
flancs , cette troupe le trouve compofée de quatre
divifions , tir je s de quatre compagnies differente
s , qui ne font habituées ni à marcher, ni à
tirer enfembl3 , & qui ne font point foumifes
au meme commandement.
70. Si après avoir fait une trouée on veut tomber
, comme on le doit, fur les flancs des troupes
qü’on a renverfées , quel effet peuvent produire
des bouts de rangs foibles & défunis? La
colonne de l’ordre françois a bien une divilion
de profondeur qu’ on nomme tranche ; les pelotons
de celles de l ’exercice fe partagent bien aulli en'
feétions , mais ces efpèces de divifions peuvent
être regardées comme idéales. D’ailleurs , fi on
les fépare de la maffe , elles ne font plus que
de pièces & de morceaux.
S°. Si Von veut paffer un défilé, plus étroit
ue le front de la colonne , par feétïon , quel
éfordre dans la troupe que de temps perdu
Un général , voulant garnir un certain
efpace avec des colonnes tranfverfales , calcule
qu’elles ne .feront qu’à 'telles diftances les unes
des autres '£ cependant, comme le front de chacune
de ces colonnes cft diminué , ou peut être
diminué de moitié', elles fe trouvent bien plus
éloignées les unes des autres qù’ il ne l’avoit cru,
& de là fouvent la perte dé la bataille ou des
échecs considérables.
Pour parer à tous çes vices , M. de Sêguier
forme fa colonne avec des intervalles perpendiculaires
au front & allant de fa tête à fa queue.
U en couvre la tête avec des grenadiers , &: la
queue avec des ehaffeurs. •
Le front d’ une colonne perpendiculaire , compofée
de deux bataillons , eft toujours de trente-?
deux files & fa profondeur de trente : le front
d’une colonne d’ un bataillon eft auffi de trente-
deux files & fa profondeur de quinze.
Une colonne , comme nous la formons aujourd’hui
, expofe fa dégradation à, l’ennemi, parce
que fa diniinunon tombe fur fon front •, la colonne
' perpendiculaire H lui pache , parce que la diminution
qu’elle .éprouve tombe fur fa profondeur.
L’effet de l’ attaque , ç’eft-à-dirê , la largeur de
la trouée , eft toujours la même Vavec la colonne
perpendiculaire , ii varie avec la colonne tranfverfale,
Le général voit toujours occuper à chaque
colonne perpendiculaire le même elpape dans la
ligne,
Si les flancs d’ une colonne perpendiculaire font
obligés de faire fape pour fe défendre contre ce
qui fe replie fiir eux, ils font leur*feu enfenible
pomme.dans leurs exercices ordinaires, ils n’ont
$n effet qu’un foui §ç même commandant,
Si Von détache les flancs d’une colonne perpen-
afin d’élargir une trouée & dp prendre en
flanc une ligne enfoncée, les compagnies entières
s’y portent dans leur ordre habituel.
Le'i bleffés dû front & de l’ intérieur d’une
colonne perpendiculaire peuvent s’écouler , fans
courir le rifque d’être écrafés , par le gros de la
troupe & fans déranger la çolonne.
Par quelque défilé que la colonne perpendiculaire
foit obligée de paffer, fes divifions fe
trouvent naturellement faites ; elles y entrent
par une , deux , quatre compagnies , foit en
avant, foit en retraite, lans rien changer a leur
forme.
De quelque nombre de files que les pelotons
d’une colonne foient compofés , quelque inégaux
qu’ils foient entre eux , cela eft parfaitement
égal à fa formation. Il n’en eft pas de même
de la colonne tranfverfale.
On m’objeaèra, dit M. de Seguier, que mes
divifions étant contiguës de la tête à la queue,
feront obligées de marcher le pas de flanc, ef-
pècû de pas reconnu pour défectueux,, en-ce qu’ il
diminue la vîtefle dé la marche, & ne peut le
foutenir que quelques inftans , meme dans le
terrain le plus favorable. On m’obje&era encore
que les intervalles perpendiculaires au front ne
pourront être que très-petits a caufe du flottement
des Vivifions.
