
batterie de canon à fleur d’eau, féparée des trois
autres par un petit foffé , de manière à pouvoir
faire ufage des trois autres batteries tant que le
baftion intérieur ne feroit pas pris.
Mais ce baftion intérieur lui - même auroit
d’afiez grandes difficultés à oppofer à ceux qui
auroient à s’en rendre maîtres ; on ne pourroit
l’ouvrir que par une batterie placée fur la face
du grand baftion , ou baftion extérieur > cette
batterie ainfï que le logement deftiné à la fou-
tenir, feroit battue à bout touchant par le parapet
pratiqué en retour pou- défendre la face du
baftion intérieur, & l’affiégé en débouchant de
cette pièce, comme il en a la facilité, attaquerait
auffi fouvetit qu’ il le voudrait & ce logement
& cette batterie en brèche ;laffiégeant n’y ferait
jamais tranquille. On fait bien qu’en multipliant
le nombre de canons à établir fur ce baftion
extérieur, l’ennemi peut battre à la fois & la
face du baftion intérieur & le flanc en retour
qui le défend , & qu’à force de coups il parviendra
à renverfer l’un & l’ autre ; c’eft le feul
parti qu’il a à prendre ; mais il en coûte du tems,
des hommes , des munitions , & il n’ y a, rien à
dépenfer en ce genre dans l’attaque des baftions
ordinaires \ il n’y a feulement pas de nouvelles
batteries à établir fur le haut du baftion, puif-
u’ il n’ eft point d’ufage d’en retrancher la gorge j
èsque la brèche eft praticable, il faut capituler j
o u , ce n’eft plus de même, & ce ne fera qu’après
des pertes confidérables qu’on parviendra à fe
loger fur le baftion intérieur > ce qui ne fuffira
pas encore pour obliger l’ennemi à capituler, fi
la gorge du baftion fe trouve retranchée , comme
on l’a fuppofée ici , & ce fera encore une nouvelle
batterie à établir fur ce' dernier rempart
pour battre en brèche & ouvrir la dernière
enceinte.
D’où l’on voit que ce fyftême ainfï arrangé ,
fourniroit en dédans du rempart jie la place ,
une défenfe très-sûre pour l’affiégé & très embar-
raflantepour l’affiégeant ; ce qui prouve en même
tems combien peu ily auroit à ajouter au fyftême
du comte de Pagan pour le rendre fufceptible
de la plus vigoureufe défenfe. : & fi l ’on veut
donner à fa demi-lune & au réduit l’étendue pro-
pofée par le général, & pratiquer une lunette
dans la place, d’armes, tout le front fera parfaitement
couvert. Il
Il eft probable que le baron de Cohorn avoit
fenti tous ces avantages, puifque Ton premier
üinc n’ eft proprement que le fyftême du comte
de Pagan, habillé à fa manière & avec beaucoup
de génie & furtout beaucoup moins de dépenfes ;
on 'aitque plulieursingénieurs habiles, ne ve ulent
pas'èftimer 1rs remparts non revêtus. Ils'allèguent
contre ceux qui ne font qu’ert terre, un entretien ,
annuel qu’ ils repréfentent comme fort onéreux,
en le comparant à leurs remparts revêtus, qu’on
peut oublier des vingt & trente années j mais
en ne comptant pour tien l’exceffive dépenfe de
la conftruétion première, ont ils affez confidéré
ce que cbûte l’entretien de ces mêmes maçonneries
depuis le moment où elles commencent
à en avoir befoin, jufqu’à celui de leur deftruc-
tion ? Ont-ils fait affez d’attention à la difficulté
d’obtenir des fonds fuffifans pour des réparations
auflicoûteufes ? Et l’exemple de toutes nos places
qui tombent en ruines ae tous les côtés par
l’impuiffance où l’Etat fe trouve , de fournir à
des entretiens auffi confidérables, ne devroit-il
pas feul décider la queftion & leur faire adopter
la méthode de ne faire que des remparts de
terre , partout où tous ceux revêtus ne font pas
de premièrenéceffitéj les réparations que peuvent
exiger tous les ans les taluts des terres d’un
rempart , font un fi petit objet, qu’il eft facile
de les affurer pour chaque année par des arran-
gemens permanens pris fur les lieux mêmes avec
les corps des villes, & c . Toutes les villes conf-
truites en Hollande de cette manière font entretenues
au moyen d’une très - petite dépenfe
annuelle.
