la baguette A B , favoir le point D où l’on attache
la ficelle, le point C qui eft le centre de gravité de
la figure, en la confidérant comme ayant par-tout
la même épaiffeur, c’eft ce que M. Euler appelle le
centre de grandeur ; 8c le point G qui eft le vrai centre
de gravite du corps : ces points font faciles à trouv
er, en fuivant ce qu’on a dit en traitant du centre de
gravité. Maintenant voici ce que l’on doit obferver.
Il faut faire enforte que le centre de gravité G du
corps, foit le plus éloigné qu’il eft poffible du centre
de grandeur C; ce qu’on obtient aifément en plaçant
quelque petits poids vers la queue R. Il faut
après cela déterminer le point D où l’on doit attacher
la ficelle ; pour cet effet il faut connoître le
poids du cerf-volant que l’on^ nommera ici P , 8c
celui de la ficelle que l’on défignera par Q , & il
faut prendre la diftance C D telle qu’elle foit égale
à —— — C G ; il faut d’ailleurs faire le corps du
4P- \ r3Q . . . ... _ o cerf-volant lê plusleger qu il eft poflible, oc ne pas
prendre non plus une ficelle trop pefante, feulement
que le tout foit affez fort pour réfifter à la
force du vent.
Mais li on attache à ce cerf-volant une queue en
B comme c’eft la coutume des enfans, M. Euler a
trouvé que bien loin de nuire à l’elevation de la
machine , elle y contribuoit beaucoup ; car le même
cerf-volant auquel on a ajouté une queue , dont
le poids eft'égal à la moitié de celui du co rp sd o it
s’élever fuivant fes calculs , à une hauteur double
de celle à laquelle il doit monter avant cette addition
, en fuppofant d’ailleurs la même force du vent.
Mais les formules générales que l’on trouve dans ce
cas-ci, pour trouver le point D , font trop compliquées
pour les placer ici; voici feulement les réglés
générales qu’on doit fuivre. Premièrement la queue
doit être affez longue ; les diftances des points B 8c
G c’eft-à-dire, l’extrémité du corps 8c fon centre
de gravité doivent être le plus éloignés qu’il eft pof-
fible du point D où l’on arrête la ficelle , 8c celle-ci
doit être fort longue. Alors la fiabilité du cerf-volant
fera affez grande, c’eft-à-dire, que lorfqu’il fera en
équilibre dans l’air, 8c qu’il viendra à être dérangé
par quelque force, cet équilibre fe rétablira bientô
t , 8c la machine ne fe précipitera pas. (■ /•)
Ufage du cerf-volant dans laPhyfique. Nous allons
d’abord donner l’hiftoire de cette invention, après
quoi nous décrirons l’appareil qui accompagne un
cerf volant, deftiné à tirer le feu éleCtrique des nuées,
8c nous rapporterons enfin les principales obferva-
tions qu’on a faites par ce moyen, avec les confé-
quences qui en réfultent.
L’auteur d’un ouvrage anonyme, publié en Italie
en 1746, fous ce titre , dell’ Elettricifmo artificiale,
femble en avoir frayé la voie. Ce phyficien, qui a
beaucoup travaillé fur l’éleCtricité , appercevant >
quelque analogie entre les effets du feu éleCtrique
8c ceux du tonnerre, foupçonna qu’on, pourroit
parvenir à imiter la foudre au moyen de l’éleCtricité
artificielle. Mais comme il étoit réfervé au génie
fupérieur de Franklin de découvrir les principes les
plus folides de la vraie théorie des phénomènes
électriques, c’eft aufli à fa fagacité que nous fommes
redevables de cette découverte, que le feu électrique
eft porté d’un lieu à l’autre par les nuées, 8c
circule en quelque forte par ce moyen autour de la
terre , 8c qu’il eft la caufe de plufieurs météores qui
jufqu’ici avoient été inexplicables, entr’autres de la
foudre & des orages.
