
& qui formoient une partie de la Théologie. Tous
cés jeux de l’imagination étoient annoblis par la pureté
des maximes dont le poète exaltoit 1 excellence.
Les grands a voient à leur folde des bardes, dont 1 emploi
mercénaire étoit de chanter leurs éloges 6c leur
bienfaifance , pour augmenter le nombre de leurs
clients. Il y avoit des hymnes militaires qu’on chan-
toit en allant à la charge. Le foldat marquoit la me-
fu re, en marchant en cadence, 6c en frappant fon
bouclier de fa lance. On chantoit aufli le cantique
de la viaoire. C ’étoittoiijours l’éloge des héros morts
dans les champs de l’honneur, la peinture delicieufe
de la félicité dont ils jouiffoient dans le féjour de 1 immortalité
, où ils étoient occupés à livrer des combats
toujours fuivis de la viaoire. On ne peut décider fi ces
vers étoient blancs ou rimés. Il eft à préfumer qu à
l ’exemple de toutes les nations de l’Europe, ils em-
ployoient la rime, qui diftingue notre poëfie de celle
des Grecs & des Romains. Ces poèmes etoient la feule
étude de la jeuneffe; & c’étoit les druides qui étoient
chargés de les enfeigner. Les bardes compofoient de
mémoire, & n’écrivoient jamais. Les etrangers n ont
point eu le fecret de leur dérober quelques-unes de
leurs produaions ; fans doute que les auteurs en fai-
foient un myftere, pour ne pas expofer au grand jour
des erreurs dont il eût été facile de diffiper l’illufion.
Ils difoient que leurs poèmes n’étoient faits que pour •
les initier dans la religion nationale ; & félon ces
impofteurs, c’étoit un facrilege de mettre la main à
des penfées qui leur avoient été infpirées par les
dieux ; 6c perl'uadés que l’ignorance perpétueroit leur
crédit, ils cachaient au vulgaire le flambeau qui
auroit dû l’éclairer.
Il ne nous refte aucun monument authentique de
l’anciennehiftoirede l’Europe; c’eft qu’étant liee avec
la religion , elle fut enfévelie fous les mêmes ruines.
Ce n’eft pas qu’il n’y eût des ecoles publiques, mais
elle n’étoient ouvertes qu’à un petit nombre d’initiés:
on les appelloit des fanciuaires. Les difputes rouloient
ordinairement fur la grandeur ou fur le mouvement
dés aftres, 6c quelquefois fur les attributs de l’Être
fuprême. Cette do&rine étoit un myftere qu’on ne
révéloit qu’à des difciples privilégiés. La devination
& la magie étoient deux tiges dont les autres fciences
étoient autant de rameaux. Ils avoient deux maximes
favorites qui fembloient être contradi&oioes : Ne
faites mal à perfonne, difoient-ils; 6c par une incon-
féquence fenfible, ils enfeignoient que la terre & fes
productions étoient le domaine du plus fort : & pour
tempérer l’âpreté dè cette maxime , ils ajoutoient
qu’il ne pouvoit prendre que ce qui lui étoit nécef-
faire. Tout champ fans culture étoit réputé n’avoir
point de maître ; 6c quand les Romains leur demandèrent
par quelle raifon ils exerçoient des hoftilités
contre les Elufiens, ils répondirent : Les Elufiens ont
plus de terres qu’ils n’en peuvent cultiver : c’eft ce fu-
perflu que nous réclamons, 6c fi l’on nous refufe ,
nous établirons nos droits avec nos épées. Malgré
leur férocité , ils refpefterent toujours le droit des
gens, & fur-tout celui des ambaffadeurs.
L’art Oratoire étoit cultivé avec gloire dans la Celtique,
fur-tout parmi les grands & les chefs de la nation
qui fentoient le befoin de l’éloquence dans les affem-
blées de la nation, où l’on élifoit les généraux & les
magiftrats. Quand l’ufage des ftatues fe fut introduit
dans la religion, Teut fut repréfenté avec tous les
attributs de r éloquence : il y avoit plufieurs académies
célébrés , où l’on enfeignoit cet art. Celle d’Autun
comptoit jufqu’à quarante mille éleves. L y on ,
Narbonne 6c Touloufe avoient aufli des écoles fa-
* meufes..
