
lui étoient fufpeas : cet établiffement lui fut d iaé par .
fon amour H la juftice ; ma» il ne s’apperçut pas
■ donnoit aux haines fecretes des armesj>our le
Satisfaire , & que chaque juge citoit plutôt à Ion
tribunal fon ennemi particulier, que 1 ennemi de
l’état. Ges nouveaux magiftrats furent venges, 6c
les loix ne le furent pas. . I JÊ Aor
Charles X I , dont le but était d’accroître fon de -
potifme par dégrés , fut adroitement oppofer à a
nobleffe qui lui réfiftoit, le peuple qui haifloit encore
plus les grands qu’il n’aimo.t fon maître. Dans une
affemblée des états, tenue à Stockholm, en ,68 a ,
il fe St décerner une puiffance illimitée ; cette révolu:
tion étoit étonnante , fans doute, dans un pays originairement
libre ; ce qui eft plus étonnant encore ,
l ’ e ft que Charles X I n’abufa point de fon pouvoir
pendant plufieurs années, Sc que dans 1 etabhffe-
ment des impôts, il ne confulta pas f e befoms, mais
ceux de ï’état. Le ciel lui donna un fils plus capable
d’ être abfolu' en Suede, s’il n’avoit pas voulu l’être
dans l’Europe entière : on le nomma Charles ; la
naiffance fut fuivie de celle de Guftave , & un an
après , de celle d’Ulric. La p i e que caufoit au peuple
la certitude de ne plus voir le trône en butte à
l ’ambition dés collatéraux , fut bientôt troublée par
une opération de finances, qui fait peu d honneur à
Charles X L Pour acquitter les dettes de 1 é tat, il
rehaufla de moitié la valeur des monnoies ; les
créanciers perdirent la moitié de leur capital, 6c le
roi rentra dans les domaines de la couronne, engages
par un autre édit quiruinales pluspuiffantes familles
& altéra beaucoup la confiance publique : on fut plus à
alarmé encore de la querelle qui s’éleva entre le roi
de Danemarck 6c le duc de Holftein Gottorp;on con-
noiffoit la fidélité avec laquelle Charles AT/fervoit fes
alliés 6c on ne doutoit pas qu’il ne fe déclarât
défendeur du duc ; mais le traité d’Altena calma,
en 1689 , les inquiétudes de la nation. Charles XL
ne s’occupa plus qu’à favorifer le commence des Suédois
6c à les enrichir par fes bienfaits, apres les
avoir appauvris par fes ordonnances ; il étoit occupé
à terminer la guerre qui s’étoit rallumée de nouveau
entre la France, l’Empire 6c la Hollande ; les minif-
tres plénipotentiaires, après plufieurs négociations
infruétueufes, s’étoient affemblés à R y fv ik ; la médiation
du roi de Suede commençoit à rapprocher les
intérêts des puiffances belligérantes, lorfque la mort
enleva ce prince, le 15 avril 1697, danslaquarante-
deuxieme année de fon âge. Ses derniers momens
furent employés à prévenir les troubles d’une récence
; Charles XII étoit en bas âge. Charles X I ,
par fon feftament, laiffa les rênes du gouvernement
entre les mains de la reine douairière, Hedwige
Eléonor , à qui il donnoit un confeil compofé de
cinq fénateurs. . ,
Charles X I é toit petit, mais robufte, adroit, lég
e r , infatigable ; fon regard étoit doux, il fourioit
avec grâce, 6c mettoit peu d’art dans fon maintien ;
il étoit fimple dans fes vêtemens, plus gourmand
que délicat, toujours armé d’une longue epee, familier
avec le peuple, 6c peu fier avec les grands.
Son jugement étoit fain , il penfoit beaucoup mieux
qu’il ne s’exprimoit. Embarraffé dans une affemblee
où il falloit parler, il excelloit dans une négociation
où il ne falloit que réfléchir ; on ne peut lui reprocher
que l’avidité avec laquelle il envahit les biens de fes
fujets ; il aimoit l’or , mais il preferoit la gloire aux
richeffes, & le bien de l’humanité à la gloire. Tel
étoit le pere de Charles X IL ( M . DE S a c y . )
C harles XII roi de Suede, {Hijl. de Suede. )
fils du précédent. Le premier événement de fon régné
fut le moins célébré, 6c le plus digne de 1 etre.
