
Ce n’eft pas feulement la canaille & les gens de |
nulle importance qui s’amufent à faire des charivaris, I
c’eft bien fou vent un divertiffement de jeunes gens 1
de famille ; & le motif qui les y conduit eft plus fou-
vent une pétulence toute pure ,.ou une joie folâtre,
& portée à la malice, choie fort ordinaire aux noces.,
Non feulement on fait le charivari aux fécondés noces
& à celles qui font difpropoxiionnées par l’âge
ou l’inégalité des conditions, mais auffi à celles
des maris qui époufent des femmes coquettes ou
mauvaifes, ou dont les mariés refufentde donner le
b a l, &c. Quoi qu’il en foit, on trouve des exemples
du charivari dans l’antiquité, & cela n’a rien de fur-
prenant.
M. Thiers prétend trouver dans le charivari une
dérifion du mariage, (k cite à cette occafion plufieurs
décrets des fynodes & conciles , anciens & modérées
, qui non feulement défendent le charivari, fous
peine d’excommunication , îhais ajoutent encore
famende pécuniaire, après avoir traité ce divertiffe-
ment de honteux , de préjudiciable aux bonnes moeurs,
de contraire à la fociété. La difcipline des eglifes reformées
de France, défendoit auffi les charivaris, ran-
çonnemens de -mariage, &c. C’eft encore plus un objet
depolicequelamatieredesdécretsd’unconcile. A’oyeç
dans le Diel. raißdes Sciencesà ce mot , les régle-
,mens qui défendent de faire cette, efpece d’infulte à
ceux qui fe remarient. ( M. B e q u il l e t . )
CHARLES IV. de Luxembourg, fucceffeur de
Louis V . (Hiß* d'Allemagne.') x x m e roi ou-empereür
d’Allemagne depuis Conrad I. naquit l’an 1316 , le
14 mai, de Jean de Luxembourg & d’Elizabeth.,
héritière du royaume de Bohêmé, arriéré fils de l’empereur
Henri V II, fut nommé marquis de.... en 13 3 3,
fuccéda à fon pere dans le royaume de Bohême en
1347 ? fut élu empereur en 1349, mourut en Novembre
1378.
On verra à l’article de l’empereur Louis V , les
troubles qui agitèrent la fin de fon regne. Charles mit
tout en oeuvre pour en profiter. A la faveur de quelques
prélats, qu’il parvint à corrompre à force d’argent
, & fécondé du pape, qui confervoit contre
l ’empereur une haine implacable , il s’étoit fait couronner.
Les peuples contens du regne glorieux &
modéré de Louis, le regardoient comme un ufurpa-
teu r , & le traitèrent avec un extrême mépris. La
mort de l’empereur ne changea point ces fentimens.
En vain Charles parcourut les villes d’Allemagne,
en vain il y répandit l’or de la Bohême , & le s indulgence
de R ome, il reçut par-tout des injures au lieu
d’hommages. Les élefteurs attaèhés à l’empereur défunt
, qui formoient le plus grand nombre, s’affem-
blerent à Loeftein , près de Rentz.( 1338.) & tous,
d’une voix , déclarèrent nulle l’éleftion de Charles.
Elle l’étoit effectivement, elle bleffoit dans tous les
points la conftitution faite fous le dernier regne. Ils
députèrent aufli-tôt vers le roi d’Angleterre, & l’in-
viterent à venir prendre le diadème & recevoir leur
ferment de fidélité. Ce choix attelle le difeernement
des électeurs. Aucun prince , dans la Chrétienté,
me méritoit mieux cet honneur que le magnanime
Edouard III. Les ambaffadeurs furent traités comme
ils dévoient s’attendre à l’être delà part d’un prince
magnifique & reconnoiiïant : mais leurs offres ne
furent point acceptées. Edouard, en les remerciant,
allégua, pour principal motif, la difficulté de rendre
l’Italie à l’Empire dans un tems ou il prétendoit
renverfer le trône de V a lo is ,& affervir la France,
fur laquelle il avoir déjà fait des conquêtes Confidé-
rables. Au refus d’Edouard , les électeurs nommèrent
fucceffivement Frédéric lefévere,marquis de.Mif-
nie, fils de Frédéric le mordu, & Günther ou Gbn-
tier , comte de Chevartzbourg., capitaine expérimenté
, rempli de zele pour le bien de l’état, 6c qui,
dans le peu de tems qu’il fut revêtu de la luprêmè
autorité, montra autant de vigueur , que Charles de-
voit montrer de molleffe. L’or & la perfidie écartèrent
ces deux concurrens. Frédéric le.févere vendit
l'es droits pour dix mille marcs d’argent, au roi de
Bohême, qui ne pouvant gagner Gonthier par les
mêmes moyens , le fit lâchement einpoifonner. Rodolphe
, comte Palatin, 6c Louis de Brandebourg,
fils de l’empereur défunt, dont Charles corrompit le
fuffrage , en promettant à l’un d’époùfer fa fille, ÔC
à l’autre de lui donner le T iro l, achevèrent d’appla-
nir les obftacles. Charles, traité jufqu’alors d’ ufur-
pateur , fut reconnu pour empereur légitime par
une nouvelle éleftion à Aix-la-Chapelle : mais il ne
pouvoit que déshonorer un trône acquis par ces vils
moyens, llfembla ne l’avoir acheté, que pour avoir
droit de le vendre. Ce fut probablement pour n’être
pointtraverfé dans le trafic honteux auquel il fe livra
depuis, qu’il carefla de plus en plus l’orgueil du pape.
