
cependant ne fera jamais auteur clajjique: ce droit n’appartient
qu’aux meilleurs écrivains de la nation la ,
plus éclairée 8c la plus polie.
La fimple culture de l’entendement, qui ne s’attache
qu’aux abftraôions 8c à l’analyfe des idées, ne
forme point d'auteur clajjique; il n’y en a pas un feul
parmi les fcolaftiques. Une nation qui ne s’attacheroit
qu’aux fciences exactes, n’en produiroit aucun, 8c
n’en feroit pas moins de progrès dans ces fciences-là.
L’entendement clajjique, s’il eft permis de s’exprimer
ainfi, ne s’occupe pas d’abftraétions ; il n analyfe
point les diverfes parties de l’objet ; il fait l’énoncer
dans toute fon étendue avec énergie 8c fimplieité ;
c’eft un tableau bien fait qu’il préfente à l ’imagination
: ce font plutôt des obfervations fines, qui fup-
pofent un coup-d’oeil perçant, que des raifonnemens
exafts fondés fur le développement des idées : le
penfeur abftrait dit peu en beaucoup de paroles, parce
qu’il n’a en vue que le plus haut dégré de certitude :
le penfeur clajjique dit beaucoup de chofes en peu de
mots ; il exprime par une fimple réflexion ou par une
courte fentence » le réfultat d’une longue 8c profonde
méditation.
L’efprit d’obfervation , cette première qualité
d’un auteur clajjique ne s’acquiert point par des études
abftraites, 8c ne fe forme pas au fond d’un cabinet ;
c’ eft dans le grand monde, au milieu des affaires, 8c
par le commerce dfes hommes qui font eux - mêmes
doués de ce talent, qu’il fe perfectionne : la fociété ,
celle fur-tout qui s’occupe de grands objets, oit toutes
les facultés de l’entendement font mifes en aCtion
8c fe déploient avec rapidité, oit il fâut d’un coup-
d’oeil embraffer une multitude de confidérations, 8c
penfer folidement fans avoir le tems de réfléchir avec
méthode ; cette fociété eft la véritable école où
l’efprit acquiert la force, le courage mâle 8c l’affu-
rance qui forment un auteur clajjique ; il n’y a qu’un
heureux géiiie qui puiffe réuflir lans ce fecours, 8c
à qui la leCture des bons auteurs puiffe tenir lieu de
tout le relie.
On remarque qu’en tout pays le nombre des poètes
clajjiques l’a emportéfur celui des bons profateurs; la
raifon en eft aifée à trouver : le fentiment 8c l’imagination
fe développentlong-temsavant l’entendement
& l’efprit d’obfervation. Ainfi oes premières facultés
fe perfectionnent plutôt chez une nation que les ta-
lens qui fuppofent la perfection du jugement : de là
vien t, comme Cicéron l’a déjà obfervé, qu’il efl:
plus aifé de trouver un grand poëte qu’ un grand
orateur ; Mu ho tamen pauciores oratores quàm poètes
boni reperientur. De orat.lib. I. {Cetarticle ejitirédela
'Théorie générale des Beaux-Arts de M. SuLZER. )j
CLAUD IA , {Hifl. Rom. ) veftale, fut accufée
d’avoir laiffé éteindre le feu facré. Pendant qu’on
inftruifoit fon procès, on prétend que la déeffe Vefta
fit un miracle pour manifefter fon innocence, L’on
avoit fait venir de Phrigie le fimulacre de la mere
des dieux. Le vaifl’eau chargé de cette précieufe relique
relia à fec fur le rivage. La confternation fut générale
, on craignit que ce ne fût une punition de la
déeffe, offenfée de ce qu’on l’avoit tirée d’un temple
où elle avoit de nombreux adorateurs. Claudia, dit-
on , attacha le vaiffeau à fa ceinture, 8c le traîna
fans effort jufqu’au milieu de Rome. Ce prodige prétendu
confondit fes calomniateurs, 8c elle fut déclarée
innocente.
C l a u d i a , foeur de Claudius Pulcher, eut tout
l’orgueil qu’on reprochoit à fa famille. Un jour qu'elle
traverfoit les rues de Rome montée fur fon char,
elle fut arrêtée par l’affluence du peuple qui l’obligea
de rallentir fa marche. Senfible à cette efpece
d’affront, elle s’écria : « Je voudroisque mon frere
fût encore en v ie , 8c qu’il perdît une fécondé bataille
navale pour débarraffer Rome de cette canaille
dont elle eft furchargée ». Ce fouhait fut regardé
comme une imprécation contre la patrie. Claudia
fubit la peine décernée contre les crimes de leze-ma-
jefté : ce fut le premier exemple de la punition de cé
crime, qui dans la fuite fit perdre la vie à tant de
citoyens innocens. (T—jv.)
