
1 2 cabeftans, 80 leviers pour le fervice du cabef-
tan, 80 piquets frétés de quatre pieds de long, 24
combleaux, 280 traverfieres, 280 emmarres, 600
poutrelles, 720 madriers de 14 pieds de longueur,
un pied de large 6c deux pouces d’épaiffeur ; 60
rames, 120 efcoupes, 60 crocs à bec recourbé 6c
autant à bec droit, 30 maffes ÔC des outils de charpentier
à proportion.'
Cçt équipage peut fervir à conftruire un pont de
180 toifesde longueur: mais comme nous ne con-
feillons pas l’ufage des pontons de cuivre lorfque
la largeur de la riviere paffe 80 toifes, un pareil
équipage peut fervir à jetter deux ou trois ponts fur
la plus grande partie des rivières. Il eft des cas où
l’on peut diminuer les pontons, 6c par conféquent
les agrès qui leur font néceffaires ; mais il faut, i°.
que l’efcarpement des rives ne foit pas confidérable;
20. que le lit ait peu de profondeur à quelque dif-
tance des rives ; 30. que le courant ne foit pas rapide.
.Alors on pourra fpire une digue qui joindra
les groffes eaux , 6c qui fervira de tête au pont ;
mais comme les rivières font fujettes à fe déborder,
il fera plus prudent de fubftituer aux digues, des
ponts de chevalets. Il eft donc effentiel que l’officier
chargé. de la conftru&ion des ponts , faffe un
amas confidérable de fafeines 6c de grands piquets.
Il eft rare qu’on ne puiffe pas trouver des bois pour
les fafeines & pour former un pont de chevalet ;
ainû cet expédient peut réuffir. Cependant on aura
foin de donner aux digues ou aux ponts de chevalets,
la plus grande folidité. On peut commencer ou finir
un pont par une digue ou par un pont de chevalets.
Si la largeur de la riviere , l’efearpement de fes
rives, fon courant & fa profondeur, ne permettent
pas la conftru&ion des digues 6c des ponts de chevalets,
il faudra pour plufieurs ponts plus de pontons
de cuivre, & à proportion des agrès néceffaires.
Mais comme nous rejettons abfolument les ponts de
pontons de cuivre lorfque la largeur de la riviere
furpaffe 80 toifes, alors il faudra recourir aux ponts
dè bateaux ou de radeaux.
Après avoir donné une notice des agrès néceffaires
à la conftru&ion des ponts, nous devons indiquer les
obfervations effentielles à leur pofition.
Les rivières ferpentent ordinairement dans les
plaines, & forment des rentrans 6c des faillans. Si la
tête du pont eft difpofée dans un rentrant, comme
tous les agrès doivent être près de l’endroit oit l’on
veut manoeuvrer, l’ennemi pouvant à l’autre rive fe
développer fur lé faillant, il empêchera de former le
pont par le moyen de fes batteries : il eft vrai qu’on
peut lui en oppofer d’autres, mais la pofition des premières
fera fupérieure à celles qui défendent le pont,
parce que les dernieres tirent du centre à la circonférence
, 6c les autres font un feu contraire, en tirant
de la circonférence au centre.
La pofition d’un pont dans un rentrant, eft abfolument
mauvaife ; il faudra donc choifir fes angles
faillans,.pour obliger l’ennemi de s’engager dans le
rentrant, s’il veut s’oppofer au paffage ; alors on aura
de la fupériorité fur lui. Enfin on profitera de tçut
l’avantage que la nature du terrein peut préfenter.
on aura foin fur-tout de ménager aux ponts des débouchés
libres & commodes.
Le pont deftiné àfaire paffer les pièces de campagne
, fera fait de même que celui de l’infanterie. A
l ’égard de la cavalerie, l’officier chargé de la conftruc-
tion des ponts, doit demander au général qu’il ordonne
à la cavalerie de mettre pied à terre 6c de fe
préfenter fur deux de front, prenant leurs chevaux
parla bride; le cavalier fe trouvant alors fur un
ponton, le cheval fe trouvera fur l’autre ou fur une
traverfe, & le poids fera divifé. L’on préviendra par
ce moyen mille accidens.