La légiflation d’un peuple guerrier eft toujours
fort informe.Dans le tumulte d’un camp, on ne pourvoit
qu’aux befoins du moment. Les Celtes adoptèrent,
fans violence, les loix romaines, jufqu’à ce qtte les Germains
vinrent leur en tracer de nouvelles à la pointe
de l’épée. Dans les caufes douteufes, on avoit recours
à la divination : on confultoit les entrailles des viéfi-
mes, le chant 6c le vol tdes oifeaux, l’agitation des
arbres, le cours plus ou moins précipité des fleuves.
La Médecine étoit une branche de la magie. C’étoit
par le moyen des plantes, que les druides le vantoient
de rendre fécondes les feînmes qui fembloient condamnées
à la ftérilité, de rendre les hommes invulnérables
, 6c d’écarter les maux qui affligent l’humanité ;
mais il fallait des précautions pour cueillir ces plantes
falutaires, dont la plus efficace étoit le gui de chêne,
qu’on alloit prendre en grande cérémonie le fixieme
jour de la lune, ou le premier jour de l’année. Ce
jour étoit célébré par des jeux, des feftins & des lacri-
fices. Le prêtre, qui cueilloit ce fruit précieux, étoit
revêtu de fes habits pontificaux. Il prenoit de grandes
précautions pour qu’il ne fût pas profané, en tombant
à terre. Cette production merveilleufe étoit le pré-
fent ordinaire dont on gratifioit fes amis pour étren-
nes. Ils avoient encore plufieurs plantes propres aux
opérations magiques. Au lieu de les couper avec le
couteau, il falloit les tenir de la main droite, qu’on
tenoit cachée fous la robe ; enfuite la main gauche
devoit arracher la plante à la main droite, comme fi
on la déroboit. Le druide, chargé de ce miniftere ,
devoit être vêtu de blanc , avoir les pieds nuds &
bien lavés. Il offroit, pour préliminaire, une oblation
de pain 6c de vin. Ceux qui portaient fur eux ces fortes
de plantes , fe flattoient d’avoir un préfervatif
contre tous les maux.
Il eft difficile de donner une jufte idée du gouvernement
des anciens Celtes. Il paroît que dans leur origine
, ils vécurent divifés par tribus , dont chacune
avoit fon chef, fans avoir un maître. Lorfqu’ils eurent
renoncé à la vie nomade , & qu’ils eurent des demeures
fixes, ils furent diftingués par les noms de
cités 6c de peuples. Par le mot cité, on entendoitun
certain diftrid occupé par plufieurs familles , qui
reconnoiffoient le même juge , & qui fuivoient les
mêmes ufages. On appelloit peuple, l’aflociation fédérative
de plufieurs cités. Du tems de Jules-Céfar,on
comptoit jufqu’à quatre cens peuples différens dans
la Gaule, q u i, quoique divifés d’intérêts, fe réunif-
foient dans les guerres contre l’étranger. Plufieurs
peuples réunis formoient ce qu’on appelle une nation,
L’hiftoire donne quelquefois des rois aux Gaulois ,
mais c’étoient des fantômes fans réalité. Leur pouvoir
étoit extrêmement limité, & ils ne pouvoient
s’écarter des loix reçues. Chaque cité choififloit elle-
même fon ro i, qui n’étoit qu’un premier magiftrat, 6c
elle lui prefcrivoit la forme dont elle vouloit être gouvernée.
Ainfi le chef 6c le fubalterne étoient dans une
dépendance réciproque. Ce peuple, qui attachoit fon
bonheur à fon indépendance, étoit prompt à s’allar-
mer fur ce qui tendoit à donner atteinte à fes prérogatives;
& toutes les fois qu’un ambitieux tentoit
d’établir le pouvoir arbitraire, il devenoit l’objet des
vengeances publiques. Ce fanatifme républicain les
rendit toujours redoutables ; & ce ne fut que quand
Rome eut élevé l’édifice de fa grandeur, qu’elle ofa
former le projet de les-aflujettir. Non-feulement les
Gaulois aimoient la liberté, ils vouloient encore con-
ferver aux autres nations leur indépendance. Lorfqu’ils
pafferent en Afie, ils fe déclarèrent les protecteurs
des villes libres; & tandis que les rois faifoient
leurs efforts pour détruire la démocratie , les Gaulois
en affermiffoient les fondemens contre les op-
preffeurs publics. Les chefs bornés dans leur pouvoir ,
ne jouiffoient point du droit d’infliger des peines aux
coupables ; ce droit appartenoit à la nation repré-
fentée par fes magiftrats. Le glaive étoit mis dans fa
main pour protéger le citoyen, & non pour l’en
frapper; Le gouvernement des Celtes étoit le même
que celui des,Romains, apres i expulfion de leurs rois.