La paix fut conclue à Rifwick, en i6^ y , parla médiation
de la Suede, entre la France, l’Efpagne, la
Hollande , l’Empire & l’Angleterre ; toutes les pui£
fances intéreffées témoignèrent leur reconnoiffance a
Charles X I I , & lui donnèrent fur fes inclinations
pacifiques des éloges dont il étoit peu flatté. Charles ,
dans fes réponfes pleines de nobleffe & d’artifice,
vantoit les douceurs de la paix : « puiffe-t-elle, di-
» foit - i l , s’affermir & régner éternellement en Eu-
« rope ! On eut lieu dereconnoître dans la fuite combien
ce voeu étoit peu fincere. Son goût pour les armes
avoit éclaté dès fon enfance. La leâure de Quin-
te-Curce l’enflammoit ; il vouloit devenir le héros
d’une pareille hiftoire, 6c lorfqu’on lui obje&oit
qu’Alexandre étoit mort jeune, « il a conquis des
» royaumes, » difoit-il. On fait qu’ayant vu au bas
de la carte géographique d’une ville Hongroife que
l’empereur avoit perdue, ces mots de Job, Dieu me
Va donné, Dieu me Va ôté ; le nom du Seigneur foit
béni ; il écrivit au bas de la carte de Livonie, Dieu
me Va donné, le diable ne me Votera pas. Ces faillies-
amufoient la cour, & voloient de bouche en bouche ;
les courtifans les regardoiënt comme autant de pré-
fages de la grandeur du prince , 6c les gens fenfés ,
comme un préfage infaillible des malheurs du monde.
Charles XI difoit lui-même qu’il jferoit un jour effacé
par cet enfant. Malheureux prince qui ignoroit fon
propre mérite, faifoit le bien fans goûter le plaifir de
le faire, 6c regrettoit de n’avoir pas répandu affez
de fang !
La fougue du caraâere de Charles X I I alarmoit
la reine fa mere : cette princeffe fenfible & compa-
tiffante avoit facrifié fes biens 6c fes bijoux pour
foulager les familles ruinées par la liquidation des
dettes de l’état (Foye{ l’article précédent.), & mourut
de chagrin, de ce que Charles XI s’oppofoit à fes,
foins généreux 6c patriotiques. Avant de fermer les
y e u x , elle fit venir le jeune Charles X I I : « Mon
» fils, lui dit-elle, aimez la paix, aimez les hom-
»mes; fi vous faites leur bonheur, puilîiez-vous
»> être heureux vous-même!»»
La majorité des rois de Suede étoit fixée à dix-huit
ans ; mais la nation idolâtre du jeune Charles, féduite
par fes talens précoces, le déclara majeur à quinze
ans 6c cinq mois, dans une affemblée des états, tenue
à Stockholm, le 17 novembre 1697. Son pere lui
avoit laiffé un royaume tranquille 6c floriffant, des
fujets fournis & dociles, un fenat abattu par plufieurs
coups d’état, des tréfors accumulés aux dépens
du peuple, qui n’ofoit plus les réclamer, des
miniftres habiles, des troupes bien difeiplinées ; 6c
ce qui étoit plus précieux que tout le refte, l’eftime
de l’Europe entière, qu’il avoit pacifiée. Toute innovation
devenoit dangereufe, parce qu’une fitua-
tion plus douce paroiffoit impoffible : d’après le fyf-
tême politique de Charles X I , l’état pouvoit fe gouverner
de lui-même ; il fuffifoit à fon fucceffeur d’y
veiller des yeux ; mais il ne pouvoit y porter la main
fans rifque d’ébranler la machine. Au refte, Charles
X I I defiroit peu d’acquérir par une révolution dans
fon royaume, une gloire qui ne fe feroit pas étendue
au-delà de fes frontières ; il vouloit remplir l’Europe
de fon nom, en être la terreur 6c l’arbitre. Les différends
du roi de Danemarck & du duc de Holftein
Gottorp , que toute la prudence des plénipotentiaires
de Ryfwik n’avoit pu étouffer , lui^ ouvrirent
bientôt Ja carrière dans laquelle il brûloit d’entrer.
