
branche un peu au-deffous de Tarafcon , entraver-
fant les plus belles plaines de c es quartiers;
3°. Les moyens d’exécution. Le fieur Floquet,
en qualité de propriétaire de toutes les eaux de là
Durance par la ceffion que lui en avoit faite le fieur
baron de Forbin d’Oppede , à qui le roi les avoit
données, eft le.maître de prendre, avec le public ,
tels arrangemens qu’il voudra, & il propofé trois
moyens de s’intéreffer à l’exécution; le premier, en
achetant par foufcription telle portion d’eau qu’on
voudra à tant par denier d’eau ou fix lignes, payable
lors de lajouiffance paifible ; le deuxieme , en
fourniffant les fonds nécefl'aires pour la conftruc-
tion du canal d’après le plan commun & les condi-
tions du traité admifes ; le troifieme, en acquérant
du fieur Floquet, une portion d’intérêt Si des
aérions fur la propriété Si le revenu dudit canal,
lefquelles aérions ferviront à commencer Si parachever
une entreprife aufli utile.
Viennent enfuite les détails de ces trois moyens
dont il eft inutile de parler. Voye^ l’ouvrage^ imprimé
à Aix en 1643. Ëe même tuteur fit jjaroitre, en
1746 , le nivellement & devis eftimatif du canal,
z/z-40. de 150 pages, imprimé à Marfeille, qui contient
en détail tous les décomptes des différens travaux
à exécuter pour l’entier achèvement du canal,
Si qui devoit fervir de bafe aux divers traités qu’on
auroit pu faire avec les entrepreneurs.
Il ne feroit pas poflible de fuivre tojjsjes details
de cet ouvrage, qui eft fait avec le plus grand foin ;
il fuffit d’offrir les réfultats principaux.
i°. La longueur du cours du canal fera de 6845 5
cannes plus fortes que la toife; c’eft-à-dire, près de
23 lieues dé Provence.
20. La pente ou l’inclinaifon du terrein dans cet
efpace eft de 617 pieds 4 pouces Si demi, ou de
près de 103 toifes. ,
30. La dépenfe totale fe monte à 4800000 livres,
favoir : 2900000 liv. pour la valeur des différens
ouvrages parmi lefquels, outre tous les creufemens,
murs, chauffées, digues, &c. on compte quatre-
vingt-fept épanchoirs pour la furverfe des eaux fu-
* perflues du canal, foixante-cinq ponts pour rétablir
autant de chemins coupés par le canal, dont un en-
tr’autres pour le paffage des eaux fur la riviere d’Arc,
eftimé 120000 livres ; en deux cens quatre-vingts
aqueducs à une & plufieurs arcades , &c. &c. 800000
liv. pour l’achat du terrein par oit 1 e canal paffera,
Si autres frais; enfin un million pour les cas imprévu
s , &c.
40. Le nombre de.toutes les différentes efpeces
d’ouvriers néceffaires pouf la conftruérion, favbir,
maçons & tailleurs de pierre, manoeuvres pour le
crèufàge, roqueteurs, les pionniers, &c. fera de
2557125, journées pour l’exécutidn du devis ; lef-
dites journées évaluées féparément, fuivant l’efpece
d’ouvriers, les. maçons à 35 fols par jour (aujourd’hui
on paie-roit au moins 45 fols ) , les pionniers à
20 fols par jour, Si les manoeuvres à 12 fols.
50. Enfin le tems néceffaire pour l’achevement du
canal eft aifé à déduire du précédent article. Si les
entrepreneurs emploient deux mille ouvriers par
jou r, il leur faudra quatre ans Si trois mois, en
comptant trois cens jours utiles par année ; cinq ans,
s’ils n’ont que 1705 ouvriers ; fix ans en employant
1420 ouvriers, Si fept ans à 1218 ouvriers; mais
il n’eft pas poflible, à caufe des froids, des pluies ,
&c. de compter trois cens jours utiles dans l’an : ainfi
l’on ne rifque rien de fuppofer huit ans à 1200 ouvriers
employés journellement.