Si l’armée fe propofe de traverfer un marais, il
faudra en fonder la profondeur. Si les eaitx peuvent
fupporter un pont de pontons , l’on en fera jetter un
de la même façon que fur une riviere : fi le marais a
peu de profondeur, l’officier chargé de la conftruc-
tion des ponts aura recours aux ponts de chevalet-
Les marais ont ordinairement le fond de leur lit cou-
vertd’une vafe très-épaiffe ; les pieds des chevalets
enfonceroient trop avant fi l’on ne prévenoit cet inconvénient:
dans ce cas, on aura des planches ; l’on
en formera des femelles aux pieds des chevalets ; ces
femelles font un double T qui unit deux chevalets.
Les bords d’un marais ne font prefque jamais en
état de foutenir un pont, mais il fera très-aifé de
joindre les groffes eaux par le moyen d’une digue,
6c de terminer le pont par une fécondé digue.
L’officier chargé de la conftruftion des ponts, doit
donc tout prévoir d’avance, & s’informer du général
quelle fera fa marche, pour ne pas fe trouver au
dépourvu dans le tems de la manoeuvre. Si la riviere
fe trouve profonde, on prendra les cordages d’ancres
les plus longs pour arrêter lés pontons de plus loin.
En effet fuppofons qu’un ponton foit difpofé fur une
riviere & abandonné au courant, il eft clair qu’il fera
entraîné fuivant la longueur du plan incline; mais
dans le plan incliné, la fituation la plus avantageufe
pour retenir un corps eft fuivant une parallèle' à la
longueur du plan: donc toutes les direftions qui
tendront à approcher de la parallèle feront préférables
; mais plus les ancres feront éloignées des
pontons, plus les cordages qui font les directions de
la puiffance, approcheront du parallélisme : d’oîi l’on
' peut conclure que plus les ancres feront éloignées
des corps qu’elles fixent, plus leur pofition feraavan-,
tageufe.
A l’égard des ruiffeaux de quatre, cinq, fix, fept,’
huit, neuf, dix toifes, qui s’oppofent ordinairement
à la marche d’une armée, l’officier chargé de la con-
ftruriion des ponts doit toujours faire enforte de ne
pas expofer les foldats à fe mettre dans l’eau, parce
que Souvent les maladies les plus funeftes proviennent.
de cette imprudence: il eft fur-tout de la dernière
importance d’éviter que le Soldat entre dans
l’eau, lorfque l’armée eft en bataille & que l’a&ion
eft prête à s’engager. Il eft évident qu’un homme
fortant de l’eau, n’eft guere en état de combattre.
Les annales de l’antiquité nous rapportent l’hiftoire
de la perte de plufieurs batailles occafionnée par des
négligences de cette efpece : d’ailleurs les ponts jettes
fur ces ruiffeaux, ne doivent apporter aucun retard
aux manoeuvres qu’une armée eft obligée de faire. Il
ne faut que de la vigilance au capitaine d’ouvriers
q u i, dans ces occafions, fe fervira des ponts à coup
de main qui peuvent fe jetter en très-peu de tems,
6c fur lefquels on peut faire paffer la groffe artillerie.
M. de Guille en a donné des plans qui font d’une
conftru&ion fort ingénieufe. V> Ponts a coup de
main, Suppl. En général, comme un pays eft coupé
d’un plus grand nombre de ruiffeaux que de rivières, le
capitaine d’ouvriers doit fe pourvoir de tous les agrès
néceffaires à la conftruftion de ces ponts. Comme'oix
peut exécuter les petits ponts par le moyen des cordages
6c que ces agrès font d’un facile tranfport, l’on
en fera un approvifionnement confidérable pour obvier
à tous les cas. Voyc^ Pont de cordes et de
CHAINES, Suppl.
