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le véritable ; ma’rs l’excès du rafineinent eft de
>> tromper par la vérité même ». Cours de Tactique,
maximes gêner aies*
III. Dès que la réfolution eft prife pour quelque
opération importante, l’exécution doit fuivre de
près. « Exécuter promptement & avec vigueur, dit
» Montecuculli, ne plus écouter ni- doutes, nifcru-
» pules, & fuppofer que tout le mal qui peut a'rri-
» ver n’arrive pas toujours, foit que la providence
:» le détourne , ou que notre adrelTe l’évite, ou
» que l’imprudence de nos ennemis faffe qu’ils ne
•» profitent pas de l’occafion. Mém. de Montecuculli >
'liv. I. chap. 4. art. 7.
» La vîteffe eft bonne pour le fecret, parce qu’elle
» ne Iaiffe pas le tems de divulguer les chofes.
» Courir à i’improvifte fur l’ennemi qui n’eft pas
» fur fes gardes, le furprendre, 6c lui faire fentir la
» foudre avant qu’il ait vu l’éclair.
» L’interpofition de la mer, d’un fleuve, d ’une
» montagne -, d’un partage difficile, en en mot l’éloi-
» gnement fert à cela ; toutes ces chofes rendent
» l’attaqué négligent, fur la fauffe confiance qu’il n’a
» rien à craindre.
» Il faut laiffer derrière , éri iin lieu sur, tout ce
qui peut apporter du retardement,comme les ba-
| gages, la groffe artillerie, 6c quelquefois même
» l’infanterie , ou bien la mettre fur des charrettes^
» fur des chevaux , ou en croupe de la cavalerie.
>> Marcher en diligence, la nuit, par des chemins
» fecrets 6c peu battus.
» La vîtelfe fut la vertlt particulière d’Alexandre
» 6c de Céfar, 6c dans la vérité elle produit des
» effets merveilleux : l’ennemi ne fe croit en sûreté
» nulle part, 6c l’on faifit le moment favorable de
» chaque conjoncture ». Montecuculli, liv. J. chap.
C. art. 3-. Alexandre interrogé comment, en fi peu
d’années, il avoir terminé tant de chofes 6c fi importantes
, répondit, en ne remettant pas au lendemain ce
que je pouvois faire le jour même.
Lorfque les ennemis s’affemblent de plufieurs provinces
, il ne faut point attendre qu’ils foient réunis
pour les combattre-. S’ils font difperfés, 6c qu’on
les furprenne dans leur marche, on eft sûr de les
défaire entièrement.
» IV. Les entreprifes mûrement délibérées , 6c
» qui fe font à propos, ont une bonne iffue : mais
» l’expérience nous apprend que tout ce qui fe fait
» témérairement , avec précipitation , ne réuffit
» point 6c caufe de grands maux. ». L'empereur Léon,
In/iitution X X . Il faut donc que toutes les démarches
foient mefurées , combinées les incidens
prévus»
» V. La prudence, dans les projets, pefe tous
» les moyens , voit tous les obflaeles, & compare
» avec eux les poflibilités. Mais il y a une forte de
» rafinement dans la prévoyance qui eft très-dan-
» gereux : il ne fe contente pas d’appercevoir les
» incidens, il en multiplie les circonftances, il grof-
. » fit les écueils, 6c jette dans l’incertitude. Get excès
» de circonfpeélion rend timide, 6c fait manquer,
» par la lenteur, les plus belles occafions. Ce défaut
n eft celui des efprits trop fins 6c trop fubtils, qui
» font plus propres pour' conduire des deffeins fe-
» crets par la rufe 6c l’intrigue , qu’à former des
» entreprifes ouvertes où il faut de l’audace 6c de
» la promptitude. C’étoitle cara&ere d’Aratus, ce
» général des Achéens, qui remplit, dit Polyfie,
» tout le Péloponefe des trophées de fes défaites. Il
» faut donc prendre garde d’être trop défiant dans
» toutes fortes d’affaires. Il y a des bornes à la pru-
» dence : les principaux obftacles levés ou prévenus,
» on ne doit pis fe laiffer arrêter par mille petites
» portabilités ». M. de Maizeroy, Traité de Tactique,
maximes générales, n°, 3 5.
