
pofitions 6c des poftes qui doivent en faire la fureté
: enfin c’eft en ce cas plus qu’en aucun autre qu’un
général doit trouver dans fes talens 6c dans fon génie
des reffources de toute efpece, qui puiffent fup-
pléer l’avantage du nombre, balancer la fupériorité
de l’ennemi, 6c rendre fes projets inutiles.
Outre les maximes générales, 6c particulières que
vous avez vu ci-devant, pratiquez les fuivantes.
I. Evitez autant que vous le pourrez de camper
en plaine, où vous trouverez bien moins d’avantage
& de fureté que par-tout ailleurs, nul obftacle ne
pouvant cacher à l’ennemi les mouvemens & manoeuvres
de votre armée, ni l’empêcher d’agir, 6c
de tirer le parti qu’il voudra des circonftances ; campez
aircontraire dans les montagnes, où vous ferez
difficilement découvert, & où la fituation & la nature
des lieux peuvent vous mettre en état de ne
pas craindre la fupériorité du nombre.
II. Ayez fur-tout égard ici à l’étendue du terrein ,
ainfi qu’au nombre 6c à l’efpece de troupes dont
votre armée eft compofée. Une trop grande étendue
eft dangereufe, en ce qu’elle eft difficile à garder
& à défendre : un terrein trop refferré eft incommode
; les troupes y font les unes fur les autres,
& les manoeuvres y deviennent très-embarraf-
fantes.
III. En quelque pays que vous foyéz, retranchez
toujours votre camp de toutes les maniérés connues
le plus promptement & le plus fùrement qu’il vous
fera poffible. En tirant un bon parti de la fituation
des lieux 6c du terrein pour la difpofition de vos
troupes, vous ferez en état de ne pas craindre l’ennemi.
IV. Ne négligez point de faire beaucoup de communications.
En tout, que votre champ de bataille
foit aifé, que vos troupes puiffent s’y fouteriir 6c fe
fecourir les unes les autres, 6c combattre avec avan-
tage.
V. Que votre camp foit tellement difpofé & couvert
, qu’il ne puiffe être enfilé ni incommodé d’aucune
part.
VI. Si vous êtes couvert par une riviere, con-
noiffez-en tous les ponts 6c les gués, 6c faites-les
occuper ; 6c fi votre armée ne peut être à portée
de foutenir ces différens poftes, ayez des corps intermédiaires
qui puiffent le faire.
VII. Reconnoiffez avec le même foin les marais
qui fe trouveront à la tête ou fur les flancs de votre
camp, pour favoir s’ils font pratiquables ou non. Il
eft arrivé plus d’une fois que ces marais n’étoient
que des prés fecs : en général, que vous puiffiez
compter fur les points d’appui que vous choifirez ;
voyez tout par vos y eux, parce qu’il n’y a rien dans
une polition qui ne foit de conféquence , 6c qui ne
mérite votre attention. Il vaut mieux, félon le duc
de Rohan, prendre un nombre infini de précautions
inutiles, que d’en oublier une feule qui peut être
néceffaire.
VIII. Si vous avez des inondations à craindre,
faites conftruire des digues, détournez les eaux.
IX. Gardez-vous de camper l’une ou l’autre de
vos ailes derrière un marais ou quelqu’autre obftacle
où elle ne puiffe manoeuvrer facilement, & où
elle vous devienne inutile en cas d’attaque, comme
il arriva au maréchal de Villeroi à Ramillies, qui
fe priva par une difpofition femblable de toute fon
aile gauche.
X. Placez votre artillerie fur les hauteurs, 6c
par-tout où elle devra faire le plus d’effet, relativement
à la difpofition de votre front, 6c à celle
que l’ennemi fera dans le cas de faire pour vous attaquer.
