
avant dans la nuit. Magnence difparut, & un moment
après il rentra dans la falle du feftin revêtu
de la pourpre 6c de tous les attributs de la puiffance
fouyeraine. Les conjurés le proclamèrent empereur.
Les autres convives, étonnés de cette fcene imprévue
, prennent le parti de le reconnoître. Il marche
vers le palais, un corps d’Illyriens fe joint à lui, 6c
le peuple par fes acclamations applaudit à fon élévation.
Confiant étoit occupé de la chaffe dans les
forêts , dont le filence fut troublé par le bruit de
cette révolte. Ses domeftiques & fes flatteurs l’aban-
donnerent pour n’être point enveloppés dans fon
infortune. Il fe flatta de trouver un afyle en Efpagne ;
il y fut vivement pourfuivi par des fatellites envoyés
par le tyran ; fe voyant par-tout environné d’affaf-
fins & d’ennemis, il quitta les ornemens de fa dignité
pour n’etre pas reconnu ; mais il fut découvert aux
pieds des Pyrénées dans une chapelle oit il s’étoit
réfugié. On l ’arracha de ce lieu facré pour l ’égorger,
-il périt dans la trentième année de fon â g e, 6c dans
la troifieme de fon régné. ( T—n . )
Constant I I , qui prit quelquefois le nom de
Conflantin I I I , étoit fils d’Héraclius Conftantin, 6c
de Grégorie, fille du patrice Nicetas. Le fénat,
fatigué de la domination tyrannique de Martine qui
avoit empoifonné Héraclius, pour placer fon fils du
premier fit fur le trône , proclama empereur Conf-
. tant, fans le concours de l’armée, qui confirma cette '
éle&ion. Comme il avoit été élevé fur le trône par
les intrigues des Monotellites , il fut leur zélé protecteur
; mais, importuné par les clameurs des
théologiens inquiets 6c turbulents, il impofa filence
aux deux partis, fur les deux volontés de Jefus-
Chrift. Cette modération apparente ne fervit qu’à
cou vrir fa haine contre les ortodoxes, dont il fut
toujours Pennemi 6c le perfécuteur. Martin , qui
venoit d’être élevé fur la chaire de S. Pierre , lui
oppofa un courage digne des tems apofioliques.
Confiant, irrité de faréfiftance, le condamna à l’exil,
'•oit il mourut accablé de chagrins 6c de miferes. Théodore
, frere du tyran, lui étoit devenu odieux, quoiqu’il
n’eût à lui reprocher que l’amour des peuples ;
c’eft ce qui rendit fa fidélité fufpeéte. Confiant le
força à fe faire ordonner diacre, pouf prévenir la
tentation d’envahir la puiffance fuprême. Ce grade
fâcré ne fut pas fuffifant pour diflïper fes défiances ;
i l eut l’inhumanité de le faire maffacrer ; & il ne
prit pas même la peine de fe juftifier de ce fratricide.
Les Sarrafins lui enlevèrent plufieurs provinces , 6c
apres l’avoir vaincu , ils lui accordèrent une treve
de deux ans. Confiant , délivré d’ennemis aufli
redoutables , paffa en Italie qu’il vouloit affranchir
de la domination des Lombards ; mais au lieu de
combattre les barbares, il pilla Rome qu’il dépouilla
de fes plus riches ornemens pour embellir Syracufe,
dont il fit le fiege de fes états. La Sicile, qui fe félicita
d’abord de pofféder le maître de l’empire, eut
bientôt à gémir de fa tyrannie. Les peuples furent
ruinés par fes exaétions. Il enleva les vafes précieux
qui fervoient au culte public : fon avarice fouilla
jufcjues dans les tombeaux. Les grands feigneurs murmurèrent
, 6c furent punis par la torture : mais leur
fang fut la femence de nouvelles rebellions. Les peuples
opprimés foupiroient après un libérateur. Maze-
fes , fécondé des autres miniftres du tyran, fe chargea
de k vengeance publique. Il le fuivit dans le
bain, 6c 1 affomma avec le vafe dans lequel on ver-
foit de l’eau. Il régna vingt-fept ans, & il étoit
monté fur le trône en 643. ( T—n . )
CONSTANTIN ( Caius-Flavius-Valerius-
Claudius ) , du Bas-Empire, étoit fils de
Confiance Chlorus & d’Hélene fa première femme.
