
il
pardonna à Erneft peu de tems après ; maïs l’ingrat
n’en profita que pour exciter une guerre civile dans
laquelle il périt, non fans donner des marques d’une
grande valeur , Ôc d’une grande capacité. La mort du
rebelle ayant rétabli le calme en Germanie , l’empereur
prit la défenfe d’un prince voifin injuftement
dépouillé. C ’étdlï Oton que Mieflau fon frere, roi de
Pologne, avoit contraint de fe réfugier en Allemagne.
L’empereur lui fournit des fecours dont ce prince fut
profiter. Oton prefl'a fdn frere avec tant de vigueur,
qu’il le força de fe retirer auprès d’Udalric, duc de Bohême.
C e duc, au mépris des droits de l’hofpitalité ,
écrivit à l’empereur, lui offrant de lui livrer le roi
vaincu. Le généreux Conrad. II. eut horreur de cette
trahifon : il envoya fur le champ la lettre du perfide
à Mieflau lui-même, lui confeillant de chercher un
autre afyle. Le Polonois, fenfible à cette générofité ,
fe rendit auprès de l’empereur qui le rétablit, après
l’avoir réconcilié avec fon frere. Get événement fait
fans doute honneur au régné de Conrad IJ ; mais je
dois obferver qu’on ne trouve rien de femblable
dans les hiftoires de Pologne, écrites par des auteurs
accrédités.
La guerre de Hongrie fuivit celle de Pologne : la
fucceflion du duché de Bavière, ouverte par la mort
de Henri, en étoit le motif. Le roi de Hongrie
( E tienne), parent par fa mere, la réclamoit au préjudice
d’un fils du duc défunt ; mais ce fut en vain
qu’il voulut fuppléer par la force au vice de fes titres.
Le fils obtint la préférence, ôc l’empereur, après la
mort du roi Etienne, eut affez de crédit pour faire
mettre fur le trône de Hongrie le prince Pierre qui
confentit à être fon vaffal ôc fon tributaire.
La Bourgogne entièrement réunie à l’Allemagne,
eft une des époques les plus heureufes du régné de
Conrad II. Rodolphe III. en avoit difpofé par tefta-
ment, en 1016, en faveur de l’empereur Henri II.
L ’impératrice Gifelle fa niece , fe fervit de l’afcen-
dant qu’elle avoit fur fon efprit, ôc l’engagea à faire
la même difpofition en faveur de ConradII. fon mari.
On ne fait fi ce royaume fut réuni à la couronne
d’Allemagne, ou s’il fut pofledé par Ohnrad ÔC par fes
fucceffeurs, comme un royaume particulier ôc héréditaire
dans leur famille. Quoi qu’il en fo it, ce
prince fe fit couronner à Pazerne, malgré la réclamation
d’Odon ou d’Eudes, comte de Champagne ,
qui prétendoit avoir des titres pour l’en exclure. Ce
comte perdit la vie dans une bataille.
L’Italie en proie à de nouvelles guerres, exigea
une fécondé fois la préfence de l’empereur. Il paffa
l’hiver à Parme ( 1037 ) > aPr®s avoir puni plufieurs
villes de Lombardie : il fe rendit enfuite à Rome,
d’où il alla à Benevent, délivra Capoue de la tyrannie
de Pandolfe, s’afliira de l’obéiffance des habitans
de la Pouille Ôc de la Calabre, ôc revint en Allemagne
couvert de gloire, mais accablé de fatigues
& d’années. Iltravailloit à un projet de pacification
de toute l’Europe, lorfque la mort le furprit à Utrecht,
le 4 juin 1039. Son corps fut tranfporté dans l’églife
cathédrale de Spire, qu’il avoit fondée pour être la
fépulture des empereurs. La religioavante fa piété ,
ôc l’état fa générofité ôc fa valeur. La fplendéur dé
fon régné furprit d’autant plus que fon enfance avoit
été très - oblcure. Burchard , évêque de Worms,
l’avoit retiré dans fon palais pour le fouftraire aux
railleries que fa fimplicité lui attiroit à la cour du
duc fon pere. L’hérédité des fiefs, introduite par
l’ufurpation des grands , maintenue par l’ufage, fut
