
-rendît maître de cleux grands épaulemens , les pôur-
fuivit jufqu’au dernier retranchement ; ce fut-là que
4a viéloire fut décidée en faveur des Suédois ; elle fut
fuivie de la difperfion des Saxons & de la prife de
Dunamunde. Charles, en traverfant la D v in a , difoit
gaiement : « Cette riviere n’eft pas plus méchante
» que la mer de Coppenhague, nous battrons nos
» ennemis ». Au milieu des uiccès qui fuivirent cette
aélion , le roi triomphant, fe rappelloit avec dépit
^u’au paflage de la riviere, trois officiers âvoient
fauté à terre avant lui ; c’étôit mal faireia cour ; oh
ne pouvoit mieux flatter Charles X I I , que de lui laif-
fer l’honneur du plus grand péril. Mittau, capitale de
la Courlande, fe fournit, & Charles nourrit long-
tems fon armée avec les vivres des Saxons , qu’il
trouva dans cette place. Kokenhaufem que les ennemis
avoient fait fauter, ne lui offrit qu’une proie
déjà dévorée par les flammes. Baufch ouvrit fes portes
, & vingt mille Mofcovites cantonnés vers Birfen,
au feul bruit de l’arrivée de Charles firent une retraite
précipitée ; vingt mille autres furent battus à Sagnitz
par huit mille Suédois, fur lefquels commandoit le
colonel Schlippenbach ; tout le duché de Courlande
fut conquis ; dix mille RuiTes furent écrafés par cinq
mille Suédois ; enfin l’armée viftorieufe parut furies
frontières de la Pologne.
La république avoit toujours différé de fe déclarer
en faveur de fon ro i, elle ne vouloit point s’engager
dans une guerre étrangère, & le laiffoit combattre
avec fes Saxons pour une caufe qui n’intéreffoit
que fon éle&orat. Une partie de la nobleffe ne le
Yoyoit fur le trône qu’avec des yeux jaloux ; Charles
avoit réfolu de l’en faire tomber : l’idée de donner à
une république fi fiere, un maître de fa main, flat-
toit fon ambition, il pénétra dans la Samogithie ; la
république qui vit fon territoire dévafté par une armée
triomphante, fehtit alors que la querelle d’Augufte
étoit devenue la fienne : elle oppofa aux Suédois
un corps confidérable de troupes, commandé
par le prince "Wîfnoviski, ce général fut vaincu.
Charles continua fa marche, il n’étoit plus qu’à feize
lieues de Varfovie, lorfqu’il rencontra l’ambaffade
ou’Augufte , qui avoit en vain tenté de le fléchir par
fes agens, lui envoyoit pour derniere reffource an
nom de la république ; le roi reçut les députés avec
bonté, & leur dit qu’il leur répondroit à Varfovie.
La diette s’y tenoit alors, les ennemis d’Augufte
y cabaloient contre lui, 6c le cardinal de Polignac ,
ambaffadeur de France, y négocioit pour placer la
couronne fur la tête du prince de Conti. Augufte
alla avec une foible fuite chercher un afyle à Craco-
v ie , le «roi entra fans réfiftance dans Varfovie ; 6c ce
fut-là que la perte d’Augufte fut réfolue.
Cependant Charles n’avoit encore pour lui qu’une
faftion naiffante ; 6c Augufte confervoit un parti
puiffant. Le roi de Suede crut qu’une viéloire de
plus foumettroit la Pologne à fes caprices ; il fortit
de Varfovie & marcha vers GliflW : Augufte s’étoit
avancé jufques-là, dans le deffein d’arrêter Charles
& de lui préfenter la bataille. Son armée étoit de
vingt-quatre mille hommes, les Suédois n’étoient
que douze mille ; & malgré la fituation avantageufe
des ennemis, ils furent les aggreffeurs. L’attaque
commença à la droite des Saxons qui fut culbutée ;
le duc de Holftein périt dans ce ch oc, Charles le
pleura, 6c courut le venger au milieu des ennemis.
