
•» du même calibre, plus il y en aurà dans leùr
» portée : un obufier de 8 pouces a une longueur
» double du mortier de même nom & leurs autres
•» dimenfions font égales ; à pleine chargé , l’obufier
« fous 22 à 23 dégrés:,: porte .prefqu’une fois plus
» loin que le mchrtier fous l’angle de 45 ». .
Il ne faut pas en conclure qu’une piece exceflive-
ment longue auroit toujours une portée proportionnée
à fa longueur ; il y a des bornes à tout: &c dans
le cas dont il s’agit, l’effort & la vîteffe du reffort
élaftique que produit l’explofion, diminuant fans
cefî'e à proportion que le vuide intérieur augmente
par le déplacement du boulet, & d’autre part, le
frottement que le boulet effuieroit dans la piece »
retardant fon mouvement, même après qu’il ne
recevroit plus l’impreffion du fluide trop raréfié,
il en réfulteroit un rallenfiffement produit par la
longueur même de la piece : enforte que pour
déterminer la longueur la plus avantageufe d’une
piece de canon , il faudroit pouvoir déterminer par
l’expérience ou par toute autre voie aufli sûre , le
point oit le boulet ayant reçu du fluide raréfié,
toute la vîteffe qu’il en peut recevoir, ne peut
plus qu’en perdre par le frottement, en roulant
dans la piece ; mais quand on obtiendroit des portées
beaucoup plus étendues avec des pièces pro-
digieufement longues , il n’en réfulteroit aucun
avantage pour le fervice, puifque ces pièces d'une
malle énorme, ne pourraient être ni tïanfportées
ni manoèuvrées.
. Au refte il ne faut pas imaginer que . nos am»
ciennes pièces n’aient dû qu’au hazard les dimenfions
qui avoient ét£ déterminées par une ordonnance
en 1731. Nousfavons par une tradition incontefta-
b le , que M. de Valiere, que nous pouvons regarder
comme le créateur de l’Artillerie en France > fit fur
cet objet important des expériences fuiyies , & que
la queftion ne fut décidée que, lorfque les faits eurent
afluré la vérité de\ la théorie : mais s’il étoit
poflible de douter de cette tradition dont tout
officier d’Artillerie qui a quelqu’ancienneté de fer-
vice , a connoiffançe pourra - t - on révoquer en
doute une fuite d’expériences de guerre conftatées
avec une évidence à laquelle il eft impoffible de
fe refufer ? C'eft ainfi que s expriment les partifans
de l’ancien fyftême, & ils concluent que les pièces
courtes ont une moindre portée que les anciennes,
dans les mêmes calibres : ils ajoutent que fi les
comparaifons qui en ont été faites, n’ont donné à
ces dernieres qu’une fupériorité d’environ 60 toi-
fes, en réunifiant toutes les circonftances, tous
les foins, toutes les attentions & toutes les précautions
les plus favorables aux petites pièces , comme
l ’inclinaifon de leur ame au-deflus de la ligne horizontale,
le choix du terrein, de la poudre , des
boulets & en ne les tirant que fous les angles d’un
à fix dégrés , fans faire entrer les ricochets en
ligne de compte , comme on auroit dû le faire pour
juger de la force totale imprimée aux boulets, &c.
la différence auroit été bien plus fenfible & la fu-
periorité des pièces longues bien plus marquée, fous
des angles fupérieurs & dans des circonftances oii
il n’auroit pas été poflible de prendre les mêmes
précautions ; mais en admettant que les, réfultats
des épreuves de comparaifon feroient toujours les
mêmes, dans combien de cas 60 toifes de moins
fur la portée, ne font-elles pas une perte réelle qui
peut influer fur le fuçcès d’une affaire? « On fe
» canonna la veille de la bataille de Lauwffeld, nos
» anciennes pièces de 8 & de 4 atteignoient l’enne-
» mi, ce que les pièces à la Suedoife ne purent
» jamais faire : « ( d') peut-on attribuer cette différence
à une autre caufe qu’au peu de longueur de
(d) Eflai fur l’ufage de 1 artUl.erié.
ces dernieres ? & s’il s’agit de prendre des proïotu*
gemens, de croifer fes feux dans des circonftances
oii le terrein ne permettra pas de s’approcher au*
tant qu’on le voudrait, tout l’avantage ne ferait-il
pas du côté des pièces longues ?
