
de fes crimes. Il mourut en 7751, après un régne
•de trente-cinq ans. Ses cruautés lui firent donner
les noms de Néron ôc de Caligula. Ce fut fous fon
régné que la rigueur du froid couvrit de glaces le
Pont-Euxin ôc le Bofphore de Thrace. On prétend
que cette glace -avoit trente coudées de profondeur
depuis la mer de Marmora jufqu’aux embouchures
du Danube. Le dégel plus funefte que le froid ,
porta la défolation dans toutes les contrées yoifines.
C o nstant in VI fuccédà à fon pere Leon IV
en 781. Commeil n’avoit encore que neuf ans lorf-
qu’il fut ’placé fur le trône, fa tutelle fut confiée à
fa mere Irene qui defcendoit de l’illuftre Pomponius
Atticus : ce fut pendant la minorité de ce Prince que
s’affembla le feptieme concile de Nrcée,oît trois cens
cinquante évêques rétablirent le’ culte des images
aboli par fon pere. Dès qu’il fut en âge de gouverner,
il exclut fa mere de l’adminiftration, quoiqu’elle eût
montré beaucoup de capacité pendant fa régence î
ce n’eft pas qu’il ne fentît le befoin de fes confeils *
mais il étoit importuné de fes remontrances ; & ce
fut pour s’en débarraffer qu’il la relégua dans un
monaftere. Les peuples furent indignés d’un traitement
fi rigoureux ; les méèôntens fixèrent les yeux
fur Nicéphore pour l’élever à l’empire. La confpira-
tion fut découverte, ÔC Conftantin fit couper la langue
ôc crever les yeux à celui qu’on vouloit lui donner
pour fucceffeur. Il avoit époufé Marie fille de Charlemagne
qu’il répudia par inconftance, & qu’il fit
enfermer dans un monaftere ; on prétend qu’il ne fit
ce divorce qu’à la follicitation de fa mere qui, pour
fe venger de l’abaiffement où il la tenoit, le fit tonv
ber dans tous les travers qui pouvoient décrier fon
gouvernement Ôc fes moeurs. Ce fut en effet en le
rendant odieux qu’elle prépara fon rétabliffemenri
Les peuples mécontens la firent affeoir fur le trône
avec fon fils ; mais trop impérieufe pour partager le
pouvoir, elle l’en fit defcendre : elle eut même l’inhumanité
de lui faire crever les yeux. Elle fut détrônée
à fon tour par Nicéphore qui la relégua dans
l’ifle de Lesbos où elle finit fes jours : Conjlantin
mourut en 797 ; il avoit régné dix ans avec fa mere,
& dix ans feul.
Constantin V I I , fils de Léon le fage, monta
fur le trône d’orient après la mort de fop oncle arrivée
en 9 1 1 ; il n’avoit encore que fept ans, lorfque
le fceptre fut mis dans fes mains. Sa tutelle ôc ion
éducation furent confiées à fa mere Zoé. La cour
étoit alors remplie d’intrigues. Romain Lefcapenne,
© homme d’une naiffance obfcure, mais redoutable par
fes artifices ôc fon ambition, eut l’adreffe de fe faire
affocierà l’empire. Ses voeux s’ étendoient plus loin,
& il n’étoit arrêté que par Zo é, princeffe atifli intriguante
ôc aufli ambitieufe que lui. Il fit jouer tous les
refforts de fa politique, pour fe débarraffer de fa rivalité.
Zoé fut confinée dans un monaftere. Romain,
délivré de fa concurrence, ne laiffa à fon collègue
que l’ombre du pouvoir. Il marcha contre les Bulgares
qui taillèrent en pièces fon armée. Sa difgrace
Fe fit tomber danâ l’aviliffement. Ses propres enfans
le dégradèrent, & il fut enfermé par leur ordre
dans un monaftere. Ces fils dénatures, qui punirent
l’ambition de leur pere pour envahir fon héritage ,
confpirerent enfuite contre Conjlantin qu’ils dédai-
gnoient pour collègue. Leurs complots furent découverts
ÔC punis : ils furent rafés Ôc condamnés à
embraffer la vie monaftique. Quand Conjlantin n’eut
plus d’affociés au gouvernement , il montra une
capacité qu’il n’avoit pu déployer dans des tems
orageux. Le malheur étoit pour lui une leçon dont
il fut profiter. Ami ôc proteâeur des arts , il leur
donna une naiffance nouvelle. Il compofa dans fes
loilirs plufieurs ouvrages qui décelent des vues fu-
itâmes fur le grand art de gouverner. Il avoit une
èoftnafiffànce parfaite des forces de l’empire , Ôc dé
celle des alliés Ôc des barbares. Il avoit pénétré dans
tous les vices du gouvernement, mais le tems n’étoit
pas propre à les corriger. Ce fut fous fon régné que les
petits tyrans qui défoloient l’Italie , furent vaincus
ôc punis : Benevent fut.reprife fur les Lombards.