confirmée par une loi de ce prince. L ’Allemagne perdit
fous fon régné le duché de Slefvik, conquis fur
les Danois par Henri premier. Il eut de fon mariage
avec Gifelle, niece de Rodolphe III, dernier roi de
Bourgogne, Henri III, furnommé le noir, qui fut
foa fucçelïeur à l’empire, ôc la princeffe Mathilde
qui fut fiancée à Henri I , roi de France, ÔC mourut
avant la confommation du mariage, i
Des écrivains ont prétendu que ce fut fousleregne
de ce prince que les fept électeurs furent inftitués;
mais les meilleurs critiques placent leur origine à
des tems poftérieurs. On commença à connoître des
fouverains de Siléfie indépendans de la Bohême ôc
de la Pologne : ce dernier royaume vouloit fe détacher
de l’empire, mais il en refta tributaire très-loftg-
tems après. ( M—y . )
Conrad III, duc de Franconie, ( Hijloire d’Alle-
magne. ) treizième roi ou empereur de Germanie,
fucceffeur de Lothaire II, élu à Cob'lentz en 1 138,
naquit l’an 1090, d’Agnès, foeur de l’empereur
Henri V , ôc de Frédéric de Hohenftauffen , de la fa*
mille des ducs de Suabe. L’autorité royale repre-
noit quelque vigueur en France : Hugues Capet
avoit relevé le trône qui s’étoit affaiffé fous les d erniers
defeendans de Pépin. Louis-le-gros, quatrième
fuccefleur de ce prince fameux, mettoit toute fa politique
à divifer les Allemands fes voifins; les plus
redoutables. Il avoit envoyé le célébré Suger, abbé
de S. Denis, aux états d’Allemagne, affembléspour
donner un fuccefleur à Henri V. Cet habile négociateur
avoit eu afl'ez de crédit pour faire exclure Frédéric,
duc de Suabe, dont Louis-le-gros redoutoit
les talens ; ôc lorfque Lothaire II fut élu , il n’omit
rien pour traverfer fon régné. ConradIII avoit profité
des troubles excités par la cour de France, ôc
s’étoit fait couronner à Spire : mais fon parti l’ayant
abandonné , il s’étoit réconcilié avec Lothaire en
113 5 , ôc l’avoit reconnu pour fon fouverain. A là
mort de ce prince, il réunit tous les fuffrages, ôc fut
couronné à Aix-la-Chapelle. Henri de Bavière,
furnommé le fuperbe, le plus puifîant des ducs d’Allemagne
, fut mis au ban impérial, pour s’être ob-
ftiné à retenir les ornemens royaux que Lothaire IE
lui avoit confiés en mourant, peut-être pour marque
qu’il le défignoit fon fuccefleur. Ce duc fubit
f a fentence, & ne put furvivre à la perte de fes états.
Il pofl'édoit la Saxe, la Mifnie, la Thuringe ; en Italie,
Véronne , Spotelle, ôc prefque tous les biens de la
comtefle Mathilde : ce trait d’autorité donne une
haute idée de la fermeté de Conrad I I I ôc de fes
talens. La Saxe fut donnée à Albert d’Anhalt, fur*
nommé l ’ours, marquis de Brandebourg ; Ôc la Bavière
à Léopold, marquis d’Autriche: mais Henri
avoit laiffé un fils au berceau (Henri-le-lion ) , ôc ce
jeune prince trouva dans W e lf ou Guelfe, fon on*
c le , un puiflant vengeur de fes droits. Guelfe, pour
foutenir fa révolte , fit alliance avec Roger, roi de
Sicile qui lui fit palier des fommes immenfes. Roger
ôc les autres princes Normands ne laifîbient échapper
aucune occafion de mortifier les empereurs,
ôc de les tenir loin de l’Italie, dont ils avoient envie
de les dépouiller. Guelfe, après une guerre opiniâtre
, demanda la paix qui lui fut accordée ; on remit
à la diete fuivante à ftatuer des conditions. La Saxe
fut rendue à Henri-le-lion fon neveu ; mais la Bavière
refta dans la famille du marquis d’Autriche,
mort dans cette guerre. Guelfe peu fatisfait de ce
traité, reprit fes premiers projets, ôc toujours
fecouru de Roger, il foutint une guerre de dix ans
contre le duc d’Autriche, ôc même contre l’empereur.
