
dans le cendrier ; ou fi elle refte fufpendu'é dans le
Four, il l’aide à tomber avec le manche de fa pelle :
il l’enleve à la pelle par toutes les gueules Tune après
l’autre. Ces ouvriers prétendent que s’ ils tiroiént la
chaux par une feule gueule, il n’y auroit qu’un côté
du four qui fe vuideroit de la chaux faite^, 6c
que les pierres du four ne s’âffaifferoient pas également
; au lieu qu’en tirant par toutes les gueules ,
la malle entière defcend uniformément fans le déranger.
Ceci me paroît vrai dans les fours de Tournai,
qui font beaucoup plus grands qu’ailleurs, & dont le
pied eft autrement difpofé ;mais j’ai fouvent oblervé
comment fe fait cet affaiffement dans les fours côni-
ques de la Flandre, pendant l’extra&ion de la chaux:
comme l’entonnoir n’a qu’environ vingt-quatre pouces
d’orifice par le bas , ce font toujours les pierres
les plus voifines de fon axe qui tombent le plus vite 6c
fur un diamètre à-peu-près égal à cet orifice inférieur,
par quelque gueule que l’on décharge le four; en forte
qu’il fe forme toujours à lafurface fupérieure un
encuvement de huit à dix pouces plus profond auprès
de l’axe , que vers les bords , fur un affaiffement
total de dix-huit pouces réduits : en même tems toutes
les autres pierres de la furface voifine des bords
fe retournent & font un mouvement comme pour
rouler vers taxe. Cela eft arrivé de même& devoit
être, lorfque j’ai fait tirer la chaux par une feule
gueule. Leur multiplicité eft donc utile par la facilité
qu’elle donne pour gouverner le feu félon les
vents , 6c fur-tout pour dépofer la chaux à couvert,
tout autour d’un grand four ; mais une feule gueule
fuffiroit pour tirer la chaux.
Le chaufournier continue à tirer la chaux , jufqu à
ce qu’il la voie tomber mêlée de feu : c’eft à cet indice
qu’il reconnoît ordinairement la quantité de
chaux faite , qu’il peut enlever de fon four : le feu ne
pourroit par aucun moyen rétrograder vers le bas ,
dont toute la houille eft confumée 6c le phlogiftique
diflipé : la pierre d’en-bas eft donc ou totalement
calcinée , ou hors d’état de l’être mieux à cette place
, lorfque le feu l’a abandonnée ; on peut la retirer.
Cependant quand il a fait un grand vent 6c de durée,
le feu peut être monté trop rapidement & avoir
abandonné le pied du four fur une fi grande hauteur,
qu’il y auroit de l’inconvénient à en retirer toute la
chaux qui fe trouve refroidie. Alors la première qui
eft encore enflammée , s’approchant fort près de
l’orifice inférieur oii le tirage de l’air froid fait fon
impulfion la plus violente, feroit aufli trop tôt abandonnée
par le feu ; la houille qui l’accompagne feroit
confumée trop vite : le feu continuant à monter rapidement,
une grande partie de la pierre ne feroit
pas bien calcinée, comme il arrive aux premières que
l’on tire de ce four. Le chaufournier qui connoît le produit
ordinaire de fon four 6c les accidens de Pair,
n’en retire donc alors que ce qui leur eft proportionné
, 6c a foin de mouiller fa houille fi le feu va trop
vite.
Le vuide que laiffe au fommet du four la chaux tirée
par les gueules, fe remplit auffi-tôt par de nouvelles
charges 6c charbonnées ; mais il faut en réparer
auparavant lafurface inégale. Il y jette d’abord
une charbonnée ; puis il enfonce fa lance de quelques
pieds le long des parois du four , & en la faififfant
par fon oe il, il s’en fert comme d’un levier avec lequel
il fait effort contre le bord du four pour foule-
ver 6c retourner les pierres, qui par ce moyen fe
rapprochent de l’axe 6c recomblent l’encuvement qui
s’y étoit formé. Ces efforts de la lance exigent un
point d’appui folide aux bords de l’entonnoir qui
doit avoir été, par cette raifon , couronné de bonnes
6c fortes pierres, pour n’être pas détruit en peu
de jours. Il fait la même manoeuvre tout autour, 6c
rejette même vers l’axe avec une pelle les pierres de
la bordure , pour réformer le bombage au lieu d’#>n-
cuvement ; après quoi il répété la charbonnée 6c les
charges de pierres alternatives jufqu’au fommet du
four , comme le premier jour.
