
on -procédé comme ci-deffus; on veffe la liqueur
dans une autre foffe , mais femblable à la premiere ,
& deux mois après l’on y trouve encore un. dépôt
terreux, mais plus -falin, -mêlé d’un grand nombre
de cryftaux plus réguliers, demi-tranfparents' ; tel elï
le borax qu’on apporte en Europe fous le nom de
borax brut. Un voyageur m’a affuré en 1766, que le
procédé eft toujours le même dans l’Inde , & il m’a
dit que le produit-des fofles à borax des diftrifts de
Patnâ, du D ecan, de V ifapour, de Golconde, & de
quelques autres endroits du Mogol, eft porté à Bengale
; mais que le produit des foffes de Schirras, de
Kerman , celui des liteones ou petits lacs de -Bakiî
& d’autres endroits de la Perfe, le porte à Gomnon
ou à Bander-Abaffy. Il ajoutoit qu’avant la guerre
des Turcs contre les Perles , les Arméniens alloient
.par Smirne près l’ancienne Babylone, où il y avoit
-auffi des puits & borax, & que là ils achetoient le
borax brut & l’apportoient aux Vénitiens qui alors
avoient l’art de le raffiner. Il me montra auffi un
borax naturel qu’il me dit fe trouver dans des cavernes
en Perfe. Le borax natif eft blanchâtre , formé
par couche, contenant quelques grains fableux-rougeâtres
, d’un goût très-alkalin & .peu fucré, moins
fade que le borax ordinaire; on l’appelle felde Perfe.
Il eft bon d’obferver que dans cet état, il eft peu
propre à fouder ; il lui manque l’on&ueufe propriété
qu’on lui donne à volonté. On me fit en-même tems
obferver la forme & la nature des inftrumens dont
on fefervoit dans le laboratoire Hollandois : j’examinai
d’abord le tamis à filtrer ; le tiffu de fa toile étoit
ourdi entièrement de fils très-tors de cuivre jaune ;
cette, circonftance , .jointe à la nature du réfervoir
qui contient la liqueur gélatineufe & dont j’ai parlé
ci-deffus, me firent un peu réfléchir fur l’origine de
la partie terreufe, & de la partie verte cuivreufe
Soupçonnée ci-devant, mais démontrée par M. Cadet ;
c ’ eft cette même couleur verte du borax-brut qui a
fait croire à prefque tous les auteurs que le borax
exiftoit dans différentes mines de cuivre ; on a même
avancé qu’un tel borax étoit préférable pour les arts
à celui qui fe tiroit des autres mines. Examinons
maintenant fi les Hollandois ajoutent ou diminuent
la dofe du cuivre dans la purification qu’ils font du
borax, & fi les artifans qui font ufage de ce fel, emploient
également celui qui eft transparent fans coût
leu r , très-rafiné , ou celui qui eft unspeu tranfparen.
verdâtre, & qui contient plus de cuivre en apparence-
Voici ce que j’ai appris dans le laboratoire déjà
cité.
i° . L’on diftingue-deux fortes de borax brut, l’un
eft apporté par mer de Gomnon & de Bengale , c’eft
là le.plus commun; l’autre eft un borax de caravan-
ne ; on l’apporte par terre deBander-^bafly à Hif-
pahan, & de-ià. jufqu’à Gilhlan où on l’embarque fur
la mer Cafpienne jufqu’à Aftrakan, d’où on le porte
à Petersbourg , & enfuite par mer à Amfterdam. Le
borax de caravanne eft prefque tout en cryftaux
verdâtres.
z°. Cent livres de borax brut de l’Inde ne donnent
que quatre-vingts livres de borax purifié.
30. Ce fel, dans fon état d’impureté , eft fi difficile
à diffoudre dans l’eau , qu’il faut s’y prendre à
douze reprifes, & verfer àchaque fois le double de
fon p o id s d’eau chaude , pour en extraire & fépa-
rer toute la matière faline.
40. Par ce moyen, on pourrôit obtenir douze
cryftallifations de borax différentes entr’elles par la
couleur, la figure, la tranfparence , la pefanteur &
le dégré de pureté.
50. Venant de procéder à la diffolution du borax
Brut, on en retire tout ce qui paroît terreux .& ablo-
lument pierreux.
j6°. Pour difpofer la fubftance faline-du borax à
fe diffoudre plus facilement, il eft important de le
faire macérer pendant huit jours,'avec un poids égal
d’eau chaude.