Conjlantin, qui avoit tous les talens qui font les
grands princes , ôc les qualités aimables de l ’homme
privé , vécut affervi aux volontés de fa femme Hélène
, à qui il abandonna les rênes de l’empire , pour
fe livrer à fon goût pour les arts. Cette princeffe
fit un vil trafic des dignités de l’églife ôc de l’état ;
tandis que fon mari, occupé d’architefture ôc des
autres arts d’agrément, ignoroit les abus qui obfcur-
ciffoient la gloire de fon régné ; quoiqu’il fût eftimé,
il fit beaucoup de mécontent Son fils , impatient
de régner , lui donna un breuvage empoifonné*
Comme il n’en prit qu’une partie , il en prévint les
ravages ; mais il ne fit plus que languir, & tomba
dans un dépériffement qui terthina fa vie en 959,
après un régné de cinquante-cinq ans.
Constantin VIII, fils de Romain le jeune, fut
appellé à l’empire conjointement avec fon frere
Bafile, après que Zimiffés eut été empoifonné. Ces
deux collègues , unis par la nature , fembloient n’avoir
qu’une ame ôc les mêmes affeftions. La rivalité
du pouvoir ne fit que refferrer les noeuds formés par
la nature. Le commencement de leur régné fut troublé
par la rébellion de Bardas-Sclerus , qui fe fit
proclamer empereur. Phocas, chargé du foin de
cette guerre , la termina par une feule vi&oire*
Bardas périt dans le combat, ôc fa faftion fut diflï-
pée. Phocas, enivré de fes profpérités, crut avoir
acquis des droits au trône qu’il venoit de défendre.
Les dignités où il avoit été élevé , ne lui parurent
pas des récompenfes proportionnées à fes fervices.
11 déploya l’étendard de la rébellion , mais il fut
vaincu ôc maffacré. Les Bulgares, profitant des troubles
qui agitoient l’intérieur de l’empire pour en
ravager les provinces , violèrent la foi des traités*
Ilsfe répandirent dans la Thrâce , la Macédoine & la
Grece , oit ils exercèrent les plus affreux briganda*
ges. Les deux empereurs fe mirent à la tête d’une
puiffante armée , pour forcer ces barbares à s’éloigner
des frontières. Les Bulgares , vaincus dans plufieurs
combats, laifferent quinze mille prifonniers,
à qui les vainqueurs firent crever les yeux. On n’en
épargna qu’un certain nombre pour porter cette
affligeante nouvelle à Samuel, chef ou roi de ces
barbares. Ce prince , touché du malheur de fon
peuple, fuceomba à fa douleur , ôc mourut quelques
jours après. Tant que Bafile vécut, CàHjlantin
n’ofa fe livrer à la licence de fes penchans. La mort
le délivra de ce cenfeur incommode qui termina fs
vie à l’âge de foixante ôc dix ans. Conjlantin , réunifiant
toute l’autorité, s’endormit dans le fein des
voluptés. Les plaifirs de l’amour fuccédoient à l’intempérance
de la table & à la fureur du jéu. Aucun
prince n’avoit occupé aufli long-tems le trône. LeS
deux freres régnèrent enfemble pendant cinquante-
trois ans. Conjlantin, pendant la vie de fon aîné ,
languit fans ambition ôc fans pouvoir. Il n’eut que la
décoration d’unfouverain. Il régna feul pendant trois
ans : un régné fi court fuffit pour ternir fa mémoire.
