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le duc de Clarence fon frere ; il connoiflbit d’ailleurs
l’efprit foible & pufillanime de Henri. Les habitans
de Londres lui en ouvrirent les portes , Scles parti-
fans de Henri prennent la fuite. Ce prince malheureux,
iouet de la fortune , repaffa du trône dans la
tour tandis que fon rival ufurpoit une fécondé fois
fa place. Edouardiortit de Londres avec une armee
pour aller combattre celle de Warudck. Il rencontra
les ennemis près de Barnet, le 4 Avril 1371 ■> e _
attaqua , les vainquit ; & fon triomphe fut d autant
plus complet que V a r y ic k pent fur le champ de
bataille. Henri ôc fon fils furent égorgés par ordre
du vainqueur. 11 n’épargea aucune des tetes qui
lui parurent fufpeaes. Prefque tous ceux qui avoient
eu des liaifons avec la maifon de Lancaftre , furent
facrifiés à fa fureté. Le duc de Clarence fon frere ,
celui-là même qui'l’avoit fervi fi utilement dans la
derniere révolution , ne-fut pas épargné. Il avoit
d’abord fuivi le parti de Henri, c’étoit allez pour
mériter la mort, Edouard ne lui laiffa que le choix
de fon fupplice. il fut noyé dans un tonneau de mal-
voifie , comme il l'avoir déliré. A ces cruautés,
Edouârd joignit des débauches aviliffantes, ^m o u rut
fubitement peu après fon frere en 1403, âge de
^ Edouard V , fils d’Edouard I V , n’avoit que
onze ans iorfqu’il monta fur le trône , & ne i occupa
que deux mois , ayant été égorgé avec fon frere
Richard , par ordre du duc de Glocefter leur oncle,
qui ufurpa la couronne. ■
Edouard VI i fils de .Henri VIII & de Jeanne
de Seymour, fuccéda à fon pere en 1547. Quoiqu’il
n’eût pas encore dix ans accomplis , il donnoit les
plus belles efpérances. L’amour de la juftice fembloit
né avec lui. Des traits de bienfaifance annonçoient
fon ame tendre 8e fenfible. 11 fit des progrès fi rapides
, ôc fi fort au-deffus de fon âge , dans l’étude des
langues & desifciences, que le célébré Cardan le
regardoit comme un prodige en ce genre. Tant de
talensôtde fi heureufes difpofitions forent malheu-
reufement corrompus par fes miniftres , qui profitèrent
de fon enfance poiireonténter leurs vues ambi-
tieufes , ôc lui faire ratifier, au gré de leur méchanceté
, des allions auxquelles fon coeur fe refiifoit. Il
fit périr fur un échafaud fés deux oncles Edouard SC
Thomas Seymour, le fécond par les infinuàtions du
premier , ôc celui-ci par les intrigues du comte de
w arwick. L’archevêque Çranmer lui arracha l’arrêt
de mort de deux femmes prétendues^ anabaptiftes ,
dont l ’efprit foible plus que coupable étoit plus digne
de pitié que de rigueur. Le fougueux prélat les avoit
condamnées au feu; Edouard refufoit de figner l’ordre
de leur fupplice. Cranmer employa toute fon éloquence
pour obtenir le contentement du prince.
Edouard ic donna en pleurant , ôc dit à l’archevêque
: « Si vous me faites; commettre, une mauvaife
» action,vous en répondrez devant Dieu;,» paroles
remarquables qui caraclérifcnt en même-tems l’ame
compatiffante du jeune monarque , ôc le zele barbare
du prélaf.Le comte de W arwick Sc,lf.sapôtfes de la
réforme lui firent commettre une nouvelle injuftice,
en lui perfuadant d’exclure de la couronne fes deux
foeurs, Marie ôc Elifabeth, pour appelle# au trône
Jeanne Gray qui n’étoit que fa coufine , mais qui
avoit époufé le fils du. comte de Warwick ; ôc ce
comte, impatient de voir fa belle-fille fur le trône,
hâta la mort du roipar un poifonlent quileconduifit
au tombeau en 1553.,.avant qu’il eût exercé par
lui-même l’autorité fouveraine dont oh abufôit fi
indignement fous fon nom.