A cela M. de Seguier répond : les colonnes
a&uelles offrent les mêmes inconvéniens, car
dès qu’un homme en fuit un autre & qu’il eft
obligé d’emboiter le pas, il lui eft parfaitement
égal que la troupe dont il fait partie marche
par fon front ou par fon flanc. Dans ma colonne
perpendiculaire de marche ou, de manoeuvre je
puis , en faifant prendre uü pas de diftance^ à
chaque homme, leur donner la meme facilite a
marcher que dans la colonne tranfverfale. Je
puis encore, quand je fuis loin de l’ennemi, augmenter,
fans inconvénient, la grandeur des intervalles
perpendiculaires j il fuffit de faire fermer
les pelotons quand le moment de charger arrive :
l’on peut d’ailleurs s’en fier ici au mouvement
machinal , qui porte chaque individu à fe rapprocher
de ce qui peut le léçourir.
M. de Seguier revient fur le paffage du défilé,
parce que l’avantage de la colonne perpendiculaire
fur la colonne tranfverfale eft ici très-
.çonfidérable. Suppofons , dit-il , que le front
d’une çolonne tranfverfale eft de trente hommes ,
que le pont établi fur le foffé ou fur le ravin, & c,
ne permet qu’à cinq ou fix hommes de paffer en
même temps } fera-p-on paffer ' la colonne de
l’ordre françois par tranches? ces tranches font
de quatre compagnies différentes. Les pelotons
pafferont-fis les uns après les autres ? cela ne fo
pourra qu’en marchant par leur flanç, & en dé-
I truifant l’organifation de la colonne, Comment
agirorit
agiront les partifarts de la colonne de l’ordonnance?
même embarras.
Ces inconvéniens & ces difficultés ne fe rencontrent
point dans la formation perpendiculaire.
Quelque filière qui fe préfente , il y entre
naturellement ce qu’ elle peut contenir, trois', fix,
neuf, douze hommes, e’eft-à-dire , un-, deux,
trois ou quatre pelotons. Les compagnies y entrent
dans leur ordre naturel, & en refforteut formées.
Cette mancÉuvre ne requiert ni mouvement, ni
commandement nouveau. La troupe qui fe trouve
vis-à-vis le paffage y entre la première/, celles
de droite ou de gauche la fuivent & reprennent
leur place en for tant.
On objeélera encore que les, flancs de la colonne
perpendiculaire fe trouveront trop courts
lorfque les pelotons feront diminués par les
pertes ou les détachemens : à cela je réponds
d’abord , j’aurai toujours autant de combattans
que les autres -, mais quand je ferois réduit à
dix files , ce fera toujours affez pour donner à
ma colonne de îa folidité & de l’impulfion. Je
puis d’ailleurs alonger les flancs de ma formation
toutes les fois que je les trouve ^trop courts,
& que je crois que l’ennemi cherche A les gagner.
Je n’ai pour cela qu’à déboîter la moitié de ma
colonne , en pouffant en avant les quatre compagnies
du centre. Cette nouvelle tête ne fera
plus , il eft v ra i, que de feize files, mais j’aurai
doublé la longueur de mes flancs. Ma colonne
préfentera alors une efpècë d’échelon affez rel-
lembîant au coin des anciens. Peut-être trouvera
t-on cette dernière forme très-avantageufe
pour une attaqué, fur-tout fi l’on fortifie cette
fécondé tête en y portant une fe&ion de grenadiers.
Le vide que laifferont les pelotons déboîtés
fervira à placer les officiers fupérieurs, qui feront
là à portée de. tout voir, & de le faire entendre.