C ’eft à cette guerre que l’on rapporte l’origine
des Guelfes & des Gibelins, fattions puiflantes qui
partagèrent fi long-tems le- facerdoce ôc l’empire
( Poyei Guelfe , Suppl. ) . Cette guerre étoit d’autant
plus contraire aux intérêts de l’empire, que les
conjonctures étoient favorables pour plier les pontifes
Romains fous le joug dont ils s’étoient affranchis
fous le régné précédent. Arnaud de Breffe, dif*
ciple du fameux Abeilardjdéelamoit avec véhémence
contre lesdéfordresdu clergé plongé dans la mollefle
ÔC
& la licence. Les immenfes richeffes des papes &
des évêques échauffoient la bile de l’orateur, dont
l’auftere doCtrine trouva de nombreux partifans,
même parmi les Romains , mécontens dufaftedes
pontifes.| Arnaud prétendoit que le clergé ne de*
voit pofleder aucuns biens , comme des fiefs ou des
terres en propriété, ôc qu’il devoitfe contenter des
oblations des fideles; Il avoit perfuadé les Romains
qui euffentdefiré pouvoir dépouiller les papes pour
rétablir leur ancien gouvernement, dont ils étoient
toujours jaloux. Animés par les déclamations de l’o rateur,
ils fe révoltèrent ouvertement contreLuce II,
Ôc élurent des confuls. Un empereur politique-eut
profité de ces défordres, ôc n’eut pas manqué de
paffer en Italie avec une armée. Eugene III, fucceffeur
de Luéë , craignit un femblable événement ;
mais ce pape trouva le fecret de l’avoir pour lieutenant
, lorfqu’il trembloit de l’avoir pour maître. Il fit
paffer à fa cour S. Bernard, cet homme étonnant qui,
fans autre titre que celui d’abbé de Clairvaux, jouiffoit
d’un refpett fouvent refufé aux plus grands princes ;
qui dans fa retraite écrivoit à toute l’Europe des
lettres qu’elle recevoit comme autant d’oracles, ôc
traçoit les conditions d’un traité entre deux monarques.
S.B ernard venoit de déterminer Louis VII à aller
en Afie affermir la famille de Godefroi de Bouillon,
chancelante fur le trône de Jérufalem, que les Chrétiens
venoient de fonder. Son éloquence ne fut pas
moins puiflànte fur l’efprit de ConradIII. Ce'prince,
jufqu’alors, s’étoit refufé à ces émigrations dangereu-
fes qui dépeuplèrent l’Europe, fans étendre les limites
de la f o i , ôc lorfqu’il eut entendu le faint abbé,
il s’enrôla lui-même. La perte d’une armée, la plus
brillante que l’on eût vue jufqu’alors, l’affoibliffement
de fon autorité, ôc le mépris de fa perfonne, furent
tout le fruit de cette pieule entreprife, dont le fuccès
n’auroit fervi qu’à enrichir les papes ôc à augmenter
leur pouvoir. ConradIII, après la perte dé cette armée
floriffante qui périt par les chaleurs, la difette ôc
la débauche , arriva à Jérufalem, moins en roi qu’en
voyageur, ôc revint prefque feul fûr les vaiffeaux
de Manuel Comnene, mari de la foeur de la reine
fon époufe. Il aborda dans le golfe de Venife, ôc
n’ofa aller en Italie fe faire couronner, à l’exemple
de fes prédéceffeurs. Le refte du régné dé ce prince
n’offre rien à l’hiftoire. Il tenta, mais fans fuccès, de
rétablir Wladiflas fon allié, chaffé du trône de Pologne,
comme excommunié par Jacques, archevêque
de Gnefne : on voit quel étoit alors le pouvoir
des eccléfiaftiques. Il mit les bourgeois & le chapitre
de la ville d’Utrecht au ban impérial, pour avoir
appellé de fes jugemens au Saint-Siege. On ne pou-
voit bleffer plus ouvertement fon autorité. Il mourut
à Bamberg, fans avoir pu tirer vengeance de cet
outrage. Il fut inhumé auprès de Henri, qu’il
avoit fait mettre au nombre des faints. Conrad eut
de fa femme Gertrude, fille du comte de Sultz-
bach, deux fils, Henri.ôc Frédéric. L’aîné qu’il affocia
à l’empire avant fa malheureufe expédition en Syrie,
mourut pendant fon abfence ;. l’autre mourut de la
pefte au' fiege de Rome , fous Frédéric I. ( M—y .')
. Conrad IV , ( Hijl. d Allemagne.} dix-huitieme
roi ou empereur depuis Conrad 1, né eii 1126, de
Frédéric II ôc d’Yolande de Brienne , eft élu roi des
Romains en i237,fuçcede à fon pere en 1250, meurt
en 1254. ' HH
Le régné de ce prince fe paffa au milieu des orages
qui fuivirent la mort de Frédéric II. Il fit d’inutiles
efforts pour raffermir fon autorité ôc pour rétablir
en Allemagne la paix que l’ambition des papes
en avoit bannie. Innocent IV , armé par la politique
, Ôc par conféquent implacable, le pourfuivit
avec la même animofité qu’il avoit montrée contre
Frédéric. Il fit. publier une croifade contre lui ; c’é-
Tome /ƒ.