CLAUDIUS-NÉRON, ( Hiß. Romaine. ) étoit
fils de D rufus, dont Livie étoit enceinte, lorfqu’Au-
gufte la fit paffer dans fon lit. Il naquit à Lyon fou9
le confulat de Jules-Antoine 8c de Fabius l’Africain.
Il étoit à peine forti du berceau qu’il perdit fon pere.
Il étoit fi mal organifé, que fa mere Antonie avoit
coutume de dire qu’il étoit l’ouvrage bifarre de la
nature en délire. Caligula, qui pouvoit l’enveloppef
dans le meurtre du relie de fa famille, crut ne pouvoir
mieux punir les Romains, qu’en leur donnant
un pareil empereur. Son éducation fut fort négligée,
parce qu’on la crut impuiffanté à corriger les vices
de la nature. Augufte lui déféra les honneurs con-
fulaires, mais il ne lui permit pas d’en remplir les
fonctions. Privé des dignités auxquelles il étoit ap-
pellé par fa naiffance, il fe retira à la campagne, oie
confondu avec des hommes agreftes 8c fans moeurs,
il fe livra aux excès de la plus fale débauche , 8c
fur-tout au jeu des dez. Quoiqu’il n’eût aucune des
vertus qui attirent le refpéCt, on lui rendit en public
tous les honneurs qu’on déféroit aux enfans des Cé-<
fars, 8c à force d’être plaint, il parvint à être aimé.
Augufte, en mourant, le recommanda aux armées *
au peuple 8c au fénat. Il lui légua une fomme con-
fidérablepour foutenir fa dignité dans la vie privée.
Son neveu Caligula le choifit pour collègue dans fon
confulat; mais il ne lui laiffa que l’ombre du pouvoir
dont il fe réferva la réalité. Ce neveu infolent l’adr
mettoit à fa table , moins pour lui faire honneur,
que pour s’amufer de fon imbécillité. Après la mort
de Caligula, il fe cacha dans des monceaux de ta-
pifferie ; il fut découvert par un foldat, qui le mena
au camp pour y attendre fon fort. Le fénat, qui ne
vouloit plus d’empereur, fe trouva partagé dans fes
opinions. La lenteur de fes délibérations impatienta
le peuple, qui exigea de donner promptement, un
chef à l’empire : il fallut condefcendre aux voeux de
la multitude. Claudius > qui n’attendoit que la mort,
fut proclamé empereur. L’armée lui prêta ferment
de fidélité. Ilpromità chaque foldat quinze fefterces;
& ce fut depuis l’exemple de cettelibéralité, que l’empire
devint la proie de celui qui favoit mieux payer.
Quoiqu’il fut trop foible pour foutenir un fi grand
poids, il fit à fon avènement plufieurs aCtes de bien-
faifance qui lui concilièrent les coeurs. Il abolit la
mémoire de toutes les violences commifes pendant
les deux jours qui avoierit.précédé fon élévation. Il
ne punit que les tribuns 8c lès centeniers qui avoient
trempé leurs mains dans le fang de Caligula. Sa piété
envers fes parens lui fit encore beaucoup d’honneur.
Plein de refpeCt pour la mémoire d’Augufte, il ne
voulut jurer que par fon nom , 8c lui fit rendre les
honneurs divins. Il eut la même piété pour fon aïeule
Livie, à laquelle il déféra le titre d’Augußa, qu’elle
avoit eu la modeftie de refufer de fon vivant. Il fit
célébrer des jeux en mémoire de fon pere, de fa
mere 8t de fon frere. Il donna des couronnes de victoire
à ceux qui remportèrent le prix clans les combats
livrés pour l’honneur de fa famille. Pour lu i, il
conferva la fimplicité de fa vie privée , 8c refufa
prefque tous les honneurs qu’on voulut lui déférer.