Je crois fermement, ajouté M. de Seguier, &
j’ofe dire que M. de Seguier ne croyoit point
légèrement, & qu’ il ne difoit /e crois que lorfqu’ il
étoit convaincu -, je crois , difôit donc M. de Seguier
, qu’une troupe airifi ordonnée pourroit
en. affronter une beaucoup plus nombieufê, qui
auroit la comptai fance de fe .tenir régulièrement
étendue , & faifant régulièrement feu. M. de
Seguier croyoit encore que cette dernière dif-
pofition eft très - favorable contre la'cavalerie :
il croyoit auffi que la 'colonne perpendiculaire
paffe avec autant de facilité que les- colonnes
tranfverfales de l’ordre étendu à l’ordre profond-,
il croyoit enfin que le méçanifme de cette
manoeuvre eft infiniment fimple. Nous ne décrirons
point ce méçanifme, il n’eft aucun militaire
qui ne puifle aifément ffuppléer à notre filence.'
Je n’entreprendrai pas de juger îa 'colonne de
M. de Seguier •, mais je puis dire fans fortir
de mon plan qu’elle offre à mes yeux plufiëurs
avantages qui manquent aux colonnes que nous
Art. Milit. Suppl, Tonie IV ,
formels. Combien ne ferois - je pas fatîsfâit, fi
en faifant cohnoître , par cet extrait, le travail
d’un homme pour qui j ’ai eu toujours le refpeci
le plus profond, & qui a mérité fi bien l’eftime
du public , en rem piaffant avec diftinétion fes
devoirs d’homme-, de citoyen, & de militaire,
j’avois fourni une' colonne préférable à celles qui
ont été employées julqu’à ce jour.
§. V I .
Des colonnes pour fervir d'appui aux ailes d'ans
dij'pojîtion.
Le général Lloyd & beaucoup d’ autres militaires
fairs pour entraîner nos luffrages , ayant
prouvé qu’il vaut mieux appuyer les ailes de Ion
armée fur des colonnes bien conftituées, que fur
des appuis naturels , voye[ notre article A iles,
nous allons examiner quelle doit êtrè la formation
de ces colonnes.
Un écrivain militaire à qui nous devons plu-
fieurs bons ouvrages fur l’art de la guérre,
M. de Turpin de Criffé prétend qu’on donne
communément trop de .front aux colonnes destinées
à couvrir les a îles d’ une armée , 8t il a
raifon : fi l’on daignoit réfléchir fur l’objet que
ces colonnes ont à remplir, on verroit qu’il fuf-
fit de leur donner douze files de front, & qu’on
pourroit même , comme le veut le maréchal de
Saxe , les réduire lans inconvénient à huit. Çe.
n’eft point contre l’ennemi qui attaque le front
-de l’armée que ces colonnes font deftinées, mais
contre celui qui veut la prendre en flanc:, ce
n’eft donc point'par leur front qu’elles doivent
combattre , mais c’eft par leur flanc , & par -conféquent c’eft leur flanc qu’on doit étendre.,
& leur front que l’on doit rétrécir. Ce que. je
dis des colonnes deftinées à couvrir la pointe
des ailes d’une armée , eft également applicable
& aux brigades que l’on place entre les deux
lignes de l’infanterie en bataille , & à celles qui
doivent couvrir de la cavalerie. Toutes ces colonnes
, pour produire l’effet qu’on attend d’efles,
doivent avoir plus de profondeur que de front.
C’eft principalement à ces colonnes qu’on devrait
donner la machine que nous avons décrite dans
le §. III de cet article-, l’effet en fer oit certain. !
§• V I I .
De la colonne pour Vattaque des lignes &
rétranchemens.
Une troupe formée fur trois de hauteur ne prut
efpérer ni de pénétrer dans les retrancherions que
l’énnemi açonftruits , ni de forcer les lign/s u’il
a élevées -, une pareille viéloi-re ne peut appartenir
qu’à des troupes foimées en colonne, mais
quelle doit être l’organifation de ces colonnes *