Chaque.année ils nommoient de nouveaux magiftrats;
ils s’aflembloient au- printems dans le fancluaire où
réfidoit le fouverain pontife de la nation. C ’étoit-là
que les anciens .magiftrats abdiquoient leurs charges.
Lorfque les députes des cantons ne pouvoient s’accorder
fur le choix-, le college des facrificateurs nom-
moit le magiftrat, 6c la nation foufcrivoit religieufe-
inent à fa nomination. Ces aflemblées étoient le plus
ferme boulevard de la liberté publique. Au refte, les
privilèges de citoyennes’étendoient que furies deux
ordres de l’état, c’eft-à-dire, fur les druides 6c les
chevaliers. Le refte de la nation oublié 6c fans.confi-
dération, avoit une condition peu différente de celle
des efclaves. Celui qui a befoin de recevoir, eft tou1-
.jours dans la fervitude de celui qui peut donner.
Les prêtres Celtes étoient partagés en trois ordres',
lés bardes,les devins 6c les druides. Les bardes.eom1-
pofoient les hymnes 6c les poèmes facrés. Les devins
offroient les facrifices, 6c s’appliquoient à la Phyfio-
ïogie. Les druides , outre la Phyfiologie, eulîivoient
encore la Morale. Ils jouiffoient d’une grande réputation
de doCtrine 6c d’intégrité. G’étoit à leur tribunal
que les particuliers difcutoient leurs intérêts. La
vénération qu’infpiioit'leur incorruptibilité, faifoit
recevoir leurs arrêts avec la même docilité , que s’ils
euffent été diCtés par les dieux. Quelquefois, abufant
de leur pouvoir,ils s’érigeoient en arbitres des defti-
nées publiques , 6c prononçoient fur la paix ou la
guerre, fans cbnfulter la nation. Il paroît qu’ils avoient
les honneurs du pas fur les bardes & les devins, 6c
cette prééminence leur étoit bien dûe , puifqu’étaiit
les plus éclairés , ils étoient les plus capables de diriger
les autres dans leur marche. Les devins n’étoient
proprement que des a'gens fubalternes,pour immole
r les victimes 6c interpréter les longes. La Phyfio-
logie qu’ils cultivoient, confiftoit à étudier la nature
pour en tirer des conjectures fuf l’avenir. Chaque
fanCtuaire aVoit fon devin qui préfidoit fur tout un
canton ; il étoit le chef de plufieurs autres qui tous
demeuroient dans un lieu confaeré. Il adminiftroit
tous leurs biens, & veilloit fur leurs moeurs , pour
les récompehfer ou pour les punir. Les bardes n’étoient
chargés d’aucun miniftere ; ils n’étoient attachés
à aucun fanCtuaire , 6c répandus dans le fiecle ,
ils en refpiroient les vapeurs. Flatteurs gagés des
grands, ils étoient les complices de leuirs débauches»
C ’étoient des beaux efprits , plus occupés du talent
de plaire, que du foin pénible d’édifier. La dignité
de fouverain pontife étoit ordinairement la récom-
penfe du favoir 6c de la vertu» C’étoit la pluralité
des fuffrages , qui élevoit à cette place refpeCtée ; 6c
l’on y montoit quelquefois par la force, &c plus fini-
vent par la baffeffe des intrigues. Quoiqu’il fût permis
de difputer le pontificat par les armes , il n’en
réfulta aucune guerre funefte ; &c comme le duel
parmi les Celtes paffoit pour être de droit divin , on
le déféroit aux.deux concurrens ; de forte que la défaite
ou la mort de l’un affuroit à l’autre une poffef-
fion paifible, contre laquelle c’eût été un faCrilege
de réclamer. Tous les prêtres Celtes, fournis à un
ch e f, avoient le privilège de partager fon autorité,
&C il ne pouvoit rien décider, fans avoir leur fuffrage.
C ’etoit dans le pays Chartrain qu'ils tenoient leurs
aflemblées , où l’on jugeoit ,à la pluralité des vo ix ,
les caufes majeures qu’on portait à leur tribunal.
