
Comparaifon du poids des pieces anciennes
nouvelles, montées fur leurs affûti: complets.
Pieces de *2. de 8. de 4.
Anciennes, 4966 1. 3579 2438 t
Nouvelles, 3754. 2917 ï 819
Différence, 1 z 1 z 1. 651 1. 619.1.
Comparaifon du poids de la piece à la Suèdoife & de là
nouvelle piece de 4, montées fur leurs affûts complets.
Pi ece de 4 à la Suèdoife, . . • . . .. 1371 1.
Piece de 4 nouvelle.........................................*819.
Différence à l’avantage" de la piece à la ______
Suèdoife, ..........................................'. 448 1.
Les partisans de l’ancienne artillerie prétendent
que ce n’étoit pa$ la peine de faire tant de dépenfe
& tant de bruit, pour perdre d’un côté 61 gagner fi
peu de l’autre.
Il y a trqis chofes à confidérer dans .l’exécution
d’une piece de cation. ( Koye{ fig. /, pL ƒ , nQ. n ,
Art militaire. Nouvelle Artillerie , Supplément )
i° . La ligne de mire A , qui eft eellie qui rafe les parties
faillantes du métal, 8c qui va aboutir à l’objet
qu’on vife ; 20. la ligne de tir B , qui n’eft autre chofe
que le prolongement de l’axe de la-pièce; 3°. la
ligne courbe que décrit Jte boulet pendant la durée
de fon mouvement, qué'nous appelions aufli la trajectoire
C.
Si nous fuppofons la ligne de mire & la ligne de
tir prolongées au-delà de la bouche 4e la piece , il
eft évident que ces deux lignes, fe couperont d’autant
plus près de la piece , 8c formeront, par leur
interfeôion, un angle d’autant plus ouvert, que le
diamètre de la culaffe excédera davantage celui du
bourlet, & que la piece fera plus courte. La ligne
de tir que nous fuppofons prolongée, s’é lèvera,
^près cette irçterfe&ion, au-deffus de celle de-mire,
8c s’en écartèfa d’autant plus à une certaine diftançe,
que, l’angle formé par leur interfeâion aura été
{Mus ouvert. Si nous fuppofions encore que le boulet
fut fans pefanteur, il fuivroit la direôion de la
ligne de tir 8c, ira it, par coniéquent, "toujours frapper
lii-deffus.de l’objet qu’on auroit v ile , puifque
cet objet fe trouve à l’un des points & dans la di-
$eûion de la ligne de mire ; mais la pefanteur agif-
fantdur le boulet dès le moment qu’il: fort de la piece
, elle le fait baiffer à tous les inftans; &. la réful-
tante de la force d’impulfion & de celle de la pefen-
teur auxquelles il obéit,eftune courbe qui coupe d’abord
en défions la ligne de m ire, plus où-moins près
de la bouche de la pièce,félon- qu’elle eft bien ou mal
proportionnée, 8i qui vient enfeite couper cette ligne
de mire en deffus, pour nç la plus rencontrer.
Lorfque l’objet qu’on veut frapper fetrauve à cette
fécondé interfeâion D de la ligne de mire 8c de la
trajeftoire, le; coup s’appelle de bue en blanc. 11 eft
aifé de voir qu’on; peut fe procurer autant de buts-en
blanc qu’on ayra de moyens de produire l’effet dont
il s’agit ; mais pour partir d’un point fixe qui puiffe
fervir d’objet de comparaifon, il faut.concevoir que
le but en blanc naturel d’une pièce de canon qui détermine
fa vraie portée, eft lorfque la ligne de mire
eft horizontale.-
Il eft clair que fi le boulet parcouroit, en fortant
de la piece, une ligne fenfiblement droite, d’environ
300toiles, comme bien.des gens l’ont cru, il
fuivroit la dire&ion de l’axe, & frapperait, à cette
diftançe, beaucoup au-deffus de l’objet qu’on fe pro-
poferoit d’atteindre. Il faudrait donc luppofer le
lioulet fans pefanteur, 8c détruire les deux mouve-
mensauxquels il eft fournis, l’un fuivant la direction
de l’axe de la piece imprimé par l’impulfion de la
poudre; & l’autre vertical, occafionqé par la- pefanteur
, defquell.es deux forces réfulte la courbe grtyjl
parçpBrr.