70. On verfe chaque diffolution toute bouillante
fur un tamis à fils de laiton , adapté à l’ouverture
d’une chauffe de laine , taillée comme, la chauffe
d’Hippocrate.
8°. Les premières leffives fe font avec lenteur ,
elles font rouffâtres; les dernieres, au contraire,,
font peu colorées , & exigent peu de tems.
90. Les inftrumens, tels que les jattes* baffines
& çhaudieres, font de plomb.
io°. Le feu qu’on emploie pour ces opérations eft
fait avec la tourbe du pays de Gouda , ville fameufe
parles manufa&ures de pipes, faites avec une glaifé
grifâtre, qui fe trouve aux environs de Namur & de
Cologne.
1 1°. L’on verfe la liqueur très-chaude & évaporée
à petit feu, dans un vafe de plomb, fait comme
un grand creufet, . qui eft à l’abri, & entouré de
beaucoup de paille hachée fort menu, & couverte
d’un rond de bois plombé dans fa partie inférieure ,
& garnie d’une natte de rofeaux & de toiles dans fa
partie fupérieure ; ces précautions font des moyens
îïirs , à ce qu’on prétend, pour que la liqueur foit
long-tems chaude & fluide ; les corps hétérogènes
s’y précipitent plus facilement, & la.cryftallilàtion
fe fait plus lentement & plus régulièrement. Cette
derniere opération exige vingt jours de tems.
Voilà ce que M. de Bomare a appris en Hollande.
Il paroît donc, ainfi que l’ont cru la plupart des natu-
raliftes , tant anciens que modernes, que .le borax
n’eft point un fel faélice ; je ne doute pqurtant point
qu’on ne puiffe l’imiter parfaitement, ainfi que l’alun
& les . vitriols qu’on trouve auffi, tout formés dans
leurs mines ; plufieurs expériences dont je rendrai
compte ailleurs me le perfuàdent. Il y a dans quelques
auteurs des préparations de borax que je crois
fauffes, ainfi que MM. Pott & Margraff l’ont jugé.
M. Baumé en a donné un procédé dans XAvant-coü-
reur,-tyÇy,n°. So. ,âi. & 5z , où l’on emploie du
crottin de cheval, de la graiffe & de l’argille ; il a
d’abord mêlé fa graiffe avec l’argille & différentes
matières vitrifiables , & les a mifes en macération
pendant dix-huit mois. Au bout de ce tems il les a
trouvées, comme de raifon , extrêmement vertes &
couvertes de moififfures; il les a fait bouillir pendant
un quart d’heure, dans une fuffifante quantité d’eau:
l’opération lui a fourni du fel fédatif bien Cryftàllifé,
& qui s’eft trouvé avoir exaôement toutes les propriétés
du fel fédatif ordinaire ; il a retiré environ
quatre gros de fel fédatif par chaque livre de graiffe,
& i l préfume qu’au moyen d’une plus longue digef-
tion , chaque livre pourroit en former fix à huit
onces.
M. Baumé a répété fes.expériences, en y ajoutant
une certaine quantité de crottin de cheval, après
l’ébullition dans l’eau & l’évaporation ; il a eu du
borax brut, roux, & femblable à celui des Indes. Je
defire que les chymiftes qui auront la patience de
répéter les expériences de M. Baumé, Soient plus
heureux que moi ; mais de quelle maniéré que je m’y
fois pris pour exécuter fon procédé, je n’ai pu obtenir
de fel fédatif, & malgré tout le crottin que j’y ai
employé, je n’ai pu obtenir même un ?tôme de
borax.
Nous ne connoiffons dans le commerce que trois
efpeces de borax. i° . Le borax brut des Indes , dans
lequel on trouve beaucoup de pierres & d’impuretés
mêlées avec des cryftaux verdâtres & comme rhomboïdes.
Le fécond reffemble à du fucre peu tranfpa-
rent & candi,ou à un amas de cryftaux confus,comme
1’drcaneum duplicatum ;or\\ç nomme borax de laChine.
Le troifieme eft dur, tranfparent, luilgnt, d’un blanc
mat,
mat, d’un figure o&ogone ; on le nomme borax
raffiné d’Hollande.
