
coifes quarrées. Quand même une fi grande quantité
d’eau pourroit, par les évaporatiorîs, les filtrations,
les épanchemens des réfervoirs , épanchoirs, ponts ,
■ aqueducs, & les pertes à travers les vanteaux des
éclufes, être réduite à la douzième partie feulement,
il y en auroit encore fuffifamment pour fournir au
paffage d’environ feize bateaux par jour; ce qui fùp-
poferoit un commerce très-confidérable. Dans retendue
des rigoles deftinées à fournir l’eau au point de
partage, fe trouvent des gorges profondes dont on
feroit des réfervoirs, & dont la profondeur, eu égard
à leur furface, diminueroit confidérablement les évaporations.
Le point de partage aboutiroit du côté du levant
au ruiffeau de Vandeneffe , qui tombe dans l’Ouche
à trois lieues & demie de Pouilly, & du côté du couchant,
à l’Armancon.
Le vallon & le lit de cette derniere riviere fe trouvant
pleins de rochers aux environs de Semur, M.
Abeille détourne fon canal de ce vallon, en le jettant
du côté du levant, pour le porter dans celui de la
Brenne a 11-de fl us de Pouillenay. Cet expédient fait
éviter les rochers de Semur & donne le moyen d’augmenter
les eaux du point de partage, fans alonger le
canal. M. Abeille avoit joint à fon projet tous les détails
relatifs aux éclufes, aux ponts , aux aqueducs
en fiphon & en oeil de boeuf, aux déverfoirs, rigo- '
les , réfervoirs, maifons d’éclufiers, ports, ÔC généralement
à tout ce qui peut être néceflaire pour la
perfection du canal. Le détail eftimatif en portoit la
dépenfe à 8165417 liv. 16 f. 8 d. dépenfe que le
prix des matériaux & de la main-d’oeuvre , fort augmenté
depuis 1 7 1 7 , rendroit aujourd’hui beaucoup
plus confidérable.
Ce projet fut très-bien reçu ; mais avant de l’adopter
, M M. les élus des états de Bourgogne crurent
devoir en faire vérifier la bonté par M. Gabriel,
contrôleur-général des bâtimens du r o i , & premier
ingénieur des ponts & chauffées de France. Cette vérification
fut faite à l’avantage du projet de M. Abeille
: cependant M. Gabriel y fit quelques changemens
très-peu importans. Le plus confidérable a pour objet
les fas des éclufes : il les veut affez grands pour
contenir deux bateaux, & leurdonne feulement huit
pieds de hauteur de chute, au lieu de douze. Tout le
monde n’eft point de l’avis de M. Gabriel fur l’augmentation
de la grandeur des fas ; & pour ce qui eft
de la chute des éclufes, on eftime qu’il ne faut pas
qu’elles foient toutes également de 1 z pieds ou de 8
pieds; que dans la partie fupérieure du canal, pour
diminuer le nombre des éclufes, il convient de leur
donner 12 pieds & même plus, autant que la pente
du pays pourra le permettre, fans trop augmenter les
remuages de terre : mais aux deux parties inférieures
, il feroit trop difficile de leur donner une fi forte
hauteur de chûte, à caufe que; la pente naturelle du
fol eft très-peu confidérable. Le fuffrage de M. Gabriel
fit la plus forte imprelfion, & l’on fe crut au
moment de voir exécuter le projet de M. Abeille.
M. de Tourterel en prouva la fupériorité fur ceux de
MM. Thomaflin & de la Jonchere.
Ce dernier ofa s’élever contre M. Abeille ; il fit
même paroître en 1718 un mémoire dans lequel il
attaqua fon projet avec fi peu de ménagement &
tant d’indécence, que fon ouvrage fut condamné par
arrêt à être fupprimé.. Cet événement engagea l’auteur
à fe retirer en Hollande, d’où il continua à fe
déchaîner contre le projet de M. Abeille & contre
ceux qui l’avoient approuvé.
