
s'y erabarrafloit prefque jamais du choix des portions
j les armées ayant de très-petits fronts , l’ef-
pèce des armes n’occafionnant ni fumée, ni
tumulte ; les batailles dévoient être plus aifees à
engager 8c à conduire : ainfi la fcience de la
guerre eft devenue, chez les modernes, plus
vafte 8c plus difficile , il leur eft interdit, actuellement,
d'employer les ufages militaires des Grecs
& des Romains j la découverte de la poudre à
canon a changé entièrement h , façon de faire la
guerre. Maintenant c’eft la fupëriorité du feu qui
décide de la v :étoire; les exercices, les règle-
mens 8c la tactique, ont été refondus pourries
conformer à cet ufage , 8c récemment l'abus
énorme des nombreuses artilleries qui appefan-
tiffsnt les armées, nous force également d’adopter
cette méthode , pour nous foutenir dans nos
poftes, 8c pour attaquer l’ ennemi dans ceux dont
il s’eft emparé, dans le cas où d’importantes
raifons l’exigent. Tant de raffinemens nouveaux
ont donc confidérablement changé Kart de la
guerre ; 8c ce feroit, de nos jours, une témérité j
impardonnable à un général qui voudroit imiter ;
les Turenne, les C ond é, les Luxembourg, 8c =
rifqivsr une bataille en fuivant les difpofitions
faites de leur tems par ces grands généraux. Alors
les victoires fe remportoient par la valeur 8c par
la force j maintenant l’artillerie décide de tout,
8c l’habileté du général confifte à faire approcher
fes troupes de l’ennemi, fans qu’elles foient détruites
avant de commencer à l’attaquer. Pour fe
procurer cet avantage, il faut faire taire le feu
de l’ennemi par la fupëriorité de celui qu’on peut
lui oppofer > mais ce qui reftera éternellement
fiable dans l'art militaire , c’eib la caftramétrie,
ou l’art de tirèr le plus grand parti pofiible d’ùn
terrain pour fou avantage 5 fi l’on fait de nouvelles
découvertes, les généraux devront fe prêter
à ces nouveautés, en changeant à la tactique
ce qui pourra exiger des corrections.
Cependant en faifant des progrès à quelques
égards, la fcience de la guerre a perdu à quelques
autres 3 comme, par exemple, en augmentant
beaucoup trop fes armées , fon artillerie, fes
troupes légères, fes places de guerre , 8cc. ; en
rendant fes fubfiftances beaucoup plus difficiles ;
mais bien plus encore en composant fes armées
avec une efpèce d’hommes envers lefquels les
gouvernemens n’ont employé aucuns moyens, ni
éducation , r i difcipline, ni peines, ni récom-
penfe pour en faire des citoyens, des foldats,
dès généraux.
Aucuns de ces objets, il eft v ra i, ne femblent
intéreffer les gouvernemens modernes 3 d’ailleurs
les Grecs 8c les Romains font pour nous des
hommes de l’autre monde 5 ce ne font ni les
mêmes habits, ni les mêmes meubles, ni les
mêmes p’aifirs, ni les mêmes exercices ; religion.
gouvernement, manière de préparer ou de faire
la guerre, intérieur de la maifon, arts, métiers,
fpeétacle, préjugé 3 tout eft changé. I.es moeurs
des anciens étoient plus fortes , leurs inftitutions
plus rapprochées de la nature, leur éducation
plus male, leur -genre de vie plus convenable à
la dignité de l'homme, leurs ufages plus favorables
au développement des facultés de lame 3 le
corps politique plus fain, plus vigoureux 5 leurs
exercices, leurs fpeétacles , leurs jeu x , leurs
amufemens 3 tootf enfin , chez eux , étoit plus
propre à exalter l’imagination 8c à reproduire
des hommes dont à peine nous pouvons actuellement
nous former une idée : enfin des citoyens.
"GUERRE ( H om m e de g u e r r e ') y c ' e f i - a - d ir e ,
h om m e p r o p r e a f a i r e la guerre.