Mais le meilleurs de tous les fyflêmes, qui ne
tirent leur défenfe que du haut de leurs remparts,
que deviennent-ils aujourd’hui devan«- cette formidable
artillerie dirigée avec tant d’art ? devant
ces mille & mille bombes tirées avec tant de
jufteffe ? rien , on peut le dire. Un mois, trois
femaines de tranchée ouverte, quelquefois moins
pour les places à fimple enceinte , -fiiffifent pour
prendre une ville de guerre & toute la province
qu’elle doit couvrir. Le maréchal deVauban
lui- même en a fourni un grand nombre de preuves ;
mais en faifant le mal, il a laiffé à la poftérité
le foin d’y apporter le remède j quelqu’il foit il
ne peut être admis que fous deux conditions :
l’une qu’il ne fera pas plus cher, & l'autre qu’il
n’exigera pas de plus fortes garnifons que les
méthodes anciennes, car c’eft en ce point que gît
la plus grande difficulté> diminuer donc la dépenfe
& le nombre d’hommes en augmentant la
fo rc e , c’eft: l’énoncé du problème qui eft à
réfoudre.
Le général Montalembert, pour prouver l’avantage
de fon fyftême & combien il eft convaincu
d’avoir réfolu le problème précédent de la maniéré
la plus avancageufe , fait l’attaque d’un fort fortifié, félon fa méthode. , fuivant les règles en
ufage actuellement > une planche eft deftinée au
tracé des attaques , on ÿ voit les batteries à ricochet de l’ affié géant placées füivant T ufage , attaquées par les battèries càfematées du fort
avec' uiî teTaVantagé', tant pour , lé „nombre que
pour la sûreté.du' f e r v î ç e que. l’établifleaient
en eft ùéuroncrë impoffiblê'. " '
F O R
Ce plan d’attaque étoit néceffaire ( dit l ’auteur ) Artillerie.
afin de fixer les idées fur ce qui fe peut ou ne
fe peut pas. On eft dans l’habitude de voir l’affié-
geant réuflir dans tout ce qu’il entreprend contre
l’affiégé i de-là on juge que ce fera toujours de
même. On dit , fans aucun examen , les batteries
a ricochet renverseront tous ces murs ,* ce n’ eft donc
qu’en mettant à leur pofition , ces batteries def-
quelles on attend tant d'effet, qu'on peut rendre
fenfible leur infuffifance, vis-à-vis d’une telle
manière de fortifier j comment les établir fous
un pareil feu ? mais fi l’affiégeant vouloir l’entreprendre
, le commandant de la place n’auroit
point de meilleur parti à prendre , que celui de
le laiffer faire , & de ne pas tirer un coup que
toutes les pièces ne fuffent en batterie , afin d'en
brifer tous les affûts i ce qui feroit exécuté en
un quart-d'heure, & il en feroit de même de
toutes celles qu’on y ameneroit pour les remplacer
: tout ce qu’on voudroit objeéter du danger
des éclats de pierres dans les embrâfures pratiquées
dans les murail es , quand il le feroit tel
qu’on le repréfente, n’eft point appliquable ic i, où
1 on ne peut ni ajufter , ni même fervir le canon
fous un feu auffi multiplié > d’où il fuit que les
éclats de pierres , ni les boulets même ne font
point à craindre, c ’eft en quoi la grande fupé-
riorité de l’artillerie d’une place eft bien d ’un
autre mérite que l’épaiffeur de fes murailles. On
ne peut abattre un mur , contre lequel on ne
peut tirer j & dès qu’ il eft impoffible ici de prétendre
que l’artillerie de l’affiégeant puiffe être
mife en aéfcivité , il feroit abfurde d'alléguer des
deftruétions d’embrâfures & des éclats de pierres ,
d’alléguer enfin des fuppofitions arbitraires contre
des effets certains. Au refte , la planche XXIIe
du troifième volume répond à tout.