Il n’eft pas à préfumer,que la déclamation de M.
de la Jonchere ait influé furie fort du canal. La grandeur
de la dépenfe qu’il exigeoit, ralentit probablement
le zele de ceux qui en pourfuivoient l’exécution
; & dans ces circonftances on s'occupa à rendre
l’Arroux navigable depuis Autun à la L oife, dans la
longueur de 12 lieues. M. le maréchal de Maubourg
s’en chargea, en vertu d’un arrêt dæconfeil, qui lui
adjugea quelques droits fur les marchandifes qui fe-
roient voiturées fur l’Arroux. On fit quelques ouvrages
peu confidérables, & la'perception du droit
ayant occafionné des différends, l’on abandonna
l’entreprife, qui n’avoit été pouffée d’une maniéré
un peu fatisfaifante que jufqu’au bourg de Gueu-
gnon, 3 lieues au-defl'us de l’embouchure de l’Arroux
dans la Loire. Car ce n’ eft que très-rarement &
avec bien de la peine que quelques bateaux remontent
le faut de la digue des forges de Gueugnon, pour
arriver à Toulon-fur-Arroux, gros bourg qui eft à
deux lieues & demie plus haut.
A-peu-près dans le même tems, un aventurier
nommé Marchand d’Efpinaffy,changea quelque chofé
au projet de M. Abeille, & le propofa comme fon
propre ouvrage. Il trouva quelque crédit auprès de
M. le cardinal de Fleury ; fit paroître en Bourgogne
un projet de lettres-patentes, & y répandit un mémoire
imprimé en 1733 , dans lequel, développant
fon projet & expofant le bénéfice que devoit produire
le canal aux intéreffés, il fit, mais fans fuccès,
tout ce qu’il put pour former une compagnie qui fe
chargeât de l’exécution de fon projet.
M. Thomaflin fit aufli de nouveaux efforts en faveur
du canal, qu’il vouloit faire paffer par l’étang
de Longpendu.
Toutes ces difcuflions portèrent dans l’efprit du
public une fi grande incertitude fur les avantages de
la jonétion des mers projettée par la Bourgogne ,
qu’on parut ceffer de la defirer.
Cependant en 1752 M. Joly de Fleury, intendant
de cette province, accoutumé à porter fur les objets
le coup d’oeil d’un homme d’état, s’occupa de cette
jon&ion : il fit venir M. de Cfiefy, ingénieur diftingué
dans les ponts & chauffées, & M. de Regemorte ,
ingénieur du canal de Briare , qui, fuivant les ordres
qu’ils reçurent de M. de Machaulf & de M. Trudaine,
employèrent environ deux années à la vérification
du projet de M. Abeille, & à le re&ifier dans les parties
qui en étoient fufceptibles. Les guerres qui fur-
vinrent, empêchèrent de fuivre cette opération qui
auroit sûrement eu le plus grand fuccès.
L’académie de D ijon, dont les lumières & le zele
font connus , chercha à réveiller l’attention du public
fur cet objet, &. crut faire ceffer toutes les incertitudes
que la diverfité des opinions avoit fait
naître, en propofant pour fon prix de 1762 , de déterminer,
relativement à la province de Bourgogne, les
avantages & les défavantages du canal projette en cette
province pour la communication des deux mers^ par la
jonction de la Saône & de la Seine. Deux des concur-
rens remplirent les vues de cette compagnie & prouvèrent
que ce canal étoit de la plus grande importance.
L’académie leur marqua fafatisfa&ion, par la médaille
qu’elle adjugea à M. Dumorey, ingénieur en
chef de la province, & par VacceJJit qu’elle accorda
à M. le Jolivet, fous-ingénieur. Leurs mémoires ont
été imprimés la même année.
Ce moment parut favorable à M. d’Efpuler: il publia
un profpectus dans lequel il invitoit à former une
fociété pour le canal de Bourgogne ; mais perfonne
ne fe préfenta.
Ce nouvel effort fait en faveur du canal ne fut cependant
pas abfolument fans fuccès, & en 1764, M.
Bertin, miniftre & fecrétaire d’état, demanda à M.’
Amelot, intendant en Bourgogne, tous les mémoires
qu’il pQurroit lui procurer fur les moyens de détails
capables d’établir & d’augmenter la navigation
de cette province. Ce magiftrat fit une colle&tion
affez confidérable, tant fur le canal projetté que fur
les rivîeres déjà navigables, & fur celles qu’il feroit
avantageux de niettre en état de porter bateaux. Les
détails & les embarras dont le miniftere eft toujours
furchargé, ont jufqu’à préfent retardé l’exécution des
vues de ce miniftre éclairé ; mais on a lieu d’efpérer
que les circonftances préfentes lui permettront de
fuivre fon projet.
