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ou par le fubdélcgué de l’intendant *, ils doivent
attefter que l’officier a en effet pris les eaux.
Les commandans des places doivent certifier a
la cour, le lendemain du jour où les conges finiffent,
l’arrivée des officiers qui en avoient obtenu.
Les jeunes gens qui vouloient jadis obtenir un
emploi d’officier étoient obligés de produire un fcer-
t i f ic a t de nobleffe , figné par quatre gentilshommes.
C’eft: aujourd’hui le c e r t i f i c a t du généalogifte de
la cour qu’ils doivent produire -, avant peu ils ne
devront produire fans doute qu’un c e r t i f i c a t d’inf-
truclion, de vertu 8c de mérite.
On peut faire fur la plupart «fe ces différens
c e r t i f i c a t s une obfervation généralè , c’eft que
la co'mplaifance les .di&e plus fou vent que la
vérité. Peu de gens fie, font , en effet, une
délicateffe de ligner des faux de cette efpèce :
celui-ci fie laiffe entraîner par la crainte , celui-
là par le délir d’obliger un homme qu’il connoît
ou qu’il aime , cet autre par la pitié ou par une
molle condefcend^nce , un quatrième par l’intérêt
-, ce dernier eft très-coupable , mais ceux-là
ne font -point innecens. Les perfonnes qui fignent
un faux -c e r t i f i c a t ne voient point que leur conduite
eft toujours très-répréhenfible & quelquefois
très-criminelle : répréhenfible , puifqu’elle
donne au menfonge les apparences dè la vérité-,
criminelle , puifqu’elle - eft la fource d’injuftices
criantes & nuiftbles à la fociéto : ils ne voient
pas qu’ils infpirent aux -adminiftrateurs ufle
méfiance qui jette dans les affaires beaucoup
d’incertitude , d’ irréfolution : ils ne voient pas
qu’ils font caufe que le mireiftre accorde à
un homme qui en étoit indigne , une grâce
qu’il reïufie à celui qui la méritoit -, qu’il donne
fa retraite à tel officier qui fait femblant de ne
pouvoir continuer fes Services , & qu’il larefufe
à tel autre qui eft accablé fous le poids de l’âge
& des infirmités ', qu’il accorde un congé à tel
officier qui ne veut que fuivre fes plaifirs , & qu’il
le refufe a -tel autre qui en a un befoin réel,
foit pour rétablir fa lamé délabrée , foit pour
démêler dés affaires do-meftiques que fon abfence
embrouillera encore davantage. Ceux qui donnent
des c e r tific a ts dans lefquels la vérité eft mafquée
ou feulement déguifee , ne voient point fans
doute tout cela, ils ne s’aperçoivent point non
plus qu’ils l'ont caufe- que le public confond
fouvent l’officier qui a fervi l’état en digne militaire
, avec celui qui ne l’a que fervi ; ils né
voient point enfin qu’en atteftant une feule
fois des choies fauffes , affoiblies ou 'exagérées,
ils s’expofent à voir leur -fignature perdre de Ion
poids. & leur honneur de fon luftre. C’eft l’intérêt
particulier qui a introduit ce relâchement
devenu prefque général , c’eft à l’intérêt public
à le bannir : il eft temps que le gouvernement
falîè quelque grand -exemple -, qu’il puniffe avec
févérit4 te premier homme qui aura figné, je ne
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dîl pas un c e r t i f i c a t où la vérité fera totalement
cachée , mais où elle fera feulement obfcurcie :
là où les moeurs ne font plus écoutées, il faut
bien que les loix fe montrent armées de glaives
8c de fouets vengeurs.
CHAINE. (Punition militaire.) Depuis le
moment où Louis XIV cédant aux inftances de
quelques courtilans cruels ou peu inftruits , eût
ligné la loi qui condamnoit à la peine de
mort les délèrteurs , que ce prince nommoit avec
raifon des h om m e s , les écrivains phîiofophes &
la plupart des militaires demandoient que cette
loi fût révoquée & remplacée par une autre
moins cruelle, plus efficace , tic fur-tout plus
utile à l’état: les raifon s qu’on apportoit en faveur
de ce changement ont été, malgré leur force ,
plus de cent ans fans effet', tant il faut de temps
à la vérité pourfe faire reconnoître, & fur-tout
par les princes ', tant il eft vrai qu’on ne doit
jamais fe laffer de la dire, de' la répéter -, tant
il eft vrai qu’il faut la pré lent er fans celle & fous
toutes les formes aux peuples & -à leurs chefs.
