
Les Ifraélites errans dans le défert* vinrent camper
dans leurs plaines. L’impuiffance de réfifter à des
hôtes fi dangereux, les fit recourir à JBa la amqui,
comme tous les prophètes de ce teins, avoit la répu-
. tation de pouvoir faite périr des armées & des nations
entières par la vertu de fes imprécations 6c de certaines
paroles myftérieufes , qui rt’étoient que bizarres.
Ce prophète faifoit fa réfidence dans la Mé-
fopotamie, fes oracles lui avoient attiré la vénération
des peuples. Les ambaffadeurs envoyés par les
Moabites, lui firent les plus éblouiffan'tes promef-
fes, pour l’engager à venir à leur fecours. Il parut
d’abord infenfible aux appâts de la fortune, & il ne
céda qu’aux importunités, d’une fécondé ambaffade.
Dieu lui avoit d’abord défendu de fuivre les envoyés
; mais Balaam, féduit par l’appât des préfens,
obtint enfin permillion de partir. Un ange s’oppofa
au paffage de l’âneffe fur laquelle le prophète étoit
monté, 6c fe plaignit des coups qu’elle recevoit.
L ’ange devenu vifible, permit au prophète de continuer
fa route, avec défenfe de faire autre chofe
que ce que Dieu lui preferiroit. Quelques ra-
bins prétendent que c’eft moins une réalité qu’une
viiion prophétique ; mais c’eft affoiblir l’autorité du
texte facré, que de le foumettre'à des interprétations
arbitraires. Ce prophète , au lieu de faire des imprécations
contre les Ifraélites , reçut au contraire un
ordre exprès de Dieu de maudire quiconque oferoit
fe déclarer contre eux. Après avoir été reçu avec
magnificence des Moabites, il les quitta en les affu-
rant que les Hébreux feroient toujours triomphans
tant qu’ils feroient fideles à leur loi. Ainfi il leur
confeilla d’employer les charmes de la volupté pour
les faire, tomber dans la prévarication. Ce confeil
eut l’effet qu’on s’en étoit promis. Les filles introduites
dans le camp, fe livrèrent à la proftitution;
6c pour prix de leurs faveurs, elles exigent que
leurs amans fe profternent devant leurs idoles.
Dans l’ivre'ffe de la débauche, ils ne peuvent réfifter
à la féduûion 6c abandonnent leur Dieu , qui
bientôt les punit de leur prévarication. Dans la
fuite des tems, les Moabites leur enlevèrent la partie
orientale du pays de Canaan, dont ils s’étoient
rendus les maîtres. Mais enfin D ieu, touché de leur
repentir, leur fufeita un libérateur dans Ehud qui,
chargé de porter le tribut impofé à fa nation, enfonça
fon poignard dans le lëin d’Eglon, roi des
Moabites.
. Il fe met à la tête des Hébreux 6c remporte une
victoire décifive fur les Moabites, dont la tyrannie
fut détruite. On ne les voit reparoître que fous le
régné de Saiil, qui voulut les punir dé l’afÿle qu’ils
avoient donné à David. Le roi prophète monté fur
le trône, leur fit une guerre cruelle qu’ils s’étoient
fans doute attirée , 6c les deux tiers de la nation furent
paffés au fil de l’épée : ils payèrent dans la
fuite aux rois d’Ifraël un tribut anhuel de cent
mille agneaux 6c autant de moutons. Toujours
vaincus & toujours rebelles, ils furent enfin ftibju-
gues par Joram qui détruifit leurs villes avec leurs
habitans. Leur roi enfermé dans une fortereffe, immola
fon fils à fes idoles. Il en réfulta une efpece de
miracle, puifque les afliégés faifis d’horreur, aimèrent
mieux fe retirer que de s’expofer au défefpoir
de ce prince forcené. Les Moabites réparèrent bientôt
leurs pertes ; 6c foutenus de leurs voifins, ils pénétrèrent
jufqu’à l’occident de la mer Morte. Les
Ifraélites trop foibles contre une armée fi nombreufe,
mirent leur confiance dans Dieu : la divifionfe mit
parmi leurs ennemis, qui s’exterminerent les uns les
autres. Après ce défaftre, ils n’en furent que plus.ar-
dens à effacer la honte de leur défaite. Ils vainquirent
les Edomites, dont ils firent périr le roi dans lès
flammes. Dieu irrité de çette barbarie, leur dénonça