L’aile gauche des Saxons fit la plus vigoureufe réfiftance,
il y eut même un moment où les Suédois doutèrent
de la viéloire ; mais ranimés par la vue de
Charles qui renvérfoit tout devant lu i, ils pénétrèrent
à travers les chevaux de frife qui défendoient l’approche
des ennemis, & taillèrent en pièces tout ce
quils rencontrèrent : le vainqueur renvoya aux
Saxons deux cens femmes qu’il trouva dans leur
camp. Augufte dans fa fuite ne fit que paffér à Cra-
co v ie ,p ou r fe retirer vers Léopold : les portes dé
cette ville furent brifées , le château emporté d’af-
faut. Un renfort de douze mille hommes, arrivés de
Poméranie, promettoit à Charles de nouvelles victoires
, lorfqu’une chute de cheval arrêta le cours dé
fes fuccès , il étoit bleffé. Augufte perfuada à la Pologne
qu’il étoit mort, & fit dans les efprits une révolution
dont il étoit moins redevable à fes propres
talens, qu’à la faufle nouvelle qu’il avoit répandue.
La diette de Sandômir réfolut de confirmer à Frédéric
Augufte la pôffeffion du trône : tandis qu’on
délibérôit, Charles à peine guéri de fa bleffure, avoit
déjà conquis des provinces, 6c fe trou voit déjà dans
les environs de Prag, au commencement du prin-
tems, en 1707. Les députés vinrent lui offrir pour
la paix la médiation de la république 6c de l’empereur;
il refufa de les entendre , 6c leur dit qu’il né
donnoit point audience dans fes voyages. Âugufté
affembloit des diettes qui, toutes animées d’imérêts
différens, fe déclaroient réciproquement incapables
de prononcer fur le fort de la Pologne. Charles bat-
toit à Pulflauch la cavalerie Polonoife, 6c prenoit
de fa main le lieutenant colonel Beifth , tenoit
l’Hoorn bloquée ptefqu’à la vue de l’armée de la
couronne, qui n’ofoit fecourir cette place : elle fe
rendit ; Elbing eut le même fort * & l’éledeur de
Brandebourg fe déclara pour le vainqueur. Charles
hiverna dans le voifinage de l’armée Polonoife, aulîi
tranquillement qu’il eût fait dans fes états.
Cependant le cardinal primat, àufli profond politique
, que Charles étoit habile général, cbncertoit
fes menées fecretes avec les grandes opérations de
ce prince, gagnoit les efprits, tandis qu’il prenoit des
villes ; préparoit fourdement la chûte d’Augufte ;
tandis que le roi de Suede faifoit à ce prince une
guerre ouverte, & ne faifoit pas moins par fes intrigues
, que le conquérant par fes viéloires. Une
diete fut affemblée par fes foins à Varfovie : le cardinal
commença à plaindre le fort d’Augufte du ton
le plus affeélueux , il plaignit enfuite celui de la république
avec plus d’énergie encore, 6c fit apperce-
voir que le roi étoit là feule caufe des maux de
l’état ; il l’accufa enfuite d’avoir cherché à faire fa
paix particulière à l’infçu de la république ; & par
dégrés indifpofant les efprits contre ce prince, il les
engagea à déclarer que le roi ayant violé les loix
fondamentales de l’étât, 6c les pacta conventa, le
trône étoit vacant, 6c qu’on pouvoit procéder à
une nouvelle éledion. Ce fut alors que Charles pro^1
pofa Jacques Sobieski; mais Augufte fit enlever ce
prince 6c Conftantin, fon frere * & les fit conduire
en Saxe. Charles k qui il importoit peu fur quelle tête
on mettroit la couronne , pourvu qu’elle y fut placée
de fa main, jetta alors les yeux fur Staniflas
Leczinski, jeune gentilhomme, plein de vertus, de
grâces & de courage : il fut élu le 12 Juin , malgré
les proteftations de la nobleffe de Podlachie. Charles
X I I , l’ame de cette affemblée, s’étoit confondu
dans la foulé, il jetta le premier cri de vive le roi *
6c fut reconnu.