S’il eft effentiel d’avoir des pièces de canon qui
aient une longue portée, il n’eft pas moins nécef-
faire qu’on puiffe s’en promettre la plus grande jufi
teffe .poflible dans la direûion: or avec des pièces
courtes , difent les partifans de l’ancien fyftême, il
eft indifpenfable de pointer plus bas que l’objet*, à
une certaine diftance, & le foldat étant dans l’habitude
de diriger fon coup d’oeil le long de la piece
& d’en rafer la furface, il frappe au-defliisde l’objet :
les pièces à la Suedoife étant pointées à un but difl
tant de 180 toifes, le boulet pafle de quelques pieds
au-deflus ( e ). Toutes les pièces courtes feront plus
ou moins fujettes à cet inconvénient, fuivant que
le diamètre de la culaffe excédera plus ou moins
celui du bourlet : voilà pour les portées ordinaires
& meurtrières de 180 à 200 toife$,; mais lorfqu’ii
fera queftion de tirer à de grandes diftances & au-
delà des limites du but en blanc, il faudra élever
la piece : donc les coups feront alors très-incertains
& de peu d’effet, par la grandeur de leur angle dé
chûte ; & la hauteur du je td e venant plus grande
plus il y aura de pofitions entre le but en blanc naturel
de la piece & la batterie oh l’ennemi ne feroit
point frappé ; le canonnier vifant toujours â lui le
le long de la piece & ne la baillant pas à mefure que
l’ennemi en approcherait (ƒ ) . Quant à l’incertitude
de la direâionfur la droite & fur la gauche, plu-
fieurs raifons concourent à rendre les portées des
pièces courtes incertaines. i° . Si le rayon de mire
pafle du centre à la culaffe à côté du guidon au
lieu de le partager par fon milieu, ce qui arrive plus
ordinairement avec les pièces nouvelles q u iy étant
montées fort baffes, obligent le canonnier de fe baif-
fer de côté pour pointer, l’angle d’écartement fera
plus ouvert avec une piece courte fur un affût bas
qu’avec une pièce longue fur un affût ordinaire , &
le boulet s’éloignera plus du but (g-). 20. Il n’eft pas
douteux qu’un alignement un peu étendu fera d’autant
moins exaél , que les extrémités d e l’inftrument
dont on fe fervira pour le prendre, feront plus rapprochées
, d’où il fuit que les coups des pièces courtes
feront plus incertains relativement à la hauteur
& par l’écartement à droit & à gauche qui réfulte
de leur conftrudion & de leur affût.
Au refte, difent les anti*novateurs, quand les
épreuves qu’on a faites fur les petites pièces, leurs
auroient été encore moins défavorables,nous n’avons
pas oublié ce que difoitM.de Valiere en pareille
occafion. •
. « Les expériences même , c’eft M. de Valiere quî
» parle, feroient généralement des moyens peu sûrs
» pouf coriftater la bonté .dès nouveautés : tout le
» monde croit être en état d’en faire; parce que peu
» ;de perfonnes font .affez inftruites. pour :lentirlai
» difficulté, d’en faire de décifiyes fur-tout en fait-
» d ’Artillerie; car fi on demaùdoit à ceux; quia le»
» propofent un: plan raifonné de ces; expériences ;;
» ou iis affigneroient leur; bijt & les; moyens d’y;
». parvenir > ou ils apprécieraient les erreurs inévi-
» tables , tant de la- part' des inftrumens qu.e;de la;
» part de ceux qui s’en fervent, & détermineroient
» les influences que ces erreurs doivent.avoir.fur les7
» réfultats ;. ou enfin ils .montreroient'des voiessûres.
».pour analyfer des caufe$ & des effets qui ,, dans.
» l’Artillerie, font fi compliqués!: qui font ceux qui.
(A Ibid., page 30.
. ( ƒ ) Réponfe de rauteurde-l’Eflai fur l ’ufage de l’artillerie,
à celui de l’artillerie nouvelle, page 16, •
ie )m t ..........
