
Le cochernar ftomachique eft celui qui eft déterminé
par le poids du ventricule gonflé par les
alimens qui ne font pas encore digérés, & qui eft
appuyé contre le diaphragme ; le cerveau étant engorge
par un chile groffier & abondaht, qui épaiflit
le fang. Ceux qui en font attaqués , ont la bouche
mauvaife, des hoquets, des naufées, la tête pefante.
Cette maladie attaque les gourmands qui vont de la
table au lit, & particuliérement s’ils fe couchent à la
renverfe , & la tête placée horizontalement. Les en-
fans y font plus fujets que les adultes ; elle eft funefte
particuliérement aux gourmands : quant à 1 objet du
fonge il varie en raifon des moeurs du malade.
Car fi les domeftiques ont fait devant un enfant
ou devant une perfonne d’un efprit foible, ces contes
ineptes que les vieilles femmes rapportent des
efprits malins, des loups-garous, & des faunes, cet
enfant ou cette perfonne rêvent qu’ils font opprimés
& foulés aux pieds par ces monftres, ou qu’ils affou-
viffent leurs pallions. Ceux qui,quand ils veilloient,
craignoient quelque chofe de femblable des chats,
des fmges , ou d’autres animaux méchans , doivent
rêver que ces animaux les attaquent.
Le traitement exige l’émétique, les cathartiques,
une nourriture médiocre. Le malade doit sabftenir
de fouper, de boire du v in, de manger de la viande
de lievre , de boire des liqueurs fpiritueufes ; & fi
les forces digeftives de l’eftomac s’affoibliffent, les
ftomachiques amers, le quinquina, la rhubarbe,
l ’aloës font propres à les ranimer.
Cette efpece*provenant de l’ivreffe & de la gour-
mandife, & fur-tout après avoir beaucoup mangé
•le foir, eft la plus ordinaire de toutes : & félon le
différent cara&ere du malade, les infomnies & le
liege des fymptômes varient. L’homme lubrique
rêve à l’aûe vénérien. Timée rapporte qu’un foldat
croyoit dans fon fommeil, que fon ennemi l’étran-
gloit. Un de mes amis s’imaginoit être ferré & comprimé
entre les murs d’un elcalier trop étroit ; d’autres
font des rêves d’une autre efpece, mais ces
affe&ions font paffageres , & ne demandent que le
fecours de la prophila&ique.
Le cochemar eft fouvent l’effet d’un hydrocéphale.
'Après des terreurs rio&urnes & des attaques d’incube
, mourut un jeune homme mélancolique , fujet
aux vertiges, foible de la tête & de la vue. A l’ouverture
de fon cadavre , on trouva les veines du
cerveau de couleur noire ; le cerveau étoit inondé-
de pus ; le finus gauche de ce vifcere étoit gonflé de
pourriture & de mucus, le malade penchoit toujours
la tête du côté gauche. Bonet rapporte encore deux
autres obfervations au fujet des perfonnes attaquées
de cochemar, dans le cerveau defquelles les finus
étoient diftendus par de l’eau. C’eft-là ce qui a fait
naître l’opinion que le fiege du cochemar étoit dans
le quatrième finus du cerveau, dans lequel la féro-
fité coulant lorfque la tête étoit renverfée , occafion-
noit cette maladie ; mais je penfe que ce principe
du cochemar eft très-rare ; il n’y a rien de plus ordinaire
que de trouver de la férofité dans les finus du
cerveau. Un académicien d’Oxfort avoit une hydro-
pifie de poitrine & une incube en même tems ; il
n’eft pas difficile de reconnoître dans ce cas les lignes
de cette efpece. Les hydragogues, les fêtons , & les
diurétiques conviennent ; mais L o v e r qui foup-
çonne toujours un hydrocéphale, quand un malade
a le cochemar, nous paroît beaucoup s’écarter du
vrai.
Le cochemar vermineux a fon fiege dans le ventricule
même, parce qu’un enfant dans l’eftomac
duquel les vers rampent, peut facilement rêver qu’il
y a dans la région épigaftrique quelque chofe qui
l’épouvante ; or une forte terreur jette dans un vrai
cochemar caufé par une idée pareille, & ceux qui
font tout d’un Coup frappés d’une pareille terreur ,•
font fuffoqués. L’indication curative n’eft pas difficile
à développer.