Augufte protefta contre cette éledion , raffembla
quelques amis à' Sandômir , donna le nom de diete à
cette affemblée , 6c y fit déclarer que celle de Varfovie
n’étoit qu’un ramas de rebelles, ennèmisdela
république & de la religion. Tandis qu’il répandoit
des manifeftes , Charles accouroit pour le furpren-
dre : le prince détrôné s’enfuit dans la Grande-Bretagne
, revint avec un fecours de dix-neuf mille Mof-
covîtes, 6c rentra dans Varfovie à main armée, feize
mille Saxons vinrent lui offrir leurs armes 6c leur
fang. Augufte commençoit à ne plus douter de la
confiance de fes fuccès, lorfque Charles X I I , dont
l’inadion étonnoit l’Europe, fe mit en marche avec
fon arméô, il conquît eh courant Belz & Zamofch,
paffa fur le ventre des Saxons, poftés entre la Viftule
6c le Buch, battit la campagne autour de Varfovie
& rompit les ponts des rivières. Augufte qui vit que
cette manoeuvre alloit eduper fa retraite, fortit encore
de Varfovie : Charles 6c Staniflas marchèrent
fur fes traces ; mais tant d’obftacles rallentirent leur
pourfuite, 6c le général Shullembourg qui proté-
geoit avec un corps d’infanterie la retraite d’Ait-
güfte, ne fut atteint par les Suédois que fur les frontièresde
Pofnanie; Charles à la tête de fa cavalerie
fe précipita fur les ennemis ; Shullembourg fit pendant
trois heures la plus belle réfiftance, reçut plu-
fieurs bleffures, fut contraint d’abandonner le champ
de bataille, 6c toujours poûrfuivi fit fâ retraite eh
bon ordre. Charles reprit fa route le long de l’Oder,
réglant fa marche fur celle des ennemis, enlevant
leurs convois, pillant leur bagage, 6c faifant des
efforts incroyables pour les attirer au combat. Shullembourg
qui avoit divifé fon armée pour engager
Charles à divifer la fienne, la vit battre en détail, en
raffembla les débris à Gilbert, 6c les mit à l’abri deS
marais inaccèffibles à la cavalerie. Charles fe vengea
fur un corps de Saxons 6c de Çofaques de l’impüif-
fance oii il étoit d’attaquer Shullembourg, & hiverna
dans les quartiers que les ennemis s’étoient préparés.
Cependant le czar étoit rentré en Livonie, il s’étoit
emparé de Narvâ ; le comte de Hoorn qui défendoit
cette ville étoit dans les fers, le château d’Ina 'NVo-
gorod fut emporté d’affaut ; Schillempach à là tête
d’un détachement de Suédois fit de grandes, pertes,
& ne remporta que de légers avantages ; en un mot
Charles X I I n’étoit point en Livonie, il paroiffoit
tourner vers la Saxe fes vues pour la campagne de
1705. Augufte qui préféroit im éleélorat où il étoit
maître * à un royaume où il n’étoit que le premier
citoyen -, courut à Drefde, 6c mit fes états en dé-
fenle; il tâcha d’engager le roi de Pruffe dans fa
querelle , mais la terreur qu’infpiroit Charles X I I
étouffoit dans tous les coeurs la pitié due aux malheurs
d’Augufte : le roi de Pruffe ofa cependant promettre
fa proteélion à la ville de Dantzick. Le roi
de Suede occupé de plus grands deffeins, ne fongea
point alors à fe venger de cette démarche des Dant-
zickois, il renferma fon reffentiment dans fon ame,
& attendit d’autres temS pour les faire éclater. Les
différens corps de l’armée Suédoife fe mirent en marche
avant le retour du printems, & préludèrent par
des fuccès quiaurOient fatisfait un conquérant moins
avide de gloire q u e Charles X I I ; quatorze mille Lithuaniens
6c Mofcovites. furent vaincus à Jacobftad ;
par fept mille Suédois & Polonois. Peu de tems
après quatre mille ennemis, attaqués à l’improviftè
par douze cens Suédois, furent mâffàcrés fans pitié.
La^ flotte des Mofcovites , engagée dans les glaces
près de Notebourg ,*fut livrée aux flammes. Deux
viéloires remportées fous les murs de L o v it z , dans
l’efpace d’un mois, la conquête de la Carelie, la fou-
miffion de plufieurs villes importantes , qui attendirent
à peine l’approché des Suédois pour ouvrir
leurs portes ; la défertion de prefque tous les parti-
fans d Augufte ; la défaite de trente mille Môfcovi-
tes fur les frontières de Lithuanie, de fix mille Saxons
&c Polonois près de Viafdow ; tous ces avantages
fucceffifs étonnoient d’autant plus l’Europe f que
Charles X I I tranquille dans fes quartiers, obfervoit
tout & n’agiffoit pas ; mais il préféroit à fa gloire les
intérêts de fort ami : il fentoit que s’il s’éloignoit du
Centre de la Pologne, fon ablence pouvoit caufer
une révolution dans les efprits. Une diete générale
alloit s’ouvrir à V arfovie, c’étoit là que le confente-
ment de la nation devoit achever l’ouvrage de Charles
X I I 6c de la fortune : on y forma en faveur de
Staniflas une ligue entre la Suède & la Pologne, t e
nouveau roi y reçut, des mains d’un archevêque, là
couronne qu il ne devoit qu’à Charles,* les deux princesse
rendirent enfuite au camp de Blonic pour s’op-
pofer aux operations combinées du czar 6c d’Augufte.