Si l’armée doit traverfer un torrent, le capitaine
d’ouvriers doit en connoître la nature. Tout le monde
fait que les eaux croiffent du matin au foir, au point
qu’un torrent qui n’auroit eu que 20 à 30 toifes de
largeur, fe trouve le foir de 50, 80, 100, & piême
de 200 toifes. A cet inconvénient s’en joint encore
un autre, qui eft l’irrégularité du lit. Mais de tous
ces accidens, le plus dangereux, c’eft l’amas de groffes
pierres q ui, étant pouffées avec une force d’autant
plus grande que le courant fera plus rapide,
emportent tout ce qui s’oppofera à leur paffage. Il
feroit donc imprudent de former fur le torrent un
pont de chevalet : fi fon courant eft rapide 6c qu’il
loit fujet à emmener de groffes pierres, il n’y a que
les ponts faits fur pilotis qui puiffent réfifter. En vain
on voudroit y former des ponts de bateaux, les ancres
feroient chaffées par la vîteffe des eaux, les paniers
d’oziers remplis de groffes pierres ,auroientlè même
fort: enfin jufqu’àpréfenton n’a pu imaginer aucun
pont portatif pour pouvoir fervir avec fûreté à traverfer
les torrents. Voici un. état de Y équipage nécef-
faire pour un pont de pilotis. Le nombre des efpeces
d’agrès ne fera pas défigné, parce qu’il dépend du
plus ou du moins de folidité qu’on doit donner à l’ouvrage
,,éu égard au plus ou moins de vîteffe des eaux
du torrent.
L’on aura i° . des pilotis de meleze ou de fapin ; les
meilleurs font de bois de chêne ; 20. des bois pour les
poteaux, liens, garde - foux, entre-toifes, appuis ;
30. plufieurs fonnettes garnies de leurs cordages *
poulies, boulons de rechange, c’ eft le travail qu’on
projette qui doit décider du nombre ; 40. des pàlàns
fimples ; 50. des maffes de bois; de menus cordages
de rechange ; 7 ° . de gros*cordagesdërechange
pour les fonnettes à haubans ; 8°. quantité de leviers
pour la manoeuvre des fabots ; 90. des clous de fix
pouces de longueur pour la couverture, & égal nombre
de clous de quatre pouces, pour les garde - foux ;
io ° . beaucoup de clous de trois pouces pour les fabots
, 6c plufieurs broches de fer de quinze pouces de
longueur, pareil nombre de neuf, dix 6c douze pou-
çes ; 1 1/°. de grandes pinces à pied de biche, & un
nombre d’outils de charpentier, proportionnel au
travail que l’on projette.
Nous avons avancé qu’il étoit imprudent de former
des ponts de chevalets fur les torrens rapides ; le
pont conftruit fur le Var en 1708, en eft un exemple
frappant: l’ouvrage fut commencé le 15 Juin, 6c
fini le 15 Juillet; il fut emporté en feptembre ou oâo-
bre. On ne peut donc fe promettre .d’établir fur les
torrens des ponts à demeure, qifen faifant beaucoup
de dépenfes, 6c en employant un tems confidérable.
D ’ailleurs on eft prefque toujours obligé de détruire
les ponts après que l’armée a paffé. Un général tient
toujours cette conduite, pour couper fes derrières
ôc pour éviter une pourfuite trop vive.
C ’eft donc uniquement fur les ponts de pilotis que
l’on doit compter pour le paffage des torrens. Pour
faire l’ouvrage avec vîteffe, on aura foin d’affembler
à l’endroit deftiné pour la manoeuvre, tous les agrès
néceffaires. L’officier chargé de la cônftruâion du
pont, aura l’oeil fur les foldats ouvriers; il en em-
ployera un très-grand nombre. Si le torrent emme-
noit des arbres ou d’ahtres corps capables de nuire à
la manoeuvre, il feroit de la prudence d’attacher au
deffus de l’endroit oit l’on projette l’ouvrage, un bateau
qui pouvant fe porter fur toute la largeur du
torrent, arrêteroit & détourneroit les corps qui pour-
roient heurter le pont.
Si le général fe propofe de faire traverfer un fleuve
à fon armée, il faut abfolument qu’il foit conftruit de
bateaux ou de radeaux. L’officier chargé de la conf-
îruftion du pont, doit faire affembler les bateliers du
pays : il doit fa voir fi le pont fera brillé, après qu’il
aura fervi à l’ufage auquel on le deftine ; on les brûle
ordinairement dans les retraites: dans ce cas, lé capitaine
d’ouvriers aura un foin extrême de cacher fon
projet: il prendra garde fur-tout que les bateliers
ne puiffent le favoir ; des gens de cette efpece, quelquefois
ennemis , pourroient dans l’appréhenfion de
perdre leurs bateaux, les couler à fond à la faveur de
la nuit& au moyen d’une fimple tarriere, 6c l’armée
feroit expofée à une perte inévitable. Cette attention
eft d’üne trop grande conféquence pour ne pas y
apporter la plus fcrupuleufe exa&itude. Que feroit
devenue l’armée Françoife, on 1746, fi le pont que
l’on avoit conftruit fur le P ô , avoit été rompu ?