fes vengeances par la voix de fés prophètes, 6c fe$
menaces eurent bientôt leur effet. Salmahafar,.roi
d’Affine, fe rendit maître de leur pays : fon fils 6C
fon fucceffeur fut fans ceffe occupé à réprimer leurs
rebellions. Sédécias eut l’imprudence de les appuyer
dans leur révolté; il en fut puni : fes perfides'alliés
l’abandonnèrent, & eux-mêmes furent fubjugués par
Nabuchodonofor. Depuis ce tems, ils ne formèrent
plus de corps de nation, 6c on les confondit avec leS
autres habitans des déferts de la Syrie. •
Les Ammonites, autre peuple de la terre de Canaan,
defeendoient d’Ammon, né du commerce in-
ceftueux de Lo.th avec fa fille cadette. Ils habitoient
dans une contrée de la Célé-Syrie dont on ne peut
pas déterminer les limites. Les enfans d’Ammon en
chafferent les premiers habitans, qui font repréfentés
comme une race de géants. On ignore S’ils avOient
beaucoup âe villes : on ne connoît que Rabba, que
Prolongée - Philadelphe embellit, 6c qui de fon
nom fut appellée Philadelphie. Leurs moeurs 6c
leurs inftitutions politiques font tombées dans l’oub
li, ainfi que le nom de leurs rois; ce qui prouve
qu’ils n’ont rien fait d’éclatant. Ils admettoient la
circôncifion : cette Conformité avec les Juifs ne
fut point un principe d’union entre Ces deux peuples;
il étoit défendu aux Ifraélites de former des
alliances avec eux jufqu’à la dixième génération.
C ’étôit une punition du refus fait à leurs ancêtres qui
leur.demandèrent des fubfiftances pendant leur fé-
jour dans le défert. Leur caraftere 6c leurs moeurs
dévoient être féroces, fi l’on en juge par leur religion
6c leurs rites facrés. Moloc fut l’idole la plus révérée:
ils offroient auffi des facrifices à Chemos, à Baal, à
Milcon , Melec , Adramelec, Anamelec. Les autels
de ces dieux étoient arrofés de fang humain ; les en-
fans étoient l’offrande la plus chere à Môloc, que
plufieurs croient reconnoître dans Vénus, Priape ,
Mercure 6c Saturne. Quelques-uns prétendent que
le reproche de ces facrifices expiatoires eftunepieu-
fe calomnie des premiers chrétiens, pour rendre le
paganifme plus odieux : ils prétendent-que lés mer es
portoient feulement leurs enfans entre deux feux
pour les purifier, 6c qu’il ne leur en réfultoir aucun
mal ; mais c’eft à tort. Les livres de l’ancien Tefta-
ment y font formels, 6c leur témoignage eft fans réplique.
Leur roi Eglon fignala fes talens militaires contre
les Ifraélites ; mais il étoit à la tête d’un peuple qui
n’étoit point compté parmi les nations belliqueufes*
Cependant ils s’emparèrent de la vallée d?Hammon,
qui avoit été enlevée à leurs ancêtres. Dieu fe fervit
de leurs bras pour punir les Juifs prévaricateurs; à
la fin touché de leur pénitence, il fufeita Jephté général
des troupes d’Ifraël, qui affranchit.fa patrie de
l’oppreffion. L’Hiftoire facrée fait mention d’un roi
des Ammonites, qui fignala fon régné par des conquêtes.
Les habitans de Jafeb afliégés implorèrent
la clémence ; ce prince altier ne voulut leur accorder
la vie qu’à condition que chacun d’eux auroit l’oeil '
crévé. Saiil indigné de cette capitulation inhumaine,
vint fondre fur lui, 6c il fit un fi grand carnage de fon
armée, qu’il n’y eut pas un foldat qui fe dérobât à la
mort. Hunum, fon fils 6c fon fucceffeur, attira fur
lui les vengeances de David, juftement irrité de
l’outrage fait à fes ambaffadeurs, à qui l’on avoit fait
couper la moitié de la barbe 6c des habits. Joab
remporta fur eux une viâoire complette. Les Syriens,
leurs alliés, eurent un pareil fort; & après leur
défaite les Ammonites furent la vittime d’un vainqueur
juftement irrité. Leur pays fut la proie des
flammes; Rabba, prife par David, fut livrée au pillage
; tous les habitans expirèrent dans les toiirmens ;
6c ce pays riche 6c peuplé fut changé en un défert
ftçrilç, Le? Ammonite? devenus ; par leurs défaites,
i* W .
