
au canon qu’on veut faire. Cette lame eft une étoffe
compofée de vieux fers de chevaùx, de doux de maréchaux
, &c. 8c de vieilles lames de faux, qu’on a
foin de couvrir avec les autres férailles, pour les garantir
de Faûion trop vive 8c trop immédiate du feu.
On corroie bien cette étoffe, & l’on étire'le ruban,
auquel on donne deux lignes d’épaiffeur à une de fes
extrémités, 8c huit de largeur. Son epaiffeur à l autre
extrémité eft de deux lignes 8c demie, & fa largeur
de neuf lignes. Le ruban doit etre bien battu dun
bout à l’autre, & les bords en .font vifs & quarrés.
Le ruban ainfi préparé, on a un canon forgé à l’ordinaire
& foudé de même, mais beaucoup plus mince
& plus léger : c’eft ce canon qui fert de moule, 8c
fur lequel le ruban doit être roulé. Ce canon eft plus
court de quelques pouces que celui qu’on veut faire,
afin que le ruban puiffe s’étendre à l’opération de la
forge. Cette précaution eft toujours néceflaire pour
faire un bon canon ; parce que plus le fer s’alongera,
plus il fera battu, plus il fera compaft, fes parties
plus adhérentes, & l’on courra d autant moins le
rifque des doublures. ^ f
Toutes chofes étant difpo'fées, on foude l’ extrémité
la plus large & la plus épaiffe du ruban, à l’extrémité
du canon<$\\ a le plus d’epaiffeur, & qui doit,
former le tonnerre. Le ruban ainfi fixe par une de fes
extrémités, eft mis au feu & fucceflivement roulé
tout-autour & fur toute la longueur du canon, lequel
étant parfaitement couvert par le ruban, on en foude
le bout à l’extrémité qui doit former la bouche, afin
que le ruban ainfi contenu par fes deux extrémités ,
ne puiffe pas fe déranger. Rien ne repréfente mieux
ce travail préliminaire, que les cheyeux qu’on enveloppe
de plufieurs circonvolutions d’un ruban pour
les mettre en queue. Mais comme le fer, quelque
duélile qu’il foit, a plus d’épaiffeur qu’un ruban 8c n’a
pas la même flexibilité, il feroit très-difficile de le
faire exactement croifer dans toutes fes révolutions ;
on a feulement l’attention de rapprocher 8c de faire
joindre, auffi près qu’il eft poffible , les bords de la
lame de fer que nous appelions ici le ruban. On peut
voir au mot Soudure , dans ce Supplément, les expériences
que je rapporterai fur les foudures de
deux morceaux de fer faites bout à bout, 8c fans que
les extrémités des morceaux qu’on foudoit enfemble
fe croifaffent. Il eft certain qu’avec une bonne matière
& un ouvrier habile 8c intelligent, cette condition
de faire croifer le fer pour le fouder, n’eft pas
de néceffité indifpenfable ; mais j’infifte fur la bonne
qualité de la matière 8c l’habileté de l’ouvrier.
La qualité du fer dont le canon qui fert de moule
eft fabriqué , eft ici affez indifférente. Nous avons
dit qu’il étoit mince ; & le feu , dans l’opération de
la forge, & les forets qui y pafferont fucceflivement,
l’uferont tout entier & même au-delà ; enforte qu’il
ne reftera que l ’étoffe des lames de faux, que nous
avons prévenu qu’on couvroit avec d’autres férailles
en la corroyant ; ces dernieres formant la partie
fupérieure du ruban, s’exfolieront & fe perdront en
partie au feu 8c fous le marteau, & la meule 8c la
jime emporteront le refte.
On voit que c’ eft du ruban de faux dont on fait
le plus de cas en France ; & la précaution qu’on
prend d’en recouvrir l’étoffe avec un autre fer qui fe
trouve immédiatement expofé à l’aûion du feu ,
vient à l’appui de ce que j’ai dit ailleurs fur les précautions
à prendre pour éviter les dégradations du
fer & fa décompofition. Je ne fais pas au furplus fur
?uoi eft fondée la bonne opinion qu’on a de l’étoffe
aite avec du fer de faux : je conçois qu’une faux
eft elle-même une étoffe très-ductile & très-flexible ;
mais lorfqu’il eft queftion d’en réunir plufieurs enfemble
pour former une lame d’une certaine épaiffe
ur, je crois qu’il faut bien des foins & de l’attention
pour les réunir & les fouder enfemble, fans en
détériorer la matière ; 8c je croirois que lé-fer refondu
de vieilles férailles , fait avec foin, eft tout
auffi bon. Quoi qu’il en foit, c’eft une opinion reçue
, 8c l’expérience l’a fans doute confirmée.