XI. Que votre retraite foit toujours affurée ;
évitez de vous fourrer dans quelque cul-de-fac ou
terrein d’où vous ne puiffiez. fortir que par un défilé
où votre ennemi puiffe vous combattre avec
avantage , 6c quelquefois vous enfermer & vous
forcer de mettre bas les armes fans pouvoir vous
défendre. Le prince d’Orange à Seneff, le maréchal
de Crequy à Coüfarbrick, le roi d’Anglèterre à
Doettingen, avoient péché contre cette maxime j
6c par une faute femblable, un corps de Pruffiens
fut battu par les Autrichiens à Maxen, près Drèf-
d e , en 1 75 9 , 6c forcé enfuite de mettre bas les
armes.
XII. Faites en forte d’ôter à l’ennemi les fourrages
des environs, en les allant chercher d’abord
le plus oin que vous pourrez, 6c enfuite de plus
près en plus près ; mais n’annoncez jamais d’avance
le jour auquel vous devrez fourrager, 6c n’en ayez
point de fixe , pour que l’ennemi n’en foit point informe,
6c qu’il ne puiffe profiter de ce moment
pour vous attaquer. Tâchez de fourrager le même
jour qu’il fourragera , parce qu’alors vous courrez
moins de rifque d’être attaqué; mais que ce foit
avec les plus grandes précautions, car s’il s’apper-
çoit que vous faffiez vos fourrages en même tems que
lui, il pourroit fuivre tout ce qui fe pratique en pareil
cas, 6c faire rentrer enfuite fes fourrageurs pour
vous tomber fur le corps.
XIII. Que votre camp foit tellement fitué 6c difpofé
, que votre pays étant couvert, l’ennemi ne
puiffe fe mettre trop près de vous fans s’expofer à
recevoir quelqu’échec; que pour pénétrer plus loin,
il foit forcé de vous y venir chercher & combattre
avec défavantage , ou qu’au moins il ne parvienne
point à vous déporter fans faire un grand détour
qui vous donne le tems de le prévenir où il vou-
droit aller, 6c de rompre fes projets.
XIV. En conféquence de la maxime précédente,’
ayez à l’avance reconnu de bons camps dans tous
les endroits par où l’ennemi peut percer; occupez
celui qui l’empêche d’aller à fon but, ou qui
vous mette à portée de le prévenir par-tout ; 6c
s’il faut vous retirer, de lui échapper fans danger.
X V . Obfervez continuellement votre ennemi ,
afin de pouvoir régler vos difpofitions 6c vos mouvemens,
d’après ce que vous lui verrez faire.
XVI. Enfin lorfque vous devrez quitter un camp
retranché, 6c que vous jugerez que l’ennemi puiffe
trouver quelqu’avantage à le venir occuper, détrui-
fez-en les fortifications, 6c brillez les magafins que
vous n’aurez pu évacuer.
Camp de pajfage. Dans la guerre offenfive on
campe paffagérement quand on marche, foit pour
attaquer l’ennemi, ou le déporter par différentes
manoeuvres ; foit pour le prévenir à quelque paf-
fage , 6c pénétrer dans fon pays ; foit pour invertir
une place, 6c en former le uege ; foit enfin pour
fe joindre à une armée ou à quelque corps avancé.
Dans la guerre défenfive, comme dans l’offenfive,1
on occupe un camp de paffage lorfqu’on va fe porter
pour couvrir fon pays, qu’on eft obligé de régler
fes mouvemens fur ceux qu’on voit faire à fon ennemi
, qu’on a pour objet quelque réunion, lorfqu’en-
fin on eft obligé d’abandonner un pofte , une fron*
tiere, même une partie de fon pays pour en couvrir
un autre.
De quelqu’efpece que foit la guerre , 6c de quelque
nature que foit le pays où on la faffe, loin ou
près de l’ennemi, on a foin de faire partir à l’avance
les canapemens, 6c de les faire précéder, fi les circonftances
y obligent, par des clétachemens. Du
refte , on obferve pour tout ce qui concerne ces fortes
de camps, 6c les cas différens où l’on peut fe trouver
, tout ce qui a été dit précédemment.
Camp fiable, Un camp fiable peut avoir divers
objets,
«bjets, fuivant qu’on agit offenfivement ou défenfi-
vement.