>> VI. La hardieffe 6c la prudence doivent toù-
» jours aller de concert : mais il eft des cas oh là
» prudence confifte à fupprimer des précautions né-
» ceffaires en d’autres tems. Agamemnon, voyant
» fon camp forcé par les Troyens, propôfe de met-
» tre les vaifl’eaux à l’eau, pour s’embarquer fi l’on
» ne peut repouffer l’ennemi i jîvous le faites , lui
» dit Ulyffe , vos foldats ne penferont plus à fe battre ,
» ils courront vers les vdiffeaux, & tout fera perdu»',
~Le même.
» VII. Un côurtifan, trop fenfible aux difgraces,
» craint de hafarderfa fortune, 6c n’ofe rien entre-
» prendre qu’à coup sûr : s’il eft mal-habile, il fera
» battu avec toute la Crrconfpeftion. Un général, un
» officier même, doivent, c e me femblé, joindre à
» la capacité, cette audace que forme le defir de la
» gloire, 6c cette philofophie qui réfigiie à tout évé-
» nement ». Le même.
VIII. Il fa u ta v a n t que de rien entreprendre ^
former fes magafins dans différens endroits, 6c à
la proximité de l’armée-, & fe procurer les moyens
de les tranfporter facilement d’un lieu à un autre 1
avoir des guides qui aient une connoiffance exaftè
du pays, qui s’accordent fur les chemins, les partages,
débouchés , &c. les diftribue'r par-tout où ils
feront néceffaires, 6c les faire garder foigneufementi
avoir des efpions qui foient tous gens de confiance,
& qui ne fe connoillent point les uns les autres pour
ce qu’ils font.
» IX. Quand on porte la guerre chez l’ennemi 9
» la réglé eft de s’emparer des premières fortereffesj
» pour ne rien laiffer derrière foi» Néanmoins oh là
» viole quelquefois pour nè pas perdre fon tems ; ni
» fe confumer à l’attaque de plufieurs places. On
» va droit à la capitale : cela demande une armée
» puiffante. Malgré cela on rifque d’échouer fi l’en-
» nemi a des forces en campagne, à caufe de là diffi-
» culté de garder fes communications. Lé prince
» Eugene réuffit au fiege de Lille par l’incapacité du
» général Lamothe ; mais il manqua Celui de Lan-
» drecy, parce que le maréchal de Villars fut lui
» dérober une marche, & battre fon corps porté à
» Denain fur l’Efcaut , avant qu’il ait pu être fe-*
» couru ». M. deMaizeroy , Cours de Tactique, maximes,
» X. II paroît plus prudeht d’aller pied-à-pied ;
» en ne laiffant point de places importantes derrierë
» foi. II ne faut pas cependant en garder un trop
» grand nombre quand on les a conquifes. On affoi-
» blit fon armée , 6c l’ennemi venant à fe renforce^
» par les fécoürs qu’il reçoit, on fe trouvé réduit à
» la défenfive : c’eft ce que Louis XIV. éprouva
» dans la guerre de Hollande en Î672 ». Le même.
XI. « Dans les entreprifes que Ton forme, il eft
»toujours avantageux d’être maître d’une rivière na-
» vigablé, fur-tout fi elle coule du eôté de l’ennemi ;
» elle facilite le tranfport des munitions & des fubfif-
» tances, 6c fert auffi de points d’appui. Guftave
» Adolphe avoit pour maxime de ne point trop s’éloi-
» gner des groffes rivières ». Le même. ,
XII. « Une armée ne doit jamais rien entreprendre
» fans avoir fes communications affurées avec les pla*
» ces d’où elle tire fes convois. Les corps qu’elle dé-
» tache doivent les conferver avec elle ; 6c dans toute
»occafion à la guerre, on ne doit pas détacher ou
» avancer une troupe, qu’elle ne puiffe être foutenue
»par une autre, & qu’on n’ait prévu la retraite, fi l’on
» y eft forcé ». Le même. Traité de Tactique, màxime g .
XIII. Lorfqu’on entre dans un pays , on doit faire
enforte d’y répandre la terreur, en publiant fes forces
plus grandes qu'elles ne font ; en partageant fon
armée en autant de corps qu’on le peut faire fans
rifque , 6c en entreprenant plufieurs chofes à la fois.
La pratique de cette maxime peut être d’un grand
effet, fur-tout après une bataille gagnée, ou la prife
de quelque place importante.