En vain tous les bons militaires fe font-ils appliqués
à faire fentir combien il étoit important
de préparer des hommes pour la guerre, 8c de
les rendre propres à un métier infiniment plus
pénible que tqut autre ; en vain ont-ils cité les
anciens & nos ancêtres 5 ils n’ont pas réuffi à
convaincre de l’importance de cet objet. Chez
toutes les puiflances de l’Europe, on prend des
enfans à peine pubères pour en faire des foldats,
8c on borne en général leur éducation militaire
au maniement des armes 8c à l’enfemble de la
marche. Il nous a femblé voir la raifon de cette
inconféquence dans les nouvelles lois reçues pour
j la défenfe des Etats 8c la conftitution de la force
| publique. Defireux de tenir dans leurs mains les
refforts de la puifiance, les rois, après s’être
emparés de la fouveraineté, n’ont pas imaginé
| de meilleurs moyens de conduire à leur gré la
; force publique, qu’en la compofant de mercenaires
qu’ils étoient cenfés acheter, folder , entretenir,
8cc-, 8c conféquemment avoir entièrement
& aveuglément à leurs ordres 5 d’où s’en
font fuivis les impôts pour avoir des foldats, 8c
ceux-ci pour percevoir les impôts. 11 n’en étoit
pas de même quand le peuple, encorefouverain,
étoit convaincu de l’importance de ne confier la
défenfe de l’Etat qu’ aux citoyens, fans diftinc-
tion, qui pouvoient porter les armes 3 dès-lors
un des principes de l’éducation étoit les exercices
du corps : ainfi le voit-on chez les Grecs 8c
chez les Romains 3 ainfi le pratiqua-t-on chez les
modernes pendant toute la durée de l’empire
féodal, jufqu’à la deftruétion de la chevalerie
parce que chaque pofieffeur de fief avoir intérêt
de protéger 8c ae défendre fes poffeflions 8c celles
de fon leigneur fuzerain.
Ainfi, chez les Grecs 8c chez les Romains, les
feuls peuples de l’antiquité qui connurent mieux
que les autres les droits du peuple, on imagina
trois efpèces de gymnafe 3 ceux pour la fanté,
ceux pour le militaire, ceux pour les jeux publics.
Les deux premiers peuvent être réduits en un
feul î la gymnaftique médicale étant néceflaire-
riient la bafe de toute exiftence, puifqu’elle en-
feignoit Ja méthode de cor.ferver 8c ae rétablir
la fanté par le moyen de l’exercice. Quant à la
gymnaftique militaire , elle 'doit être regardée
comme la fuite de la première, aucun homme
n’en étant exempt, puifque tous étoient deftinés
à être foldats. Les exercices de la première con-
fiftoient à fe promener dans des allées couvertes
8c découvertes, à jouer au palet, à la paume , au
ballon, à lancer le javelot, à tirer de l’a rc , à
lutter, fauter, danfer, courir3 à fe baigner, fe
faire frotter; à monter à cheval, 8cc. On fentira
aifément combien cette médecine eft préférable
à celle des médicamens, qui eft ordinairement
palliative, défagréable 8c dangereufe. Les exercices
de la gymnaftique militaire étoient, le faut,
le difque, la lu tte , le javelot, le pugilat, la
courfe à pied, à cheval, en chariot ,'la natation,
l’efcrime , & c . C ’étoit pour perfectionner ces
exercices 8c exciter une louable émulation, que
dans les fêtes 8c les autres cérémonies , on célé-
broit des jeux publics, connus fous le nom de
combats ou jf ux gymniques, dans lefquels le vainqueur
recevoit des honneurs 8c des récompenfes.
L’inftitution de la ehevalerie ramena chez les
modernes des exercices qui approchoient de ceux
des anciens. On lit dans l ’hiftoire de la Vie du
jeune Boucicault, « qu’ il couroit 8c alloit lon-
M guement à pied, pour s’accoutumer à avoir
» longue haleine & fouffrir longuement travail.