toit l’ufage alors : les papes ne faifoiént aucune difficulté
de fe fervir contre les princes Chrétiens des
armes qui ne dévoient être employées que contré
les infidèles. Conrad qui voit le fanatifme s’armer
contre lui, paffe les Alpes à deffein de retarder fa.
chute. Son arrivée en Italie eft fignaléeparla prife
d Aquin, de Naples ôc de Capoue, que le pape avoit
attirées à fon parti : fes ennemis commençoient à
trembler, mais la mort l’enleva au milieu de fes
fuccès. Mainfroi, prince de Tarente , fon frere naturel
, fut acCufé de l’avoir fait empoifônner. Il laif-
foit de fa femme Elifabeth, fille d’O ton, duc de
Bavière, un fils Unique : c’étoit l’infortuné Conrad
le jeune, que l’impitoyable Clément IV ôc Charles
d’Anjou, à la honte de la royauté, firent périr par
la main d’un bourreau. Voyeç Varticle Jiiivant.
( m - y .)
Conrad V , dit le jeune ou Conradin, ( Hijloire
d.'Allemagne. } fils du précédent & d’Elifabeth, né en
12 5 2, eft décapité à Naples en 1268 ou 1269, avec
fon coufin Frédéric, titulaire du duché d’Autriche.
Ces illuftres viôimes furent facrifiées au reffenti*
ment des papes & à la fûreté de Charles d’Anjou
qui dans ce moment déshonora le fang des François
qui l’animoit. Ainfi finit la maifon de Suabe la plus
célébré qui fût en Allemagne ; le fang des Henri ôc
des Frédéric coula fous la main d’un bourreau : cette
famille avoit donné fix empereurs à l ’Allemagne qui
tous avoient illuftré le trône. Conradin avant de
recevoir le coup mortel, jetta fon gant dans la place
publique, un foldat le porta à Pierre-le-grand d’Aragon
, qui le reçut comme un gage qu’il vengeroit un
jour le fang précieux que des barbares venoient
de verfer. ( M— Y. )
Conrad , ( Hijloire de Pologne.} duc de Mafovie
ôc de Cujavie , étoit fils de Cafimir II, roi de Pologne.
Il embraffa le parti de Leck le Blanc, roi de
Pologne, contre Miceflas le vieux, fon concurrent,
leva une armée l’an 1 12 7 , & marcha contre Suan-
topelk, palatin de Poméranie , qui avoit confpiré
contre Leck : ce prince mourut avant d’avoir été
vengé, ôc Conrad crut que fon défenfeur pouvoit
prérendre à lui fuccéder. Mais Henri de Siléfie lui
difputa la couronne. On arma de part’ ôc d’autre en
1228, on en vint deux fois aux mains, ôc deux fois
Conrad fut vaincu; mais il n’étoit pas dompté. La
perfpeéïive d’un trône raliumoit fon courage ; il crut
qu’après y avoir afpiré, il falloit y monter ou périr*
Il mit une nouvelle armée fur pied, réfolu de nafar-
der une troifieme bataille ; mais Hedwige, époufe de
Henri de Siléfie, engagea ce prince à renoncer à des
prétentions.fi funeftes à la Pologne. Henri étoit déjà
maître de Cracovie, CW W s’en approcha à la faveur
des ténèbres, y entra par furprife, & fon rival tomba
en fa puiffance ; Henri ne vouloit point encore abandonner
fes droits, il efpéroit que fon fils viendroit
brifer fes fers ôc le venger ; mais Hedwige, qui avoit
reçu de la nature l’heureux don de plaire & de per*
fuader, lui peignit avec tant d’éloquence les malheurs
dé la Pologne ôc de la Siléfie, qu’il acheta fa
liberté par une renonciation formelle. Mais Conrad
eut bientôt en tête Un concurrent plus dangereux ,
c’étoit Boleflas V fon neveu, que la nation avoit cou*
ronné en 1243. Conrad fe ligua alors aveé ce même
Suantopelk dont il avoit autrefois tramé la perte ;
à l’approche de l’armée confédérée, tout le duché
de Sandomir fe fournit;1 la conquête de celui de
Cracovie ne coûta que de légers combats. Mais Conrad
fut un tyran dès qu’il crut pouvoir l’être impunément.
Aux impôts établis, il en ajouta de plus oné*
reux encore,les privilèges des différens corps furent
violés , les premières dignités devinrent le partage
des plus vils favoris , ' lé'clergé même effuya des
vexations odieufes, le peuple fe fouleva, Boleflas
A A a a