Quand on eft fur f offenfive , on occupe un camp
pendant un certain tems, pour faire le fiege ou le
blocus d’une place, pour attendre l’effet d’une di-
verfion ou la prife d’une place qu’on aura fait attaquer
par un corps détache de l’armée, pour donner
le tems d’arriver à quelque renfort de troupes ou à
un convoi dont on ne peut fe paffer ; dans le cours
ou à la fin d’une campagne pour manger ou évacuer
les fourrages & les fubfiftances d’un pays qu’on
a deffein d’abandonner ; pour donner du repos à fon
armée à la fuite de quelque longue marche ou opération
de longue durée, qui y aura caufé de la perte
ou des maladies; ou enfin dans le cours d’une campagne
qui n’aura pas été auffi heureufe qu’on l’avoit
d’abord efpété.
Quand on campe devant une place pour l’attaquer
, qu’on fait que l’ennemi ne peut aflémbler
une armée affez forte pour tenter de la fecourir,
6c qu’on a peu à craindre des détachemens qu’il
pourroit en v o y e r , foit pour cet objet, foit pour
troubler les opérations du fiege, alors on ne fait
que diftribuer les troupes autour de la place ; mais
en les campant auffi commodément qu’il fe peut,
il eft effentiel de refferrer la circonvallation de façon
que les communications foient courtes 6c faciles ,
6c que rien ne s’échappe de la place ; à quoi l’on
parviendra plus fùrement, en profitant des hauteurs
6c autres objets qui pourront couvrir le camp, 6c le
mettre à l’abri du canon 6c des bombes des affiégés.
Si l’on a une armée d’obfervation, elle campera
fuivant les maximes qu’on a expofées ci-devant.
( Voye^ les articles C ir c o n v a l l a t io n , Ligne ,
Supp/.)
Lorfqu’on eft fur la défenfive, on prend un camp
fiable effentiellement pour couvrir fon pays , ou
quelque place importante que l’ennemi a deffein
d’affieger. Outre ces deux objets, un camp fiable,
dans le cas dont il s’agit, peut en avoir plufieurs autres;
mais comme ils font communs avec ceux dont
on a fait mention au premier cas , on fe difpenfera
de les répéter, d’autant qu’ils font aifés à diftinguer :
on peut y en ajouter encore un, qui eft quelquefois
d’attendre que Fennemi ait féparé fon armée pour
prendre fes quartiers d’h ive r , afin de pouvoir les
prendre de fon côté fans craindre d’être inquiété de
h. part.
D e quelque maniéré que vous agiffiez, ne prenez
jamais un camp fiable fans vous conformer à
toutes les maximes que vous avez vues jufqu’ic i, 6c
fiiivant que vous ferez dans l’un ou l’autre des cas
qu’on a fuppofés. Affurez-vous fur-tout de la falu-
brité de l’air dans votre camp, 6c faites-y ©bferver
la plus grande propreté : qu’on enterre au loin toutes
les immondices , ou qu’on les jette dans la riviere
quand vous en aurez une à portée de vous, 6c qu’elle
fera affez confidérable pour que l’eau n’en puiffe pas
être gâtée.
C a m p retranch é On fait retrancher fon camp,
foit en campagne , foit devant, foit fous une place.
Ces trois cas fuppofant des raifons 6c des circonftances
différentes, doivent être néceffairement traités
féparément.
Camp retranché en campagne. Si l’on ne doit jamais
fe repofer fur la fupériorité du nombre quand
on fait une guerre offenfive, il eft encore plus prudent
de retrancher toujours fon camp. Les Grecs,
les Romains 6c la plupart des autres nations faifoient
rarement quelque féjour dans un lieu fans s’y fortir
fier : 6c les retranchemens n’empêchent point de
marcher à l’ennemi, quand on le jugé à propos; ils
mettent une armée à l’abri de toute infulte, limtout
quand elle eft compofée de troupes peu aguerries,
Tome II.