Il célébra fans éclat les noces de fa fille, 8c la naiffance
d’un de fes neveux. Aucun exilé ne fut rappelle que
par l’autorité du fénat. Cet empereur imbécille 8c.
fans talent pour gouverner , fe concilia tellement
tous les coeurs, que fur un faux bruit de fa mort, le
peuple, furieux, fut fur le point d’exterminer tout
l’ordre des chevaliers , 8c de traiter le fénat de
parricide. L’émeute ne fut calmée qu’après qu’on fut
affuré qu’il n’avoiteffuyé aucun danger. Quoiqu’il ne
fît rien de repréhenfible, il avoit trop d’incapacité
dans les affaires pour ne pas tomber dans lé mépris
des âmes fieres à t élevées, qui ne pouvoientfe réfoudre
à obéir à un pareil maître. On décoüvroit
chaque jour dans fon palais des fénateurs 8c des chevaliers
armés de poignards pour lui ôter la vie. Il
s’éleva une révolte dans la Dalmatie * qui fut
éteinte aùfli-tôt qu’allumée. Iléxerça cinq confulats
avec une parfaite intégrité. Fidele à la loi $ il ne fe
décida que par e lle ,. 8c n’ufa de fon pouvoir que
pour mitiger, les peines 8c les amendes; mais quelquefois
il rendoit des jugemens fi bifarres > qu’il de-
venoit l’objet des dérifions du public. Par exemple,
ayant ordonné d’effacer les placards qui notoient un
fameux adultéré , il ajouta à condition toutefois que
la rature n’empêchera point de lire la condamnation.
Quelques mouvemens féditieux l’appellerent en Angleterre
, où il ne trouva pas de rebelles à punir.
Quoiqu’il n’eût point tiré l’épée , il ambitionna les
honneurs du triomphe ; 8c à fon retour à Rome 3 il
étala dans fa marche les dépouilles d’un ennemi imaginaire.
Sa femme Meffaline, montée fur un magnifique
charriot, l’accompagna dans fa pompe triomphale.
On fit le dénombrement des citoyens Romains
3 qui fe trouva monter à près de neuf millions.
Le nombre des fénateurs étoit extrêmement diminué.
Les proferiptions avoient éteint les plus illustres
familles, 8c l’on ne voyoit prefque plus aucün
des defeendans de ceux que Romulus 8c Brutus
avoient créés. Il en retrancha un grand nombre,
dont la vénalité 8c les moeurs étoient décriées; 8c
ce vuide fût rempli par des hommes d’une probité
éprouvée. Ce fut en reconnoiffance de ce bienfait 3
que le conful Vipfanius propofa de lui déférer le titre
de pere de la patrie : mais Claudius l’ayant repris de
flatterie, fut affez modefte pour rejetter ce nom.
Mefl'aline donnoit au milieu de Rome le fcandale de
la proftitution : fans frein 8c fans pudeur dans fes im-
pudicités, elle varioit fans ceffe fes débauches pour
empêcher fes defirs de s’éteindre. Elle profita d’un
voyage de fon mari à Oftie pour fe marier avec Si-
lius, chevalier Romain. Ce mariage effronté s’accomplit
avec lâ plus grande pompe. On confulta les
aufpices, on offrit des facrifices, on fit un banquet
fomptueux ; 8c les deux nouveaux époux furent conduits
avec cérémonie dans la couche nuptiale. Claudius
, inftruit de ce fcandale, fut dans la néeçffité de
le punir. Meffaline ne put fe difliniuler le danger qui
la menaçoit. Elle apprit le retour de Claudius dans
le tems qu’elle célébrait la fête des vendanges , fui-
vie d’une troupe de bacchantes couvertes de peaux
de tigres & de panthères* Elle paroiffoit au milieu
de cette troupe, le cothurne aux pieds, le thirfe à
la main , 8c à fes côtés Silius , entortillé de lierre 8c
bondiffant avec des ménades.. Des ruiffeaux de vin
çouloient de tous côtés, 8c l’ivreffe du vin 8c de la
joie étoit générale. Meffaline voyant fondre fur elle
la tempête du côté d’Oftie, fe retira dans les jardins
de Luctillus, fe flattant de fléchir pat fes larmes 8c de
feintes carrelles, un époux qu’elle avoit tant de fois
outragé. Elle employa le miniftere de la plus ancienne
des veftales. Elle lui confia fes enfans 8c la
pria de les conduire à leur pere. Elle traverfa Rome
fans avoir d’autre efeorte que la populace, qui l’accabla
de fon mépris. Claudius refufa de la voir 8c
de l’entendre. 11 fe rendit au camp, où les foldats
demandèrent la punition des coupables. Tous ceux
qui étoient attachés à Meffaline furent condamnés à
la mort. Silius, fon amant adultéré, follicita fon fup±
plice, 8c il fut exécuté le premier. Tant de fang répandu
fembloit avoir fatisfait le ftupide Claudius ;
Meffaline ne ceffoit de lui écrire, tantôt avec tendreue8c
tantôt avec menace. Narciffe qui prévoyoit
fa ruine , s’il ne la prévenoit, détermina Claudius à
confentir à fa mort. Il s’avance à la tête de fes fatel-
lites vers les jardins de Lucullus : à leur vue , Meffaline
effaree fe faifit d’un poignard pour s’en frapper
; mais fa main tremblante fut fans force, 8c pen->
dant qu’elle héfite, un tribun lui plongea fon épée
dans le corps. Sa mere , qu’elle avoit dédaignée dans
fa grandeur, fut à fes côtés jufqu’à ce qu’elle eût
rendu le dernier foupir, 8c ce fut elle qui prit loin
de fa fépulture. Claudius en reçut la, nouvelle à table,
fans donner aucune marque de joie ni de trif-
teffe. Il vit avec la même indifférence fes entâns
pleurer leur mere, 8c fes accufateurs s’en réjouir.