Le canon enveloppé du ruban fur toute fa longueur,
ainfi que nous l’avons dit, eft mis au feu à
ion milieu, 8c n’en eft retiré que blanc 8c fondant.
Le compagnon introduit uiie broche dans l’intérieur,
8c l’on foude cette partie, qui peut avoirune étendue
de deux ou trois pouces. Une feule chaude ne
peut pas fuffire pour fouder tout le pourtour du canon
fur une pareille longueur ; car lorfqu’on le retire
du feu & qu’on le place dans l’encaftrement pratiqué
fur la table de l’enclume, la partie iqlii eft appliquée
dans l’encaftrement s’y refroidit tandis qu’on
bat celle qui eft en-dehors , 8c n’eft par conféquent
plus au dégré de chaleur requis pour opérer la fou-
dure : il faut donc deux ou trois chaudes fur la même
étendue pour là fouder ; on continue ainfi de chaude
en chaude , depuis le milieu jufqu’à l’extrémité du
tonnerre, 8c enfuite depuis le milieu jufqu’à la bouche
.L
orfqu’on a foudé le ruban fur toute la longueur
& tout-autour du moule, on repaffe le canon au feu
& on lui donne , fur des étendues de deux ou trois
pouces, des chaudes graffes 8c douces, que l’on bat
fans introduire de broche dans l’intérieur , ce qui en
refferre le calibre & oblige d’emporter avec les forets
toute l’épaiffeur du moule fur lequel le ruban a été
roulé. Ces canonsfa forent en dedans, fe dreffent,
fe paffent fur la meule & fe poliffent' en-dehors à
l’ordinaire 8c comme ceux de .munition, lorfqu’on
eft à portée des ufines dont nous avons fait la défi-
cription âu mot Fo raCe ; finen on les fore à bras &
on les lime & polit de même en-dehors : il eft même
affez ordinaire, pour ces fortes de canons fins, de
n’employer les ufines que pour les dégroffir dedans
& dehors, & de les finir à bras.
Canons tordus à Cétoç. Les ouvriers qui font
éloignés des groffes forges & qui ne font par conféquent
pas à portée de faire fabriquer leurs lames à
canons fous de gros marteaux, font obligés de les
préparer & forger à bras d’hommes avec lés marteaux
à main. Si le canon qu’ils veulent faire eft fort
court, 8c tel qu’on les préféré aujourd’hui pour la
chaffe, 8c fur-tout celle du bois, ils pourroient faire
leur lame d’une feule piece ; mais communément ils
la font de deux. Ils prennent pour la partie antérieure
ou le devant du canon, un morceau de barre de fer
marchand bien choifi, où d’étoffe qu’ils auront préparée
à cet effet : cette barre a environ deux pouces
de largeur 8c cinq lignes d’épaiffeur. Ils la chauffent,
la battent fur l’enclume 8c l’étendent en tous fens ;
en forte que l ’épaiffeur en foit réduite, à l’extrémité
inférieure, à trois lignes environ, & la largeur portée
à trois bons pouces : de-là elle diminué tant foit
peu de largeur 8c d’épaiffeur jufqu’à l’autre extrémité.
Le tonnerre ou le derrière du canon fe prépare
avec un autre morceau de fe r , dont l’échantillon eft
plus fort, & qui a trois bons pouces de largeur 8c
lept lignes d’épaiffeur : on étend ce morceau de fer,
en oblèrvant de lui donner environ quatre pouces
de largeur à fon extrémité inférieure, & à l’autre la
même largeur que la lame préparée pçur former le
devant du canon : chauffant enfuite blanc & fondant
ces deux extrémités, on les porte fur l’enclume,
8c les faifant croifer d’un pouce l’une fur l’autre, on
les foude en travers. Je n’ai pas déterminé la longueur
que doivent avoir les deux parties de la lame
que l’on prépare, comme je viens de le dire, ni fa
longueur totale, lorfque ces deux parties font réunies.