Edouard, roi de Portugal., Port.)
fuccéda en 1433 à don Juan qui s'émit illufiré par
de grandes actions , ôc de grandes qualités; Fils aîné
de ce fouyerain, Edouard, digne d’un tel pere, n eut
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pas été plutôt proclamé, que pouVcviter la pelle qui
ravageoit Lisbonne, il fut obligé de fe retirer a
Sintra , jufqu’à ce que ce fléau eût ceffe d’exercer les
fureurs dans la capitale, & il n’ y rentra que pour de-
domrflager autant qu’il dépendoit de lui, les habitans
des pertes qu’ils avoient fouffertes par la ceflation
du travail. Le roi alla enfuite à Leiria ÔC à Santaren,
où il convoqua les états généraux ; ce fut dans cette
affemblée nationale qu’il donna la plus haute idee
de fon habileté dans l’art de gouverner, de fa prudence
ôc de la grande utilité de fes vues ; chacune des
provinces ôc prefque chacune des villes du royau-.
me avoit fes loix ôc fes coutumes particulières , en-
forte qu’il n’y avoit point dans l’état de jurifprudence
fixe , ni rien d’affuré dans les droits des citoyens i
les mêmes raifons qui faifoient gagner un procès à
Lisbonne , le faifoient perdre à Leiria ou à Guima-
raens,ôc la juftice qui devroit être uniforme fur toute
l’étendue de laterre, varioit en Portugal, ôc dependoit
des lieux qu’on habitoit. Edouard voulut quil n y
eût dans le royaume qu’une coutume générale, une-
feule ôc même réglé , Ôc les ordonnances qu’il publia
à ce fujet l’ont beaucoup plus illuftré, que n’euf-
fent pu le faire les plus éclatantes vi&oires. Il feroit
bien à defirer que cet exemple fût fuivi dans des états
beaucoup plus étendus que le Portugal, ôc où l’on
fouffre encore cette barbaré ôc ridicule confufionde
coutumes , cette multiplicité d’ufages oppofés entre
eu x, Ôc qui jettent la plus grande incertitude fur la
jurifprudence , qui fouvent y paroît abfurde. Tandis
qu’on ne croy oit Edouard occupé que des moyens
de rendre fes fujets heureux ôc fon royaume florif-
fant, il méditoit le plan d’une grande ôt périlleule.
entreprife ; ambitieux defignaler fon régné par quelque
conquête importante en Afrique , il formoit le
projet de s’emparer de Tanger qui, s’ileu t pu s en
rendre maître , eût affuré aux Portugais la libert©
du commerce le plus brillant ôc le plus étendu.
Edouard fit part de fes vues au confeil ; on décida?
unanimement que la conquête de cette place feroit
auffi glorieufe qu’utile : mais les avis furent partages
fur les moyens d’exécuter cette entreprife ; les plus
prudens voulurent que l’on ne tentât cette expédition
qu’après avoir fait les plus grands préparatifs ÿ
& avec une flotte nombreufe ; les autres trop enivrés
de la valeur ôc du courage des Portugais , prétendirent
qu’il fuffiroit d’envoyer en Afrique un petit
nombre de troupes pour répandre la terreur dans
toutes ces contrées , ôc que Tanger, fans s’expofer
à un fiege, fe hâteroit d’ouvrir fes portes. Le roheut
le malheur de fuivre ce dernier fentiment, ôc l’on
deftina pour cette entreprife quatorze millehommes
avec une flotte proportionnée , dont le commandement
fut confié aux infans don Henri ôc don Ferdinand.
Les préparatifs de cette expédition avoient
été faits à la hâte, & les troupess’étoient raffernblées
& embarquées fi précipitamment t qu’arrivées a
Ceuta , les infans furent très-étonnés lorfque , fai-
fant la revue de leur petite armée, ils comptèrent
à peine fept mille hommes, au lieu de quatorze mille
qui leur avoient été promis. Cependant quelque
foible que fût cette troupe, elle marcha fierement
vers Tanger dont elle alla former le fiege; les Maures
allarmés, ôc ignorant encore le véritable état de 1 armée
Portugaife, fe liguèrent pour la défertfe de
Tanger, ôc le roi de Fez à la tête d’une armée très-
nombreufe, vint attaquer les affiégeans dans leurs
retranchemens ; les infans repoufferent d abord
les Maures ; mais bientôt inveftis de toutes parts,
renfermés entre la ville ôc l’armée prefqu innombrable
du roi de Fez, ôc ne voyant nul moyen de
réfifter fi l’on en venoit à une bataille, us propofe-
reht au roi de Fez de lui rendre Ceuta, à condition
qu’il permçttroit aux Portugais de fe rembarquer, ©C
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qu’ils ne feroient point attaques dans leur retraite.