Nous ne nous engageons pas à déterminer la nature
de cette courbe , car nous fentons combien il
eft difficile d’établir une théorie précife fur le mouvement
des proje&iles militaires. Il faudrait pourvoir
évaluer exactement la réfîftance qu’un boulet
éprouve de la part de l’air, fuivant les différens degrés
de vâteffe avec lefquels il eft lancé ; il faudrait
encore cpnnoître les vraies amplitudes des boulets :
difficulté dont on n’a pas d’idée, à moins qu’on n’ait
fait foi-même des expériences; il faudroit enfin pouvoir
afligner les caufes des différences de ce$ amplitudes,
& fàvoir les prévenir; car deux boulets de
même volume, de même mafî'e, projettes fueceffi-c
vement avec la même piece, la même charge 8c la
même élévation, ont louvent deux amplitudes très-
différentes.
On à cru long-tems que le boulet parcouroit une
ligne droite; Tartaglia eft le premier qui découvrit
& publia, en 1546, que le chemin qu’il parcourt étoit
une courbe, & que la plus grande portée du canon {9
faifoit fous l’angle de 45 degrés; on a cru enfuite,
pendant trèsdong-tems, que la rçfiftance de l’air fuf
un corps aufli denfe qu’un boulet de fer étant très-
fojble , elle pouvoir être négligée fans erreur fen-
fible^ & qu’il décrivoit une parabole. Quoique cette
hypothefe fut généralement adoptée, Anderfon fit
des expériences, & fentit qu’il étoit néeeffaire d’y
apporter quelques modifications; mais il ne renonça
pas totalement à l’opinion reçue, & il imprima, en
1690, que le boulet, en fortant de lap iç çe , parcourait
une ligne droite, après qupi il cammençoit
à décrire une courbe parabolique ; il ne fixe pas là
longueur de cette ligne droite, mais il la fuppofe
égale dans toutes les élévations de la piece : ç’eft
encore l ’opinion de bien des gens ; mais ‘ nous n’en*
treron%|pas dans une difeuffion aufli épinçufe, 8ç
nous dirons avec l’auteur de l'Effai fur P u f âge de,
P Artillerie y « qu’il ne faut pas négliger, la théorie de
» la baliftique, fondée fur les propriétés de la para-
» bole, fous prétexte qu’elle n’eft pas la vraie courbe
» de projeftion ; quoique' cette théorie ne rende pas
» exaétement les effets de la nature, elle nous pré-
» fente au moins des limites qu’il eft îndifpenfable
» de connaître. Ç ’eft ainfi qii’on étudie la dynamique
» 8c la ftatique, en faifant abftraâion de la réliftance
» des milieux, de la flexibilité des plans, du frot-»
» tement, de l’imperfeétion des refforts, &c ».
■ Si les. proportions d’une pieCe de canon font telles
qu’étant pointée horizontalement, la fécondé inter-
leétion de la ligne de mire & de la trajeûoire fe
faffe à un point très-éloigné de fa Jjouche, cette
pièce fera celle qui remplira le mieux fon objef dans
tous les ca s, puifqu’elle atteindra de plus loin, fans
qu’on foie obligé de l’élever fenfiblement, & de
rendre par-là le coupYort incertain, 8c puifque la
courbe que décrira le boulet étant fort alongée ou
applatie, tout ce qui fe trouvera dans fa direction
pourra en être frappé.
Mais pour trouverifces proportions les plus avan-
tageufes de la piece, il eft néceftàire de découvrir ,
par un nombre d’expériences, l’a,dion du reffort
qui chaffe le. boulet hors de la piece.