On ignore le tems & le lieu de fa naiffance. On
n eft pas mieux infiruit de l’origine de fa famille à
qui les uns donnent la plus haute antiquité, & que
d’autres prétendent être très-nouvelle. Quand il fut
revetu de la pourpre, fes flatteurs le firent defeen-
dre de Vefpafien ; mais ils ne purent jamais établir
cette filiation. Conflantin né avec toutes les femen-
ces de 1 heroïfme , n’eut pas befoin d’aïeux pour fe
rendre illuftre. Lorfque fon pere fut envoyé dans
les Gaules avec le titre de CeTar, Dioclétien le retint
auprès de lui comme un gage de la fidélité de fon
collègue. Les diftinétions dont il l’honora , lui firent
oublier qu’il étoit dans une efpece de captivité. La
valeur dont il donna de fréquens témoignages dans
la guerre d’Egypte, le rendirent également cher à
Dioclétien 6c aux foldats. A fon retour à Rome, le
peuple s’emprefToit en foule fur fon paffage, & par
fes acclamations réitérées lui préfageoit fa grandeur
future. Ses yeux vifs 6c perçans annonçoient fa pénétration.
Sa phyfionomie noble & guerriere étoit
tempérée par fon affabilité. Ses refus étoient accompagnés
de tant de grâces, qu’on ne le quittoit jamais
fans être pénétré de reconnoiffance. Sa conftitution
foible 6c délicate l’expofa à de fréquentes maladies
dans fon enfance. Une vie fobre 6c frugale fortifia
fon tempérament & le rendit capable des plus grandes
fatigues. Sa jeuneffe fut exempte des foibleffes
qui egarent la raifon. Son premier mariage avec Mi-
nervine prévint les orages que les paflions excitent
dans leurnaiflance. La fcience militaire étoit la feule
qui donnât de laconfidérationdans cefiede de guerre.
Son pere entraîne par l’exemple ne lui donna qu’une
éducation propre à en faire un grand capitaine. II
fut nourri dans le camp où il vivoit confondu avec
les foldats ; mais quand il fut parvenu à l’empire, il
cultiva les lettres avec plus d’application qu’il ne
convenoit à l’arbitre des nations. Les favans furent
admis dans fa familiarité. Les courtifans qui jufqu’a-
lors n’avoient fu défier que les périls & la mort,
devinrent plus éclairés 6c plus polis. L’ignorartce 6c
la férocité ne furent plus le caraftere diftin&if du
guerrier. Galerius, fucceffeur deDioclétien, prit ombrage
de fon mérite, & pour ne pas lui donner
trop de confidération, il luirefufa le titre de Céfar
qui lui étoit dû comme fils de Confiance. Sa politique
cruelle l’expofa aux plus grands dangers d’où
il eut le bonheur fie l’adreffe de fortir avec gloire.
Son pere étant prêt de s’embarquer pour la Grande-
Bretagne, redemanda fon fils avec une hauteur
menaçante qui détermina Galerius à le rendre. Conf-
tance -reçut avec des larmes de joie un fils qu’une
longue abfence lui avoit rendu plus cher. Étant prêt
de mourir, il le défigna fon fucceffeur, fans lui
affocier trois autres fils qu’il avoit de fon fécond
mariage. Dès qu’il eut les yeux fermés, les foldats
proclamèrent fon fils Augufte. Conftantin les pria d’attendre
l’agrement de Galerius pour prendre ce titre*
Leur impatience ne put fe réfoudre à ce ménagement
politique. Ils le revêtirent de la pourpre malgré fa
réfiftance. Son premier foin fut de rendre les devoirs
funèbres a fon pere à qui il fit décerner les honneurs
divins. Galerius qui fe voyoit obfcurci par cet aftre
naiffant, fit mouvoir des refforts fecrets pour l’exclure
du gouvernement : mais fon avarice & fes
cruautés la voient rendu fi odieux, qu’il n’infpiroit
plus que des fentimens de mépris. Sa jaloufie
impuiffante ne fit que relever l ’éclat de fon collègue.
Il tourna fes fureurs contre les Chrétiens dont le
fang inonda la ville 6c les provinces» Tant de viéti-
mes ne furent pas fuffifantes pour affouvir fes vengeances.
