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i°. Punir modérément, mais irrémiftiblément
chaque fautes
i°. Proportionner exactement la punition à la
faute ;
3°. N'ufer de punitions flétriffantes qu'à l'égard
des hommes que Ton chaffe, & joindre alors la plus
grande rigueur à la plus grande ignominie , pour
rendre l'exemple terrible & falutaire j
4°- Enfin, fi la difcipline fe relâche dans les
claffes inférieures, porter l'oeil & la main fur les
claffes qui font au deifus, parce que c’eft là qu'exifte
la première & la grande caufe du mal.
v On ne voit aucun inconvénient aux falles de difcipline,
dès que leprifonnier fort pour fon fervice,
pour les exercices, pour les corvées, & que,
le tenant toujours fous la punition, on lui donne
encore plus de mouvement que s'il étoit en pleine
liberté. On defireroit feulement que chaque pri-'
fonnier eût fa cellule, où il feroit feul, & que
dans toutes les heures qui ne feroientpas deftinées
à un fervice ou à un travail extérieur, ou en
commun , il fût occupé à. quelques travaux.
On peut aufli punir le foldat en le chargeant de
fufils, en le mettant au piquet : cela l'humilie fans
le déshonorer, le public n'ayant pas attaché
l'infamie à ces punitions militaires, comme aux
châtimens des coups que , dans tous les pays civi-
lifés, lesefclaves & les criminels ont partagés feuls
avec les animaux.
Ainfi, après avoir mis fous les yeux des lecteurs
les différentes opinions fur la manière dont on de-
vroit punir les foldats français, nous les avons mis
à même de juger quel feroit le parti le plus fàge
que l'on devroit prendre à ce fujet, & d'aider le
gouvernement, en l'éclairant de leurs lumières &
l’aidant de leur opinion, à fe décider de faire un
nouveau code pénal militaire mieux approprié
aux circonftances, & furtout à ce que l'on doit à
des hommes libres que l'on oblige de défendre
leur patrie, & qui font Français.
PENDANT DES EAUX. Au moment où le
maréchal de Maillebois arriva à Nice, en 174J ,
pour pénétrer en Italie en marchant par les revers
des Alpes maritimes, il jugea à propos detoutdif-
pofer pour s'emparer des polies qui, éclairant l'intérieur
de la montagne, pouvoient affurer la marche
de l'armée le long de la côte , protéger graduellement
les dépôts de fes fubfiftances , affurer
la communication & couvrir le comté de Nice.
La précaution la plus importante pour le mouvement
général que l’on exécutoit, étoit en effet
de couvrir la marche de l’armée par un gros détachement
qui pût mafquer fuccefnvement tous les
paffages par lefquels cette marche de l'armée, défilant
le long de la côte de Gênes, pouvoit être
interrompue en différons points à la fois : il étoit
queftion de trouver, dans l’intérieur du pays !& de
la montagne, le principal point de réunion, d'où
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ces différentes branches de communication fe di-
vergeoient du centre de la montagne à la côte.
Pour pouvoir fuivre cette opération pied à pied
avec plus d'intérêt & avec plus de fruit, il faut
d’abord fe-taire une idée générale, mais fideile
du pays où les armées avoient à l'exécuter, afin de
prendre une idée précife , quoiqu’en grand, de la
nature du terrein auquel il falloir alors affervir les
opérations militaires.
L'Appennin fe détache de la grande chaîne des
Alpes, vers le Col-de-Tende, & forme lui-même
une chaîne de montagnes, qui, avec le défordre
pittorefque de leur ftru&ure accoutumée & leurs
correfpondances continues, mais cachées fous des
afpeêts toujours contraftans,fépare en deux toute
la portion d’Italie comprife entre le Pô & la mer.
Cette chaîne fuit cependant de plus près & plus
parallèlement la côte de la hier que le cours du Pô,
& s'éloigne par conféquent davantage de ce fleuve
à mefure qu'elle avance vers les états de 1 eglife
& le royaume de Naples, jufqu'où elle s’étend.