Ce chapitre eft terminé par des réflexions
fur la ville de Malte, une des plus fortes de
l’Europe.
Après tant de moyens infaillibles indiqués pour
affurer la fupériorité à la défenfe fur l’attaque,
le général Montalembert infatiable , pour ainfï
parler, de rendre fes découvertes toujours plus
viftorieufes , préfente encore une nouvelle forme
de rempart., qui peut avoir du. mérite par fa
force & fa fimplicité , ce font des murs cafe-
matës formant l’enceinte de la ville ; c’eft encore
une application des effets des batteries cafematées
dominans fur tous les terreins environnans. Ce
font ici véritablement, dit l’auteur, les murailles
des anciens fous une autre forme , affujetties à
des tracés différens & rendues capables d’ une :
défenfe infiniment plus avantageuf. 3 c’eft enfin
une manière toute autre que celle précédemment
employée j. elle eft développée dans la vue d’étendre
les idées & de donner lieu à en faire naître j
d’autres. Ce n’ eft qu’>en reculant les bornes de
1 art qu'on peut en augmenter le degré d’utilité, j
Il n’étoit pas à préfumer , que le génie du général
Montalembert, après avoir fait des découvertes
auffi heureufes pour affurer une plus longue
défenfe aux places de guerre , puffe refter inaétif
en confîdéranttouteslesimperfeélionsdescanons,
de leurs affûts & des embrâfures. Auffi après avoir
donné fes méthodes de fortifier les places il en
propofe de relatives à l’artillerie, cette partie
ayant un befoin auffi très-réel d’être foumife à
dès changemens avantageux , de la conftruction
des affûts & de celle des embrâfures dépend,
le plus ou le moins de fuccès de ce moyen
défenfif, le plus puiffant de tous. L’artillerie ,
dit le général , tient le premier rang dans la
défenfe des places , il faut la perfectionner pour
rendre leur défenfe meilleure , & ce n’eft qu’en
perfectionnant les affûts & les embrâfures qu’on
peut en multiplier les effets (1).
Le principe de la grande mobilité dans tous
les fens doit être appliqué aux plus gros calibres
comme aux plus petits , en affujettiffhnt ces derniers
de manière à ce qu’ils gardent leur même
direction pendant l’exécution j on fait combien
les pièces de petits calibres, & furtout les nouvelles
pièces pièces de bataille s’en écartent. L’on
fait tous les inconvéniens qui réfultent du recul
confidérable de ces fortes de pièces. La méthode
du général y remédie entièrement, une feule
& même conftruCtion remplit tous ces objets.
Les affûts de côte , de place, de fiéges & de
campagne ou de bataille ne diffèrent que dans
les proportions des bois qui doivent néceffaire-
ment fuivre celle des calibres, tandis que dans
l ’artillerie aCtuelle il exifte quatre efpèces d’affûts
différens & même cinq en comptant l’affût marin.
L’habitude feule peut faire regarder avec indifférence
, les inconvéniens multipliés de tous les
affûts employés dans les places de guerre, dans
les fiéges , dans les armées & fur les vaiffeaux ;
car l ’habitude naturalife toutes les idées, elle
établit en principe les erreurs les plus évidentes,
& fait des fanatiques de ces erreurs j a’ors on
fe difpute ; mais ©11 ne veut ni fe rendre ni fe
convaincre.
C ’eft l'artillerie qui prend les places j c’eft
a l’artillerie à les défendre 5 il faut des empîa-
cemens où elle puiffe être confervée.
(1) Ici le général fe borne aux affûts, ne voulant
poinc entrer en lice fur la queftion tant & fi longuement
débattue , de favoir s’il faut préférer l ’ancienne
artillerie, plus pefante, plus longue, & portant
fon boulet à de plus grandes diftanees , à la nouvelle
plus courte , plus légère , & dont les portées
font moindres.