D ’abord il ne parut jaloux que de reliques, & avant
d’entreprendre le voyage qu’il fit en Italie, l’an 1355,
il reçut fervilement, de la main de Clément V I , la
lifte de toutes les pratiques humiliantes auxquelles
il devoit fe foumettre. Il alla fe charger de mépris ,
dans une contrée oh fes prédécefl'eurs ne s’étoient
montrés que pour impoler des loix : Enfin, il fe
comporta avec tant de baffeffe, que même la faction
papale le méfeftima ; l’impératrice fut couronnée
dans Rome après lui. Un moderne, en faifant allu-
fion à la conduite de l’empereur en cette occafion
a dit que l’appareil de fa fuite étoit plutôt une vanité
de femme qu’un triomphe d’empereur. Charles
/A’’ , continue le même auteur, n’ayant ni argent ni
armée , & n’étant venu à Rome que pour fervir de
diacre à un cardinal pendant la meffe , reçut des
affronts dans toutes les villes d’Italie oh il paffa. Pétrarque
, fi digne de lui donner des leçons, fi capable
d’élever fon ame , lui reprocha la foibleffe , ôc
ne put changer fes fentimens.
Charles IP , de retour en Allemagne, trouva l’empire
agité par des troubles qu’occafionnoit une opinion
d’égalité entre chaque prince : & comme ce
fyftême d’égalité deftruftif de tout gouvernement,
avoit fon origine dans l’éleftion des empereurs, dont
la forme n’étoit point encore rédigée par écrit, 8c
le nombre des électeurs n’étant ni fixé , ni affefté
à certaines principautés , enforte que les principaux
états fe prétendoient élefteurs , parce que tous
avoient eu le droit de voter, il établit fi bien les chofes
à cet égard, que dans la fuite ce vice n’excita aucun
défordre : & cette circonftance de fon- régné en
releve un peu la foiblefl'e.
Les états ( janvier 1356, célébré époque. ) , c’ eft-
à-dire les électeurs, les autres princes, comtes &
feigneurs, 8c les notables des principales villes, s’étant
affemblés à Nuremberg, formèrent,de plufieurs
ufages 6c coutumes, des conftitutions qui furent incorporées
avec plufieurs réglemens falutaires. On y
dreffa ce célébré édit, fi connu fous le nom de bulle
<Aw,a,infiappellée de fon fceau d’or. Cet édit régie les
cérémonies qui fe font lors de l’éleftion des empereurs,
déclare les éleftorats indivifibles 8c fiefs mafeu-
lins, fixe le nombre des élefteurs, 8c ceux qui doivent
i les repréfenter en cas d'abfence, leurs fondions, leurs
droits, leurs privilèges ; & tout ce qui concerne le
gouvernement général de l’empire. De trente articles
qui le compofenr, on n’en arrêta que vingt-trois dans
cette affémblée. L’empereur en .entendit la lefture
affis fur fen trône,, 8c dans tout l’appareil de fa ma-
jefté. Les fept autres furent publiés dans une affem-
blée qui fe tint à Metz le 25 décembre de la même
année: Je n’entrerai point dans tous les détails de cet
édit, les curieux peuvent le confulter : mais ce qu’il
n’ eft pas permis d’omettre, c’eft l’argument dont 00
fe fei-vit pour fixer les élefteurs au nombre de fepl.