Le cochemar tertianaire eft marqué par la peur,'
& un certain fymptôme furprenant, imitant en partie
l’incube, & en partie l’épilepfie, revenant le troi-
fieme foir , & continuant depuis neuf heures juf-
qu’à onze-
Une demoifelle de neuf ans étoit faifie tous les
trois jours, d’un paroxifme femblable à la fievre ;
c’eft-à-dire, que tout fon ventre & fa poitrine fe refi
ferroient avec une difficulté de refpirer, fes yeux
reftoient ouverts, ils étoient continuellement fixés
vêts le même lieu ; ce qu’elle faififlbit avec les mains ,
elle l’empoignoit fortement pour refpirer avec plus
de facilité, elle ne répondoit pas aux queftions qu’on
lui faifoit, elle paroiflbit cependant ne pas' perdre
la tête ; elle veilloit, elle étoit fort trifte , fon ventre
s’élevoit, fa poitrine fe refferroit, fa refpiration
étoit gênée, fes anhélations étoient fréquentes, elle
ne pouvoit parler, tant elle étoit oppreffée.
Le cochemar eft ordinaire aux hypocondriaques
& aux mélancoliques. T el étoit, je crois, ce facri-
ficateur qui ne reconnoiffant pas fon erreur, fe per-
fuadoit fortement qu’une vieille qu’il connoiffoit,
venoit le voir pendant la nuit, & qu’il étoit ferré
entre fes bras , jnfqu’à être fuffoqué. On peut voir
dans Foreftus, livre X , cette hiftoire affez curieufe ,
& une autre qui y a du rapport. Dans cette efpece,
l’émétique ne convient point du tou t, particuliérement
s’il y a hyftérie, & fi les inteftins font fecs &
flafques. Les vents peuvent preffer le diaphragme'
& caufer le délire dans un cerveau qui y eft déjà
porté chez les hommes timides, & qui ne font pas
trop à eux ; ce délire commence la nuit, & continue
pendant le jour. On traite cette efpece , par les
anti-épileptiques«, particuliérement avec la femence
de pivoine, d’anis, & par le cinnabre.
Le cochemar ne préfente pas toujours de triftes
fantômes à i’efprit. J. R . Fortis traita une demoifelle
qui avoit des rêves fort agréables ; mais elle s’é-
veilloit avec un fentiment de pefanteur dans la
poitrine; fa voix & fa refpiration étoient interceptées
, elle reffentoit une grande anxiété, fa face
étoit baignée de larmes, fa tête appefantie. Craanen
rapporte un cas femblable arrivé à un homme.
Heurnius & Foreftus rapportent la même chofe
d’éux-mêmes.
Un certain Silimacus raconte qu’autrefois à Rome
, plufieurs perfonnes périrent de cette paflîon,
comme d’une maladie contagieufe ; Cælius Aurelia-
nus dit la même chofe du cochemar, qu’il place parmi
les paflions ta rd i fs : mais cette efpece n’eft pas
affez certaine.
Cette maladie, lorlqu’elle n’eft ni fréquente ni
violente, n’eft pas dangereufe ; mais dans le cas contraire,
elle peut annoncer, fur-tout aux jeunes gens,,
l’épilepfie : on a même vu quelquefois que la folie
en avoit été précédée ; pour les vieillards, on doit
la regarder comme un des avant-coureurs de l’apoplexie
: on peut cependant en être fuffoqué fur le
champ ; & nous en avons des exemples pour tous
les âges : on.a vu encore à Rome le cochemar épidémique
, & tout aufli meurtrier que la pefte. L’inf-
peâion anatomique ^ne nous apprend preique rien
fur la nature de cette1" maladie : fi l’on â trouvé dans
quelques-uns de l’eau, dans les ventricules du cerveau
, ou des fuppurations dans différentes parties
de ce vifcere , ce font des accidens étrangers, qui
ne paroiffent avoir aucun rapport avec l’incube. On
a cependant vu dans quylques-uns le coeur d’une
groffeur énorme ; & ce yice paroît avoir beaucoup
de rapport avec la naaladie dont nous parlons.