Après la mort de Meffaline, toutes les beautés-de
Rome briguèrent l’honneur de la remplacer dans
fon lit. Ce n’étoit point le voeu de l’amour 3 toutes
n’écôutoient que l’ambition. Agrippine fut préférée;
ôç^ comme elle étoit niece de l’ empereur , cette
union parut inceftueufe-, Claudius, fier des’être élevé
au-deffus des loix* fe rendit au fénat, où ces fortes
de mariages furent autorifés. Rome, depuis ce moment,
devint l’efolave d’une femme aufli ambitieufe
qu’impudique 3 qui .fit plier les hommes & les loix
fous les volontés. Quelques aCtions de clémence lui
concilièrent d’abord l’affeCtion des Romains. Séne-
que, rappelle de fon exil pour lui confier l’éducation
de Néron, fut revêtu de la prêturë. Elle fe fervit
de fon efprit pour applanir les obftacles qui fem-
bloient éloigner fon fils de l’empire. Cette mere ,
aveuglée par fa tendreffe, facrifia fon bonheur à fon
ambition. Elle fit époufer OCtavie à Néron, honneur
qui le rendit égal en tout à Britannicus. Ses
deffeins furent favorifés par l’intriguedescourtifans,
q ui, complices de la mort de Meffaline , avoient à
redouter le reffentiment de fon fils s’il parvenoit à
l’empire. Agrippine, devenue l’arbitre des deftinées
publiques 8c particulières, fit chaffer de Rome 8c de
l’Italie celles qui pouvoient lui difputer le feeptre
de la beauté. Pallas, favori de Claudius, avoit été
l’artifan dé fort mariage avec Agrippine qui en fit
l’inftrument de fon ambition. Néron, adopté par fes
confeils, jouit dès ce moment des prérogatives attachées
à l’héritier de l’empire. Britannicus négligé ,
fit éclater fon mécontentement, qu’on attribua aux
confeils de fes ferviteurs qui tous furent punis par
l’exil ou la mort. On leur fubftitua des efpions qui
rendirent un compte infidèle des démarches les plus
innocentes de ce prince infortuné. Le fuccès des
complots d’Agrippine dépendoit des difpofitions de
l’armée. Elle fit donner le commandement des cohortes
prétoriennes à Burrhus, capitaine eftimé, qui
n’oublia jamais qu’elle étoit fa bienfaitrice. Cette
femme 3 enivrée de fa grandeur , fe faifoit porter
fur un char jufques dans le capitole, privilège dont
les feiils miniftres des dieux avoient joui jufqu’alors:
mais c’étoit pour la première fois que les Romains
refpeCtoient dans la même perfonne, la mere, la
foeur, la fille 8c la femme drun empereur. Il s’éleva
des féditions dont Claudius fut fur le point d’être là
victime. L’Italie fut frappée du fléau de la llérilité.
On imputa à fa négligence les maux que l’on avoit
foufferts, 8c ceux dont on étoit menacé. Le péril
qu’il courut dans les émeutes populaires:;, lui fit
chercher les moyens d’entretenir l’abondance dans
la capitale. Il encouragea, par des récompenfes, des
négocians à tirer des grains des pays étrangers : il
promit des dédommagëmens à ceux qui effuyeroient
des pertes ou des naufrages. 11 fournit des vaiffeaux
8c de l’argent pour cette entreprife. La loi qui défem
doit de fe marier après foixante ans fut abolie ; il
fut permis à tout âge de donner des citoyens à l’état.
11 offrit enfuite au champ dè Mars le fpeôacle d’urt
combat nayal, Plufieurs arrêts furent lancés contre