» Qu’il férifibit d’une coignée ou d’un mail
» grand pieu 8c grandement, pour bien fe duire
39 au laarnois 8c endurcir fes bras. « ( Voyez le
mot C h e v a le r ie . )
Le régime des troupes foldées, en accélérant
l’anéantiffement de la chevalerie, 8c en aidant au
defpotifme à jetter impunément les plus profondes
racines, fit négliger toutes les inftitutions qui pouvoient
contribuer à former des hommes. Pour contenir
des citoyens dans l ’efclavage, il falloit armer
des efclaves 5 aufti choifit-on pour foldats des
hommes avortés, élevés dans la fange des villes 5 on
leur offrit pour récompenfe un falaire modique,
pour paflîon le defir de vivre,pour crainte la pri-
fon, les verges ou la mort. Il-falloit afTojrtir les d ifférentes
parties qui dévoient compofer un pareil
militaire 3 8c pour y réufiir au gré des defpotes 8c
de leurs miniftres, les foldats ne furent plus
juges dignes de pouvoir parvenir à commander 3
on auroit craint leur expérience 8c cet amour de
1 jndépendance, afiez naturel à tout homme qui
vieillit au milieu des combats 8c des hafards de
la guerre. On eut donc le plus grand foin d’aller
prendre dans les écoles des jeunes gentilshommes
peu fortunés, 8c Tachant à peine encore lir e ,
pour leur confier les places de chefs fubalternes,
à condition de ramper toute leur vie fous des
grands feigneurs, auxquels on confioit ordinairement
le commandement des corps militaires 3
quoiqu’ ils fuffent encore à peine Sortis de l’âge
, de l’enfance. Rien n’étoit mieux combiné fans
doute pour le defpotifme 8c l’aflervifiemeRt de
l’Etat. Cependant dans cet ordre de choGs il fe
trouvoit quelquefois des hommes doués du génie
militaire 3 le hafard ou une longue expérience
pouvoient en laifler percer quelques-uns : leurs
talens procuroient quelques vi&oires 3 mais ces
événemens accidentels fai foient allez peu de fen-
fations fur des peuples efclaves, tous fournis au
même régime, ne combattant plus pour eux ni
pour la patrie, mais uniquement pour fatisfaire
les pafiîons de leurs maîtres.
Au moment où les François viennent de conquérir
leur liberté , néceffités d’avoir des foldats
pour affurer la tranquillité au dedans 8c au dehors,
repoufiér les ennemis , 8c contenir les perturbateurs
du repos public 8c les infraèleurs des lois ,
on vient enfin de décréter la confcription militaire
3 p eu t-ê tre , prëfle par les circonftançes,
n’a-t-on pas afiez médité cette loi fi importante 5
mais il faut efpérer que l’on pourra la revoir à la
paix , avec d’autant plus d’avantages , qu'inftruit
par l’expérience, on connoîtra 'beaucoup mieux
ce qui pourroit s’y trouver de défeélueux, 8c on
pourra chercher avec plus de caVie les moyens
delà corriger. (V oy e z R e c r u e s , C o n fc r ip t io n m i l
ita i r e y F o r c e p u b liq u e ).
GUÊTRE. Depuis lon^-tems des officiers inf-
truits par l’expérience, avoient écrit contre les
guêtres dont on fait ufage pour les troupes en
France 8c chez les différentes puiflances de l ’Europe.
La guerre faite en C o r fe , celle en Amérique,
8c furtout la guerre pour la liberté, font
venues confirmer tout ce qu’on avoit dit à ce
fujet. Les guêtres font incommodes j il faut employer
afiez de tems pour les mettre ; elles gênent
la circulation du fang, 8c ne préfervent nullement
la jambe du froid ou de la boue. Les
culottes , au contraire, defcendent jufqu’au-
defious de la cheville du pied ; 8c , recouvertes
par une demi-guêtre en cuir, avec de très-gros
fouliers, ou beaucoup mieux par une demi-
botte 5 le pied à cru dans unchaufion de cuir bien
graiffé chaque jour 3 les entre-cuifles garnies en
bafanne , ont tous les avantages d’ un vêtement
très-commode, ne gênant ni les moy vemens , ni
la circulation , fe vérifiant promptement, 8c faifant
bien pour le coup-d’oeil. On avoit adopté
ce vêtement pour quelques troupes 5 il faifoit
partie de l’habillement des chafîeurs des montagnes,
qui ont fi bien fait la guerre contre les
Efpagnols. Cependant les guêtres font encore en
ufage pour l ’infanterie françoife, 8c la plus
grande partie des foldats s’empreflen:, dès qu’ils