Déjà M. Laurent, très-habile méchanicien , protégé
par M. le duc de la Vrilliere, eft venu en Bourgogne
en 1772, pour examiner le cours que doit avoir l.e
canal projetté par Pouilly; il a fait creufer des puits
d’épreuve fur le feuil du point de partage , & quelques
ouvriers font encore préfentement ( 1774) occupés
à ce travail. M. Laurent avoit deffein de former de
tous les vagabonds qu’on eft obligé de féparer de la
fociété, une galere de terre , qu’il auroit employée
à la conftruction du canal de Bourgogne; & quoique
la mort ait récemment enlevé à la France cet homme
de génie, il y a lieu d’efpérer que le projet du canal
ne fera point abandonné cette fois-ci, puifque le
neveu de M. Laurent continue les travaux commencés,
& que M. Perronet a fait en dernier lieu lever
le plan de la partie du canal qui doit s’étendre du
côté de Saint-Florentin. Cet ingénieur juftement célébré,
q’eût probablement pas pris ce parti, s’il n’en
eût pas été chargé par le gouvernement.
Mais dans le cas où l’immenfité des dépenfes à
faire détourneroit encore d’exécuter ce grand projet
, il en eft un qu’on pourroit -fuivre à moins de
frais qui procureroit peut-être les mêmes avantages
au royaume & feroit à coup fur plus fru&ueux pour
la Bourgogne. C’eft celui que vient de propofer
M. Antoine, un des fous-ingénieurs de la province,
& qu’il à développé dans la première partie de fes
Mémoires fur la navigation dans la Bourgogne. Son
fyftême eft principalement combiné fur les intérêts
du pays. Voici les principes d’après lefquels il
l’établit.
L’objet de la navigation riveraine eft de diminuer
les frais énormes dés tranfports par terre ; mais tous
ces frais de tranfports ne font pas également à charge
oh ils fe font, ils n’y font préjudiciables que pour les
marchandifes du crû du pays qu’il convient de vendre
au dehors, ou pour celles du dehors qui doivent
être eonfommées dans le pays. Les frais du tranfit
des marchandifes qui paffent debout dans une province
, loin d’y faire du mal y font du’bien , & y
font d’autant plus de bien qu’ils font plus confidérables
& caufés par une plus grande multitude de
voitures de toutes efpeces qui toutes néceffairement
laiffent dans le pays qu’ils traverfent, environ 20 f.
par millier ^efantde marchandifes pour chaque lieue
de voiturage. Ce bénéfice pour la Bourgogne eft un
objet très-confidérable que M. Antoine fera con-
noître dans la fuite de fes Mémoires. La conftruâüon
du grand canal feroit perdre à cette province ce bénéfice
fur le paffage debout, & c’eft pour le con-
ferver &pou r bénéficier furie tranfport des fruits
du pays , & fur ceux deftinés à y être confommés,
que M. Antoine a imaginé le projet qu’il propofe.
La Bourgogne eft traverfée du nord au midi par
une chaîne de montagnes, d’où il fort au couchant
un grand nombre de iources qui toutes vont porter
leur$ eaux à l’Océan par la Lo ire, la Seine & la
Meufe. Ces montagnes à l’eft donnent également
naiffance à beaucoup de ruiffeaux qui fe jettent dans
la Saône & communiquent à la Mediterranée par le
Rhône; ces ruiffeaux fe réunifiant les uns aux autres,
forment, à des diftances affez petites du fommet de
la chaîne des montagnes, des rivières qui font aller
nombre d’ufines, & vont arrofer des vallées qui
pourroient être extrêmement fécondes en toutes
fortes de denrées, fi les frais prodigieux qu’il en
coûte pour, conduire ces denrées fur les premiers
Tome II.
de ces vallons.
D ’après ces remarques, M. Antoine propüfe de
rendre navigable la plupart de ces petites rivières.