La guerre étoit déclarée entre ces deux princes ;
Charles oublia bientôt que le duc n’avoit fer vi Charles
XI que de fes voeux ; il fe fouvint feulement qu’il
étoit fon beau-frere , 6c réfolut de le fervir de fes
ar Chriftiern V étoit mort ; Frédéric IV fon fils, lui
avoit fuccédé ; il avoit hérité des projets de fon
pere & de fa haine contre le duc : celui-ci vint à
Stockholm, où il concerta avec le jeune Charles le
plan delà campagne : le foi juta de ne jamais lfaban-
donner , & le duc prit pour le penchant de 1 amitié
ce qui n’étoit dans Charles qii’une paffion exceffive
pour la gloire. Plufieurs puiffances de l ’Europe s’é-
tôient fait tarantes du traité d’Altena,que les Danois
avoient violé ; elles menaçoient de fe réunir pour en
venger l’infra&ion ; mais le duc avoit affez de Charles
j£ l f & de lui-même pour défendre fes drbits^ contre
Frédéric ; celui-ci fut engager dans fes intérêts , 6c
Frédéric Augufte,.roi de Pologne, qui prit les armes
au premier .fignai., 6c Pierre Alexioyitz , c.zar de
Mofcovie, qui temporifa pendant quelques mois :
mais enfin il le déclara contre un enfant qu’il mépn-
foit,, & qui fut fon maître dans l’art de la guerre ;
Charles ne: pardonna jamais à ces deux princes de
s’êcre ligués contre lui ; il.conçut contre eux un refi-
fentirnent qui ne fit que. s’accroître , & qui embrâfa
tout le nord de l’Europe. Leur deffein étoit de s’èmr ,
parer de la Livonie^u’ils avoient poffédée autrefois.,
èc dont le traité d’Oliva affuroit la . poffelïion à la
Suede ; Frédéric Augufte inveftit Riga , capitale de
cette contrée; tandis qu’il étoit occupé à vaincre
tous les obftacles que le gouverneur oppofoit à fon
entreprife , le roi de Danemarçk-feconde par 1 électeur
de Brandebourg, le duc de Wolfembutel, & le ,
prince de Heflé-Caffel commençoit fes excurfions
dans les provinqejS;autrefois conteftées entre le Danemark
& la Suede« i h a1 i r V V '■
,. Charles fit. bloquer les meilleurs ports de Frédéric
IV ; enfin, impatient ,de fe montrer à la tête d’une
armée , il monta fur une flptte qui devoit aborder
en Zélande : « Meilleurs, dit-il à fes officiers avant
.» de partir';,j’ai réfolu de n’entreprendre aucune
» guerre injufte, & de n’en finir une légitimé que
» par la perte de mes ennemis »>, Il partit, & les regrets
de la nation le fuivirent ; il la laiffoit fous le
.gouvernement de ce. fenat, fi jong-tems le rival de
fes maîtres. Charles fembloit plus jaloux ,de régner
.dans les états de fés ennemis que dans les fiens. On
apperçut enfin les côtes de Zélande; à cette vue le
roi parut tout rayonnant de joie ; on s’approcha dp
rivage ; il fauta dans une chaloupe , la defeente fut
affez vigoureufement difputée ; on en connoît toutes
les circonftançes ; la fermeté de l’ambaffadeur François,
qui voulut refter • auprès de Charles malgré
lui-même, l’impatience de ce prince qui fe précipita
dans l’eau l’épée à,la main , fa préfence d’efprit en
rangeant fon armée , fonimpétuofité dans l’attaque,
& fur-tout c,e bon mot fi célébré qui lui échappa en
écoutant le fifflement des balles, ce fera là déformais
ma 'mufique. .
Son deffein étoit de faire le fiege de C openhague
; mais défarmé par les foumiffionS des députés
que cette ville lui envoya ,.il fe contenta d’une contribution
de 40000 rifdales, fit payer tous les vivres
qu’on lui apporta, établit dans fon camp une difei-
pline féyere , rendit juftice à fes ennemis contre fes
foldats mêmes , & fit defirer aux Danois d’avoir un
tel maître. Le roi de Danemarck , battu dans le
Holftein, tandis que Charles foumettoit la Zélande,
fut contraint d’accepter les conditions qu’on lui offrit.