Cette longueur dépend de celle qu’on veut
donner au canon ; & en général la lame doit avoir.
quatre eu cinq pouces de moins que le cm<m qu’elle
doit produire.,
La lame eft pliée, à l’ordinaire, dans toute fa longueur,
& reçoit fa forme ronde dans une gouttière
pratiquée dans un bloc de pierre ou de fer, ainfi
que je l’expoferai au mot C anonnier : le canon fe
forge 8c fe foude par intervalles 8c chaudes fuccef-
fives* comme je Fai détaillé pour celui du-fufil de
munition.
Lqrfque le canon eft foudé d’un bout à l’autre ,
on remet le tonnerre au feu, 8c lorfqu’il eft prefque
blanc, on le faifit dans un étoc, & l’on introduit
dans la bouche du canon une broche forcée, dont la
tête eft plate, 8c entre dans l’ouverture d’un tourne
à gauche, avec lequel on tord le canon d’environ
une demi - révolution : on retire la broche, on
(rechauffe & l’on répété la même opération dejhaude
en chaude, jufqu’à la bouche du canon, fur oes longueurs
de quatre pouce? environ qu’ont ces chaudes
: lorfqu’il a été ainfi tordu, on le remet au feu,
mais on ne lui donne-que des chaudes graffes , 8c
on le bat fans mettre de broche dans l’Mtérieur, 8c
à petits coups pour n’en pas refferrer le calibre au
point que les premiers forets n’y puffent pas entrer.
Cette demiere opération eft néceflaire, car étant
reconnu qu’on altéré le fer, lorfqu’on le chauffe 8c
qu’on ne le bat pas, 8c nos canons, pour être tordus,
ayant effuyé des chaudes affez vives dans toute
leur longueur, fans avoir été battus, on eft obligé
dè les repaffer ainfi au feu 8c de les battre, pour réparer,
autant qu’il eft poffible, l’altération que les
chaudes antérieures auroient pu caufer à la matière.
Ces chaudes que les ouvriers appellent des chaudes
grajfes, font, d’ailleurs, le remede qu’on connoît
pour rétablir un peu le fer qui a été furchauff é.
Je croirois qu’il vaudroit mieux introduire, à l’ordinaire,
une broche dans l’intérieur du canon,que
de la fupprimer, comme on eft dans l’ufage de le
faire, à cette demiere opération : il faudroit que
cette broche fut d’un plus petit diamettre que celle
fur laquelle le canon à ruban ou tordu a été foudé :
cette broche feroit un poin£ d’appùi intérieur, qui
me paroît toujours néceflaire, & l’on rempliroit également
l’objet propofé, qui eft de rétrécir le calibre
,• fi cette broche étoit d’un plus petit diamètre
que la première.
Les canons tordus font forés, dreffés, polis dedans
& dehors, de la même maniéré que tous les autres,
& je ne répéterai pas ici ce qui a été dit ailleurs dans
un très-grand détail.
Si l’on fe rappelle les principes que j’établis fur la
compofition 8c la décompofition du fer ( Voye{ Fer ,
Suppl."), on doit préfumer que les canons à ruban ne
font pas meilleurs que les autres, parce que les fou-
dures indifpenfables y font très-multipliées 8c qu’il
e f t , par conféquent, néceflaire de les chauffer à
blanc à plufieurs reprifes Pii eft très-vraifemblable,
en effet, que la matière dont on les fabrique, ayant
ou devant avoir, à peu près, le maximum de*fa per-
fufion, ne peut que s’appauvrir dans quelque partie
trop fouvent expofée à l’aôion du feu : je puis affilie
r , au moins, que les canons de cette efpece que je
me fuis procurés, n’ont pas fait plus deréfiftance que
ceux que j’avois fait fabriquer à l’ordinaire, 8c avec
lefquels je les ai comparés. Mais pour traiter
cette matière avec une entière certitude, il faudroit
faire un grand nombre d’expériences comparatives,
& fe pourvoir, à cet effet, d’une quantité de canons
à ruban de différens ouvriers', de différentes
étoffes & de différentes fabriques, tant de France
que d’Efpagne.