ShfenfiBtes à la gloire des armes, s appliquèrent uniquement
à la culture des terres. Un de leurs rois réveilla
leur indocilité naturelle ; 6c honteux d’être
affûtera à payer le*tribut impofé par Ozias, Roi de
Juda, il renouvellaune guerre qu’il foutint fans gloire
, 8£ n’obtint la paix qu’en fe foumettant à payer
un tribut de cent tàlens d’argent, de foixante mille
boiffeaux d’orge * 6c d’une pareille quantité de froment
, impofition exorbitante qui fait connoître
l ’exceffive fécondité de cette petite contrée. Lorfque
les rois de Babylone envahirent tous les états de
l ’Afie, fes Ammonites furent enveloppés dans la ruine
générale. Ce n’ëtoit pas que leur pays flattât l’ambition
de ces conquérans, mais ils furent punis de
l’afyle qu?ils avoient donné aux Juifs après la prife
de Jérufalem. Leurs campagnes, furent ravagées, leur
roi 6c tous les grands de la nation furent chargés de
fers. Depuis c% tems ils furent fucceffivement affer-
vis aux différens empires qui dominoient fur*la terre;
6c quoiqu’on leur .laiffât des chefs de leur nation pour
les gouverner, ils n’en étoient pas moins dartsla dépendance.
Depuis le deuxieme fiecle de notre ere, ils
font compris fous la dénomination générale d'Arabes.
Les Madianites qui avoient une origine commune
avec les autres Cananéens, tiroient leur nom de Ma-
dian, fils d’Abraham 6c de Cétura. Ils habitoient une
partie montueufe de l’Arabie, dont on ne peut déterminer
les limites. Ils avoient quelques villes, &
Madian , dont orndécouvre encore aujourd’hui quelques
ruines, étoit leur Métropole. Cette Nation
nombreufe fe divifoit en deux peuples différens : les
uns menoient la vie nomade, habitoient fous des
tentes, 6c ne s’arrêtoient que dans des lieux où ils
trou voient des fubfiftamfes. Leurs chameaux, leurs
dromadaires, &«leur bétail fa,ifoient toutes leurs
richeffes. Les autres Madianites difperfés fur la fur-
face du globe, âbandonnoient à leurs femmes le foin'
de l'éNrs troupeaux , 6c alloient commercer avec
toutes les Nations. Leur négoce étoit un échange de
leur bétail avec de l’or & des pierreries. On peut
juger de leurs richeffes par la magnificence de leurs
rois, qui ne fe montroient en public, que charges de
diamans du plus grand prix. Ce luxe s’étendoit jufque
fur leurs chameaux dont les chaînés étoient d’or. Ce
fut un des premiers peuples du monde qui connut l’u-
fage de l’écriture, c’eft-à-dire , l’art de graver des ca-
raôeres avec une touche de fer fur du plomb, 6c ce fut
d ’eux, difent quelques auteurs, que les Ifraélites l’apprirent.
Le commerce demande des connoiffances qui
fuppofentun efprit cultivé : ainfi il eft naturel defup-
pofer que les Madianites qui avoient des relations
avec les étranger?, avoient fait d.es progrès dans
la Géographie, l’Arithmétique 6c l’Aftronomie, qui
feules peuvent diriger le Navigateur; quoique leurs
voyages dans toutes les contrées du monde euffent
dû les éclairer, ils n’en étoient pas moins opiniâtres
dans leurs préjugés, ni moins aveugles fur le culte
qu’on doit à l’Etre fuprême. Leurs cérémonies reli-
gieufesn’ëtoient qu’un amas impur d’abominations.
La circoncifion n’étoit point en ufage parmi eux ;
la femme de Moïfe étoit Madianite, 6c elle aima
mieux fe feparer de fon époux, que de fe foumettre
à cêtte cerémôme : ils n’avoient point de rois, à
moins qu’on ne donne ce nom aux chefs de la nation:
ce chef étoit en même tems grand facrificat£ur.