Le roi de Fez pouvoit accabler. les aggreffeurs de
Tanger, ôc s’il l’eût voulu il ne s’en feroit pas fauve
unfeul; cependant il fut affez généreux, pour accepter
les propofitions qui lui étoient faites, & il exigea
feulement que Fun des deux infans refteroit en
étage jufqu’à lareftitution de Ceuta : cette condition
fut acceptée : don Ferdinand refta parmi les Maures,
& don Henri, fe rembarquant avec les troupes,
retourna à Ceuta. Cependant le roi Edouard, informé
du petit nombre de foldats qui étoient paffés en Afrique,
fe hâta d’y envoyer don. Juan fon frere à la
tête d’un renfort très-confidérable, Ôc ces nouvelles
troupes arrivèrent heureufement’ à Ceuta quelques
jours après que les Portugais , retirés de devant
Tanger, y étoient rentrés. Ce fecours inattendu
ranimant fes efpérances de don Henri, il oublia le
traité qu’il avoit eu lè bonheur de conclure avec le
roi de Fez , ôc le danger auquel feroit évidemment
expofé don Ferdinand , ôc au lieu de reftituer
Ceuta , il en renouvella la garnifon, augmenta les
fortifications , remplit les magafins , ôc renvoya en
Portugal fon frere, avec les foldats malades ôc hors
d’état de fervir. A leur entrée à Lisbonne , Edouard
informé de tout ce qui s’étoit paffé en Afrique,
affembla fon confeil pour examiner fi l’on facrifie-
roit Ceuta à la foi jurée par le traité de Tanger , ou
fi l’on facrifieroit à la poffeffion de Ceuta l’infant
don Ferdinand , frere du roi. Cette queftion étoit
encore plus indécente qu’abfurde : car enfin la reftitu-
tion de Ceuta avoit été promife, ôc ce n’étoit qu’à
cette condition que le roi de Fez avoit confenti à la
retraite de l’armée Portugaife qu’il eût pu écrafer; ôc
de quelque importance que cette place rat pour le
Portugal, il étoit contre l’intégrité , contre l’honneur
même de la nation , de la retenir au mépris des
fermens faits devant Tanger. Cependant le confeil
fut d’un avis contraire ,• tant l’intérêt l’emporte fur
r l’honneur ôc fur l’équité : ce fut même , dit on , de
l ’avis du pape que l’on convint de retenir Ceuta , ôc
d’offrir au roi de Fez une très-groffe fomme pour la
rançon de don Ferdinand , ôc qu’au cas où les
Maures fe refîiferoient à ce dédommagement , le
pape publieroit une croifade pour procurer la liberté
à don Ferdinand. Les Maures indignés de cette
violation manifefte des promeffes les plus folem-
nelles, rejetterent toute offre,fe refuferent auxfol-
liçitations des rois de Caftille ôc de Grenade , ôc gardèrent
don Ferdinand qui fupporta avec une héroïque
confiance les dégoûts, les humiliations ôc les
défagrémens de fa dure captivité : il refta ^quelques
efforts qu’on fît pour le dégager, parmi les infidèles,
jufqu’à fa mort. Pendant qu’il languiffoit en A frique,
Édouard faifoit à Lisbonne tout ce qui dépendoit de
lui pour hâter le moment de fa délivrance : mais le
Portugal n’étoit guère alors en état de faire des efforts
heureux : les finances étoient dans le plus trille épui-
fement, ôc fans le chancelier Jean de Régras, t ju i,
par des moyens que les circonftances empêchèrent
qu’on ne regardât comme oppreflifs, fit rentrer
des fommes confidéràbles dans les coffres du roi , il
eût fallu abfolument renoncer à l’expédition pro-
jettée. Libre des inquiétudes que lui avoit données
le mauvais état de fes finances, Edouard fit par mer
ôc par terre les plus grands préparatifs pour porter
la guerre chez les Maures d’A frique, ôc il avoit d’au-
îant plus de raifon de fe flatter du fuccès , que la nation
excitée par les bulles du pape, ôc plus encore .