Lorfque le tems eft calme, 6c par-là très-favorable
à l’égalité de la calcination dans toutes les parties du
four, le feu s’évafe davantage, & fe déclaré encore
plutôt aux bords que vers l’axe du four : alors, au
lieu de bombage, on charge les. bords de quelques
pouces plus haut que le milieu. _
Depuis le moment oit l’on tire la première chaux,
ce font toujours les mêmes mouvemens à-recommencer
, tant que le four refte allumé ; c’eft-à-dire ,
tant que dure la confommation de la chaux, que l’on
foutire journellement, à mefure qu’elle fe fabrique
, cpmme on le pratique aux fourneaux, oh,
l’on fépare les métaux de leur minéral : aufli les
chaufourniers appellent-ils Cès fours à chaux , fours
coulans. On voit que l’opération a pour but ic i,
comme dans les fourneaux à briques , de faire
féjourner un certain dégré de chaleur dans chaque
partie du four pendant un tems fuffifant ; 6c qu’il
faut que le feu par fon intenfité, ou par fa durée ,
fôit proportionné à la réfiftance de la pierre qui
fe calcine plus ou moins facilement, félon fon volume
6c fa dureté ; que le chaufournier a fouvent à
vaincre les obftacles des vents, de la pluie, 6c même
de la houille, qui tendent tous à déranger l’équilibre
néceffaire dans fon four. C’eft à quoi font relatifs
tous ces procédés, qui font les mêmes, ou à
peu-près > pour tous les fours que j’ai vus de ce
genre, 6c dont je ne détaillerai pas les petites différences.
Du chommage de ces fours allumés-. Dans le cas
d’une exploitation ordinaire, on ne travaille à ces
fours à chaux, ni la nuit, ni les dimanches & fêtes:
On en tire tous les jours la chaux, le matin 6c le
foir, 6c quand le four eft rechargé, il n’y a plus rien
à y faire. Mais lorfque l’on doit pafler un jour entier
fans en tirer, il faut difpofer le four de façon à
empêcher le feu de monter aufli vite qu’à l’ordinaire.
Cette précaution confifte à jetter au centre
de fa furface une charbonnée de deux ou trois pouces
d’épaiffeur & de deux pieds de diamètre, que
le chaufournier entaffe en la piétinant, quelquefois
en la mouillant, 6c qu’il recouvre d’un lit de même
épaiffeur, formé des plus menus éclats de pierres :
enfuite il ferme toutes les gueules du four. L’ancien
chaufournier, dont j’ai parlé, m’a dit à cette occa-
fion, qu’ayant été obligé quelquefois de fufpendre
fon travail, foit pour attendre de la pierre à chaux
ou de la houille, dont il manquoit, foit par quel-
qu’autre raifon, il avoit ralenti fon feu , au point
d’être douze jours entiers fans toucher au fou r , 6c
fans autre accident que d’avoir tout au plus quelques
pieds cubes de pierres mal calcinées. Il faut
alors fermer de même les gueules du four, 6c faire
j fur le total de fa furface , ce que l’on fait feulement
! autour de l’axe pour le chommage d’un feul four ;
! c’eft-à-dire , ne la'ifler fubfifter pour le feu , que le
moins d’évaporation poflible fans l’éteindre.
Lorfque les barreaux volans du grillage au pied
du four ont été une fois enlevés pour l’extraélion
de la chaux, il n’eft plus néceffaire de réformer ce
grillage, que tous les huit ou quinze jours, pour
I nettoyer le cendrier : hors ce cas* la chaux porte
fur le fond du cendrier fans aucun inconvénient.