Quelque promptement que les premiers grains
enflammés d’une charge de poudre portent l’inflam-.
mation aux grains qui les avoifinent, quelque rapide
quefoit.la fiicceffion des inftans.pendant lefquels le
feu fe communique ainfi de proche en proche à là
totalité de la charge ( rapidité fi grande que M. Ro-
bins 8c plufieurs autres auteurs ont avancé que l’inflammation
d’une charge de poudre était momentanée)
, on peut cependant imaginer avec MM. d’Ar-
c y 8c le R o i, qui ont fait fur cet objet plufieurs
expériences confignées dans les mémoires de l’académie
des Sciences, que cette inflammation fe fait
dans des inftans fucceffifs : or fi une piece de canon
eft tellement raccourcie que le boulet en ait parcouru
la longueur de l’ame, & qu’il en foit foni avant
d’avoir reçu l’impreffion totale de la charge enflammée
il eft certain qu’il ira moins loin que s’il a voit
été tiré avec une piece plus longue, où il auroit reçu
l’iinpulfipn complette de la charge totalement enflammée.
Y . r y r
La poudre enflammee produit, par ion expiation,
un fluide élaftique dont l’aftion fubfifte & agit en- .
çorefùr ce qui l’environne après le premier inftant
de l’explofion. Or le boulet lancé par une piece
courte échappé à cette aftion avant d’avoir efljùyé
toute la force ou la fomme de toutes les forces-du
reffort avec laquelle il auroit été mis en mouvement
dans une piece dont l’ame auroit été plus longue
; d’où il fuit que la piece courte du même calibre
& avec la même charge, imprime au boulet une
moindre vîteffe*une moindre force, & qu’elle a par
conféquent une portée plus courte qu’une piece plus
longue.
Les pièces, indépendamment du raccourciffement
çonfidérable auquel on s’e il déterminé, ont été diminuées
d’épaiffeur, ainfi qu’on peut le voir dans
la table des dimenfions, rapportée ci-deffus ; d’où il
réfulte.le double inconvénient de nuire encore à la
longueur de la portée , & de rendre les pièces d’un
fervice beaucoup moins durable que les anciennes.
En effet , les petites pièces s’échauffent fort vite, &
beaucoup plus que celles qui font plus chargées d?é-
toffe ; mais le métal fe dilatant par la chaleur, cede à l’effort que le fluide élaftique fait en toutfens, fe
prête, pour ainfi dire , à cet effort, enforte que
tous les reflbrts du fluide élaftique qui devraient
trouver une réfîftance prefqu’invincible contre les
parois & le fond de l’ame de la piece, & concourir,
par leur réunion & leur réaâion, à imprimer une
plus grande force au boulet, font en pure perte pour
lui, & tournent au détriment de la piece qui fe
bouriouffle , & par le dérangement que fon ame
éprouve, n’a plus de jufteffe dans fa direétion, eft
par conféquent d’un mauvais fervice, & doit être
refondue : une longue expérience de guerre nous a
appris que les anciennes pièces n’étoient pas hors
de fervice après 1500 coups ; & les épreuves qu’on
a faites avec les1 nouvelles, nous montrent qu’elles
ne peuvent guere aller au-delà de 400, & que quelques
pièces. nouvelles de douze ont mêbie perdu
leur direâion après 300 coups tirés en trois jours
(æ) . On a attribué le peu de durée de ces pièces à
l’alliage des métaux dont elles font conipofées ; mais
cet alliage dans plufieurs de celles qui ont le moins
duré, était le même que celui des anciennes, d’où
il réfulte évidemment que le peu de durée des
pièces nouvelles ne doit être attribué qu’à leurs dimenfions
trop foibles pour foutenir les charges qui
leur font néceffaires. On ne doit pas être furpris
d’ailleurs que les pièces de douze aient moins dure
que celles d’un calibre inférieur, parce qu’ayant
moins de tnaffe relativement à leur charge, elles
doiv'ent avoir moins de réfîftance.
On fent affez que le reffort du fluide élaftique
ne trouvant pas au fond de l’ame de la piece allégée
une réfiftancè égale à celle que lui oppofent les
pièces ordinaires plus maflïves 8c montées fur des
affûts mieux coupes {ff. A f f û t des pièces de bataille,
Suppl.'), doit faire reculer prodigieufement ces petites
pièces qui ont effectivement un recul plus
que triple de celui des anciennes : ce qui peut être,
- (<*) Lettre en réponfe aux ofifcrvations fur un ouvrage attribué
à fèu M. de Valiere & à- im livré intitulé Artillerie nouvelle,
PaSe 47'
dans bien des cas , d’une confcquence extfrême, indépendamment
de ce que le reffort ne trouvant pas
un appui fuffifant fur le fond de l’ame., exerce fbn
atrion fur la piece qui y obéit, & ne réagit pas
autant fur le boulet, dont la portée doit fe trouver
par-là fenfiblement diminuée. Qu’on adopte la théorie
de la poudre, que les expériences de M. Robins
ont rendue fi vraisemblable, ou qu’on en attribué
l’effet à la dilatation de l’air renfermé dans les grains
& dans les interftices des grains qui comp’ofênt la
charge, c ’eft toujours une fomme de reffotts mis
en adiion par l’inflammation; & fi le boulet fefouf-
trait à l’adion de quelques-uns d’eux * ce qui lui arrive
dans une piece trop courte, notre conclufion
n’en fera pas moins vraie.