XIV. Il faut s’établir 6c s’affermir dans quelque
porte qui foit comme un centre fixe, 6c d’où l’on
puiffe foùtenir tous les mouvemens qu’on fait en-
fuite; fe rendre maître des grandes rivières »fjdfcs
partages, 6c bien former fa ligne de communication
6c de correfpondance.
X V . « Un général doit s’étudier à connoître le
» dégré de courage & de talent des officiêrs 6c foldats
» de fon armée , pour les employer où ils peuvent
» rendre le plus de fervice ». L'empereur Léon, Injlit,
X X . Il ne doit confier des commandemens qu’à des
officiers dont il connoiffe la bonne volonté, le zele
6c la capacité. « Il y a , dit M. de Maizeroy, un art
» de connoître les hommes , 6c de les mettre chacun
» au porte qui lui convient. Un officier d’un cara&ere
» v if& impétueux, plein d’ambition, eft excellent
» pour un coup de main, une attaque de vive force ;
» mais fi on l’emploie pour une occafion où il faut
» beaucoup de prudence 6c de retenue, il ne pourra
» fe modérer, il paffera les bornes qui lui feront pref-
» crites, 6c déconcertera tous les projets du général
» en chef. L’armée Angloife, fauvée du coupe-gorge
» où elle s’étoit jettée à Ettingen, en eft un exemple ».
Cours de Tactique, maximes.
XYI* U eft effentiel de donner fes ordres le plus
clairement 6c le plus fuccin&ement qu’il eft poffible,
6c toujours par'écrit, à moins que l’occaûon 6c le
tems ne le permettent point.
XVII. « Il faut que. les foldats trouvent leur vie
» agréable, qu’ils rempliffent leur devoir aveegaieté,
» 6c qu’ils aient de la patience dans les travaux. Ceci
» eft l’augure le plus certain'des bons fuccès ». -
« La préfence du g é n i a l , fon air gai, quelques
» mots flatteurs 6c perfuafifs, infpirent de l’ardeur aux
» officiers & aux foldats. Cempereur Léon. Maxime
» admirable , dit'le tradu&eur, dont les généraux ne
» fauroient trop fe pénétrer. Combien y en a-t-il qui
» appefantiffent le joug inutilement, 6c~ rendent le
» fervice dur & fâcheux » ?
XVIII. On fera obferver la difcipline la plus exaâe
& la plus févere ; on maintiendra les troupes dans
un exercice continuel : une armée fe fortifie par lé-
travail , & .s’énerve par l’oifiveté.
XIX. Quand on a des troupes nouvelles , le
moyen de les aguerrir, eft de ne faire avec elles que
des démarches sûres, & de les accoutumer,_peu-à-
peu à voir l’ennemi. « Si l’on peut faire un fiege , dit
» M. Maizeroy, elles s’habitueront au péril, finohon
» formera, diverfes entreprifes. de peu d’importance ;
» mais1 il faut prendre garde de s’y faire battre. Cela
» n’eft indifférent que pour une puiffance qui a des
» fourmilières d’hommes, comme le czar Pierre I ,
» qui comptoit les pertes pour rien, pourvu qu’il
» aguerrît fes Mofcovites : il ne faut jamais, dit V e-
>> gece, mener des foldats au combat, qu’on ne les ait'
» eprouvésauparavant. Il eft fort différent d’avoir de
» vieilles troupes ou des milices, des foldats qui vien-
» nent de faire la guerre, ou des gens qui font depuis
» quelques années fans rien faire : on peut compter
» pour nouveaux foldats tous ceux qui n’ont pas fait
» la guerre depuis long-tems ».
X X . - Il eft bon de tâter fon ennemi pour tâcher
de connoître Ion caraâere. S’il eft audacieux, faire
enforte de l’irriter 6c de l’engager à quelque mouvement
hazardeux dont on le puniffe. S’il eft timide 6c
craintif, l’etonner par des attaques vives 6c inopinées
». Le même.
XXI. 11 ne fuffit pas de faire des mouvemens avec
une armée, pour obliger l’ennemi d’en faire auffi.