Une loi promulguée le 12, feptembte 177$ mit
enfin un terme aux juftes 8c fages réclamations
des philofophes & des militaires fenfés. Cette
loi fupprima la peiné de mort contre les déferteurs,
& établit une c h a în e à laquelle ils dévoient être
attachés pendant un temps proportionné à la gravité
de leur crime.
Cette loi fit naître , lors de fa promulgation ,
un enthoufiafme qui fut v if, mais peu durable -,
cela devoit être ainfi : le difpofitif général en étoit
bon 8c les détails mauvais. Auffi cette loi fut-elle
bientôt révoquée. Nous ne rappellerons point ici
tous les vices de cette loi , ils ont été préféntés
dans Partie. D ésertion & D éser teu r : il en eft un
qui étant plus grand que tous les autres doit
être dénoncé encore une fois : on ne longea
point à rendre utiles à la fociété les hommes
qui étoient convaincus d’avoir violé le contrat
qu’ils avoiejit paffé avec elle.
Au lieu de renfermer dans des bagnes obfcurs
les hommes qui pour crime de défertion avoient
été condamnés à ia c h a în e ; au lieu de les condamner
à une ^angereufe oifiveté •, au lieu de les
deftiner à réparer les fortifications de nos villes
de guerre , ce qui étoit plutôt l’ouvrage de l’art
que celui de la force ; au lieu de les deftiner à
travailler pour les particuliers , ce qui n’étoit-admil-
fible. fous aucun point de vue , il falloit les deftiner
à la confeâiorï de nos grands travaux publics :
il falloit les employer à élargir , débarrafl’er ou
creufer le lit de nos grandes 8c petites rivières ;
il falloit les employer à former des canaux de
communication dans les portions du royaume qui
font privées de grandes rivières -, il falloir les
employer à nous tracer de bons chemins au traders
-des hautes montagnes qui divilènt nos provinces :
fi l’on eût pris ce parti fiage , les défie rieurs
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aurb’ eôt dédommagé l’état des pertes qu’ils lui
avoient fait éprouver , 8c nous n’aurions point
été fo r c é s dé recourir à une efpèce de punition
auffi impolitique , auffi inluffifante 8c auffi antimilitaire
que celle qui eft aujourd’hui en ufage.
V o y e^ B a g u e t te s . Rien n’étoit plus fimple ,
plus facile. Nous effayerons de le prouver dans
l’article P ionniers.
C haîne d’o r . ( Récompenfe militaire. ) On
a fait fouvent ufage en France des ch a în e s d 'o r
pour récompenfer les guerriers qui avoient montré
une valeur éclatante, ou un défir véhément de
rendre à la patrie des fervices fignalés.
Pendant que la chevalerie- fut en honneur , le
plus brave combattant de chaque journée recevoit
une ch à în e d yo r qu’il avoit le droit de porter au
cou •, le nombre des chaînons de cette c h a în e
étoit proportionné au mérite des a étions que les
chevaliers avoient faites.
Louis XI donna , après la prife du Quefnoi,
une c h a în e cPor de la valeur de cinq cents écus ,
qu’il portoit lui-même à fon cou, au brave Raoul
de Lannoy , qui s’étoit diftingué pendant l’affaut,
& il y ajouta ces paroles flatteufes-: P a r la p â q u e -
D i e u , m o n am i , v o u s ê te s trop f u r i e u x e n un
c o m b a t , i l f a u t v o u s e n c h a în e r , c a r j e n e v e u x
p o i n t v o u s p e r d r e , d é f ita n t m e f e r v i r d e v o u s p lu s
d u n e f o i s .
Charles-Quint fit fouvent ufage des c h a în e s
d o r , foit pour couronner la valeur guerrière ,
foit pour la faire naître.