L’expérience eft parfaitement d’accord avec cette
théorie, & voici comment s’en explique, dans un
mémoire du 30 feptembre 1764, feu M. de Mouy,
lieutenant-général des armées du r o i, infpe&eur-gé-
néral du corps royal de l’Aftilierie, témoin des épreuves
de comparaifon faites à Strasbourg pendant l’été
de là même année (Æ) Quoiqu’il ait été reconnu
» de tous les tems, 8c que les épreuves qu’on vient
» de faire nous confirment que les pièces longues ont
» davantage pour les portées fltr les courtes, lorfqu’on
»lire les .urjes 8c les autres avec les charges qui leur
» font reconnues les plus avantageufes, au même
»dégré & avec des'boulets réguliers, & qui ont
» précifément le même vent : on n’héfite pas à adop-
» ter pour les équipages de campagne, les pièces qui
» n’ont que'dix-huit calibres de longueur ( extérieur
e ) , telles qu’on les propofe, 8c qu’elles ont été
» exécutées pour les épreuves, en ‘fconfidération de
» l’avantage qu’elles ont d’être infiniment plus aifées
» à fervir, à manier 8c à tranfporter >>. ( Voye^ A rt
iller ie de bataille, Suppl. )
Cet officier général infifte dans le même mémoire
en faveur des pièces de quatre longues. « On fera
» fans doute furpris, dit-il, de nous voir propofer
» pour la campagne des pièces de quatre longues ,
„ tandis que nous adoptons les pièces de douze & dè
» huit raccourcies, 8c qu’une piece de quatre longue,
» coulée furies dimenfions de l’ordonnance de 1732,
„ pefe' ï 1 50 livres, & que la piece de huit courte n’en
,, pefe que 1 i8 z à izoo. Aufli oppofe-t-on à notre
» proposition qu’il n’eft pas naturel de porter en
», campagne des pièces d’un calibre inférieur qui pé-
» fent prefqu’autant que celles d’un calibre double ,
>, & fur-tout puifque nous convenons que l’on doit
» facrifier quelque choie fur la longueur du t ir , à la
» facilité du tranfport & à la célérité du fervice ; la
» raifon qui nous détermine à être de ce fentiment,
» c’eft qu’outre qu’on peut alléger les pièces de qùa-
» tre longues d’envirotrune centaine de livres , fans
» nuire à leur folidité & à leur juftefte, une piece de
» quatre Longif.e, pointée au même dégré que la piece de
»huit courte, porte fon boulet aufji loin que cette der-
» niere, & prefqu aujjî loin que la piece de dott^e courte,
» & porte mieux fa cartouche que la piece a la Suédol-
»fe (e)». M •
Après une telle déclaration de cet ancien & ref-
peûable officier d’Artillerïe qui s’étoit occupé de
fbn métier toute fa v ie , qui avoit beaucoup tervi,
à qui nous fommes redevables d’exeellens mémoires
fur l’Artillerie & qui était alors témoin oculaire
des épreuves de comparaifon- qui fe faifoient fur
les pièces anciennes & les nouvelles, on peut adopter
, fans aucune reftrittion, le principe établi dans
l’effaiYur l’ufage de l’Artillerie., que « plus il y aura
» de différence dans la longueur des bouches à feu,
. (b) C e mémoire de feu M. de Mouy eft entre les airins de
plufieurs officiers du corps royal de l’artillerie.
Y ) Piece de 4 plus courte que l’ancienne & plus longue que
la nouvelle.