Quant aux canons tordus, il eft rare que ceux
qu’on débite comme tels, le foient d’un bout à Faillie
; on ne les tord ordinairement que fur une lon-
Tome /ƒ,
guéut* de dix-huit pouces, en partant de l’extrémité
du tonnerre. Lorfqù’ils font tordus d’un bout à l’autre
, ils doivent, à mon avis, avoir la préférence fur
les. canons à ruban, parce que l’opération de la
torfe découvre les défauts, les folutions de continuité
8c les foudures manquées qui peuvent fe trouver
dans quelques parties de leur longueur ; maià
il faut être fur de l’ouvrier, pu en fuivre foi-même
attentivement la fabrication ; car s’il s’ouvre en long
ou en travers, ce qui proviendra ou de la préfenee
de quelque corps étranger renfermé dans l’épaiffeur
de la matière, ou d’une chaude qui n’en aura pas
pénétré toute l’épaiffeur, ou de quelques filamens
de nerf qui auroient fouffert de l’altération 8c fe
feroient décompofés, l’ouvrier cherchera à pallier
le défaut, en y mettant une piece qu’il foudera ;
pour la fouder & l’incorpôrer avec le canon, il fera
contraint de chauffer à blanc fon fer déjà altéré,
8c il l’altérera par-là bien davantage, s’il ne le gâte
pas tout-à-fait: alors le canon, quoique tordu, ne
fera pas la même réfiftance que celui qui aura été
fait tout fimplement, mais d’une bonne matière 8c
bien ménagée.
C anon à la chaumette. Ce canon étoit perce d’un
trou, fur le tonnerre , par lequel on introduifoit la
charge de poudre 8c la balle, après quoi on le fer-
moit avec un bouton à vis. Voyei Fusil à la chaumette
, Suppl.
C a^on a dé. C’eft un canon au fond duquel on
adapte un dé ou cylindre creux, de fer très-mince:
le tonnerre fe trouve alors rétréci de l’épaiffeur du
dé ; la balle en tombant de la bouche au tonnerre,
s’enchâffe à l’origine du rétréciffement par fon feul
poids qui fe trouve augmenté à la fin de fa chute, 8c
l’on eft difpenfé p a r- là d’employer une baguette
pour conduire & fixer la balle fur la charge, de pou»
dre. Le maréchal de Saxe parle de ces fortes d’armes
, dans fes Rêveries, il les appelle des fufils a dé,
ou à fecret (Voye{ Fusil a dé , Suppl. ). D é , dans
ce cas, eft fynonyme. avec cylindre creux, fermé
par un bout, & a pris fa dénomination de la reffem-
btalfbe qu’il a avec un dé à coudre.
>^CANONS de Vincennes étoient des canons brifés
qui fe chargeoient par le tonnerre, après quoi on
rapprochoit 8c réuniffoit les deux parties du canon,
dont l’une étoit une vis mâle 8c l’autre une vis fe-
• melle. Voyei Fusil de V incennes , Suppl.
CANON rayé, carabiné, ou cannelé. Le canon
qu’on fe propofe de rayer, doit être fabriqué avec
beaucoup de foin, il faut lui conferver un peu plus
d’épaiffeur qu’aux autres, fuivant la profondeur des
raies qu’on veut y pratiquer. Les raies font droites
ou en fpirale, ces dernieres paroiffent mériter la
préférence ; leur nombre 8c leur profondeur varient
fuivant que le calibre du canon çft plus ou moins
grand 8c qu’il eft plus ou moins épais.
' L’intérieur de ces canons peut être confidéré
comme une vis femelle, dont le pas eft fort alqngé ,
puifque chaque raie ne doit faire qu’un tour, depuis
le tonnerre jufqu’à la bouche, qu’on évafe un peu,
8c qu’on appelle en trompe, pour donner plus de
facilité à les charger.
Il y a plufieurs maniérés de charger ces cations,
Ils peuvent être brifés #comme cela fe pratique affez
généralement, pour les piftolets , que nous appelions
d l'Angloife. Ces canons brifés font divifes en
deux parties, au haut du tonnerre : la partie fupérieure
ou le devant eft ray é, 8c fe termine par un
écrou viffé qui fe monte fur le tonnerre, qui eft en
vis : ces deux parties fe rejoignent,& forment*étant
jointes, une furface cylindrique. Le haut du tonnerre
eft fraifé en-dedans, 8c reçoit fa balle qui s’y loge
jufqu’à fon grand cercle ; on met la poudre dans le
tonnerre, qui n’a de capacité que pour en contenir