On en prouva la néceffité par le chandelier à fept
branches : rien ne fait mieux çonnoître la groffié-
reté de ce fiècle. Le préambule de ce fameux édit
eft une apoftrophe très-vigoureufe contre les fept
péchés mortels. On dit que le célébré Bartole en
donna le modèle, ce qui prouve que l’on peut avoir
beaucoup de petitefles avec beaucoup de génie.
Au refte, il importe peu de quel moyen on ait ufé
pour donner lafandion à cette loi. Il eft certain que
l’Allemagne lui dut fa tranquillité qui fembloit incompatible
avec fon gouvernement.
.Ce fut dans la diete 3e Nuremberg, que l’empereur
fit réunir à fes états de Bohême, la Moravie,
la Siléfie 5c la Luface . qui depuis en fut détachée :
tant que ce prince fut fur le trône, il ne s’occupa que
de l’agrandiffement de fa maifon. Chaque jour il lui
procuroit quelque privilège dont il dépouilloit l’empire.
Il vendit la liberté aux villes qui voulurent
l’acheter. Le comte de Savoye acquit de lui le titre de
vicaire de l’empire à Geaeve. Il confirma la liberté de
la ville de Florence à prix d’argent. Il tira de grandes
femmes de Venife pour la fouveraineté de Vicence ,
de Padoue 8c de Veronne qu’il céda à cette république.
11 en reçut de plus confidérables encore de la
part des Vifcômtis auxquels il accorda la fouveraineté
de Milan , fous le titre de gouverneur. Il dif-
pofa des biens de l’empire, comme s’il lui eût appartenu
en propre , 8ç ce n’eft pas à tort, qu’on a dit.
de lui, qu’il avoit ruiné fa- maffon pour acquérir
l’empire , 8c l’empire pour rétablir fa maifon. Mais
il ne fe borna pas à la rétablir, il lui procura un luftre
qu’elle n’avoit jamais eù , 8c lui affura le pas fur
toutes les autres maifons éleftorales. On peut juger
de fes exactions, puifqu’il fe vit en état de payer
cent mille florins d’or à chacun des élefteurs, prix
qu’ils mirent à leurs fuffrages', lorfqu’il leur propofa
d’élire Venceflas fon fils: mais quand il fallut vuider
fes tréfors, dont fon oeil avide ne pouvoit fe raffafier,
il abandonna aucuns les péages de la couronne fur
le Rhin, 8c des villes confidérables aux autres. Cette
conduite donna lieu de dire que Charles avoit plumé
l’aigle : mais les plumes qu’il lui ôta, étoient des plumes
bien précieufes, elles ne repoufferent jamais.
Les villes de Suabe , dans la crainte qu’il ne trafiquât
de leur liberté, firent entr’élîes une ligue, qui s’ap-
pella la grande ligue. L’empereur fit d’inutiles efforts
pour la détruire. Une remarque bien digne de l’hif-
îoire , c’eft que les princes , qui s’intérefferent à la
gloire de l’empire , tels que les Henri 8c les Oton,
menèrent une vie malheureufe, 8c agitée par les plus
affreufes tempêtes, & que Charles IV , qui trahit, dégrada
ce même empire, coula les jours dans le fein du
bonheur & de la paix. 11 mourut à Prague dans la
foixante-deuxieme année de fon âg e, 8c la vingt -
neuvieme de fon régné, comme empereur, depuis
fon couronnement à Aix-la-Chapelle. Il eut quatre
femmes, favoir, Blanche de Valois, foeur de Philippe
V I , roi de France, mariée en 1318 , & couronnée
en 1348 ; Anne, fille de Rodolphe, élefteur
Palatin, mariée en 1349, couronnée ert1351 ; Anne,
fille 8c héritière de Henri II, duc de Javer en Siléfie;
8c Elifabeth, fille de Bugiflas V , duc de Poméranie.
Il eut de la première, Marguerite, femme de Louis-
le-Grand, roi d’Hongrie ; Eli!abeth, mariée à Jean
Galeas, premier duc de Milan ; Catherine , femme
de Rodolphe IV, duc d’Autriche ; Elifabeth , mariée
à Albert III, auffi duc d’Autriche ; 8c Marguerite,
femme de Jean, Burgrave de Nuremberg. Il eut de la
leconde , Venceflas qui lui fuccéda aux trônes de
Bohême 8c de l’empire. Il eut de la quatrième , Si-
gifmond qui fut fucceffivement élefteur de Brandebourg,
roi d’Hongrie 8c empereur ; Jean , margrave
de Luface 8c de Moravie ; Anne, femme d’Oton de
Tome II,
Bavière j élefteur de Brandebourg ; & Anne qui
époufa Richard II, roi d’Angleterre.