Il dreffa au fommet d’un édifice fort élevé, une
barre de fer pointue , attachée folidement, mais
ifolée par l’intermede de matières électriques, telles
que le loufre, la colophane , ou d’autres corps réfi-
neux. L’extrémité inférieure de cette tringle, ou un
fil de fer attaché à la barre & aufli ifoîé , prolongé
jufques dans une chambre, indiquoit 'par les étincelles
Ou par les mouvemens d’attraCiion & de re-
pulfion , l’éleCtricité des nuées. Tel a été le premier
8c le plus fimple des moyens qu’on a mis en ufage
pour obferver leur éleCtridté naturelle. Les phyfi-
ciens fe font attaches à le 'perfectionner ; ce qui a
fait naître l’idée de fe fervir pour cela du cerf-
volant.
Mais avant d’aller plus loin, il eft à propos de
donner un éclairciffement fur les divers fignes dé
l’éleCtricité. Et d’abord , quant aux feux électriques,
comme leur apparition eft un ligne de l’éleCtricité
aCtuelle, leur forme peut faire connoître de quel
genre eft l’éleCtricité, li elle eft politive ou négative.
On fait que la lumière qu’on voit à l’extrémité d’un
conduCteur terminé par une pointe moufle, paroît
tantôt fous la forme d’une aigrette affez longue de
rayons divergens qui fortent avec bruit & par interruption
, de la pointe du conduCteur, 8c tantôt fous
la forme d’un point lumineux arrondi, fixe 8c tranquille
, que le P. Beccaria a nommé la (ielletta. O r ,
félon la théorie de l’éleCtricité artificielle , l’aigrette
indique le mouvement de la matière éleCtrique qui*
fort de la pointe pour fe porter fur les corps voifins ,
& la fielletta indique l’affluence de cette matière qui
vient des corps voifins à la pointe du conduCteur. II
fuit de là qu’en préfentant dans l’obfcurité une pointe
de métal près de la partie inférieure de la tringle de
Franklin , on connoîtra fi l’éleCtricité des nuées eft
pofitive ou négative, félon qu’il paroîtra au bout de
la pointe ou le point lumineux , ou I’amrette.
Quant aux mouvemens produits par l’éleCtricité
ils fuivent cette réglé , que deux corps animés de la
même efpece d’éleCtricité fe repouffent mutuellement
; 8c qu’au contraire deux corps actuellement
éleCtriques s’attirent, fi leurs électricités font différentes.
O r , comme la cire d’Efpagne, 8c tous les
autres corps fulfureux 8c réfineux, acquièrent une
électricité négative, lorfqu’on les frotte avec du papier
blanc ou avec un morceau d’étoffe, 8c acquièrent
au contraire une électricité pofitive, fi on les
frotte avec un papier doré, on comprend que fi l’on
fait pendre au bas de la tringle des fils déliés, ces fils
feront attirés ou repouffés par un bâton de cire d’Eff
pagne frotté de l’une ou l’autre façon que ,nous venons
d’indiquer, félon la différente nature de l’électricité
qu’ils auront reçue des nuages. Mais comme
l’exaCtitude de ces mouvemens 8c de leurs indications
ceffe quand on préfente trop long-tems le bâton
de cire aux fils, il faut avoir foin de renouveller
fréquemment la friCtion.
Donnons maintenant la conftruCtion du cerf-volant,
relativement à l’éleCtricité. L’on affemblera, Corinne
Ôn l’a dit ci-devant,deux baguettes fortes 8c légères,
qu’on peut faire d’un rofeau refendu, longues de trois
ou quatre pieds, dont l’une fera, fi on v eu t, un peu
plus courte que l’autre ; on coudra là-deffus une toile
légère ou quelque étoffe de foie bien mince , 8c on
attachera à l’extrémité du corps une bande de même
matière, longue d’environ dix pieds 8c qui fera la
queue ; on élevera au-deffus du plan de la machina
un fil de fer pointu d’environ un pied de long ; on le
fixera à l’extrémité de la baguette qui va aboutir à la
tête ; on le recourbe en-deffous de cette baguette ,
afin de le joindre à la ficelle qui fert à diriger la machine
, 8c qui s’attachera à cette baguette comme on
l’a dit ci-deffus. On attache aufli la grande ficelle au
centre de la machine, où les deux baguettes fe croi-
fent ; alors on fait partir de cèlle-ci trois pieds en-
deffous de l’endroit où elle eft attachée, deux autres
bouts de ficelle qui vont aboutir aux deux bras de la
baguette tranfverfale, un' peu au-delà du milieu. Un
troifieme bout plus court que les autres part dm
ffiêffle endroit, & va à la partie antérieure dé la ■
chine , & la-tient inclinée. ,
On peut varier la conftruCtion du cerf-volant de
plufieurs maniérés ; mais une circonftance que nous