Il en coiftpte fept à l’eft de la ch aW de montagnes
& quatorze à o u e f t fu r lesquelles on peut établir
une navigation facile, & fiut voir que les ports oit
elles aboutiroient, pouvant aifément 'correfpondre
par des chemins, déjà faits en grande partie, il n’y
auroit entre lesportsifedrrefpôndàns qu’une diftance
de fept, huit ou neuf lieues au plus qui réduiroit à
une journée le tranfport par terre.
Comme ce trajet fe feroit dans la partie la plus
elevee de la Bourgogne, & qu’on éviteroit par ce
moyen, la néceflité d’un point de partage, & l’o bligation
de faire une grande quantité d’éclufes, que
la hauteur de la chûte d’eau rendroit très-difpendieu-
les, il eft évident que l’exécution du projet de M Antoine
entraîneroit beaucoup moins de dépenfes que
celle du grand canal. Un autre objet qui paroît mériter
beaucoup de confidération, c’eft que la navigation
fur le grand canal n’établiroit de communication
qu’avec un feul point de l’Océan, tandis que le fyftême
de M. Antoine én établiroit, non-feulement
avec la Manche par la Seine, mais encore avec l’O céan
Atlantique par la Loire, & avec la mer du Nord
par la Meufe.
Les rivières que dans le projet de M. Ahtoîne, il
raudroit rendre navigables, font à l’eft le Salon, depuis
le Fays-biltot; la Vingeanne, depuis Saint-
Seine ; la 1 îlle, depuis Is-fur-Tille ; l’Ouche, depuis
Dijon ; la Bourgeoife, depuis Beaune ; la d’Heune,
depuis Saint-Leger ; la Grofne, depuis Cluny; qui
toutes fe jettent dans la Saône; & à l’Oueft celles
de Meufe, depuis Meuvy ; d’Aujon, depuis Arc-en-
Barois; d’Ource,depui^le bourg de Recey; de Sèine
depuis Qrrey ; de Brènne,depuis Viteaux ; d’Arman-
çon,depuis Semur ; de Serein,depuis Aify-fous-Thil ;
du Coufin, depuis Avalon; de Cure, depuis Châte-
lux; d Yonne, depuis Coulange-fur*Yonne; d’Arroux,
depuis A rnay-le-Duc ; de Bourbince,depuis Blanzy;
de Réconce,depuis Charolles ; & de Sornain, depuis
Sordet, qui toutes vont à l’Océan : la première par
la Zeelande dans la mer du Nord; les neuf fuivantes
par la Seine, à la mer de la Manche, & lès quatre
dernieres à la mer O eéane, & aux canaux de Briare
& de Montargis,
Par les ports de Meuvy & de Fays-biltot, on
iroit du midi au nord du continent, fur une ligne ,
à-peu-près droite,comprife entre les vingt-deuxieme
& vipgt-troifieme dégrés de longitude. II fe feroit
fur cette ligne un commerce prodigieux, qui fouffri-
roit un très-Ieger dommage parle tranfport par terre
qu’il faudroit faire du Fays-biltot à M eu vy , diftant
l’un de l’autre de huit petites lieues.
Le port de Saint-Seine-fur-Vingeanne correfpon-
droit avec celui d’Arc en Barois, celui d’Is-fur Tille,
avec ceux de Recey-ôc d’Orrey ; celui de Dijon,avec
celui de Vite.aux ; celui de Beaune, avec celui d’Ar-
nay-le-Duc; celui de Saint-Leger-fur-d’Heune,avec
ceux d’Autun & de Blanzy ; & celui de Cluny, avec
ceux de Charolles & de Sordet. Tous ces ports n’étant
qu’à une journée d’éloignement les uns des autres
, étâbliroient inconteftablement une communication
d’une utilité fenfible pour tout le royaume ;
& la Bourgogne, fur laquelle rouleroit tous les frais
de l’entreprile , en feroit amplement dédommagée
par les avantages particuliers qui en réfulteroient.
Le royaume entier y trouveroit un tranfit pour
fes denrées & celles de l’étranger un peu plus dispendieux:
que par le canal, mais beaucoup moins que
dans l’état’préfent, où il y a un trajet de près de
quarante lieues à faire par terre ; & les denrées de la
Y i j