Ce n’eft pas le mouvement feul qui l’y forcera ; mais
l’objet de ce mouvement, 6c la maniéré dont il fera
fait. Des mouvemens Ipécieux, comme l’obferye le
roi de Pruffe , ne feront pas prendre le change à un-
ennemi favant ; il faut prendre-, des pofitions folides
qui l’engagent à faire des réflexions, 6c le réduifent
à la néceflité de quitter foq porte ; fe camper fur^m
r i r ^ncS ü s’aPProcher de la province d’où il tire
fes fubfiftances, fe mettre entre lui 6c fes places ,
menacer fa capitale , lui retrancher les vivres &c,
ou faire quelque diverfion importante qui le force
de marcher avec toute fon armée. On ne doit jamais
faire de mouvement fans en avoir de bonnes raifons.
XXII. Il ne faut jamais confier la sûreté de toute
une armée à la vigilance d’un fimple officier. Les
partis 6c les patrouilles qu’on envoie a u x nouvelles
6c pour reconnoître , ne doivent être regardées
que comme des précautions fuperflues. Il faut effen-
tiellement prendre toutes les connoiffances que l’on
peut par foi-même , par fes efpions , par des défer-
,teurs, des prifonniers, par quelqu’un d’adroit &
d’intelligent, q ui, à la faveur du terrein ,"fe sliffe
dans un lieu d’où il puiffe bien découvrir & obferver
ce qui fe parte chez les ennemis; on ne peut fur-
tout trop fe méfier des transfuges qui, fouventfont
envoyés exprès pour tromper par leurs rapports *
ou pour quelque commiffion dangereufe.
XXIII. On jugera du nombre des ennemis, non
par l’étendue de leur armée, mais en examinant
avec attention leur profondeur; en diftinguant la
véritable de celle qui ne fera qu’apparente , au
moyen des valets, des bagages qu’il aura mis derrière
, ou de quelqu’autre rufe.
XXIV. « Un général expert prévoit les deffeins-
» 6c les ftratagêmés de fon adverfaire; il le juge d’après
» ce que lui-même auroit imaginé s’il eût été à fa pla-
» ce. L’expérience de ce qu’on tente tous les jours
» contre l’ennemi, doit faire conjeâurer ce que lui-
» memeeft capable d entreprendre». C empereur Léon,
X X V . « Il ne feroit pas sûr de fe fervir toujours
» des mêmes manoeuvres 6c des mêmes rufes , quoi-
» qu elles aient reuffi. L’ennemi qui en verroit pren-
» dre l’habitude, ne manqueroit pas de s’en prévaloir,
» pour tendre un piege où l’on donneroit. Une con-
» duite uniforme eft bientôt connue : celui qui varie
» fon jeu embarraffe fon adverfaire , 6c le tient tou-
» jours dans l’incertitude ». Le même.
XXV I. « Vouloir tout faire foi-même eft d’un
» homme mal-habile; on confumeroit tout fon tems.
» dans les details : il ne faut donc pas fe mêler des
» fondions de ceux qu’on a à fes ordres , mais veiller
» à ce qu’ils les rempliffent exactement ».
XXVII. Celui qui penfe à tout, dit Montéce-
cu lli, ne fait rien ; celui qui penfe à trop peu de
chofe eft fouvent trompé. On doit tenir le milieu
entre le trop 6c le trop peu ; s’occuper des chofes
les plus effentielles à faire, des moyens à employer,
6c des obftacles à lever pour en venir à bout.
XXVIII. « Il faut dormir comme le lion, fans fer-
,».mer les yeux ; les avoir continuellement ouverts
» pour prévoir les moindresinconvénients qui peuvent
»arriver ». Tejlam. Politiq. du cardinal de Richelieu.
XXIX. « Aller en avant par des fieges 6c des ba-
» tailles; s’imaginer de faire de grandes conquêtes fans
» combattre, dit Montécuculli, c’eft un projet chimé-
» rique ; couper les vivres à l’ennemi, continue cet
»auteur, enlever fes magafins, ou par furprife ou
» par force; lui faire tête de près 6c le refferrer ; fe
» mettre, entre,lui 6c fes places de communication ;
» mettre garnifon dans les lieux d’alentour; l’entourer
»avec des fortifications ; le détruire peu-à-peu en
» battant fes partis, fes fourrageurs, fes convois ; brû-
» 1er fon camp 6c fes munirions ; ruiner les campagnes
» autour des villes ; abattre les moulins, femer des
»divifions. entre fes gens , &c. lever des contribu-
» tions ; prendre des otages dans les endroits qu’on
» ne peut garder ; traiter bien ceux qui fe rendent,