Ainfi Charles paffa l’année 1705 toute entière
fans donner une feule bataille en perfonne ; 6c la
viéloire qu’il retnporta fur lui-même, en demeurant
oilif, lui coûta plus que toutes celles qui l’ont rendu
célébré. Au refte, il ne tarda pas à fe dédommager
d’un fi pénible repos, il traverfa le Diémen fur là
glace, emporta l’épée à la main un pofte occupé par
les ennemis fur la rive oppofée , 6c préfenta la bataille
à l’armée MofcOvite qui la refufa ; il l’ihveftit
dans Grodno & lui coupa les vivres, tandis que
l’abondance régnoit dans fon camp, enrichi des dépouilles
des ennemis. Tandis qu’il en formoit le blocus
, différens détachemens remportoient divers
avantages, l’un pénétra jufqu’à Tykokzin , après
avoir écrafé plufieurs partis Mofcovites qui s’oppô-
foient à fon paffage, un autre fe jetta dans O lika, où
quinze cens ennemis furent pafles au fil de l’épée.
Le général K rux entra vainqueur dans Auguftowa y
tout le pays de Caum fut conquis, & Charles qui
crut pouvoir confier à fes généraux le foin de lefc
intérêts 6c de fa gloire, partit pour Iâ grande Pologne.
Une fermentation naiffante y faifoit cràindrê
une révolution dangereufe ; fon départ réveilla les
èfpérances d’Augufte , il vint fondre fur le camp des
Suédois , niais Renfehiid fit ce que Charles eut fait
lui-même ; il gagna la bataille , fit neuf mille Saxons
prifonhiers, maffacra fans pitié tous les Mofcovites;
6c fe fit un riche trophée de canons, d’étendards 6c
de drapeaux. Le roi de Suede ne put diflimulér là
jaloufie qu’excitoit dans fon ame la gloire de fon général
: « Renfehiid, difoit-il, ne voudra plus faire com-
paraifon avec moi ». Il changea fa route auffi-fôt pour
achever la défaite des ennemis, fe jetta dans la Ja-
fiolda l’épée à la main, força un pofte occupé par
quinze cens dragons, extermina dans fa courfe les
débris de l’armée ennemie ; pénétra dans la Siléfie ;
paffa l’Oder, 6c parut à la vue de Gorlitz à la tête
de vingt-quatre mille hommes. La terreur de fon
nom l’avoit devancé, tout fuyoit à fon approche ; la
campagne n’étoit qu’un défertj 6c fon courage ne
trouvoit plus même d’ennemis à combattre : ce fpéc-
tacle émut fon coeur, il rougit d’être l’effroi de ITiu-
manfié , il rappella les paylàhs dans leurs villages ;
& par la difeipline févere qu’il maintint dans fon
camp , fut leur perfuader qu’il étoit venu pour les
défendre, & non pour les loumettre.
Bientôt il tourna fes armes vers la Saxe, l’effroi
fe répandit dans tout l’éleêlorat ; Augufte lui-même
en fut frappé : les difgraces qu’il avoit effuyéeà
avoient épuifé fes forces & fon courage. Il demanda
la paix, il obtint une treve : elle n’étoit point encore
publiée lorfque les Suédois, en vinrent aux mains
avec les Saxons fur les bords de la Profnâ ; ces derniers
remportèrent la première viéloire qui eût illuf-
tré leurs armes, depuis qu’ils les expofoient à celles
de Charles XII. Enfin là paix fut conclue ; par le
traité Augufte renonçoit au trône de Pologne, Staniflas
étoit confirmé de nouveau par la république ;
6c Charles X I I affeéloit un empire égal ; & fur lé
prince à qui il ôtoit la couronne, 6c fur celui à qui il
la donnoit. Augufte différa de remplir les conditions
qu’on lui avoit impofées , 6c fur-tout de rendre
Palkul, que l’invincible Charles réclanioit ; maii
ce prince menaça de ne point fortir de Saxe que tou$
les articles du traité ne fuffent exécutés. Augufte
pour éloigner un voifin fi dangereux, facrifia le plus
fidele de fes défenfeurs ; la viétime fut livrée à là
vengeance du roi de Suede, 6c alla mourir fur uti
échafaud. On reprochera toujours à la mémoire de