Ërt générai, la fobriétë eft le jo in t le plus e&tl-
B du traitement, Sf ç’eft communément tout Ce
qu’on a à faire: quelques-uns s;en délivrent p . é vi-
tant de fe couc.h?.r fur le dos ; j’en ai cependant vu
auxquels cette.fituation étoit la plus favorable. La
faienée y eft fouvent utile, fur-tout s’il y a des lignes
d e pléthore. On ne fauroit fe paflèr des purgatifs, &
même quelquefois des émétiques : on en vient èn-
fuite aux délayans, aux tempérant & aux apéritifs>,
aux ftomachiques, tant amers qu’abforbans & fortifions
, aux céphaliques & aux anti-fpafmodiques. Les
remedes particuliers dont on a fait le plus d’ufage,
après les délayans & ïes légers apéritifs .les plus
connus, font parmi les ftomachiques, la fumeterre,
le quinquina, la gentiane, l’aïoës, le corail & les
autres abforbans. Les céphaliques les plus recommandés
font le ftoechas, le romarin, la méliffe, la
fauge & la bétoine, les femençes & la racine de pi-'
voine, le fuccin: il faut ajouter les martiaux * le tartre
vitriolé, les eaux minérales, tant" froides que
chaudes, &c. Cependant ies cas où il eft permis d’u-
fer de toutes ces chofes, fpnt affez rares ; mais on
n’eft jamais difpenfé de garder un régime convenable
, & c’eft peut-être ce qu’on a de mieux à faite.
( T . ) I %
COCHENE, f. m. ( Hift. nat. Botaniq. ) en Latin,
forbus aucuparia, ou forbier des oifeleurs, forbier
fauvage ; ç’eft le forbus proprement dit de Brunf-
fe ls , Yaucupalis de Çamerarius, le fraxinea de Hugues
, Cornus de Ruelle, ÔÇ le forbus / aucuparia foliis
pinnatis utrinque glabris de M. Linné dans fon Syjle-
ma natura , édition 12 , imprimé en i j 6 7 , page
347, I t
Il différé du cormier , ou forbus légitima de Clu-»
fius, en ce que i°. il eft plus petit, s’élevant à peine
à vingt pieds de hauteur. 20. Ses jeunes branches ,
& les pédicules de fes feuilles font rouges & liffes.
3P. Ses feuilles fpnt moins velues, ou même liffes.
4p. Les corymbes de fes fleurs font plus grands,
chargés d’un plus grand nombre de fleurs. 5y. Ses
fleurs n’ppt que trois à quatre ftyïes, & plus communément
trois. 6°. Ses fruits fpnt des baies jaunes,
rougeâtres ou orangées, à trois ou quatre loges carti-
lagineufes , comme celles delà pomme, contenant
chacune deux pépins* •
Culture. Il croît naturellement dans les climats
froids de l’Europe. . * .,
UfageSi Cpmme fes fruits font particuliérement
recherchés par les oifeaux, les oifeleurs en font un
grand ufage pour les piper.
Rcrnarque. Le cochêne & le forbier pu cormier
font un genre particulier de plante qpi tient le milieu
entre le pommier malus, & l’alifier crategus, où
nous l’avons placé. Voye{ nos Familles des plantes,
yolume I I , page 29S. ( M. A d an som . )
* COCHENILLE, ( Hijl. nat. ) Defcription de la
cochenille, tant du mâle que de la femelle. Lettre de
M. Ellis , extraite des Tranfaçlions philofop.hiques de
la Société royale de Londres. Malgré les curieufes recherches
dçs naturaliftes fur la nature & l’économie
de l’infefte de lîj cochenille, dit M. Ellis , 1’hiftoire de
cet animal eftimable m’ayant paru fort imparfaite,
fur-tout pour ce qui regarde le jnâle dont la deferip*
tipn nous manquoit » j’ai cherché tous les moyens de
peffeftionner cette partie de l’infeétologie.
Je favois que cet infeéte fe trpuvoit en abondance
fur le figuier des Indes ( pppellé cactus opuntia par
Linnæus ) , dans la Caroline méridionale ôc dans la
Géorgie , de même que fur le cactus eocçinellifer du
même auteur qui croît au Mexique, d’où il a été apporté
à la Jamaïque. J’écrivis au doâeur Alexandre
Garden, de Charles-Town dans la Caroline, de m’en*
voyer quelques branches du figuier des Indes chargées
de ces infe&es, ce qu’il fit en 1757. Ce qu’il
Tome II,
iù‘envoya etpit plëin de nids de ces pètîts ânirilâux »
ôç j’eüs le plaifir de les obferver dans leurs différerts
états, depuis l’inftant où ils éclofent&fe promertent
fur jes branches de cet arbre, jufqu’à celui où ils
fe fixent & s’enveloppent dans un cocon qu’ils filent
autour d’eux * comme les vers-à-foie.
