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féquence il prit le parti de pafler la Meule 3 &
d’aller fe potfer.auprès du comte de Naflau, pour
obferver fa conduite. Nalfau furpris , mit fon
armée en bataille , & peu s’’en fallut que les deux
armées de l’empereur ne combattiffent l’une contre
l ’autre 5 mais il en réfulta toujours pour Bayard ,
que fa place fut ravitaillée au moyen du décampement
de Sickenghen, qui laiffa le paflage de la
Meufe libre.
La bataille d’Oudenarde eft un exemple frappant
de la méfintelligence entre les généraux. Si
le duc de Bourgogne & le duc de Vendôme ne
s’étoient pas contrarie's mutuellement, il eft certain
que les alliés auroient été complètement défaits.
MILICE. Malheur au pays où l’on fera quelque
cas de la liberté & où l’on voudra la conferver , fi
Ton y ftipendie des foldats mercenaires, & fi on
les retient continuellement fous les drapeaux ! Ils
feront néceflairement les défenfeurs de la tyrannie
, & les exécuteurs aveugles & cruels de la
volonté abfolue du tyran ; ils feront toujours le
bras, le reflort , la bafe , la raifon feule & la plus
puiflante du defpotifme.
La force militaire permanente détruit jufqu’à
l’apparence de la fociété civile $ elle enfevelit
jufqu’au nom de liberté : i$us elle le citoyen ne
.peut, ni faire, ni dire, ni écouter, ni penfer
.des chofes juftes & vertueufes , relativement au
fyftème politique, fans être expofé à la férocité
& à l’ infoience de ces fatelîites, toujours prêts à
exécuter les ordres de leur maître , & toujours
plus intrépides contre leur patrie , què contre
l’ennemi.
C ’eft un autre état dans l’état lui-même, un
£orps ayant des opinions & des intérêts divers ,
en tout contraires à ceux de l’état & à la conservation
de la tranquillité civile. Attachés au fouve-
rain , qui eft cenfé les nourrir & flatter leur pa-
refle orgueilleufe les foldats ont néceflairement
intérêt d’opprimer les peuples 5 car plus il les oppriment,
plus ils font? confédérés, redoutés & né-
eeflaires. N’ eft-ce pas pour les tenir fur pied, qu’on
lève la très-grande majorité des impôts ? Ne font-
ils pas les inftrumens oppreffeurs dont on fe fert
pour lever ces mêmes contributions ? N’eft-ce pas
la trop grande quantité d’impôts & la manière
dont on les lève , qui occafionnent les maux les
plus a&ifs & les plus nombreux de la fociété , les
incarcérations, les faifies, les mauvais traitemens,
les expropriations ? &c. &c.
A peine les. foldats Ont-ils endofle la livrée de
leur fervitude , qu’ils fe hâtent de fe dépouiller
du nom d’habitant de la campagne, & de mépri-
ler leurs égaux, qu’ils regardent comme beaucoup
au deffous d’eux j & ce qui doit les encourager à
cette infolepce, c’ eft la lâcheté des cultivateurs,
q u i, fous le defpotifme, ont la baflèffe de fouffrir
que çette canaille armée ofe les méprifer , les ou- j
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trager & les dépouiller, tandis que, s’ ils vou*
Ioient réfléchir un inftant fur l’étendue de leur
force , ils s’appercevroient qu’étant mille contre
un, ils font véritablement les plus forts, & qu’il
ne dépend que d’eux de détruire dans un inftant dé
pareils oppreffeurs, d’autant plus facilement en-
; core , que , dans le fyftème de guerre moderne,
tout dépendant de l’argent & des fubfiftances,
refufer l’impôt & couper les vivres aux troupes,
fans même s’expofer à les attaquer corps à corps,
font deux moyens infaillibles de faire bien vîte
terminer la guerre en faveur du plus grand nombre
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oyen d’autanrplus néceflaire à faire connoître
au peuple ami de fa liberté , que ce fera lui en
aflùrer la pofîèffion & la durée , n’ayant aucune
crainte de la perdre dès l’ inftant où l’ armée ne
fera plus permanente ; car dès-lors, ou le ci-
, toyen devenu foldat paflera à peine deux mois
: chaque année fous les drapeaux 5 dès-lors, ou il
fera forcé de revenir à fa charrue, aux arts, ou à
fes habitudes fociales ; enfin, à être citoyen la
très-grande majorité du tems, ou par devoir il
fera attaché au fervice, ou le defpotifme perdra fes
foutiens, & la liberté verra augmenter fes profé-
lytes & fes défenfeurs.