Les Païens qui lui étoient aufli indifférens
que les Chrétiens , furent enveloppés dans la prof-
cription. Les biens des citoyens les plus opulens
furent confifqués ; des impositions accablantes épui-
ferent le peuple, le mécontentement fut général
comme l’opprefiion. Le cri de la révolte rétentit
aux pieds dü trône. Galerius-environné de féditièiix
6c de mécontens, revêtit Conftantin de la pourpre
pour s’en faire un appui» Maxenee,fi!s de Maximin,
qui jufqu’alors avoit vécu dans une crapuleufe débauche,
revendiqua, lès armes à la main, l’héritage
de fon pere* Tandis que l’empire étoit embrâfé du
feu des guerres civiles, Conftantin convaincu que fi
la fortuné fait les empereurs, c’eft aux empereurs
à jufiifier le choix de la fortune , régloit l’intérieur
de fes états 6c en protégeoit les frontières contre
les invafions des Barbares» Les Francs qui avoient
pafle le Rhin furent vaincus & difperfés. Il les força
de repaffer le fleuve ; ils furent pourfuivis par leur
ennemi infatigable qui porta le fer 6c la flamme
dans leurs pofleflions. Les jeunes gens qui tombèrent
dans fes mains, & qui étoient en état de porter
les armes , furent tous livrés aux bêtes dans les jeux
qu’on célébra après cette viftoire. Deux de leurs
rois furent dévorés dans l’amphithéâtre , aétion
barbare qui déshonora le vainqueur. Conftantin avoit
un fond de férocité qui formoit le caraétere des
princes de fon fiecle. Il tourna enfuite fes armes
contre Maxence 6c Maximin qui s’étoient ligués
contre lui. 11 remporta fur eux une grande victoire
fous les murs de Rome. Maxence fuyant avec trop
de précipitation tomba avec fon cheval dans le Timbre
, 6c il fut fubmergé fous les eaux. Le vainqueur
entra dans Rome avec les honneurs du triomphe
dont il releva l’éclat par fa bienfaifance. Les priions
furent ouvertes, les partifans des deux tyrans
obtinrent l’abolition de leur crime. Le fénat le déclara
premier Augufte 6c grand-prêtre de Jupiter,
quoiqu’il eût tracé fur fes enfeignes l’imagé de la
cro ix, & qu’il fît une profeflïon extérieure de la loi
évangélique. Il eft difficile de jufiifier fa foi qui fut
altérée par un mélange de paganifme. Il n’avoit plu.s
d’autre collègue que Licinius. Ces deux princes
donnèrent conjointement un édit de tolérance de
tous les cultes. Ge fut une faveur pour les Chrétiens
qui rentrèrent dans leurs poffeflions & qui
furent admis aux dignités dé l’état. Cet édit porta
le dernier coup à l’idolâtrie, 6c ce fut fur fes débris
que le Chtiftianifme s’éleva» Le calmé dont
jouiflbit l’empire fut troublé par la jaloufie de Lici*>
nius qui voyoit fa gloire éclipfée par celle de fon
collègue qui ne lui laifloit que l’ombre du pouvoir.
Leur rupture fut bientôt éclatante, & il fallut vui-
der la querelle les armes à la main» Licinius plein
de confiancë dans la fupériorité du nombre, livra
lin combat dont le fuccès fut long-tems incertain :
mais enfin la fortune fe déclara contre lui. Il fe releva
bientôt de fa chûte, il reparut dans les plaines
d’Andrinople avec une armée plus formidable que
la première ; il fut encore mis en déroute. Il eut
alors recours à la négociation qui lui réuflit mieux
que fes armes» Conftantin lui accorda la paix, à condition
qu’il lui céderoit la Tfirace $ la fécondé Méfié,
la Tartane & les provinces de l’Orient. Tout an-
nonçoit un calme durable: les deux empereurs, pour
refferrer plus étroitement les noeuds de Ieurtàllian-
ce , conférèrent chacun à leurs trois fils le titre de
Céfar. La rivalité du pouvoir leur remit bientôt les
armes à la main. Licihius couvrit les mers de fes
vâiffeaiix-; fon armée de terre forte de cent cinquante
mille hommes de pied, & de quinze mille chevaux ,
le mit en état de tout entreprendre 6c de tout ef-
perer. Conftantin lui oppofa deux cents galeres à
trente rames, & deux mille vàiffeaux de charge.