C onstantin I X , furnommé Monomaque , fut
élevé à l’empire de l’Orient, par les intrigues de
l’impératrice Z o é , à qui il avoit fu plaire. Cette
princeffe lafcive étoit âgée de foixante ans lorf-
qu’elle fit crever les yeux à Michel Calaphate fon
premier mari, pour faire paffer dans fon lit fon
amant adultéré. Le fcandale de leurs amours avoit
été la caufe de l’exil de Conjlantin, que Zoé cappella
pour l’affocier à l’empire. Dès qu’il fut revêtit
de la pourpre j il confia 1 adminiftration à Romain
Scîéfus, qui n’avoit d’autre mérite'que d’être le frété
•de fa concubine. Cette femme , qu’on appelloit
Sclcrine , s’infinua fi avant dans l’efprit de Zoé ,
que cette princeffe , jaloufe de fes prérogatives,
confentit qu’on rendît à fa rivale les mêmes honneurs
qu’aux impératrices. Le peuple fcandalifé de
cette nouveauté , fit éclater fon mécontentement
au milieu d’une proceflion. Plufieurs voix s’élevèrent
, & dirent : Nous ne voulons point Sciérine
pour impératrice. Ce cri fut le fignal de la révolte.
Conftantinople retentit du bruit des armes , Ôc les
féditieux demandèrent la mort de l’empereur. Zoé
& fa foeur Théodora, qui étoient également affo-
ciées à l’empire, employèrent leur crédit pour calmer
le peuple. Ce danger fut le prélude d’un plus
grand. Léon Tornique s’étoit concilié tous les coeurs
dans la province dont il avoit le gouvernement ;
ÔC c’eft ce qui le fit paroître redoutable. Conflantin ,
.jaloux de fon mérite, :1e força d’embraffer la vie
monaftique. Cette violence redoubla l’affeftion des
peuples pour Léon , puni fans être criminel. Ses
amis raffemblent fecrétement une armée ,. ils le
tirent de fon monaftere , ôc le conduifent à Andri-
nople , où ils le proclament empereur. Les conjurés
, pleins de confiance dans leur nombre , marchent
vers Conftantinople dont ils forment le fiege.
Conftantin, renfermé dans fa capitale , n’avoit avec
lui que mille hommes , tous éprouvés par leur courage.
Ce fut avec cette troupe d’élite qu’il obligea
les rebelles à renoncer à leur entreprife. L’arrivée
des légions d’Ibérie lyi rendit la füpériorité. Léon ,
vaincu, fe réfugia dans une églife , d’où il fut enlevé
& conduit aux pieds de Conjlantin qui lui fir crever
les yeux. L’extinftion de .cette révolte ne rendit
point le calme à l’empire, dont plufieurs provinces
furent ravagées par les Turcs & les Tartares*
On acc-ufe Conjlantin d’avoir facilité les conquêtes
des Barbares par fon avarice. Les provinces
frontières, exemptes jufqu’alors d’impôts, n’a-
voient été chargées que d’entretenir des troupes
pour les protéger. Leurs immunités en faifoient des
jfujets fideles. Conjlantin fe chargea de les défendre
, & les affujettit à payer les mêmes tributs que
les autres provinces. Il s’en acquitta fi mal, quelles
tombèrent fucceflïvement fous la domination des
Barbares, ôc les peuples furent charmés de trouv
e r dans leurs nouveaux maîtres de puiffans protecteurs.
Les profufions de ce prince épuiferent le
tréfor public , ôc le mirent dans la néceflîté de fur-
charger les peuples , dont il devint l’exécration. La
goutte dont il étoit fréquemment tourmenté, lui
tomba dans la poitrine. L’excès de fes fouffrances
l ’avertit que fa fin étoit prochaine : il ne voulut point
mourir fans avoir défigné fon fucceffeur , ôc fon
choix tomba fur Nicéphore qu’il avoit fait gouverneur
de Bythinie. Théodora , offenfée d’un choix fait
fans la confulter , employa tout fon crédit pour lui
donner l’exclufion , ôc elle réuflit. Cette princeffe
fe fit proclamer de nouveau impératrice, Conjtan-
tin voyant fes demieres volontés fi peu refpeCtées,
en conçut tant de chagrin , qu’il en mourut quelque
tems après. Il avoit régné treize ans.
Constantin X-étoit de la famille des Ducas,
une des plus illuftres de l’empire. Il fut élevé au
trône de Conftantinople après l’abdication volontaire
d’Ifaac Comnene. L’innocence de fes moeurs,
fon goût pour les lettres, fon amour pour la juftice,
le faifoient également chérir ôc refpe&er. Il avoit
toutes les vertus qui conviennent à un homme privé;
mais il n’avoit aucun des talens néceffaires pour
gouverner un grand état. Il eût été un citoyen illuf-
tre , il ne 'fit qu’un prince vulgaire. Son prédécef-
•feur, en mourant, lui avoit recommandé fa famille ;
£dele à la reconnoiffance, il combla les Comne-
Tomtllf
nés dë bienfaits -, il leur rendît de fréquentes vifites,
& continua de les appeller fes maîtres ôc fes empereurs.