Comme un général peut demander deux ponts fur
un fleuve pour fe porter avec plus de célérité à tel
ou tel point, il fera de la prudence du capitaine d’ouvriers
, de donner au général, avant que d’entrer en
campagne , un état de tout ce qu’il peut demander ,•
non-feulement pour les ponts de tranfport, mais
encore un état de tout ce qui lui deviendroit abfolument
néçeffaire, fi l’on fe propofoit de former tel ou
tel pont fur les fleuves, rivières, &c. qui traverfent
le pays où l’on doit porter la guerre: nous ne fau-
rions donc trop recommander aux officiers chargés
de la conftruCtion des ponts, de connoître exactement
jufqu’aux ruiffeaux du pays où l’on projette de porter
la guerre. Ils pourront parvenir à cette connoif-
fance par le moyen d’une carte fidelle, ou par des
voyages fecrets : alors, prévoyant toutes les marches
poffibles ôt les paffages des rivières, il fera facile de
donner un état de tout ce qui deviendroit néceffaire:
l’on fera part au général de fon travail, en lui faifant
obfer ver tous les ponts néceffaires, dans le cas où fes
projets le porteroient à tel ou tel point ; par - là le capitaine
d’ouvriers fe. trouvera déchargé en partie
des fautes que le général pourroit faire, il le mettra
même en état de lui fournir tout ce qui lui fera néceffaire
pour les projets qu’il conçoit. Les travaux
s’exécuteront parfaitement lorfqu’on tiendra cette
conduite. Il feroit peut-être à defirer qu’un général
s’buvrîtau capitaine d’ouvriers, pour les paffages des
fleuves 6c des rivières, pour lui donner le tems de fe
précautionner. Peut-on craindre des trahifons d’un
officier attaché par inclination par état & par devoir
aux intérêts de la patrie ?
Suppofôns donc que le général veuille faire paffer
à fon armée un fleuve, tel que le Rhin, le Rhône ,
l’Elbe, le Pô , &c. les ponts doivent être conftruits
avec des bateaux. Voici l’état des agrès néceffaires à
la conftruCtion d’un pont de 170 bateaux.
170 bateaux, 510 poutrelles, pour affembler les
bateaux de deux en deux; <10 poutrelles de jonction
; 3000 madriers, ayant un pied de large pour la
couverture ; 6 nacelles pour la manoeuvre des ancres,;
6 cinquenelles de 150 toifes de longueur; 80
cordages d’ancre de 40 toifes de longueur ; 20 mailles
pour le remontage ; 2000 livres de ménus cordages ;
170 emmares pour chaque bateau ; 340 traverfieres;
80.ancres; 2500 croches; 2500 croches moyennes;
10000 clous à pont; 5000 crampons; 170 crocs à
pointes droites ou courbes ; 300 livres d’étoupes,
pour calfater les bateaux ; 5 o brayes ; 2 marmites pour
la braye; 24 écharpes avec leurs poulies; 4 cabef-
tahs; 100 flambeaux; 100 livres de chandelle; 20
lanternes, pour vifiter le pont pendant la nuit ; 170
efcoupes, peur vuider l’eau des bateaux; 340 rames ;
170 gouvernails.
Les outils néceffaires à la conftruCtion d’un pont
de 170 bateaux, font 40 coignées de charpentier;
40 percerettes de plufieurs calibres ; 40 vrilles de
plufieurs groffeurs; 20 marteaux à pointe; 10 grandes
fries; 20 petites feies; 4 paffes-partout; 20 ci-
feaux de plufieurs efpeces; 100 fabots pour les pilotis
; ,6 maffes de fer ; 8 grandes pinces à pied dé
biche; 16 maffes de bois bien ferrées; 2 crics, 6c
une fonnette toute équipée, montée fur un bateau
ponté pour fon ufage. L’officier chargé de la çonf-
truCtion du pont, doit avoir la prudence d’avoir, outre
le détail ci-deffus, une certaine quantité de poutrelles,
cordages, &c. de rechange; car dans des