ne devons pas omettre, parce qu’elle eft effentielle,
c’eft qu’il faut que le cordon foit fait de deux brins
de chanvre tortillés avec deux fils de métal, 8c long
de plus de mille pieds, pour être en même tems fort,
lé®er, flexible, 8c propre à tranfmettre jufqu’auprès
de°l’obfervateur le feu éleftrique des nuées. ’
Cette machine ainfi préparée fe lance en l’air
quand il fait du vent, 8c l’on parvient à la faire élever
jufqu’à la région des nues, en tirant le cordon contre
le vent & en le lâchant graduellement. Il faut que le
vent rie foit pas trop violent , ni en tourbillon. Lorf-
que le cerf-volant eft parvenu à une affez grande hauteur,
il faut pour reconnoître l’éleCtricité des nuées,
l’ifoler, en coupant le cordon, 8c en attachant à fon
extrémité un petit cordon de foie, avec lequel on
dirigera la machine. Par ce moyen, en préfentant urie
pointe de métal auprès de l ’extrémité inférieure de
la corde, ou en y fufpendant quelques brins de f il,
on connoîtra par la forme des lumières qui paraîtront
à cette pointe, ou par les divers mouvemens
des fils, de quelle nature eft l’éleCtricité aCtuelle des
nuées. Ainfi un cerf-volant n’eft, comme l’on voit ,
qu’une barre de Francklin , mobile.
Comme l’opération de couper le reliant de la
corde, 8c d’y attacher le cordon de foie eft embar-
raffante 8c peut faire perdre le moment d’une obfer-
vation, voici un moyen excellent pour éviter ces
inconvéniens. On fera une efpece d’étrier d’acier fin,
dont les deux branches recevront l’axe d’un cylindre
de bois très-léger, de telle forme 8c de telle grandeur
, que le plus long cordon puiffe s’y encouler ;
à la réunion de ces deux branches fera une douille ,
dans laquelle Oh fera entrer le bout d’un cylindre de
verre folide très-fort 8c fort long, qu’on y aflùjettira
avec du maftic, dont nous donnerons ailleurs la com-
pofition. Voyc{ Él e c t r ic it é , 8c qui fervira de
manche. On revêtira d’une couche affez épaiffe du
même maftic, le cylindre de verre & la ƒ happe
d’acier dans toute leur furface , pour empêcher la
matière électrique de fe dilïiperau travers de l’acier,
8c pour écarter les vapeurs humides dont le verre fe
charge aifément. Il faut attacher à l’un des bras de
cette machine, qu’on peut appeller un guide électrique
, un levier qu’on puiffe aifément preffer contre
le cylindre , ou relâcher pour modérer ou arrêter le
développement de la corde. On voit qu’en tenant à
la main le bout du cylindre de verre, l’obfervateur
eft toujours maître du cerf-volant, fans avoir de communication
avec le conduCteur; 8c que pour obferver
à chaque moment les indices d’éleCtricité, il faut
attacher à l’un des bras de l’étrier une pointe de métal
8c quelques brins de fil. ( + )
* On ne fauroit prendre trop de précautions en
faifant ces expériences avec le cerf-volant fur les
nuées. Il ne faut, pour en être convaincu , que
connoître les effets qu’a produits un cerf-volant que
M. de Roman éleva un jour. Voye\_ les Mémoires des
Savans étrangers, tome I I . page 3 p i . Il dit que le fil
de fer, qui alloit du cerf-volant jufqu’à un tuyau de
métal qu’il avoit ifolé, paroiffoit tout en feu, même
de jou r, 8c qu’il partit du tuyau une étincelle qui
alla frapper la terre avec autant de bruit que fi c’eût
été un coup de tonnerre. *
Comme on ne peut pas bien voir la forme, des
feux éleCtriques que dans l’obfcurité, voici un petit
appareil portatif qu’on peut joindre à la verge de
Franklin. Dans un tube de verre long & affez gros,
on fera entrer par l’une de fes extrémités , 8c dans
la direction de fon axe, un gros fil de fer terminé en
crochet à l’une de fes extrémités hors du tube, 8ç en
pointe moufle à fon autre bout, qui rte doit être éloi*
gné que de deux pouces du fond du tube : ce fond
eft de métal, plane en-dedans, 8c garni extérieurement
d’un crochet. On enduira exactement de cire
d’Efpagne ou de maftic tonte la furface extérieure
du tube , à l’exception d’une partie qu’on réfervera
vis-à-vis de la pointe du fil de fe r , 8c au-deffus de
laquelle on élevera verticalement un tuyau de carton
affez long , au moyen duquel ; fi l’on fufpend cet
équipage par l’un des crochets à la verge de Franklin,
tandis qu’on fait communiquer l’autre avec le fo l,
on verra à fon aife , même en plein midi, la forme
des aigrettes au-dedans du tube. C ’eft ce qu’on appellera
une lanterne électrique.