Les Hollandois & les Vénitiens ont fait jufqu’à
préfent unfecret du raffinage du borax ; on croyoit
qu’ils avoient quelques préparations particulières
pour le purifier, ôc qu’ils-y employoient l’eau de
chaux; M. de Bomare eft le premier qui, dans le Mémoire
que j’ai cité, nous ait donné une méthode détaillée
pour la purification du borax. Avant lui MM.
L ’Aiguilliers, épiciers de Paris, le purifioient avec le
même fuccès que les Hollandois ; j’ai vu chez ces
meffieuts une très-grande quantité de borax brut,
qu’ils avoient fait venir de Bengale. Tout léur travail
, ainfi que celui de M. de Bomare , confifte à laver
d'abord dans l’eau froide les cryftaux de borax,
pour en féparer les pierres & les impuretés qu’ils
contiennent ; ils le diffolvent enfuite dans une fuffifante
quantité d’eau bouillante ; le borax entièrement
diffous , on en fépare par le filtre une terre grife -,
chargée de beaucoup d’impuretés. La diffolution
évaporée à lin certain point, donne par le refroi-
diffement, des cryftaux que les Hollandois vendent
fous le nom de borax en rocher de la Chine : c’eft le
borax qu’ils diffolvent une fécondé fois, & dont ils
obtiennent par cette fécondé purification, des cryf-
taux blancs & tranfparens qu’ils vendent fous lé nom
de borax purifié d'Hollande : ils retirent de cette derniere
opération une affez grande quantité d’une terre
blanche, qui eft très-effentielle au borax, & dont
j’aurai occafion de parler.
Comme les cryftaux de borax font très-adhérens
aux vaiffeaux de grais, & qu’on étoit expofé à caf-
fèr beaucoup de ces vaiffeaux pour pouvoir en retirer
les cryftaux, MM. L’Aiguilliers ont trouvé le
moyen de remédier à cet inconvénient , en faifant
cryftallifer le borax dans des vaiffeaux d’étain ; &
avec quelques coups de baguette fur les parois des
vaiffeaux , tous les cryftaux s’en détachent avec la
plus grande facilité.
Si l’on en croit Pline, Alexis Piémontois, &
quelques naturaliftes modernes, le borax vient d’une
liqueur âcre & nauféabonde, qui découle d’une
mine de cuivre» Suivant M. Geoffroi, l’on met cette
liqueur dans des foffés enduits d’argille & de graiffe,
laquelle au bout de quelque tems fe convertit en
borax ; je ne doute point que le cuivre ne faffe une
des parties effentielles du borax, fur-tout d’après le
régule de cuivre- que j’en ai retiré & que j’ai dépofé
àl’académie en 1758.
• S’il eft vrai que le borax eft le produit d’une liqueur
qui découle d’une mine de cuivre , il n’y a
point de doute que ce- fel minéral n’en contienne ;
cependant l’alkali vola til, fi propre à décéler juf-
qu’aux plus" petits atomes de cuivre, par la couleur
bleue qu’il manifefte dans toutes les diffolutions qu’on
en fait, & qu’on regarde comme la pierre de touche
du cuivre, n’en donne aucun indice, & ne produit'
point de couleur bleue avec la diffolution du borax.
Les chymiftes, d’après cette expérience & plufieurs
autres, qu’ils avoient tentées pour chercher à le démontrer,
ont fini par décider que le borax n’en con-
tenoit pas. J’aurois pu .m’en tenir à leur décifion,
fi je n’avois été vivement frappé de l’expérience de
M. Geoffroi le cadet, fur la diffolution par l’efprit-
de-vin du fel fédatif qu’on extrait du borax , & dont
la flamme eft conftamment d’une belle couleur verte
foncee, telle que la donne le cuivre , lorfqu’il a été
diffous par un acide quelconque , & qu’on en combine
fa diffolution avec de l’efprit-de-vin. Nous ne
connoiffons jufqu’à préfent que le cuivre qui puiffe
communiquer à la flamme cette couleur verte, ce
qui a,été confirmé par des expériences fans nombre,
que M. Bourdelin a tentées à ce fujet, & qui font
Sapportees dans les Mémoires de l'académie de Paris ,
Tome II.