Les foldats de l’empire s’amollirent fous fon
régné dans les loifirs de la paix. Ses inclinations
pacifiques infpirerent une confiance audacieufe aux
Barbares.^ La Méfopotamie , la Chaldée , l’Ibérie ,
& la Mélitenne, furent ravagées par les Turcs*
Quelques hordes ..TartareS pafferent le Danube,
ôc portèrent la défolation dans la Grece & la Macédoine.
Ils auroient pouffé plus loin leurs conquêtes ÔC
leurs brigandages, fi le fléau de la pefte n’eût détruit
la moitié de leur armée. Quelques grands de l’empire,
jaloux de l’élévation de Conjlantin , qu’ils avoient vu
leur égal,confpirerent pour le faire defcendre du trône.
Leur complot fut découvert, & ils furent arrêtés.
Conjlantin , qui avoit le droit de les condamner à la
mort, ne les punit que par la confifcation de leurs
biens , pour les mettre dans l’impuiffance de nuire.
L’humanité ôc les autres vertus fociales de Conftantin
furent obfcurcies par fon avarice infatîable,
qui le rendit odieux à fes fujets, ôc méprifable à
fes ennemis. Plus attentif à groflïr fes tréfors qu’à
en ufer pour les befoins de l’état, il ne leva point
d’armée pour oppofer aux barbares q u i, fans foi
dans les traités, fe livrèrent à des excès qui refterent
impunis. L’érat ébranlé par les fecouffes étrangères,
fut encore frappé d’autres fléaux. Un horrible tremblement
de terre renverfa les temples & les édifices
de la capitale. Cette ville fuperbe futprefque
enfevèlie fous fes ruines. Les calamités publiques
font prefque toujours imputées au ch ef de la nation
fouffrante. Ce malheur , que la prudence ne pouvoir
prévoir ni prévenir, redoubla la haine que l’avarice
de Conjlantin avoit infpirée. Ce prince, Tentant fa fin
approcher, déclara fes trois fils empereurs , fous
la tutelle de leur mere Eudoxie. Cette princeffe leur
fut affociée à l’empire , fous la promeffë qu’elle fît
par écrit de fe dépouiller de la pourpre ôc de la tutelle
de fes enfans, fi jamais elle contractait un nouveau
mariage. Conjlantin Ducas mourut en ïo68> âgé
de foixante-aix ans : il en avoit régné fix. •
Constantin X I , dernier empereur de Conftantinople
, étoit fils de Manuel ou d’Emanuel Paléo-
Iogue , dont les enfans acharnés à s’entre-détruire.,
s’enfévelirent fous les ruines de l’empire d’Orient.
Jean, fon aîné & fon fucceffeur , eut à combattre
fon frere Démétrius, qui , fortifié du fecours des
Turcs , entreprit de le détrôner. Pendant que ces-
deux freres fe faifoient une guerre cruelle , Conftantin
qui défendoit la Morée, remporta une grande
viftoire fur les T u rc s , qui furent obligés d’abandonner
cette province. Ses cruautés contre ceutf
qui tombèrent entre fes mains, lui firent donneé
le furnom de Dracofeç. Ce prince étoit occupé à
pacifier les troubles de la Morée, lorfqu’il apprit
la mort de Jean fon aîné. L’ambitieux Démétrius
qui pour lors étoit à Conftantinople , voulut s’y
faire proclamer empereur ; mais les habitans rem-^
plis d’admiration pour les exploits & la valeur de
Conjlantin , refpe&erent fon droit d’aîneffe H ÔC
refuferent d’obéir à un ufùrpateur qui n’étoit redoutable
que par la proteôion des Turcs leurs ennemis
naturels. La guerre civile dont l’état étoit menacé,
détermina le peuple à ménager un accommodement
qui pût réunir ces deux freres divifés. Conjlantin
fut reconnu empereur ; la Morée fut le partagé de
Démétrius & de Thomas. Ce démembrement affoi-
blit l’empire qui ne-fut plus qu’un tronc dépouillé
de fes rameaux. Conjlantin , placé fur le trône
s’y maintint par la faveur d’Amurat qui l’avoit
favorifé contre fes fre re s . Sa haine contre l’églife
latine fe manifefta dès les premiers jours de fon
régné. Le pape Nicolas avoit fait affembler urt
concile à Florence -, pour appaifer le fehifme qui
B B b b i ;