Il ne fait pas toujours du vent, 8c tous les lieux ne
font pas commodes pour lancer le cerf-volant. Si on
liii fubftitue une fufée volante, l’appareil demeurant
d’ailleurs le même , on pourra même en tems calme
obferver l’éleCtricité qui régné dans le haut de l’air.
Il faut, comme au cerf-volant, attacher à la fufée un
fil de fer qui la dépaffe de plus d’un pied par le haut,
8c qui foit continué avec le cordon.
On pourroit fe fervir commodément de ces fufées
dans un orage pour faire des expériences fur les
nuées qui paroiffent les plus chargées, en les dirigeant
contre, 8c effayer fi on ne pourroit pas diflîper
le tonnerre par ce moyen.
Obfervations & corollaires. Voye* les Mémoires des
académies royales de Londres, de^ Paris, de Peters-
bourg , 8c de l’inftitut de Bologne ; 8c les Mémoires
des Savans étrangers, tome I I , de même que les
Lettres de Franklin, leà ouvrages de Delor, de Da-
libard, de Monier, 8c ceux de Mylices, de Winkler,
de Bofe, de Beccaria.
i° . Le cerf-volant ne donne aucun ligne d’éleCtricité,
foit que le tems foit beau ou couvert, fi on ne
l’éleve que peu au-defl'us de l’horilon , fit-il même
un vent très-fort, quelle qu’en foit la direction. D’où
il fuit qu’on ne peut attribuer au frottement de l’air
contre le cerf-volant, l’éleCtricité que celui-ci acquiert
quelquefois.
i<*. Dès que le cerf-volant eft parvenu à une certaine
hauteur, on y apperçoit des marques d’électricité
; 8c elles deviennent plus fortes à mefure qu’il
s’élève davantage. Gette oblèrvation, comparée avec
la précédente , fait connoître qu’il ne fe manifefte
point d’éleCtricité, tant que le cerf-volant ell dans la
même couche de l’atmoiphere , 8c qu’elle fe manifefte
avec d’autant plus de force , qu’il y a plus de
différence d’une couche d’air à l’autre.
30. Les fignes d’électricité confervent ce rapport
avec l’élévation plus ou moins grande du cerf-volant,
de quelque côté que vienne le vent, & foit qu’il
fouffle avec plus ou avec moins de force ; feulement
l’éleCtricité elt plus forte quand le tems eft couvert;
& plus qu’en aucun autre dans un tems d’orage. D ’où
l’on voit que les nuées fervent à faire connoître en
quelque façon, la proportion du défaut d’équilibre
du feu éleCtrique, entre les différentes couches d’air
8c celles de la terre.
40. On a reconnu par la forme des aigrettes, 8c
par la diverfité des mouvemens, que l’éleCtricité des
nuées tft tantôt pofitive, tantôt négative: c’eft-à dire,
que dans ce dernier cas , ils la reçoivent d’une partie
de la furface de la terre , où le fluide éleCtrique eft
furabondant, pour le tranfmettre à d’autres lieux
où il y en a moins ; 8c qu’au contraire dans l’autre
cas , elles communiquent à une portion de la terre
le feu éleCtrique dont elles fe font chargées dans une
autre ; ce qui fe montre d’une maniéré fi claire & fi
femblable aux expériences, qui dans l’éleCtricité artificielle
prouvent le paffage du fluide éleCtrique du
globe dans la chaîne, ou de celle-ci dans le globe,
qu’on ne peut rien defirer 4e plus évident pour