Dès-lors , plus de ces hommes nourris & entretenus
des Tueurs & des jeûnes du peuple, qui font
toujours prêts à en boire le fang au premier lignai
de leur maître.
Dès-lors on n’ accorderoit pas la fupériorité au
militaire fur le pouvoir civil.
Dès-lors un citoyen ne prendroît plus les armes
que pour défendre fa patrie , & ne fe foumettroit
plus à exécuter les décrets d’une puifl’ance injufte,
contre fon p ère, fes frères, fes parens & fes
amis.
O vous ! brave» défenfeurs de la patrie , qui
avez accumulé une fi grande quantité d’aétes d’hé-
roïfme, de courage, de vertus pour établir parmi
nous la liberté , confervez le caractère qui vous
convient, rendez toujours plus refpeétable l’habit
que vous portez ; & fi vous êtes encore obligés
ae prendre les armes pour défendre votre patrie
ou affurer fa tranquillité, que ce foit fur'vos
foyers que vous attendiez le moment où il faudra
marcher contre l’ennemi j que là vous vous
exerciez à manier quelquefois ces armes que vous
avez fi glorieufement portées 5 que vous inftrui-
fiez même les jeunes citoyens qui font deftinés
à vous remplacer, mais que vous foyez bien
plus occupés encore à remplir tous les devoirs de
citoyen, & à donner à vos amis, à vos parens,
à vos enfans même, l’ exemple fi précieux de votre
refpedtpour les lo is , & de votre amour pour la
liberté.
MILITAIRE (A r t ). Au mot Art militaire
, que l’on trouve dans le premier volume
de ee Dictionnaire, l’auteur s’eft borné à faire voir
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que cet art devoir faire les plus grands progrès,
d'abord dans les républiques, enfuite dans les
monarchies, & qu’il devoit relier inconnu dans
les gouvernemens defpotiques & chez les peuples
fauvages , & il s’eft appuyé dans cette opinion,
par les progrès de l’art militaire dans les républiques
grecques & romaine, chez lefquelles les
modernes fe font empreffés de prendre les principes
de cet art deftruéteur j cependant, à confi-
dérer les chofes, non pas dans ce qu’ elles ont
été, mais dans ce qu'elles devroient être, ce fe-
roit dans les républiques où l'on devroit le moins
mettre en pratique cet art ,'le plus grand fléau de
l’humanité, l’ennemi de toutes les joui fiances, de
toutes les propriétés, de la tranquillité & de la
fureté des individus, & qui ne s’occupe que de
ravages, de deftruftion & de mort.
Quant aux monarchies, la guerre eft un jeu ( dit
un des premiers poètes modernes de l’Angleterre )
ou lés rois ne joueroient pas f i les peuples étoient plus
fages ; mais cette partie du peuple, qui eft fpec-
tatrice paflive de ces jeux, eft trop éloignée du
théâtre des maux qu’ ils caufent, pour recevoir
l'infpiration féditieufe du poète. D’après les fuccès
ou les revers de la campagne, elle la regarde comme
un bonheur ou comme un mal néceflaire j elle
paie les taxes, quelles que foient les^ formes fous
lefquelles on les lui offre j applaudit à la vigilance
de fes gouvernans, qui l ’arrachent des griffes de
l’athéifme & de la démence démocratique, &
dort ignorant les horreurs qu’entretient Ion iné-
puîfable libéralité.
Mais à l’égard des inftrumens de la colère ou de
l’ambition des princes, la fcène change. Arraché à fa
famille, dont il étoit peut-être l’unique foutien, le
jeune payfan, qui ne connoît que les maux de cette
fociété dans laquelle Dieu & la Nature lui avoient
donné une part égale à celle de fes oppreffeurs ,
fe trouve l’aêteur principal, dans cette fanglante
tragédie , pour foutenir une caufe que probablement
il ne connoît pas, ou qu’il ne connoît que
pour la détefter : ces malheureux efclaves , car
ç’eft une ironie de les nommer fujets, commencent
néanmoins , dit-on, à foupçonner que la
guerre eft un jeu dont il peut être injufte de leur
faire payer tous les frais.