La paix fe fit en peu de jours ; comme la guerre
s’etoit faite. Charles X I I n’étoit pas moins expéditif
dans les négociations que dans les ‘coups de main;
cettè aftivité étoit l’effet de fon.caraftere fougueux;
il ne defiroit lefuccès d’ime entreprife que pour en
.commencer une autre.,
Le roi de Pologne affiégeoit Riga ; Charles fe met
en marche pour le forcer à la retraite ; mais il apprend
que Narva vient d’être inveftie par cent mille
Mofcovites; il y avoit plus, d’ennemis à combattre ,
plus d’obftacles à vaincre , plus de gloire à acquérir
que devant Riga ; le roi tourna de ce cô té, il; ëcri-
yoit à fes maréchaux de logis; «Je m’en vais battre les
Tome II,
» MofcOvîtes,préparezunmagafin àLaïs;quand j’au-*
» rai fecouru Narva., je pafferaipar cette ville pour
» aller battre enfuite les Saxons ». L’armée Sué-
doife n’étoit compofée que de vingt mille hommes;
mais Charles X I I marchpit à leur tête. Czérémétof,
général Molcovite , voulut s’oppofer aux ' progrès
des Suédois ; il fut battu, 6c la rapidité de fa mite
accéléra la courfe des vainqueurs ;; il les attendit au
défilé de Pyhajaggi, qui fembloit inacceffible. La
plupart des officiers Suédois doutoient du fuccès de
l’attaque ; Charles feul n’en douta point,, & le paffage
fut forcé ; l’armée déboucha enfuite dans ,1a plaine
de Narva, 6c vit le camp des Mofcovites ; de tous
côtés défendu par des baftions, hériffé de paliffades
6c de chevaux de frife, formant autour de la ville
une double enceinte, prefqii’auffi fortifiée que la
ville même.
- Charles, après avoir laiffé refpirer fes troupes, les
rangea en bataille , tandis que l’artillerie ennemie la
foudrpyoit ; un officier paroiffoit effrayé de la multitude
des Mofcovites. « Cette multitude * répondit
.» Charles, ne fera que les incommoder, parce qu’elle
.» eft refferrée dans un efpace étroit ; 6c quant à leur
» cavalerie, elle eft réduite à l’inaftion par leur fituaj*
»tion même: ».puis s’adreffant aux foldats :« Mes
» amis , leur dit-il, nous combattons pour une bonne
»scaufe, le ciel combattra pour no.tis> fi quelqu’un
» de vous doute de la vi&oire, qu’il forte des
» rangs, 6c qu’il retourne en Suede, les. chemins lui
» font ouverts ». Toute l’armée répondit à cette
courte harangue, par des fermens de vaincre ou
de mourir fous fes drapeaux. On courut à l’ennemi ,
un brouillard épais lui cachoit la marche des affaillans.
Tranquille dans fon camp, il ne foupçonnoit pas que
Charles X I I , avec fi peu de troupes , ofât tenter la
fortune des armes : tout-à-coup le brouillard fe dif-
.fipe, le foleil reparoît & montre aux Mofcovites les
Suédois rangés en bataille à cinquante pas de leurs
foffés :, l’artillerie joue 6c fait brèche dans les retran-
chemens ; CharlesXIIy pénétré le premier., l’épée
à la main ; fon infanterie le fuit-avec ardeur, mais
avec ordre ; à mefure que les troupes entrent, elles
fe développent au milieu des ennemis, auffi promp-
n ^ment que dans une plaine libre. Les Mofcovites revenus
de leur première furprife , fe défendent pendant
trois heures ; enfin le défordre fe met dans leurs
rangs, une partie court au pont de la Narva qui fe
rompt, 6c les engloutit avec lui ; vingt mille des plus
réfolus fe retranchent derrière les charriots , on les y
força ; ils mettent bas les armes , on leur donne quartier
; Charles les renvoie défarmés, parce que fon armée
n’auroit pas fuffi pour les garder : trente mille
Mofcovites périrent dans cette célébré journée, dont
la gloire ne- coûta aux Suédois que treize cens foldats.
Charles eut en fa puiffance le duc de C ro y , gé-
néraliffime de l’armée ennemie, le prince de Georgia
6c fept autres généraux, foixante 6c treize pièces
d’artillerie, cent cinquante 6c un drapeaux, vingt
étendards 6c tout le bagage. Prefqu’au même inftant,
Spens &Stéembock, détachés de l’armée Suédoife,
. .taillèrent en pièces, l’un fix mille, l’autre huit mille
Mofcovites. Charles avoit reçu une légère bleffure,
qu’il n’avoit pas fentie dans la mêlée. ; il avoit eu
deux chevaux blefles fous lui ; lorfqu’il en changeoit,
« ces gens-là, difoit-il, me font faire mes exerci-
» ces ». . -• 1 .? . ■ .
Il paffa l’hiver de 1701 à Laïs, comme il l’avoit
promis; & pour juftifier fa prédiéfion toute entière ,
il alla fondre fur les Saxons ; ils tenoient encore.Riga
bloquée,& i’efpoir feul de voir Charles X I I paroitre,
foutenoit le courage des habitans; il parfit en effet,tra-
Iverfa la Dvina à la vue des Saxons ; mieux fortifiés
que les Mofcovites , leur camp occupoit une lieue
d’étendue ; Charles les força dans cinqredoutes, fe