» fe -flatterolent d’y fatisfaire î de plus des expérien-
» ces bien faites dans la, tranquillité d'une éçobnne
» font pas toujours concluantes pour la guerre (Ji)H
C ’eft donc aux expériences de guerre à décider
du mérite du nouveau fyftême : car on fent affez que
des épreuves de cette nature faites fur un terrein-lec
& horizontal, par un beau tems, avec de la poudre
choifie, des boulets bien calibrés &c une attention
de la part des canonniers que rien ne peut troubler ,
doivent donner des réfultats bien differens de ceux
d’une afrion de guerre, .dans des terreins.inégaux,
oit les pièces fe trouvent fenfiblement plus élevées
ou plus baffes que les objetsqu’on veipt battre ; dans
des emplacemens rompus par les pluies, avec de la
poudre humide, des. boulets quelquefois moins
exaàs & des hommes enveloppés de fumée & ex*
pofés aux plus grands dangers ; tues' ou mis hors de
combat, remplacés par d’autres qui font^ obligés
d’étudier leur pofition &par confé.quent de; tâtonner,
Sl mille autres circonftances q i,l rendraient les réfultats
à la. guerre bien differens de ceux que des épreuves
tranquilles, à l’abri de toute efpece de diffraction,
peuvent donner.
Ce n’eft pas que les partifans des anciens ufages
ne conviennent avec les novateurs, que les pièces
ée canon font des êtres infenfibles fur lefquels lè beau
& le mauvais tems, la tranquillité de la paix ou les
hazards de la guerre, n’ont aucune influence : ce
n’eft pas encore qu’on ne rende au corps royal de
l’Artillerie , toute la juftice qui eft due à fon ze le ,
fon afrivité, fes talens'& fa bravoure : mais il y
aura sûrement plus de défordre dans une batterie
de guerre que dans une batterie tranquille d’école ,
où les mêmes hommes toujours aux mêmes places,
ne feront ni tués ni bleffés , où l’on chargera &
pointera les pièces fans précipitation, où cette ardeur
fi naturelle à tous lés piembres du corps royal,
ne les emportera pas , où les pièces ne feront point
bleffées, les affûts point b r ifé s ,& où enfin toutes
les circonftances réunies d’une bataille n’exiftant
points laifferont à l’efprit toute -la tranquilhtéJont
il eft capable ; aux hommes , tous leurs membres
pour agir ; aux pièces & aux affûts leur forme & leur
pofition confiantes. C’eft par des épreuves de guerre
au milieu de toutes les circonftances que nous venons
de rapporter, que la folidité des pièces anciennes
& la longueur & la jüfteffe de leur portée j ont
été conftatées ; c’eft là que leur fupériorité fur les
pièces courtes des étrangers & fur nos pièces à la
liiédoife, aétéconftamment reconnue ; c’eft aux mêmes
épreuves & aux mêmes circonftances qu’il faut
foumettre les pièces nouvelles avant’de fe -déterqff-
ner à les fubffituer aux anciennes.
Lorfque l’objet ((y) qu’on veut battre fe trouve
à une telle diftance de la piece , qu’il faille l’élever
pour l’atteindre ; c’eft-à-dire, lorfque l’objet à battre
eft au-delà des limites du but en blanc de là piece ,
q ui, felonnotre définition, eft la' fécondé intèrfeftion
de la ligne de mire & delà trajeûoire : cet objet eft
alors tellement éloigné, qu’il eft néceflaire, pour
l’atteindre , d’élèver la volée de la piece , '& cette
élévation eft plus ou moins grande , félon que- le
point qu’on veut atteindre eft plus ou moins éloigné
& que la piece eft bien ou mal proportionnée. Le
rayon.de mire (FJîg. 2 .) fe perd alors enj’air &
l’on a toujours été dans l’ufage de pointer d’abord
à l’objet pour s’affurer de la direâion, puis d’élever
la piece & de tirer qùelques éOups pour trouver
l’élévation convenable , relativement à la diftance
: cette élévation trouvée, on faifoit une marque
au coin de mire qui fervoit à fixer la piece dans fa
(h) Traité de la defenfe des places par les contremines, avec
dçs réflexions6»c, page py.
pofition, tant que l’objet n’avoit pas changé de fitua-
tion par rapport à elle ; on a fubftiuié à cet ufage
une .machine qu’on appelle haujje, ( H jig. 3. )
( Voy. aufli pour le détail k.pL. 1. n °. 1. ) c’eft une
petite plaque de cuivre graduée , qui giiffe dans une
coulifle fixée par quatre vis au milieu & derrière la
plate-bande de culaffe : on éleve à volonté cette
h a u ffe ju fq u ’à un certain point & jufqu’à ce que le
rayon de mire , ( I fig. 3 . ) rafant fa fommité &
celle du bourlet, rencontre l’objet (£ ).