Quand il faut remettre ces barreaux en place, le
chaufournier les chaffe à coups de mafle à travers la
chaux par une des gueules, jufqu’à ce qu’il les ait
affez enfoncés* pour être fûr qu’ils porteront fur la
traverfe E de l’orifice du four, ou jufqu’à ce qu’ils
fortent par la gueule oppofée, fig. 5 , même planche ;
6c dès qu’il a nettoyé le cendriçr, il arrache de
nouveau çesbarreaux. Cet ufage eft meilleur que celui
de conftruire, comme à Valenciennes 6c ailleurs,
un grillage dormant, qui gêne fouvent la chute de
la chaux, plie fous le fardeau des pierres, 6c oçca-
fionne des dégradations au four.
De la cendrée. Le cendrier s’engorge de tems en
tems par les cendres de la houille qui s ’y amaffent,
fur-tout dans les intervalles entre les gueules, 6c
empêchent la chute de la chaux. Le chaufournier
met foigneufement ces cendres à part : elles font
mêlées de beaucoup de menus morceaux de chaux,
q u i, avec les fels fixes de la houille, les rendent
propres à faire un excellent mortier fuffifamment
connu fous le nom de cendrée. Comme on ne veut
point en perdre, on fe fert aux grands fours d’une
pelle percée de trous à pafler le bout du doigt -, pour
tirer la chaux du four, 6c on en fait tomber toute la
cendrée fur un tas particulier, avant de mettre la
chaux dans les mannes pour la tranfpprter. Cette
cendrée eft eftimée pour enduire les citernes, les
ca ve s, &c. même quoiqu’elle provienne de fours
oii la chaux faite de pierres blanches eft de peu de
qualité, au lieu que les cendres des fours à chaux oh
l’on brûle du bois, ont été reconnues ne rien valoir
dans la bâtiffe. Il fort des fours à la houille â-peu-
près une mefure de cendrée contre deux mefures de
chaux; 6c elle fe vend en plufieùrs endroits, au
moins moitié du prix de la chaux.
Des déchets fur la chaux de ces fours. Les chaufourniers
domeftiques, qui ne travaillent pas pour
vendre la chaux, ont encore foin de trier au fortir
du four tous les morceaux qui contiennent de la
pierre non calcinée; l’habitude la leur fait connoître à
l’oeil, & jamais ils ne s’y méprennent au poids. Ils les
amaffent auprès du fou r, les arrofentd’un peu d’eau,
& en retirent tous les noyaux pour les remettre au
four. La plupart d’entre eux rejettent aufli comme
déchet, lés roches du four, qu’ils appellent la chaux
brûlée. Dans là chaux qui fe vend,on laiffe toutes
ces non-valeurs, ainfi que celles dont le fabricant
même auroit peine à fe garantir, qui font les veines
de boufin, ou autres matières non calculables, qui
font fouvent mêlées avec la pierre ,& qu’il feroit
quelquefois trop coûteux d’en vouloir féparer.
Par ce moyen, il n’y a pas de déchet pour les
Chaufourniers marchands fur la pierre dure qu’ils
convertiffent en chaux : la toife de cette pierre leur
rend au moins une toife de chaux en menus morceaux.
Le déchet tombe en entier fur les gens qui
l’achetent, 6c eft proportionné à la bonne foi du
chaufournier qui peut y avoir épargné plus ou
moins la houille 6c fes foins. Quand on la fait faire
fous fes yeux fur les carrières, en choififfant toutes
pierres vives 6c bien nettes, 6c avec une économie
bien entendue , il n’y a non plus aucun déchet : partout
ailleurs, 6c en paffant par les mains de commis,
on doit compter lur une diminution de la pierre,
que j’eftime d’un vingtième à un quinzième fur toutes
les efpeces de pierres dures que j’ai vu calciner.
Du rendage *„•.ou produit de ces fours en chaux.
Lorfqu’un tel four eft bien allumé, que la houille
eft égale ou homogené, 6c de bonne qualité, il peut,
par un tems favorable,.produire chaque jour en
chaux de pierre dure jufqu’à la moitié de la pierre
dont il eft chargé : quelquefois'fon produit né va qu’au
tiers ; 6c fi la houille eft de peu de force, il rend encore
moins. Un four de 6oo pieds cubes peut donc
fournir communément • 1620 pieds cubes de chaux
parfémaine de fix jours de.travail,& expédie beaucoup
plus qu’aucun de ceux à grande flamme.