Les Madianites ne firent la guerre que quand ils
furent dans la néceffité de fe défendre; moins ambitieux
qu’avares, ils n’affefterent que la fupériorité^
des richeffes. Ce fut en proftituant leurs filles qu’ils
cherchèrent à triompher des Ifraélites ; Moïfe irrité
leur fit éprouver fes vengeances. Leurs fortereffes
furent ratées, tous les mâles qui s’offrirent*fôus fes
coups, furent exterminés, les femmes 6c les enfans *
furent égorgés. Ce fléau ne frappa que «ceux qui
Tornè II,
s’etoienc reftdus dftmplices de là (ïdtiftion. Si cent
cinquante ans après * on voit reparoître les Madia-^
nites plus redoutables.& plus nombreux: ils furent
la verge dont Dieu fe fervit pour châtier les infidé-
htes de fon peuple. C’eft dans nos livres faints qu’il
faut chercher les prodiges opérés par Gédéon, on
y verra cent vingt mille hommes qui s’égorgèrent
les uns 6c les autres » quoiqu’ils n’euffent en tête que
trois cens Ephraïmites, qui n’ayant pour armes que
des trompettes 6c des vafes de terre , ne po.ùvoient
leur faire aucun mal ; mais Dieu les avoit frappés
de terreur. Les Madianites cédant à leurs inclinations
pacifiques, fe livrèrent tout entiers à leur
commerce, 6c accujnulerent dans leur pays l’or des
nations étrangères. Ce n’eft que depuis le premier
fiecle^de notre ere qu’ils ont perdu leur ancien nom*
6c qu’on les défigne par celui £ Arabes*
Le pays d’Edon ou l’Idumée, fut un héritage que
Dieu donna à la poftérité d’Efaii, qui en chaffa les
Horites, & qui donna le nom tfEdon, fils Ae fon
patriarche, à cette contrée. On liii donna pour bornes
le golfe Perfique au midi, le pays de Canaan
au feptentrion, celui de Madian à l’orient, 6c les
Amalécitès à l’occident. Ce pays dominé par dés
montagnes ftériles, refufe tout aux befoins de l’homme.
On n’y jrouve que quelques Arabes vagabonds
qui vivent ifo'lés du refte de la terre. Mais fi cette
terre avare ne donne ni eaux, ni moiffons; fa pofi-
. tion favorifoit fon commerce fur la mer Rouge. Ses
principales villes étoient Elath, dont les ruines annoncent
fon ancienne fpl'endeur, Timan & Dedah
qui avoient de grandes relations de commerce avec
T y r : quand les defeendans d’Efaii fe furent affez
multipliés pour avoir la fupériorité, ils abolirent l’ancienne
forme du gouvernement, & ils fubftituerent
à des rois éleâifs, fept chefs tirés de la famille de
leur patriarche ; mais dans la fuite ils reconnurent la
neceffité de réunir toute l’autorité,dans un feul chef,
les Juifs les repréfentent comme une face de brigands
; mais ce caraftere de férocité 6c de perfidie
paroît peu compatible avec la profeffion du coiht
merce, que ces. peuples faifoient avec fuccès. Il eft
vrai qu’entraînés par leur agitation naturelle, ils
épioient les oecafions de tout envahir, & que fou.S
prétexte de conferver leurs poffeffions, ils tâchoient
de s’approprier celles de leurs voifins. Quoiqu’oc-
cupés de leur commerce, ils s’appliquèrent aitx
fciences dont ils étendirent les limites. On leur,attribue
plufieurs découvertes, fur-tout dans l’Aftronomie.
Ils cultivèrent encore avec fuccès la morale 6c
l’hiftoire naturelle. On fait qu’intimidés par l’exemple
de leurs voifins, ils accordèrent un paffage à Moïfe
fur leurs terres. Ils firent fentir leur fupériorité aux
Egyptiens qui voulaient faire par eux-mêmes le
commerce des. Indes. Ils leur défendirent)de naviger
fur le golfe Arabique avec des galeres, 6c ne leur
accordèrent qu’un feul vaiffeau de charge pour
leur commerce. David humilia leur orgueil ; fon
armée commandée par Joab, leur tua dix mille
hommes. Le vainqueur eut ordre de maffaeper tous
les mâles* 6c la race d’Efaii eût été éteinte ,*‘fi la fuite
n’eût fouftrait quelques malheureux au glaive de Joab,t
Les Iduméens fugitifs ; furent chercher un à fy le -
dans l’Egypte, où.ils perfeâionnerent l’Aftronomie
qui étoit encore dans l’enfance ; d’autres s’établirent
fur les côtes du golfe Perfique -, -où ils allu- s
merent le flambeau des arts, tandis que les Juifs qui
les avoient chaffés, les négligerénti Depuis c&tems
le pays d’Edom affujetti aux princes de la mai-
fon de David, fut gouverné par des lieutenans qui
eurent toujours des rebellions à punir, jufqu’au tems
teii les rois de BabilOne s’en emparerent. Dès qu’ils
n’eurent plus les Hébreux pour maîtres , ils s’én
rendirent les perfécuteurs, ils ravagèrent leurs