Les partifans de l’ancien fyftême croient qu’il fera
difficile de faire ufage de cette machine à la guerre
&c que la vivacité d’exécution d’une batterie né le
.permëttra pas : il faudra, difent-ils, dans les directions
horizontales eftimer à l’oe il, l’éloignement ou
la diftance de la piece de canon à .l’ennemi , pour
fixer la hauffe à la divifion qui lui conviendra : nou-
'velle eftime à faire lorfque la piece fera plus ou
moins élevée que l’objet à battre, 6c. dans tous les
cas, ce feront des tâtonnemens comme avec le
coin de mire de l’ancienne méthode. L’ufage de cette
machine plus jolie que folidè , ajoute-t-on » fera toujours
fort incertain par 'la difficulté de juger des
diftances qui changent à chaque inftant dans les mou-
vemens prompts\ 6ç réciproques de deux armées:
cette machine délicate réfiftera-t-elle aux fatigues
des marches, à. rébranlement des coups tirés avec
précipitation, aux fecouffes que lui donneront les
canonniers en l’élevant & l’abaiffant ? Le feu, la fumée
, la grande vivacité & l’ardeur Ordinaire, dans
ces fortes d’occafions , laifferont-elles la liberté d’en
faire ufage, puijqu’il eft même affez difficile de s’en
lervir dans les exercices.tranquilles des écoles?,
« Les élévations de la hauffe relatives aux coups
» à boulets, ne fortt pas celles qu’exigent les coups
» à mitraille ou à petites balles : remarquons de
*> plus que les hauffes, fiiffent - elles bonnes, ne
» pourroient, fans devenir excefîives, avoir lieu dans
» plufieurs occaûons, où les coups à boulets cau-
» feroient encore de terribles ravages dans les troupes
» ennemies prifes en flanc, refferrées dans un défilé ,
» &Ci s’il étoit queftion, par exemple, de tirer fous
»,1’angle de 6 dégrés, contre des troupes fenfible-
»ment au niveau de la batterie , il faudrait aux
» pièces de 12 dû nouveau m odèle, une hauffe d’en-
» viron 7 pouces, & de 5 environ aux pièces de 4 ;
>» c’eft-à-dire , d’un 1 ie. à peu p rès, de la longueur
» de chaque piece ( i ) , au lieu qu’elles n’ont toutes
» que 18 lignes de hauteur , pour les pièces des trois
» calibres indifféremment ». Nous-ne notis arrêterons
pas plus long-tems fur le parti qu’on peut tirer de
cette invention renouvellée ; le long oubli où elle
eft reliée, eft une preuve fuffifante de l’opinion qu’on
en avoit.
On a fupprimé les coins de mire aux nouvelles
pièces & on leur a fubftitué une vis ( Q IF )
qu’on nomme vis de pointage, dont la tête eft en-
châflée fous la femelle , fur laquelle s’appuie la culaffe
(£ ); par ce moyen , le canonnier en tournant la
- manivelle (iR) élevé & baiflé la piece à fon g ré , fans
avoir befoin du fecours des fervàns & dès leviers':
ce.tte méthode fimplifie & accélère le fervice : quelques
puiffances étrangères en font ufage, & elle ferait
très bonne, fi la vi? qui eft de fer, n’etoit pas
fujette' à la rouille , fi la boue & les graviers dont
elle fe charge 6c qui entrent aufli dans l’écrou (/*)
qui eft de cuivre, .n’en empêéhoient pas le jeu;
mais les meilleures chofe.s font fujettes à des incon-
vénièns , & lé mal eft tpujours à cote du bien.
On a fait ^pendant le cours de l’été 1764 à Strasbourg
, beaucoup d’expériences fur les coups tirés à
cartouche ou à mitraille , ôc 1’qn s’eft déterminé à
(i) Réflexions fur là-pratiqUe. du pointement du canon ,p. 48,