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» qui paiera Iss tentes, les uftcnfiles, ’es outils,
» les brouettes, &c. &c. ? « i
Je ne fais fi nos lecteurs verront comme nous ;
mais plus nous avançons & plus notre étonnement
augmente. Et pourquoi donc 6 fous par jour de
retenue, pour les objets dont parle M. de Pome- f
reuil? C ’eft, ou bien cher, ou bien bon marché.
Bien cher fi cette retenue ne regarde que quel- -
qués-uns des objets détaillés ; bien bon marché, fi
cela les regarde tous. Rappelons-nous que, félon
M. de Pomereuil, les trente-un mille hommes
coûteraient, pendant cent vingt'jours, à 13 fous par
jour, deux millions quatre cent dix-huit mille Livres, &T
nous avons deux millions fept cent vingt mille livres
d’une part, & cent mille livres du furplus du produit
des arpens de terre rendus à l’agriculture par
la diminution des chemins (voy. la note p. 3,929) :
donc deux m'liions huit cent mille livres ; mais pour
payer, pendant cent vingt jours, trente-un mille fol-
dais employés aux travaux, à quatorze fous par jour,
il ne coûteroitque deux millions fix cent quatre mille
livres, donc un furpl US de deux cent f i^e mille livres. ,
Or, pour brouettes, pelles & pioches, je fup-
pofe, chaque année, cent fei^e mille livres ; ce qui
doit être très-fuffifant, parce qu’une fois la première
empiète faite, il ne faut au plus, pour l’entretenir
> que la moitié, foit en réparation, foit en
remplacement ; il refteroit donc encore cent mille
livres , que je fuppofe employées à la réparation,
entretien ou remplacement des uftenfiles pour le
campement, comme bidons, m rmites, &c. dont
chaque régiment doit être fourni, devant toujours
être prêt à entrer en campagne.
Quant au pain, à la viande, aux légumes, au
vin à fournir aux foldats, comme il faut leur
fournir ces objets quelque part qu’ils foient, on
fer.t bien qu’ils rie leur coûteront pas plus cher là
qu ailleurs, & affurément bien moins cher que dans
quelque ville qiie cè puiffe être, puifque ce fera
à la campagne, que l’on aura été prévenu, & qu’en
îàîïïant une entière liberté à ceux qui voudront
fournir ces différens objets, on eft bien fur qu’ils
ne manquerontde rien, d’autant qu’il fera très-aifé
de prendre , à l ’avance & de bonne heure, toutes
les précautions que l'on croira riéceffaires. D’après
le prix aâuel des denrées dans la république, on fe
croit autorifé à'dire que, pour fept fous par jour,
le foldat auroit une demi livre de viande, deux
livres de pain, une demi-bouteille de la boifton
du pays dans lequel il fe trouveroit, &des légumes $
mais il faut obferver que, reftant pendant fix mois
aux travaux, dont quatre de trente-un jours, ils
auraient cent quatre-vingt-quatre jours & être nourris,
& ne feraient payés que cent vingt jours, à raifon de
quatorze fous ; c’eft donc une différence de foixante •
quatre jours , pendant lefquels il faut fournir à chaque
ouvrier un fou de plus par jour pour ne rien
changer à fariourriture-^ne fuppofant fa paye libre
qu’à fix fous ; ce qui fait à peu près un demi-fou par
jour à retenir-furles ceiit vingt f il faut enfuite, à
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chacun d*eux, une paire de fouliers, un refleme»
lage, une culotte en pantalon & une vefte de travail
; ce qui peut fe monter à dix-huit livres ; donc
trois fous par jour de retenue. Ainfi fept fous de nourriture,
un fou pour les jours de repos, trois fous
pour le vêtement, cela feroit on^e fous par chacun
des cent vingt jours de paye à quatorze fous: donc
trois fous de bénéfice $ çe qui feroit dix- huit livres
pour le te ms des travaux. En outre, la paye de
fix fous pendant les cent vingt jours, trente-fix
livres : donc, au total, cinquante-quatre livres , kir
lefquelles, fi vous retenez à chacun dou^e livres
pour leur bien-être ou entretien pendant les fix
mo s qu’ils ne travailleront pas, il leur reftera encore
quarante -deux livres ou fept livres pour chacun
des mois des travaux ; ce qui devra fuffire pour
leur procurer des douceurs, mais qù’on ne les obligera
pas de dépenfer au cabaret, quoi qu’en dife
M. de Pomereuil, qui regarde cela comme une
néceffité. A l’égard des foldats ou fous-officiers
qui fe trouveront au régiment au-delà du nombie
de huit cents , ce qui pourra bien aller à peu près à
deux cents, on concevra aifément qu’en diftribuant
ceux qui n’auroient que fix fous à mettre à l ’ordinaire,
dans les ordinaires desx>uvrier$, ils feraient
nourris comme eux , à l’exception de la boiifon ;
quant aux fergens, caporaux & ouvriers pour le
régiment, ils mettraient fept feus à {’ordinaire dans
lequel ils mangeraient, & paieraient leur boiffon
à part ; quant aux ouvriers qui pourraient tomber
malades ou fe bleffer, il y aurait tous les jours aux
travaux un garçon chirurgien de jour, avec des
brancards, & l’on deftineroic, dans lés villages à
portée des ouvrages -f des lits & des remèdes po-r
les malades ou les bleffés, dont auroit foin le chirurgien
major du régimenr.