On comptoît dans fon armée de terre cent trente
mille combaffans. Ces deux princes rivaux, avant
d ’en venir aux mains, folliciterent le ciel de féconder
leurs armes. Licinius idolâtre & fuperftitieux
menoif à la fuite une foule de facrificateurs, de de-
,vms, d?ârulpiçes 6c d’interpretes de fonges qui après
1 lté les entrailles des ViéKmes, le flatté*
oent de l’efpoir d’une pleine viftoire. Conftahtin i
Chrétien fans en avoit encore reçu le carà£terè +
mettoit fa confiance dans l’étendart de la croix 6c
dans les pneres des prêtres & dès évêqües qui
etoient dans fon camp. Les deux armées fe joignirent
dans lespïames de Calcédoine. L’attaque fut vive 6c
la defenle opiniâtre. Licinius après avoir agi en capi*
l i j j & en Soldat, fut contraint de céder à la fortuné
de fon heureux rival. Vaincu fans avoir rien perdu
de la gloire, il ramaffa les débris de fon armée, &
traversa la Thrace pour aller rejoindre fa flotté qui
tut aufli battue 6c difperféë : alors défefpérant dé
la fortune, il entama des négociations qu’il fit traîner
en longueur pour avoir le temps d’attendre les
Ooths 6c les autres Barbares qu’il appelloit à fon fe-
cours» Cet artifice lui réuflit mal ; il livre un nouveau
combat où il perd vingt-cinq mille hommes. Les fol-
dats qui furvivent au carnage de leurs compagnons,
mettent bas les armes, 6c fe rendent au vainqueur.
Licinius abandonne fe voit empereur fans fujets 6c
general fans armée. Il s’enfuit à Nicomédie où il
tut bientôt afliégé & contraint de fe foumettre à la
diferétion d’un maître qu’il n’âvoit pu fupporter
pour collègue. Conftantia fa femme follicita fon
frere Conftantin de lui laifler la vie ; cette grâce fut
accordée, 6c la promefle en fut confirmée par les
fermens les plus lacrés. Licinius dépouillé de la pour-
pre fe profterna devant fon maître qui l’admit à fa
table. Il fut enfuite relégué à Theffalohique pour y
mener une vie privée; mais à peine en goûtoitril
les douceurs , que Conflantin envoya l’ordre dé
l’étrangler. Son fils fut privé du titre de Céfar.
On ne peut lui contefter d’avoir été un grandhomme
de guerre ; mais quoiqu’il eût des miens, il ne laiffa
que le fouvenir de fes cruautés. Toute la puiffance
impériale fut réunie fur la tête de Conftantin qui prit
le nom de victorieux für les médailles. Ce titre devint
héréditaire à plufieurs de fes fucceffeufs. Il n’ufa
de fes conquêtes que pour étendre les conquêtes de
la foi. Il fut défendu aux fouverâirts des provinces
& aux magiftrats des villes d’offrir des facrifices 6c
d ériger des ftatues aux faux dieux. La divination
fut proferite, les temples de l’idolâtrie furent fermés
ou convertis en fanéfuaires du vrai Dieu. Son zélé
éclairé n’alla pas jufqu’à l’intolérance. II défendit
d inquiéter les confciences , 6c dJenvoyer les incrédules
fur les bûchers. Il n’y eut que les profanations
fcandaleufes qui fuffent foumifes à des peines. II
exhorta fes fujets à fe pardonner leurs opinions. II
réprima l’indifcrétiôn de quelques zélateurs qui
vouloient que les aftes de la religion païenne fuf*
fent punis comme des crimes d’état. Il âimoit à s’entretenir
avec les évêques qui abuferent quelquefois
de leur afeendant fur lui pour le rendre perfécuteur#
Il s’occupoit dans fes loifirs à compofef des homé-
lies 6c des fermons qu’il récitoit en public. Il nous
refte un de fes difeours fur la paflion qui n’eft remarquable
que par fa prolixité 6c le nom impofant
de fon auteur; mais ce prince qui n’étoit point in*
fenfible aux louanges, favoit qu’un fouverain qtti
prêche eft toujours applaudi. La police de l’érat
fut réformée, le vice fut obligé de fe cacher, il
n’y eut plus de fcandale ; mais l’hypocrifie plus
adroite 6c plus rafinée fe couvrit du mafque delà
vertu. L’avarice des juges & des gouverneurs fui:
réprimée par des loix qui refterent farts exécution-,
Conflantin occupé des querelles qui diviloient l’é-
ghfe, fe repofôit du foin de l’empire fur des officiers
mercénaires qui laifloiént les crimes impunis
dès qu’on étoit affez riche pour acheter fa grâce*
Quoique le peuple eût un maître bietifaifant, il
étôit opprimé par une multitude de tyrans liibalter-
nes qui épuifoiçnt les provinces pour-affouvir leu*