Une intrigue de cour fit ceffer l’illufion : l ’envie, de
deux femmes changea le fyftême politique de l’Europe
& fit le falut de Louis X IV . Malboroug, la terreur
des François & le plus ferme appui des Allemands,
futrappellé parles follicitations de madame Masham,
dont le crédit étoit balancé par celui de la femme
de.ce grand général. La reine Anne affranchie de
l’efpece d’efclavage oti la tenoit .la- ducheffe de
Malboroug, adopta le plan de GuillaumeIII, qui,
pour rétablir la balance , vouloit qu’on laiffât l’Ef-
pagne à Philippe V , 6c que l’on affurât à la maifon
d’Autriche ce qu’elle poffédoit en Italie & dans les
Pays-Bas.Les préliminaires de cette paix, fifalutaire
6c fi defirée de la cour de Verfailjes , furent lignés à
Londres (o&obre 1711. ) , malgré (ïes oppositions
delà faôion de Malboroug,. desVigs., de la Hollande
6c de lamaifon d’Autriche. Les hoftilités ceffe-
rent en Efpagne de la p$rt de l’Angleterre. Les conférences
fe tinrent à Utrecht; les plénipotentiaires
François y firent leurs propofitions ( 6 février
1712. .) , iis offrirent de reconnoître Anne pour
reine de la grande Bretagne , de former une barrière
à la Hollande , de céder Landau à l’Empire, 6c de
laiffer à CharlesVI les deux Siciles , la Sardaigne&:
le Milanez': les Pays-Bas dévoient être donnés, à
l’éleêleur de Bavière pour le dédommager de là
perte du haitt-Palatinat.
Les membres de la grande alliance préfenterent
à leur tour, chacun, en particulier, les conditions
qu’ils mettoient à la paix : les prétentions du plus
grand nombre étoient exorbitantes. Ce fut en
cette occafion que Lo.uis XIV montra toute là
profondeur de la politique.; II promet une entière
fatisfa&ion aux plus modérés, il s’en fit des amis *
& en peu de,tems l’empereur & les états d’Allemagne
Furent privés de leurs principaux refforts: à la
fin de cette guerre qui leur promettoit tant d’avantages,
ils fe trouvèrent moins avancés qu’ils n’étoienf
auparavant de l’èntreprendre. Charles avoit d’abo.rd
refufé d’envoyer des plénipotentiaires au congrès.
« j ’ai, refoiu , difoit-il dans une lettré circulaire *
» de Faire tous mes efforts , d’expofer même ma per-
» fonne, pour le bien dé la eaufe commune, 6c de
» n’envoyer aucun miniftre pour conférer en mon
» nom dans un congrès dont les négociations nç
» pourront être que funeftes à ma chere patrie »; Il
perfiftoit à demander toute la monarchie Efpagnole ;
il vouloit encore qu’on dépouillât la France de tout
ce qu’elle avoit acquis par le traité de Munfter , de
Nim’egue & d è Rifvik. On voit qu’en foutenantles
droits de fa cherepatrie , il n’oublioit pas fes propre*
intérêts: mais fes prétentions ne fervirent qu’à retarder
la conclufion de la paix. Il fe vit enfin obligé
de confirmer le traité de paix de Rifvik ( 7 feptem*
bre 1714 ). La France en confervant Landaiî, rendit
Brifac, Fribourg & Kebl. On céda à l’empereur
les royaumes de Naples 6c de Sardaigne , les Pays-:
Bas & les duchés de. Milan & .de Màntou.e, qui
faifoient partie de la fucceffion de Charles I I , roi
d’Efpagne. Les éle&eurs de Cologne & de Bavière
furent rétablis dans tous leurs états; honneurs;
• biens 6c dignités leur furent rendus. Enfin tout refta
dans le même état où il étoit avant la guérie qui
coûta tant ae fang à l’Europe, fur-tout à la France
& à i’Aliemagne. Le duc d’Anjou, fous le nom de
Philippe V , refta fur le trône d’Efpagne, où il
commença une nouvelle dynaftie qui fubfifte encoré
pour îe bonheur de cet empire. L’année fuivante ,
Charles V I fit un nouveau traité, avec lès Provinces
unies ; ce traité fixoit les limites des deux
puiffances. Les États Généraux obtinrent le droit