8°. Avançons avec l’officier dont nous combattons
les idées. « Croit-on que le foldit, ainsi ré-
» pandu fur les chemins , ne fe livrera pas davan-
« tage à la défertion, qui ’ui deviendra plus facile
» à mefure que fes travaux le rapprocheront des
» frontières? Croit-on que le métier qu’on lui fera
33 faire donne envie de s’engager aux habitans des
»3 villes, qui ne fe croiront pas faits pour le métier
»3 de manoeuvre ? De là un énorme déficit au
>3 complet des troupes j plus de défertion, moins
- 3» de recrues, &c. >3
Au moins peut-on obferver que M. de Pomereuil
ne cherche pas à affoiblir fes objections 1
tout à l’heure c’étoient des difficultés infurmon-
tables, actuellement c'eft un déficit énorme. Eh !
pourquoi cet officier crée-t-il des obftacles qui
font fans fondement? Pourquoi ne convient-il pas
de ce qu’il doit favoir , que jamais il n’y a moins
de défertion dans les régimens, que quand ils font
dans des villes ouvertes ou dans des villages, fur-
tout encore quand on les fait travailler. Parmi les
| caufes fans nombre qui occafionnent la défertion
dans les troupes françiifes, quelques-unes des plus
puiflantes font, l’oifiveté, les exercices trop sou-
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vent multipliés de la manière-la plus rinjfible et la
plus inutile j l’ennui attaché à la ma ière « etre .
des foldats qui font fermés dans les villes de guerre
& confignis à toutes les portes 5.enfin, le peu de
confiance qu’on leur témoigne, &c. Quant aux
recrues, il y en a de deux fortes dans les regi-
mens ; l’une, qui eft la plus nombreufe , eft celle
faite, dans quelques grandes villes du rav au trie, par
des raccoleurs qui dépenfent beaucoup d argent
à enrôler quelques libertins qu’ils ont endettes ,
quelques dupes qu'ils ont trompées, quelques mi-
ferables qui manquent de pain, ou qiklquës en-
fans que leur inconftance & leur crédulité font
arborer avec plaifir une cocarde qui doit les tirer
de chez leurs parens, & leur donner, a ce qu ils
croient, une liberté après laquelle ils afpirent depuis
qu’ils commencent à fortir de l’adolefcence.
L’autre forte des recrues eft faite dans nos campagnes
et nos petites villes, par les foldats & par les
officiers en femeftre. Il ne fera pas difficiles pour
ceux qui corinoiflent les militaires, de fe convaincre
que les travaux des troupes ne nuiront en rien
à la quantité de recrues que procurent les recruteurs
en titre que l’on voit avec tant de peine
inftallés fur toutes les places de nos grandes villes.
Quant aux autres recrues, bien loin d y nuire , on
a de fortes raifons pour être convaincu que fi nos
foldatsétoient répandus dans nos campagnes, qu on
les y vît travailler, être traités avec douceur & intérêt}
que les jours où ils fe repoferoient, on put
affifter à leurs exercices & aux danfes ou aux jeux
qu’ils pourraient faire enfuite, on s habituerait a
aimer &. à defirer un état inconnu jufcpfà préfent
dans une grande partie de la France où l’on ne voit
jamais aucun régiment, & où l’on n’entend parler
du fervice militaire qu’ à des foldats ën congé, qui
la plupart ne doivent en donner des idées que"
d’après le dégoût univerfeî répandu parmi eux,
ainfi que parmi leOTs officiers.