ou de nouvelle le v é e , 6c ils donnent, en cas d*atta*
que, l’avantage du terrein. Avec des retranchemens,
fi l’on eft obligé de faire quelque gros détachement
pour le fourrage ou quelqu’autreopération, le refte
des troupes, les bagages, les vivres , font fans danger;
les troupes fe trouvent foulagées , parce qu’il
n’eft pas befoin chaque jour d’un auffi grand nombre
de gardes. Enfin s’il eft vrai que rien n’énerve plus
le courage que de penfer qu’on eft fur la défenfive
en accoutumant le foldat à fe retrancher en toutes
occasions, on parviendra plus aifément à prévenir
en lui l’idée du danger 6c le lentiment de la foibleffe;
on le rendra en même tems plus induftrieux 6c plus
laborieux. « Nous autres, dit le roi de Pruffe ( Inf*
truciion militaire, article V I I I ) nous retranchons nos
camps comme autrefois ont fait les Romains, pour
éviter non-feulement les entreprifes que les troupes
légères ennemies, qui font nombreufes, pourroient
tenter la.nuit, mais pour empêcher la défertion ; car,
continue ce prince, j’ai obferve toujours que quand
nos redents étoient joints par des lignes tout au-tour
du camp, la défertion étoit moindre que quand
cette précaution avoit été négligée. C ’eft une chofe
qui, toute ridicule qu’elle paroiffe, n’en eft pas moins
vraie ».
Il ne fuffit pas, lorfqu’on eft fur la défenfive, qu’un
camp foit fort par fa fituation, il faut encore, fur-tout
quand l’ennemi eft obligé de venir vous y attaquer,
fuppléer aux moindres défauts du terrein par des
fortifications de toutes efpeces, qui vous mettent
parfaitement à couvert 6c en état de faire la défenfe
la plus vigoureufe 6c la plus opiniâtre.
Dans un pays de plaine, obfervez, en conftruifant
vos retranchemens , de bien faifir tous les avantages
que peut offrir le terrein ; profitez des rivières, ruif-
feaux, canaux, des marais, des chemins creux, fof-
fés, des villages, cimetières, châteaux, cenfes, &c.
faites de bonnes redoutes, des lignes coupées, des
épaulemens, des puits, des tranchées, des inondations;
ayez des chevaux de frife , des chauffes-trappes,
pour les employer où vous le jugerez à propos :
en un mot, en fuivant les meilleures réglés de la fortification
de campagne, étendez vos retranchemens
le moins que vous pourrez, attendu que ce ne font
pas eux qui arrêtent l’ennemi, mais les troupes qui
les défendent ; multipliez par-tout vos défenfes, de
maniéré à donner la même force à toutes les parties,
6c que l’attaque ne puiffe avoir lieu que dans un ou
deux points au plus où vous aurez redoublé les obf-
tacles. « Je n’aurois garde, dit le célébré auteur que
j’ai cité dans cet article, de faire des retranchemens
que je ne pourrais pas border d’une chaîne de bataillons
& d’une réferve d’infanterie, pour la porter
par-tout où il fera befoin ».
Dans un pays de bois 6c de montagnes, obfervez
non-feulement tout ce qui vient d’être dit pour ce
qui concerne les pofitions que vous pourrez prendre
dans une pays de plaine, mais ne négligez pas d’occuper
les hauteurs 6c les bois ; faites des abattis, des
efearpemens, des retenues d’eau, 6*e. Voye{ fur
cet article 6c le précédent, l’article R etranchem
en t , Suppl.
Quand on entreprend de couvrir un pays par des
lignes, comme on l’a pratiqué pendant quelque tems,
mais prefque toujours fans fuccèjS, on obferve autant
qu’on le peut, dans la maniéré de les conftruire, tout
ce qui a été dit au fujet des camps retranchés dans la
guerre défenfive. Une ligne de cette efpece étant néceffairement
fort étendue, il faut avoir foin de profiter
dans fa conftruâion des forêts, des bois les plus
fourrés, des marais, des rivières, des ruiffeaux ef-
carpés 6c bourbeux, des chaînes de montagnes coupées
de peu de gorges faciles à .garder, en un mot de
tous les objets qui peuvent donner de l’avantage, 6c
V