par le defir qu’elle avoit de délivrer don Ferdinand,
montroit l’rmpatience la plus vive ôc le zele le plus
ardent pour cette expédition. Le roi penfoit à cet
égard comme les Portugais , ôc ce ne fut que malgré
lui qu’il fe vit obligé de fufpendre pour quelque tems
-les foins auxquels il fe livroit; mais 1a pefte qui ne
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ceffoit de dévafter Lisbonne ôc les environs , l’obligea
de fe retirer dans l’Eftramadure , ôc de fe fixer
à Tomar jufqu’à ce que la violence de la contagion
fe fût ralentie à Lisbonne ; mais peu de jours après
qu’il fe fût rendu à T omar, il reçut une lettre de fa
capitale , ôc l’ayant ouverte fans précaution, il fut
fubitement attaqué de la pefte, ôc le mal fit en peu
de momens tant de progrès , qu’il modrut le 9 Septembre
1438 dans la quarante-leptieme année de fon
âge , ôc après un regne de cinq ans ôc un mois. A fes
qualités eftimables, Edouard joignoit des talens peu
communs, ôc un goût éclairé pour la littérature : il
s’étoit déclaré l’auteur de deux ouvrages qui avoient
été reçus avec applaudiffement, quoiqu’on ne fût
point encore qui les avoit compofés : l’un étoit intitulé
le bon Confeiller, rempli de réflexions morales
ôc politiques auffi fages qu’ingénieufes ; l’autre étoit
un Traité fur l'art de dompter & de dreffer les chevaux. ■ B EDRED, ( Hiß. d'Angleterre.} Les foibleffes de
ce prince éclipferent, fur la fin de fa v ie , les grandes
qualités qui l’avoient rendu célébré dans les premières
années de fon regne. Par fa valeur Ôc fes bienfaits
il mérita d’abord l’eftime générale ; il fut gagner
la confiance de fes fujets : mais la pufillanimité lui fit
perdre dans la fuite une partie de l’affeélion de fes
fujets. Frere d’Edmond I , & petit-fils d’Edouard l’ancien
, Edred fu t , à bien des égards , digne de fuccé-
der à ces illuftres fouverains. Sa valeur héroïque fe
fignala par mille adlions d’éclat, ôc fes armes vitto*
rieufes affranchirent l’Angleterre du joug des rebelles
Danois. A peine les Northumbres eurent appris
l’événement funefte qui venoit de terminer les jours
d’Edmond I , qu’impatiens de rentrer dans leur ancienne
indépendance, & Comptant fur la foibleffe
ôc l’incapacité du nouveau fouverain, ils réfolurent
de fe procurer par la force des armes la liberté qu’ils
n’avoient pu jufqu’alors obtenir par le moyen du
brigandage ôc des factions. D ans cette vue ils le liguèrent
avec Malcolm, roi d’Ecoffe, qui crut cettéocca-
fion propre à fe délivrer de l’engagement qu’il avoit
contraélé, relativement à la province de Cumberland.
Ilcomptoit, comme les Danois Northumbres ,
fur l’incapacité d'Edred qu’il croyoit hors d’état de
réfifter à l’attaque des deux armées confédérées.
Mais Malcolm ôc fes alliés fe trompoient, ôc l’événement
ne juftifia point leurs efpérances. Edred auffi
brave qu’Edmond , ôc plus aétif encore, inftruit des
grands projets qu’on formoit contre lui, fit tant de
diligence , que déjà il étoit fuivi d’une puiffante
armée au centre du Northumberland, avant que les
Danois euffent même arrêté le plan de leurs opérations.
Surpris, ôc hors d’état de faire éclater leur
révolte , moins en état encore de réfifter aux An-
glois , il ne reftoit aux Danois Northumbres d’autre
feffource que célle d’avouer la perfidie de leurs complots
, ôc d’implorer la clémence du roi. Ce fut le.
parti qu’ils prirent, ôc ils conjurèrent Edred de leur
preferire les conditions auxquelles il voudroit leur
accorder la paix. Ces conditions ne furent ni dures
ni aviliffantes : le roi d’Angleterre, fatisfait de la fou-
miffion des rebelles, fe contenta de leur impofer
quelques amendes, ôc de faire punir les principaux
auteurs de la révolte* S’éloignant enfuite du Northumberland
, il s’avança vers les frontières de
l’Ecoffe , où il fie propofoit de punir plus rigoureufe-
mentl’ingratitude de Malcolm : mais celui-ci, déconcerté
par l’humiliation des Northumbres, ôc ne pou-r
vant feul réfifter aux forces du roi d’Angleterre , fe
hâta de fuivre l’exemple de fes alliés , ôc feSoumettant
comme eux, iljura de fendre à l’avenir l’hommage
qu’il avoit tenté de refufer. Edred, trop généreux
pour fuppofer . des . intentions perfides à des
ennemis abattus, crut la guerre terminée, ôc retourna