J’ai remarqué que les fours.coniques du pays, de
Liege, dont l’entonnoir a ordinairement quarante à
quarante-cinq pouces de diamètre par le bas, con-
fome I I ,
fomment plus de houille que ceux de là Flandre, &
ne rendent par jour, rédudion fnite,qu’un cinquième
de ce qu ils contiennent. Cette observation, jointe
à la néceflité fréquente de gouverner le tirage ou
courant d’air du fou r , me fait croire qu’ils font
mieux conftruits lorfque cet orifice inférieur n’a
qu pnviron vingt-quatre pouces de diamètre.
Des hommes néceffaires à ces fours. Un feul chaufournier
avec douze ou quinze hommes, peut conduire
à la fois trois de ces plus grands fours, dont il
ne fait que les charbonnées , & commande toutes les
autres manoeuvres ; mais il faut que la pierre ait été
toute brifee, ou qu’il y occupe encore douze ou
quinze enfans, & il lui faut fur chaque four au moins
io o mannes toujours pleines de pierres, pour que
rien ne languiffe. Trois hommes fuffifent en tout
pour un petit four bourgeois.
Confommation de la houille pour ces fours. La proportion
réduite entre la pierre dure 6c la houille néceffaire
pour la convertir en chaux, me paroît être
de 6oà 65 pieds cubes de houille par toife cube de
pierres dutoifédes carrières. Malgré l’obfcurité que
tous les chaufourniers tâchent de répandre fur cette
confommation, j’ai reconnu que certaines pierres
exigeoient jufqu’au tiers de leur cube d’une même
houille, dont d’autres pierres ne demandoientqu’un
fixieme, quoique ces deux extrêmes m’aient paru
rares. Dans les houillieres du pays de Liege 6c du
Hainaut, on diftingue deux qualités de houille,
dont la moindre fe nomme houille à chaux & a briques
: mais différentes épreuves me font penfer que
la houille la plus aâive n’eft pas dangereufe au fuccès
de la chaux comme elle l’eft dans les fourneaux à
briques. Les effais de fa qualité peuvent fe faire d’autant
plus fûrement dans chaque“' province par les
chaufourniers, qu’il me paroît n’y avoir rien à craindre
dans ce four de la part d’un excès de feu, comme
on le verra plus bas.
De la dépenfe pour fabriquer la chaux dans ces fours,
/Les prix courans en 1765 , aux fours à chaux du
Boulonnois, font :
Pour une toife cube de pierfe tirée
de la c a r r iè r e ,............................. 4 liv. 10 f.
Pour la brifer en éclats, . . . . . 6 liv.
Pour la brouetter au f o u r , .............. 1 liv.
Pour 66 pieds cubes au plus de
houille, à 7 f o l s , ......................... 13 liv. 2 f.
Pour la main-d’oeuvre de la calcination,
............................................... 9 liv.
Total pour une toifp cube de pierres
calcinées.................. ,....................... 43 liv. 12 f.
En fuppofant qu’elle ne produisît que 200 pieds
cubes de bonne chaux triée, elle reviendroit à 4 fols
le pied cube.
Cette chaux fabriquée à Gravelines, Dunkerque
6c Bergues, avec les mêmes matières, y coûte environ
10 fols le pied cube, fans y comprendre la
conftruftion ou le loyer des fours ; 6c comme les
bois n’y font pas au-deffous de 3 ^ liv. la corde, mais
fouvent plus chers, elle y reviendroit au moins à
20 fols le pied, fi on lafabriquoit à la grande flamme.
Charge & conduite de ces fours en pierres tendrei.
Si c’eft en pierres tendres que l’on charge ces fours,
on peut en général les calciner en plus gros morceaux
que la pierre dure, & faire les charges plus
épaiffes. Il fe rencontre des carrières dont la pierre,
quoique fendre, réfifte beaucoup à la calcination,
lorfqu’elle eft reftée long-tems à l’air, 6c fur-tout au
foleil. Les chaufourniers, bien moins curieux de
favoir fi la chaux n’en feroit pas meilleure que d’y
dépenfer moins de houille, ont foin de la mettre au
four tout le plutôt qu’ils peuvent après fon extraction
de la carrière ; ou bien ils l’arrofent * ainfi que
B b b ij