Cette portion de pays, connue fous le nom général
de Ligurie par les anciens, fe voit donc fé-
parée en deux parties très diftinCtesj favoir : celle
qui regarde le revers méridional, & celle qui regarde
le revers fepténtrionâl de l'Appennin : d'où il s’enfuit
que les rivières , prenant leur fource au revers
méridional de ladite chaîne de montagnes, vont
néceffairement & directement tomber à la mer du
levant & du ponant, tandis que toutes lés rivières
ou ruifleaux dont les fources fe trouvent fituées
au revers féptentrional de l'Appennin, vont néceffairement
s'emboucher dans le Pô, & de là,
confondues avec lui, fe perdre dans le golfe adria-
tique.
Les routes & les paffages les plus praticables
dans l'intérieur de ces vaftes montagnes, fuivent
toujours les vallées ou vallons où coulent les ruif-
feauxou rivières dont on vient ds.parler : les four
ces principales fe trouvent en général, & par l'ordre
confiant de la Nature, placées dans le contre-fort
des montagnes les plus élevées, & dont la difpo-
ficion intérieure a favori fé davantage, avec les Aèdes,
l’infiltration plus lente & le dépôt de ces
eaux primitives qui abreuvent les ruifleaux , les rivières
& les fleuves. lien réfulte que ces vallées,
s écartant entr’elles à des diftances confidérables,
dans les longs développeinens de leurs cours &
vers les points-de leurs débouchés, fe trouvent
cependant prefque toujours réunies, ou du moins
très-rapprochées vers leur naiffance, & que par
conféquent le même corps de troupes qui, pour
défendre le débouché de quatre vallées, auroit (on
le fupppfe) à fe divifer fur cinq ou' fix lieues de
terrein, peut quelquefois, en fe portant à la naiffance
de ces vallées, fe réunir en un point dominant,
d’où il pqiffe également défendre leurs entrées.
D’où l’on peut conclure comment un général
a fouvens à tirer parti des obfervations du phyfi-
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cien y comment on a raifon d’attacher une vafte
& grande idée aux talens d’un vrai général, parce
que toutes les connoiffances y entrent j comment,
par une loi éternelle & immuable, toutes les feien-
ces fe touchent & fe tiennent, & comment, fe
tenant toutes, tous ceux qui les pratiquent, doivent
s’eftimer , s’aimer * s'aider & ne fe dénigrer
jamais j enfin, on voit comment la phyfique, étendant
l’empire de fis lois fur celles de la guerre,
établit pour premier principe de guerre dans tous
les pays de montagnes , de porter des corps d'ob-
fervation fur ces fommités appelées, en ftyle militaire,
pendant des eaux, léseaux fe difperfant de
ce point en diverfes directions, & que de ce point
feul on peut défendre un grand efpace en occupant
un petit tejrrein.
De ces obfervations phyfiques s’enfuit la dé-
monftration d'un principe confiant à la guerre, au-
uel un général ne fauroit faire trop d'attention ;
ans la guerre des montagnes, 8c fur lefquelles eft
fondée la théorie du pendant des eaux , point vers
lequel on doit toujours deftiner un corps à opérer
en le chargeant de fuivre graduellement les fommités
des montagnes fous le revers defquelles
doit marcher le corps de l'armée.
Il eft encore à remarquer, à l’appui de ce principe
de guerre , qu'un corps ainfi placé vers la
naiffance des vallées qui vont déboucher au loin
dans la partie où l'on veut empêcher l’ennemi de
pénétrer à différentes hauteurs à la fois, fournit
à ce corps dfobfervation, non-feulement le moyen
de défendre d'un feul point l’entrée de plufieurs
vallées , mais que de ce même point il peut encore
, avec avantage , défendre la naiffance des
vallées du revers oppofé de la même chaîne de
montagnes par lefquelles l’ennemi eft: cenfé remonter
jufqu'au point du pendant des eaux , pour
jiefeendre enfuite par les vallées du revers oppofé
dans les parties inférieures où ces vallées débouchent.
PERPENDICULAIRE ( F o r t i f i c a t i o n ).
C’eft celle dont toutes les parties fe flanquent à
angle droit. Pagon, ainfi que d’autres ingénieurs,
faifoit les flancs perpendiculaires aux lignes de dé-
fenfes. Le général lilontalembert, fubftituant des
failîans aux battions en fupprimant les courtines ,
les difpofe de manière que leurs faces fe défendent
en fe flanquant à angle droit.