Malgré le zele du fieur Floquet, entrepreneur,
& tous les avantages que préfentoit fon plan, malgré
même les fecours que les aérionnaires avoient
Fournis, les dépenfes confidérables qui furent employées
fans fruit pour les premiers travaux depuis
Canteperdrix jufqu’à une lieue environ , ne Iaif-
ferent entrevoir que les difficultés de l’entreprile ,
Si ne fervirent qu’à augmenter la défiance du public,
ôç fur-tout du François , qui ne fe livre pas
volontiers aux objets de longue haleine. Pour ranimer
la confiance des uns, Si foutenir le zele des autres
, l’on imagina d’intérefl'er M. 1 (^maréchal duc de
Richelieu, Si le projet du canal fut^èpris avec plus
de vigueur que jamais, én 1751. Le 18 avril de l’année
fuivante, les principaux intérefles au canal s’af-
femblerent à l ’hôtel de M. le duc'de Richelieu, acquéreur
de mille aérions ou portions d’intérêts cédées
par le fieur Floquet pour ftatuer définitivement,
Si pour fuivre avec efficacité l’exécution du canal,
conformément à l’arrêt du confeil du 7 feptembre
2751, confirmatif de tous les anciens privilèges accordés
à la maifon d’Oppede , qui permet au fieur
maréchal & autres intérefles de faire conftruire un
canal en Provence, fous le nom de Richelieu, aux
charges Si conditions y énoncées. On y ftatua que
le canal d’Aix feroit appellé canal de Richelieu , du
nom de fon nouveau proteûeur; que chaque aérion
feroit rappellée par une fomme de 160 liv. On arrêta
les dettes paflives, les frais de régie, les bureaux
de la compagnie, la nomination des fyndics ,
les réferves du fieur Floquet, dont une entr’aurres
porte que dans le cas où le projet ne pourroit avoir
lieu, les aérionnaires ne pourront pas répéter le prix
de leurs aérions (chacune fut fixée a un 9600e de
l’intérêt to ta l), ni aucune autre indemnité, parce
que c’eft une loterie avantageufé, où l’efpoir d’un
gros gain compenfe le rifque d’une foible mife : il
Fut convenu, d’un autre côté, que le fieur Floquet
ne pourroit exiger une plus forte fomme de fes cef-
fionnaires , fi c e . n’eft de ceux q u i, préférant à la
précédente condition celle de ne rien hafarder pour
acquérir le droit d’affociation, font convenus de ne
payer qu’à mefure qu’on travaillera au canal ; Si
que dans le cas où les fufdits intérefles ne voudraient
pas payer les frais de régie , de conftruérion, Si qui
feront eftimés néceffaires par la compagnie , ou y e
Si par-defl'us le premier prix convenu de leurs intérêts,
la compagnie fera autorifée à aliéner, vendre,
hypothéquer telle portion de leurs intérêts en dé-
duérion du profit à elpérer, &c.
On dreffa en conféquence un mémoire inftruérif
qui comprend , outre les objets détaillés ci-deffus,
i°. tout ce qui concerne la nature, la fpurce Si la
dérivation du canal de Richelieu., d’après la carte
levée par l’abbé d’Expilly ; 20. la preuve de la pofli-
biliré par l’expofé de tous les nivellemens antérieurs,
& des différens procès-verbaux des ingénieurs ; 30.
les avantages des divers canaux, foit à Manofque ,
foit à Cadenet, foit à N oves, foit pour les ponts ab-
folument nécefl'aires , Si que le canal perfeérionné
rendra d’une plus facile exécution,; 40. les preuves
que , fans attendre l’entier achèvement dit nouveau
canal de Richelieu , il fera utile Si profitable dès (on
principe Si à mefure qu’on avancera fa conftruérion,
parce qu’il portera toujours avec lui la fertilité, eu
arrofant un pays aride, parce qu’il procurera tout
de fuite des revenus , chaque partie pouvant fuccef-
fivement former d’elle-même un canal achevé, dont
les ea,ux peuvent être vendues Si employées en ar-
rofemens pour améliorer les terres où elles feront
répandues; parce qu’enfin les eaux fuperflues peuvent
toujours être rejettées dans les'divers torrens
qui traverfent la route que le canal doit fuivre; Si
après ces arrêtés, on reprit les travaux en 1751- On
fit des foffés, des ponts , &c. mais depuis longues
années on n’y travaillé plus , Si l’on ignore au vrai
les motifs qui ont fait fufpendre l’exécution d’un
projet doublement utile, foit pour les arrofagesdans
un pays oii Ils. font indifpenfables, foit pour le corn-’
aperce & la navigation. En prenant lçs eaux de a
Durance à travers le roc de Canteperdrix, dans la
paroifle dé.Jonques, à quatre, lieues nord-eft d'Aix :
avantagé unique, dit le fieur Floquet, qui rendra à
jamais la prije des eaux immuable & hors £ atteinte de
toutes les inondations cauféespar cette riviere ; le.canal
qui les recevra aura fon cours par les terroirs de
Jouques, Peyrolles, Meyrargues , Venelles, le Puy-
Arnajon,Sàint-Efteve,Rogues,Saint-Cannat,Eguilles
Si au-deffus de la ville d’Aix. On établiroitdeux baf-
fins de partage, le premier près de Janfon, qui cond
u is it au Rhône près Tarafcon par la Manon SiS.