Je le fis voir à la fociété royale , & enfuite à la
fociété pour l'encouragement des arts, des manu*
fa&ures & du commerce, dans la vue d’en introduire
& cultiver l’efpece dans nos colonies : projet que
cette derniere compagnie tâcha d’avancer par des
récompenfes propofées ; mais le manque de bras en
a empêché jufqu’içi l’exécution.
La femelle de la cochenille a été très-bien décrite
par M. de Réaumur, par le doâeur Brown, & en
dernier lieu , par M. Linnæus, dans fon Syflême du
régné animal, fous le nom de coccus cacti coccinelli-
feri. M. Rolandçr lqi en avoit envoyé de vivantes de
Surinam , dans l’année 1756 ; mais ni Réaumur, ni
Brown, ni Linnæus n’ont vu le mâle.
M. Linnæus place cet infefte parmi les hémiptères *
c’eft-à-dire , ceux qui n’ont que dés moitiés d’ailes,
& il ne comprend pas feulement dans cet ordre tous
lesj infeûes dont les fourreaux ne reepuvrent que là
moitié des ailes, mais aufli ceux dont un feul fexe
eft ailé, & c’eft ce qui diftingue particuliérement
le genre des coccus ou cochenilles: rojlrum pectorale ,
abdomen pone fetofum, alce duce , tantum mafeulis ;
ou , comme il s’exprime dans la dixième & derniere
édition de fon Syjteme naturel, alce duce erectce maf*
culis, fcemince apterce.
J’examinai avec foin ce que m’avoit envoyé le
doûeur Garden , & dans la grande quantité d’infec*
tes que j’avois, je trouvai trois à quatre petites
mouches mortes qui avpient chacune deux ailes blanches.
Je les humeétai d’efprit de-vin affoibli, puis je
les examinai au microfcôpe : leur corps étoit d’un
rouge-clair, ce qui acheva de me perfuader que
j’avois trouvé le vrai mâle de la cochenille. Pour
confirmer cette découverte j je la communiquai au
doâeur Garden , en lui envoyant un deffein de l’in-
fefte tel que je l’avois vu , & le priant de vouloir
bien me faire part de ce qu’il favôit de l’économie
de ces animacules, & de m’envoyer quelques mâles
recueillis par lui-même. Il eut la bonté de m’en envoyer
de la derniere ponte, avec les obfervations
fuivantes.
« Au mois d’août 1759, je pris üfi thaïe & l’examinai
dans votre microfcôpe à eau. Les mâles font
difficiles à trouver, parce qu’il n’y a peut-être qu’un
au plus contre deux cens femelles Ou davantage. Le
mâle eft afitif & bien fait, thince & grêle , en compa-
raifon de la femelle qui eft beaucoup plus groffe ,
mal proportionnée, lente , engourdie & très-paref-
feufë* En général, elles deviennent fi groffes & fi
épaiffes, que leurs yeux & leur bouche paroiffent
enfoncés & comme cachés dans les replis ou les
rides de leur peau. Leurs antennes même & leurs
jambes font prefque à moitié recouvertes par cette
enflure qui les empêche d’en remuer facilement les
diverfes articulations, & leur permet encore moins
de fe mouvoir elles-mêmes.
La tête du mâle eft très-diftin£ié du col qui eft
beaucoup plus étroit que la tête, & beauepup plus
encore que le refte du corps. Le thorax eft de forme!
elliptique un peu plus long que' le col & la tête en*
fentble, & applati par en-bas. Du front fortent deux
antennes beaucoup plus grandes que celles des femelles
, Pinfeéte peut les mouvoir de côté & d’autre
avec une extrêmë agilité. Ces antennes font articulées
, & de chaque articulation fortent quatre foies
difpofées par paires de chaque côté*
Il a trois pattes de chaque côté , & chacune eft
formée de trois pièces ; il lés meut avec une extrême
P p p