PEUR, a La peur eft une étrange paffion , dit.
Montaigne, & il n'en eft aucune qui emporte
99 auflî loin notre jugement hors de fa due afliète.
99 Parmi les foldats même , où elle devroit trou-
99 ver moins de place, combien de fois a-t-elle
99 changé un troupeau de brebis en efeadrons de
99 corfelets ? des rofeaux & des cannes en gen-
" darmes & lancie;s? nos amis en nos ennemis, '
** & la croix blanche à la rouge ? Lorfque M. de
99 Bourbon prit Rome , un porte - en feigne qui
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« étoit à la garde du bourg Saint-Pierre, fut faifi
sa de tel effroi à la première alarme , que par le .
33 trou d’une ruine il fe jeta, l’enfeigne au poing,
33 hors la ville droit aux ennemis , penfant tirer
»3 vers le dedans de la ville j & à peine,enfin,
33 voyant la troupe de M. de Bourbon fe ranger
99 pour le foutenir, eftimant que ce fuffent une
99 fortie que ceux de la ville fiffent, il fe recog-
« nut, 8c tournant tête rentra par ce même tro»
3» par lequel il étoit forti plus de trois cents pas
»> avant en la campagne. Il n’en advint pas du
33 tout fi heureufement à l’enfeigne du capitaine
» Pile , lorfque Saint - Paul fut pris fur nous par
33 le comte de Bures & M. du Reu ; car eftant fi
33 fort efperdu de frayeur que de fe jeter à tout
33^ fon enfeigne hors de la ville par une canonière,
33 il fut mis en pièces par les affaillans 3 & au même
»» fiége fut mémorable la peur qui ferra , faifit 8c
33 glaça fi fort le coeur d’un gentilhomme, qu’il
» en tomba roide mort par terre, à la brèche ,
33 fans aucune bleffure. En l’une des rencontres de
33 Germanicus contre les Allemands, deux groffes
»» troupes prinrent d’effroi deux routes oppofites »
>3 l’une fuyoit d’où l’autre partoit. Tantôt la peur
>3 nous donne des ailes aux talons, comme aux
»3 deux premiers \ tantôt elle nous cloue les pieds
33 8c les entrave, comme on lit de l’empereur
33 Théophile, lequel, en une bataille qu’il perdit
33 contre les Agarennes, devint fi eftoné & fi
»3 tranfi de peur, qu’il ne pouvoit prendre parti
33 de s'enfuir, jufqu'à ce que Manuel, l'un des prin-
33 cipaux chefs de fon armée , l'ayant terraffé &c
33 fecoué comme pour l'éveiller d’un profond fom-
33 me, lui dit : « Si vous ne me fuivez, je vous
33 tuerai j car il vaut mieux que vous perdiez la
33 vie , que fi, eftant prifonnier, vous viendriez à
30 perdre l'empire. 33 Lors la peur exprime- t-elle-
» fa dernière force, quand pour fon fervice elle
»3 nous rejette à la vaillance qu'elle a fouftrait^à
33 notre devoir 8c à notre honneur? En la press
mière jufte bataille que les Romains perdirent
31 contre Annibal, fous le consul Sempronius ,
33 une troupe de bien dix mille hommes de pied
33 qui print l'épouvante, ne voyant ailleurs par où
33 faire paffage à fa lâcheté , s’alla jeter à travers
-«s le gros des ennemis , lequel elle perça d’un
>3 merveilleux effort, avec grand meurtre des Car-,
33 thaginois, achetant une honteufe fuite au même
33 prix qu’elle eût eu une glorieufe victoire.
»s Ceux qui auront été bien frotés en quelques
33 eftours de guerre, tous bleffés encore 8c enfan-
»3 glantés , on les rameine bien le lendemain à la
»3 charge } mais ceux qui ont conceu une bonne
33 peur des ennemis, vous ne les leur feriez pas
i3 feulement regarder en face. »
Bernard Aldana, capitaine efpagno!, gouver-
nçur de Lippa en Tranfilvanie, en 15 ƒ 2 , nous
fournit un exemple frappant du danger de fe laif-,
fer aller à une terreur panique. Les Turcs avoient
afliégé Temefwar : Aldana s'imagina qu'après. ce
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