• Mais, comme on pourroit regarder ié cuivré
qiie j’ai retiré du borax, comme y étant accidentel ;
& pouvant prévenir des vaiffeaux de cuivré dans
lefquels on a fabriqué \e borax ,ce que quelques chymiftes
n’ont pas craint d’avancer, je dois avertir
que mes expériences ont été faites fur du borax brut
qpé j’ai purifié moi-même dans des vaiffeaux qui
n’étoient point de cuivre, & que j’ai eu le même
réfultat qu’avec du borax purifié de là Chine. Pour
lever toute incertitude à ce fujet, & rendre mes expériences
plus concluantes, j’ai cru ne pouvoir
prendre une meilleure roiite que de chercher à cacher
le cuivre dans différentes fubftanees falines, &
de la même maniéré que je pouvois le foupçonner
dans le borax, & fans qu’il puiffe y être reconnu par
l’épreuve de’ l’alkali volatil. C ’eft à quoi j’ai réuffii
Mémoires préfehtés à üacadémie de Paris par des fa-
vans étrangers, tome VI.
Ce travail m’a conduit à faire une efpëce de borax
artificiel. qui foude comme le borax, mais q u i,
malgré cette propriété;, a des carafteres différeris.
Depuis ces expériences, j’ai combiné le cuivre avec
la bafe du fel marin ou l’alkali de la foude, & avec
deux autres fubftanees’ dont je me réferve de parler
dans les Mémoires de ü académie de Paris. Cètte liqueur
a un goût très-amer, nauféabonde, femblable à éelié
d’une diffolution de verdet; elle eft d’une couleur
d’un beau verd de pré très-fondée. Je l’ai étendu dans
une fuffifante quantité d’eau , pour en affoiblir la
couleur, l’alkali volatil n’y décele point le cuivre *
& ne produit point de couleur bleue ; une lamé de
fer trempee dans cette liqueur, n’y dévient point
cuivreufe ; en verfant un acide, quelconque fur cetté
liqueur concentrée, il fe fornie auffi-tôt dans le vafe
un fel par lames, comme le fel fédatif, & tel que
cela arrive par une diffolution chargée de borax. Si
pour lors on y trempe une lame de fe r , elle devient
cuivreufe ; ce qui n’arrive point avant qu’on y verfe
de l’acide. Cette expérience eft très-féduifante pour
les chymiftes qui s’occupent de la recherche du borax£
elle me rappelle quelque chofe d’affez fingulier que
j’ai vu chez MM. Bâillif, apothicaires, dans le tems
que j’occupois le laboratoire de feu M. Geoffroi ;
elle n’a pas peu contribué à me faire perfifterdans
l’idée que le cuivre eft un des principes effentiels du
borax, quoique Jes chymiftes foient aujourd’hui d’un
fentiment contraire. On ÿ fâifoit ce jour - là une
affez grande quantité de fel fédatif. La diffolution du
borax avoit été faite dans des vaiffeaux dè grais;
l’opération du fel fédatif avoit été continuée dans les
mêmes vaiffeaux ; au défaut d’une fpatule de bois
ou d’argent, on s’'étoit fervi par hafard d’une lame
d’épee à trois quarres, pour remuer la liqueur ;
j’examinai cette lame que je trouvai toute cuivreufe
; d’où cela pouvoit-il procéder ? On dira peut-
être que le borax dont on s ’étoit férvi en contenôit
pour avoir été purifié dans des vaiffeaux de cuivre ;
mais j ’examinai auffi-tôt, avec l’alkali volatil * le
borax dont on s’étoit fervi, & je n’eus pas la moindre
couleur bleue qui pût-y indiquer le cuivre*
D’après mes nouvelles observations, l’alkali Volatil
ne peut plus être confidéré comme un moyen
sûr & infaillible pour démontrer le cuivre dans les
fubftanees où il eft caché. La meilleure épreuve par
laquelle on puiffe y fuppléer, eft d’attaquer les
matières-qui en contiennent parles acides, & fur-
tout par l’acide .vitriolique : fi la diffolution de ces
matières donne ,* avec l’efprit - de -vin , la flamme
verte , on peut en conclure qu’elles contiennent
du cuivre; la caufe de cette couleur, auffi bien
que de celle que donne le fel fédatif tiré du borax,
vient du phlogiftique du Cuivre, dont le développement
n’eft dû qu’à l’aclion des acides.
En parlant du fel fédatif, j’entreraj dans de plus C