Leur compétence étoit très-étendue. Ce n’eft pas
qu’ils fuffent prépofés pour rendre la juftice ; chaque
canton avoit fon comte chargé d’en maintenir la police
; ils n’étoient proprement que les juges de là con-
fcience ; mais la Médecine qu’il profeffoient , fous
prétexte que la divinité leur révéloit tous les remet
s , fervit à étendre leurs prérogatiyes. Les .caufes
civiles furent confondues avec les cas de confidence*
tout le monde eut à redouter la févérité de leur cen-
-fure. Juges abfolus l a la. doûrine, ils avoient
droit de .punir les erreurs. Les génies qui s’élevoient
aü-deffus des préjugés vulgaires, étoient regardés &C
punis comme les ennemis des dieux. Celui qui récla-
mojt un héritage xifurpé , ou la réparation d’une
offenfe , ne pouvoit intenter une aCtion fans s’être
pourvu préalablement devant eux; & le coupable
étoit toujours frappé de leurs anathèmes. L'excommunication
ne fe bornoit pas à écarter des, cérémonies
rëligieùfes celui qui étoit foudroyé , on l’évi-
toit comme s’il eut été infeCté de la contagion. Exclu
des charges publiques, & déchu de toutesdes préro-
.gatives de citoyen , il étoit obligé de fe cacher, & de
vivre délaiffé, pour fe dérober aux outrages. Les
grands, qui les méprifoient en fecret , affeéloient d’avoir
en public beaucoup de déférence pour eux. Ils
crâignoiçnt de s’attirer leur indignation, d’autant plus
que ces miniftres vindicatifs, aùroient pulè.s demander
pour viélimes dans les calamités. Leur état ne
leur impofoit pas un régime auftere ; ils étoient graves
&c lérieux, pour paroître toujours occupés de
foins importans. Ils fe marioient comme les. autres
citoyens ; mais ils ne prenoient leurs femmes que
dans les familles facerdotales. Leurs palais étoient
magnifiques, &c leurs tables fomptueufes. Ils avoient
des pofî'effions confidérables ; 6c quand le Chriftia-
nifme fut établi, les prêtres du vrai Dieu fuccéde-
rent à ces mêmes biens; c’eft ce qui fait préfumer
qu’on a exagéré les- riéheffes des druides, puifque
l’opulence des miniftres de nos autels vient des lar-
geffes^ de la piété dés fidèles qui fe font fouvent
épuifés en faveur des eccléfiaftiques. Sans les legs
pieux notre clergé;9 quoiqu’héritier des druides,
languir oit dans la médiocrité : il eft vrai, qu’étant
plus nombreux, il a fallu affoiblir la raafle pour
faire les répartitions. Les prêtres païens avoient en
core une autre fource de richeffe ; ils avoient droit
d’aftifter aux facrifices des particuliers ; & le facri-
fice auroit été fans efficacité, s’ils n’a voient point
préfidé aux cérémonies. On n’offroit aux dieux que
la géniffe la plus greffe, & les animaux dont la chair
étoit la plus fucculente : il eût été indécent de refufer
à leurs miniftres les.morceaux dédaignés.f T— n . )
* § CENEUS, ( Mythol. ) furnom de Jupiter ; il
fut ainfi appelle du temple qu Hercule lui éleva dans
CEitbée fur le promontoire de Cenie.
i°. Il falloit, dire en François Cenéen au lieu dè
Ceneus ; le Pere Brumoy & plufieurs autres écrivent
Cenéen; %°. il n’y a point eu de promontoire de Cenie,
mais de Cenée ; c’eft aujourd’hui le cap de Litar près
du golfe de Zeiton. Lettres fur VEncyclopédie.'
CENSOR1N , ( Hifi. Rom.") un des plus grands
capitaines de fon tems , fut un des trente tyrans qui
envahirent l’empire fous les, régnés de Valérien &
Gallien ; il avoit paffé par tous les grades de la
guerre, 6c il jouiffoit d’une vieilleffe tranquille dans
là retraite , lorfqu’il en fut arraché par des foldats ,
pour prendre la pourpre ; on lui donna, par déri-
lion , le furnom de Claudius, à caufe qu’une blef-
lure reçue dans la guerre de Perfe , l’avoit rendu
bqiteux ; il ne put fupporter cette raillerie qui lui fit
ufer de févérité envers les foldats ; plufieurs furent
punis : cette foldatefque , accoutumée à ne voir que
leur,égal dans leur maître qui, eh effet, étoit leur
ouvrage,, l’affaflinerent dans un âge fort avancé. Ou
grava cet épitaphe fur fon tombeau:
Félix ad omnia, infelicijfimus imperalor. ( F—N. )
CENTON1SER * v. n. ( terme de Plain-chant.')
C ’eft compofi?r un, chant de traits recueillis 6c arrangés
pour la mélodie qu’on a vue» Cette maniéré de
co.mpofer n’eft pas de rihyention des fymphoniftes