« Les écrivains français & étrangers ( dit Mlle.
39 Williams dans fon Àpperfu de l'état des moeurs
33 6* des opinions de la république françaife a la fin
33 du dix-huitiéme fiécle j amufent le public avec
33 leurs effais fur les progrès des lumières, des
33 connoifîances & le terme prochain de la perfec-
13 tibilité de l’efpèce humaine. Combien l’emploi
» de cette éloquence feroit plus utile aux hom-
» mes, s’ils vouloient la diriger contre le génie
33 malfaifant de la guerre, partout où ils le dé-
33 couvriroient, arrachant cet impitoyable monftre
33 de fa retraite , où , tranquillement aflis , il ru-
33 git de joie fur les calamités qu’ il répand fur la
93 terre, ou bien s’ ils attachoiem cet odieux en-
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» nemi avec une chaîne d’acier, & , le traînant
»3 au fommet de ces abîmes fourcilleux qu’il ap-1
» prit à gravir, le précipitoient fans remords
m dans le fond des abîmes ! Perfectionner le
» genre humain eft fans doute une entreprife auffi
33 grande que belle ; mais ceux qui nous délivrera
roient de cette affreufe & primitive malédiction
» de la guerre , auroient un plus beau droit en-
» core à la gloire & à l’immortalité.
33 Quelle harmonie ! quels doux fons ne por-
» tent. pas à l ’oreille de l’humanité les nouvelles
33 agréables d’un armiftice avant - coureur de la
« paix ! Comme le coeur s’exhale devant cette
»» heureufe perfpeCtive ! La penfée eft foulagée
» d’une oppreflion pour ainfi dire phyfique. J i-
33 gnore s’il fe trouve quelque chofe de vrai dans
»3 la doCtrine de ces arides métaphyficiens, qui
33 nous aflùrent que la guerre eft un état de Na-
33 ture. En admettant ce principe, on ne doit pas'
33 être furpris que nous l’abandonnions fi promp-
» tement, & que nous cherchions à errer loin de
33 l ’influence de cette divinité malfaifante. Je me
« plais néanmoins à croire que cette philofophie
33 eft faufle, que ce péché originel, qui remplit
m le monde de gens qui s’ afîaflinent les uns les
» autres dans des combats qu’on nomme guerre ,
» pour des hommes appelés princes, eft le détef-
» table dogme que le monde ne tardera pas à ou-
33 blier. Gardons-nous de penfer ainfi de la Na-
33 ture ; elle eft bonne, bienfaifante : la paix eft
33 l’objet de fes voeux, & ce n’eft qu’à la naif-
33 fance de la fociété, lorfque fes devoirs ne font
» pas encbre connus , ou dans fon déclin , lorf-
>» que les principes qui anobliflent l’homme ,
33 font pervertis, que nous voyons faire ces effais
;33 fur leur bonheur, effais funeftes que les philo-
33 fophes s’efforcent d’expliquer en les appelant
33 naturels.
33 Si nous accueillons avec plaifir l’heureufe ef-
33 pérance de la paix, nous qui, à l’abri des tem-
y pètes de la guerre, ne connoiflons fes ravages
!33 que par la voie des gazettes qu’on lit froide-
33 ment en prenant à loffir le the ou le café ; fî
;»3 nous écoutons avec calme le récit des batailles,
33 de villages réduits en cendres , de villes aban-
!93 données, de cités affamées, d’armées détruites ;
!33 fi nous , à qui le détail de ces événemens eft
33 caché par la diftance, dont les oreilles ne font
33 pas déchirées par les cris de la v euv e , dont
I3* les yeux ne deviennent pas humides à la vue
» de l’orphelin 5 fi nous éprouvons pourtant un
» véritable plàifir en Tachant que la furie de la
I33 guerre eft enchaînée, qu’on accorde un répit
33 à l’humanité gémiflante , quels doivent être
I” les tranfports de ceux qui font les aêleüfs où
33 les viétimes de ces fcènes cruelles ? dé ceux
fù qui font chargés du cruel devoir de pénétrer
! 33 dans un é ta t , de le ravager, de le détruire, ou
:33 des peuples dont l’affreux partage eft d’Bfee
:33 vaincus, ravagés & détruits ?