D’après ces idées, que je foumets furtout aux
* militaires qui ont un peu réfléchi fur ce qui occasionne
la défertion & rend les recrues fi difficiles
à faire , j’efpère que l'on ne craindra pasautant
que M. de Pomereuil, le déficit énorme qui devrait
fe trouver parmi les troupes fi on les em-
ployoit à travailler aux grands chemins.
. 9°. ce Enfin , que deviendrait l’entretien des
routes ? 35 Nous avons répondu à cette demande ,
en fuppofant chaque année trente lieues de chemins
neufs, faits pour réparation des anciennes
routes. Et dans le cas que , pendant le tems que
les’ troupes feroient des chemins nouveaux , il y
eût de trop grands inconvéniens à leur faire réparer
les chemins, rien ne feroit plus aifé que de
trouver dans chaque province des entrepreneurs
qui s’en chargeraient. J'en reviens encore à citer
les établiffemens de M. Turgot en Limoufin.- On
ne fauroit trop faire connoître les excellentes
vues de ce citoyen immortel à tant de titres. En
Limoufin, l’entrepreneur eft obligé, par fon mar-
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ché , lie garnir de petits tas de pierres le long du
chemin, & pour IJ ou 10 fous par jour un Uni
homme eft chargé de l'entretien d’environ tr. is.
lieues. Il fe promène chaque jour d'un bout de
fa tâche à l'autre , avec une hotte & une pelles
s'il voit un commencement d’ornière, il y met
une pellée de cailloux qu'il étend avec foin : l'ornière
n’a jamais le -tems de fe former. Si 1 on eu
trouvoit une, le.manoeuvre eft puni.par la perte
de fe-. appointemens d une Centaine : a la feconoe
fois , la paye de quinze jouis ; pour la troifième,
deftitué. Jamais on n'a été obligé de prononcer
ces peines. .
io°. » Ce n'eft pas to u t, continue M. de Po-
» mereuil : la guerre fe déclare ; & fi vous em-
„ ployez vos foldats aux chemins , au premier
« coup de baguette les voila abandonnes, & te-
» duits à n’être ms même entretenus. La guerre
„ du-e dix ans"i ils deviennent impraticables,,
» diminuent les bénéfices du commerce & des
» cultivateurs, & ajoutent une nouvelle Courte
» de perte à toutes celles qu'ouvre la guerre. La
» paix fe fait : il faut tout d'un coup, Si dans un
» tems d'épuiTentent, quadrupler les fonds pour
„ refaire les chemins ; à peine font-ils réparés ,
„ une nouvelle guerre furvient , & ramène la
w ruineufe alternative qui rendroit les routes
» continuellement impraticables, » ■
Je .l'ai déjà fait remarquer , mais je le repète
encore -: M. de Pomereuil ne voit pas les chofes
en beau : je vais plus loin ; il les outre. Nous
venons de voir que, tant que les troupes feroient
des chemins neufs, les anciens feroient réparés
par des entrepreneurs fi on le jugeoit à propos.
Quant aux chemins neufs, on les difcôntinueroii
fi cela étoit néceffaire ; car toutes les guerres ne
font pas les mêmes, & dans la dernière, les ouvrages
pour les chemins nouveaux n'auroient pas
! été interrompus un inftant. Et qu on ne dife pas ,
avecM. de Pomereuil, que (ufpendre pendant
la guerre .les travaux des chemins nouveaux feroit
faite à l'état une plaie nouvelle, dans un te'ns
où fes ennemis cherchent à lui en faire .de mortelles.
Quelques avantages que puiffent procurer its
grandes routes dans les pays qu elles traverfent,
il faut cependant bien fe,garder de les multiplier
mal à propos, d’autant, comme nous pourrons, le
dire encore ailleurs , qu'il femble .déjà prouvé
qu'on a déjà trop multiplié la plupart des grandes
routes. . ■ ~
11°. Je ne m'arrêterai pas ici à difeuter, avec
M. de Pomereuil, s'il feroit plus avantageux ou
non de fe fervir des ingénieurs militaires, & de
fupprimer. ceux des ponts & chauffées , parce que
cela ne fait rien à la queftion propofee, fi 1 on
doit ou même fi l'on peut, ou non, faire travailler
aux chemins les troupes françaifes ; mais j offrir
j conclure., d'après les obfervations que je viens de
] hazarder eti parcourant les affertions de M- de
! Pomereuil fur cet objet (, duflë-je palier, commet