Rem y , en fuivant à-peu-près la direérion du canal
de Craponne ; le fécond baflin, placé près d’Ëguillès,
joindroit la mer de Provence à la mer de Martigues,
fi le canalprojetté du port de Bone au Rhône avoit
lieu ; l’autre branche du canal qui pafferôit au-deffus
de la ville d’A ix , feroit conduit par Tholonet, Mey-
reveil, Gardane, Boue, Cabrie Si Septemes jufqu’à
Marfeille, où il dégorgeroit fes eaux dans la rade
de cette ville. Au moyen de ce canal, les marchan-
difes defeendroient de Lyon à Marfeille toujours par
eau, fans que les bateaux de tranfport fuffent obligés
de paffer par les bouches du Rhône, toujours
dangereufes dans la paix comme dans la guerre.
Pour completter tout ce qu’il importe de favoir fur
ce canal, il y faut joindre la leéture du dernier écrit
que le fieur Floquet publia en 1764 fur l’objet, la
nature Si les avantages de cette enlreprife, les arrangemens
avec.une nouvelle compagnie, & enfin
l ’état aéluel du projet, qui n’eut pas plus de fuite
que dans les précédentes tentatives. Les deux premières
parties de ce mémoire curieux font tranf-
crites en entier par M. l’Abbé d’Expilly, au mot P r o v
e n c e .
Le favant P. Bertier, qui a dreffé la carte de ce canal,
d’après laquelle je viens d’en tracer la route ,
m’écrivit au commencement de 1772 , que le fieur
Floquet, auteur de ce beau projet, étoit mort de
douleur de le voir fans exécution ; fort ordinaire de
ceux que le zèle du bien public enflamme , Si dont la
mauvaife fortune ou l’envie contrarient les vues patriotiques.
Le fieur Floquet ajlprouvoit fort l’idée du
pere Bertier, qui étoit de fe contenter de détourner
au pas de Canteperdrix, par une des embrafures du
vallon , qui font fort baffes du côté d’A ix , la plus
grande partie des eaux de la Durance dans la baffe-
Provence , vers laquelle eft la pente des terres où
font les bonnes villes Si où le terrein eft fec Si chaud.
On forceroit enfuite la Durance à fe creufer elle-
même un ou plufieurs lits vers Aix Si Marfeille , Si
on en laifferoit couler un petit bras vers Avignon ,
& toutes les vaftes campagnes qirelle enfable Si
dévafte de ce côté-là deviendroient fertiles. « Voilà
( continue le pere Bertier dans la lettre qu’il m’écrit
à ce fujet ) ce que M* Floquet trouvoit faifable ,
plus court, moins difpendieux, plus utile que l’ancien
projet de tirer un canal depuis Canteperdrix
jufqu’à Aix Si Marfeille dans un terrein tout entrecoupé
de montagnes : mais voilà qui ne fera jamais
qu’une idée; je fais bien que fi j’avois deux cens mille
livres de rente je ne les mangerois pas en équipages,
laquais Si autres folies, je les employerois à faire
ce bien à l’humanité & à ma Province ».
On doit fe garder de confondre le canal dont je
viens de tracer l’hiftorique avec celui de Donzerre,
propofé en 1718 , fous le nom de canal de Provence.