Le maréchal de la Vieilleville diftribua des
c h a în e s d 'o r aux principaux chefs des allemands
qui avoient fervi fous fes ordres ', à chacune de
ces c h a în e s pendoit un médaillon qui portoit
l ’empreinte de la figure du roi. *
Le prince de Condé n’ayant point d’ordre du
chevalerie à donner à M. de Schömberg , qui
s’étant jeté un des premiers dans la feine, avoit
chargé les ennémis & leur avoit enlevé un
drapeau , lui mit au coii , en préfence de toute
l’armée , une c h a în e d 9o r du poids de deux cents
écus. 1 -
On trouve dans les mémoires de Boivin du
iVillars, le récit d’un fait relatif aux c h a în e s d 'o r
diftribuées comme récompenfe , qui , par cela
même , mérite d’être tranferit ici , 8c parce qu’il
préfente quelques autres inftruélions utiles aux
militaires. « Le marefchal de Briffac veut donner
l’affaut à la ville de Vignal , il a défendu que
jperfonne ne bouge de fort rang avant qu’on
ait donné le 'lignai de l’attaque -, tandis qu’il
différait le fignal , un baftard de baftard de la
maifon de Boiffy , qui étoit dans les bandes
françoifés , partit de la première troupe , &
lharquebufe au poing, marcha d’une contenance
fort affurée droit à la brefehe , où arrivant, il
jira fon coup, & puis mettant l’épée au poing,
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combattit fur la brefehe fi bien s raie de la
garde de Dieu ; qu’il ne fut point bleffé. S e s
compagnons voyans le jeu, partent auffi tous
de furie droit à la brefehe, fans attendre le
fignal. Quoi voyant le maréchal , criant 8c
tempeftant, il fit donner le fignal , afin que
tout à coup l’affaut fe donnaft , comme il fit ,
par deux endroits , par les autres ; s’il bien
îoufteniie par ceux de dedans l’efpace d’une bonne
heure, les noftres n’affaillirent pas de moindre
courage ; de manière que voyans approcher
leurs compagnons qui venoient à leur aide ,
ils firent tout à coup une grande huée 9 &
donnèrent fi furieufement dedans , comme à
corps perdu ,. qu’ils forcèrent la brefehe , par.
une rage tuant tout ce qui fe trouva., jufqueS-
au riombre de douze cens hommes. Tout achevé,
le marefchal fit affemb 1er l’armée en pleine campagne
, à laquelle il fit cette courte repréfen-
fion : mes compagnons & mes. amis , j’eftime
cette journée malheureufe , en laquelle je vous
ai vu violer les commandemens de votre chef
8c la même difeipline militaire que vous aviez
juiqu’à cejourd’hui religieufemént obfervée ;
le combat que vous avez rendu à la prinfe de
cette place ( ores que vaillant & généreux ) ne
fauroit vous exeufer ni exempter de la peine
capitale que vous avez encourue, & de laquelle
je vous ferais fentir la peine , fans la prière
que tous c es princes & feigneurs m’en ont fait ,
m’affeurant que vous laverez ci-après cette fi
orde tache par quelque généreufe aétion à la
gloire du rai 8c à l’expiation de. votre défobéif-
i’ançe , que j’en demeurerai content ; & là deflus ,
failant femblant d’admirer la valeur de celui
qui étoit allé à la brefehe fans commandement
, promit de lui faire du bien s’il lé.
recognoiffoit. Cette amorce priait fi bien feu
que le pauvre Boiffy fe vint préfenter par la
main de fon capitaine. Soudain le marefchal ,
au lieu de le' récompenfer , le fit mettre es
mains du prévôt , lui en recommandant la
garde au prix de fa vie , de le mener toujours
à la fuite de l’armée , fi bien garotté qu’il n’éf-
chappaft. Cela étant fait , il fit prendre par
roolle le nom de tous ceux qui avoient conquis
les treize drapeaux de ces pauvres Napolitains
, à tous lefquels eftant arrivés à Thu-
rin , il donna une c h a i fn e d 'o r de cent efeus ,
ayant un ëeuffan en ovalle au bout , ' avec
Cette infeription : D o n u m C a r o l i C o j f è i , o b
f ig n um m i l it a r e in c ru e n tâ V ig n a l i s e x p u g n a t io n e
captu,m . Par cefte libéralité & faveur invitant
| un chacun à courageufement entreprendre toutes
les plus hafardeufes entreprinfes, telle qu’avoit
éfté cefte-ci : à laquelle nous ne perdifmes que
foixartte hommes & trois canonniers. Quinze
jours après fon retour à Thurin, plufieurs feî-
gneurs le prefsèrent de délivrer Boiffy : mais,
au lieu ae ce fiûre 3 il fie appeler au conléij
' ï s