C’eft au régné de Charles IV que fe rapporte le
grand fchifme d’Occident, & l’invention de la poudre
à canon que les auteurs de ce fchifme furent fi
bien mettre en oeuvre.
A travers les vices qui déshonorent l’hiftoire de ce
prince , tels que l’avarice, le mépris de la vraie
gloire, & une diffimulation qui dégénéroit fouvent
en fauffeté, on vit percer quelques vertus. Il étoit
d’un abord facile & d’une fagacité peu ordinaire ; il
avoit l’ame fenfible, & fon~coeur étoit fufceptible
d’amitié. On ne lit pas fans un tendre intérêt les particularités
de fon entrevue avec la ducheffe de Bourbon,
foeur de fa première femme, dans un voyage
qu’il fit en France quelque tems avant fa mort. Il
aima les fciences & protégea les favans. L’univérfité
de Prague, qu’il fpnda & forma fur celle de ‘Paris >
ainfi qu’un article de la bulle d’or qui preferit aux
éleéleurs de favoir quatre langues, l’Allemande, la
Latine , l’Italienne & l’Efclavonne qu’il poffédoit
dans un dégré fupérieur, en font d’inconteftables
témoignages. L’univerfité de Prague compta plus de
quarante mille etudians fous fon régné.
Les Juifs fouffrirent une horrible perfécution.Une
pefte qui délolà l’Europe, & qui la dépeupla d’en-*
viron un cinquième, fervit de prétexte à la rage des
Chrétiens, trop ignorans alors pour n’être point
barbares. On les accufa d’avoir empoifonné les
fources publiques ,‘ & un grand nombre fut condamné
-à périr au milieu des flammes. L’empereuf
n’eut point à fe reprocher ces cruautés; il défendit
même les Juifs contre les Strasbourgeois'qù’animoit
le zele féroce de leur évêque , contre l’abbé, prince
de Mourbak, & d’autres feigneurs dont plufieurs
profitoient de l’illufion pour fe revêtir des dépouil-,
les de ces viélimes infortunées.
On prétend que Charles I V avoit formé le projet
de faire paffer le Danube par Prague; M. de Voltaire
n’en veut rien croire. On fe range aifément du côté
de ce célébré critique , quelquefois incrédule, mais
plus fouvent très-judicieux. Charles n’avoit pas l’ame.
affez grande pour concevoir un auffi vafte p rojet, &
il étoit trop avare pour feulement fonger aux fonds
qu’il eût exigés. ( M—y . j
* C harles-Q u int , x l c empereur, ( Hifi. d 'Allemagne
& d'Efpagne, ) fils de Philippe I , archiduc
d’Autriche, & de Jeanne, reine de Caftille, devoit
feulement fuccéder à fa mere, fuivant le teflament
de Ferdinand ; mais dès qu’il apprit la mort de celui-
ci , il fe fit proclamer roi de Caftille en 15 16, fous
le nom de Charles I , par le moyen de XimeÜès qui
força plutôt qu’il n’engagea les grands du royaume
à reconnoître pour fouverain ce prince qui n’avoit
que feize ans. Les royaumes de Léon & de Grenade .
fuivirent l’exemple des états de Caftille. Les Ara-
gonois ne le proclamèrent qu’en 1556, l’année d’après
la mort de la reine Jeanne. L’empereur Maximilien
I , aïeul de Charles, étant mort en 15 19 , lê
roi d’Efpagne fut élu à fa place. Il fut redevable de
la couronne impériale à Frédéric, éleéleur de Saxe,
qui pouvant la prendre pour lui-même, préféra
l’honneur de faire un empereur à la gloire de l’être«
François I , roi de France, compétiteur de Charles-
Quint à l’empire, fentit vivement le chagrin de fë
voir préférer fon rival : de-là naquit entre ces deux
monarques une jaloufie qui fe perpétua après eux
dans les maifons de France & d’Autriche. Il paroît
que ce qui détermina le choix des électeurs fut la
grande jeunefle de Charles qui leur donnoit moins
d’ombrage que la valeur du roi de France. L’Efpagne
vit avec regret que cette éleélion alloit non feulement
la priver de fon fouverain, mais encore faire
fervir fes tréfors à enrichir des étrangers. Charles fe