Il s’agiffoit alors de tirer un nouveau canal de navigation
Si d’arrofage , depuis la paroifle de Donzerre
Fur le Rhône en Dauphiné , jufqu’à celle de Saint-
Chamas en Provence; il traverfoit toute la plaine du
comté Venaifluv, qu’il auroit arrofée Si rendue très-
fertile. Il devoit paffer à Avignon , où il fe replioit
vers Cavailles, en prenant la route de Sorgues ou de
la Durancole, au-deffus de Cavaillon , près de Me-
rindol ; il devoit couper la Durance Si paffer par Salon
pour arriver à Saint-Chamas , où il fe terminoit
dans l’étang de Berre , qui communique à la Méditerranée
; il auroit traverfé quarante lieues de pays ,
en lç fuivant dans fes contours. Son utilité ayant été
mife dans le plus grand jour Si fous les apparences
les plus fpécieufes par le fieur Cyprian d’Avignon ,
il fe forma facilement pour l’exécution du projet,
une nombreufe compagnie d’aérionnaires qui dépo-
ferent bientôt des fonds confidérables : mais le fieur de
Regemote , ingénieur-député par la compagnie pour
vérifier fur les lieux la poflibilité du canal, y trouva
tant de difficultés que la compagnie abandonna l’en-
treprife. M. Thomaflin dit dans fes lettres fur les canaux,
que ce projet fit beaucoup de fracas à Paris,
qu’on y donna tête baiffée , Si que les premières puif-
fances voulurent en être propriétaires ; qu’en peu de
tems il y eut plus de cinq millions dépofés chez le
fieur Croifat, qui en étoit le tréforier : on obtint
même des lettres-patentes fur arrêt du confeil du 4
mai 1718. Il ajoute que le fieur Cyprian , proto-notaire
à Avignon , n’étoit que l’annonciateur du projet
, qui avoit été fait par M. d’Allemant, gentilhomme
Provençal : qu’à Marfeille, Avignon , Aix Si
L y o n , on ne voulut point prendre d’aérions dans
cette affaire, parce qu’on étoit plus à portée d’en
connoître les inconvenienSj&c. Cependant on m’écrit
de Provence que ce canal étoit aufli utile que praticable
; qu’il auroit été exécuté fans l’oppofition de
la cour de Rome ,qui ne voulut point permettre le
paffage par les terres du Comtat, & qu e les aérions
en furent tranfportées par arrêt du confeil fur le canal
de Picardie.
Quelques années avant qu’on eût propofé le canal
de Donzerre en Dauphiné, on avoit exécuté
dans la même province, vers le commencement du
fiecle, un autre canal (Carrofage qui fécondoit la
belle plaine de Pierrelatte en Dauphiné ; mais la di-
vifion s’étant mife entre les propriétaires , on négligea
de fournir aux frais des recuremens fréquens des
terres Si des fables qui y étoient pouffés par les
débordemens du Rhône, ce qui a fait combler le canal
& en a interrompu lé cours.
On n’a jamais ceffé de s’occuper en Provence des
projets de c anaux.d’arrofâge, parce qu’on y fentplus
qu’ailleurs la néceflité d’arrofer les terres : la raifon
en eft fort fimple. Il pleut rarement en Provence, Si
il fe trouve en fond principalement depuis Beaucai-
re. jufqu’à la mer, plufieurs couches de terres falées
Si amères, qu’on nomme fanfouire dans le pays ; ce
qui échauffe prodigieufement la fuperficie dans les
chaleurs, brûle toutes les plantes qui s ’y trouvent;
Si cela au point qu’il faut femer les grains de très-
bonne heure., afin qu’ils aient le tems de mûrir avant
l’arrivée des grandes chaleurs ; on n’y peut femer
qu’après les pluies , qui font fiifer les terres comme
la chaux. On trouve dans ces terres du fel marin en
fi grande abondance, qu’on en tire fuffifamment
pour fournir plufieurs provinces , Si qu’il s’en for-
meroit affez pour l’ufage de tout le royaume s’il étoit
néceffaire. Ces différens cremens de terre falée ,
qui ont été couverts poftérieurement d’autres atter-
riffemens de limon Si de terre douce amenée par les
débordemens fucceffifs du Rhône, donnent lieu de
penfer que l’efpace de Beaucaire jufqu’à la mer,
n’étoit autrefois*qu’un golphe ou bras de mer dans
lequel fe déchargeoït le Rhône.
Il eft aifé de juger, après une telle expofition du
local, que les arrofemens faits à propos font indifpenfables
dans toutes ces terres à droite Si à gauche
du Rhône, depuis Beaucaire jufqu’à la mer, ce qui
comprend la Canjargue, &c. &c. M. Virgile , dont