
6 A D R
de la finefîe , elle n’affe&e ni de fe montrer y ni
de fe cacher > c’eft par fon intelligence & fa franchi
fe qu'elle agit : de la rufe, elle ne trompe point,
elle ne tromperoit qu’une fois : de l’artifice , elle
eft libre & naturelle , noble & généreufe 5 elle
peut avouer tous les moyens qu’elle employé ;
•ils font fondés fur la connoiflance du coeur humain
, des penfées qui l’ affectent , & des mobiles
qui k remuent.
Il eft des hommes qui blâment cette adrejfe y
la v érité, la vérité, difent-ils , doit être montrée
aux militaires fans art & fans voile : faites cela ,
parce que c eft votre devoir de le faire j voilà tout
ce qu’ils permettent : fi tous les militaires étoient
inftruits , s’ils étoient philofophes , Yadrejfe feroit
au fil inutile dans les armées que l’éloquence au
barreau } mais jufqu’ au moment où les guerriers &
les juges feront des ftoïciens éclairés , les" chefs
militaires doivent recourir à Yadrejfe , & les orateurs
aux élans de la véritable éloquence. Il feroit aufli dangereux , fans doute, de faire pendant la
.paix un fréquent ufagê de Yadrejfe , que ridicule
dé recourir pour de petits objets aux grands mou-
vemens de fart oratoire , on ôteroit à ces reflorts 1
toute leur énergie 5 mais il ne peut y avoir d’inconvénient
à recourir à Yadrejfe dans les momens
décififs : c’eft l’ inftance de la pérôraifop.
Comme j’ai diftingué deux efpèces d’adrjjfe
d’efprit, je diftinguerai aufli deux efpèces Yadrejfe
de corps : l’une que j’ appellerai civ ile , eft celle
du paifible citoyen , de plufieurs artifans & de
•prefque tous les artiftes, celle-là peut exifterfans
la force du corps : M’autiè que je nommerai militaire
, qui eft celle qu’on cherchoit à faire acquérir
aux athlètes, & que Montefquieu a fans doute
voulu définir par ces mots , iddreffe n -ejl que la
. jufte difpenfation des forces qu’on' a } celle-là ne
peut-être acquife que .par des hommes forts. Pour
rendre nos. foldats adroits , il faut donc commencer
par les rendre robuftes : c’ eft en fuivant
cette gradation que les romains formaient les
leurs 5 c ’eft ainfi que les Preux , dont nous nous
vantons dedefcendre,acquéroient cette adrejfe qui
fit une grande partie de .leur renommée. Je conviens
que Yadrejfe eft devenue moins néceflaire
depuis que, dans les Batailles, on ne combat plus corps à corps ; qu’elle eft devenue prefque ridic
u le , depuis qii’on l’a regardé avec raifon comme
la fcience dés quereleurs &„ des poltrons j mais
il n’en eft pas moins vrai qu'elle feroit encore
utile à nos foldats : celui qui en eft dépourvu ne
porte guères des coups allurés, & ne pare que
difficilement ceux qu’on lui porte 5 celui qui en
manque ne peut fouvent remplir qu’impaçfaite-
ment plufieurs des devoirs qui lui font impofés.
Voyez M aniem ent des a rm e s ,
Pùifque Yadrejfe efttencore utile - cherchons à
l ’acquérir > nous y parviendrons en'occupant nos
Æ R E A F F
foldats à des travaux q u i, banniflant l’oifiveté loitt
d’eux , donnent à leurs membres de la force, de
la vigueur. Koyeç T r a v a u x pub l ic s . Nous y
parviendrons en faifant éprouver à nos exercices
militaires les changemens que tous les bons efprits
regardent comme néceflfaires Voyez Exercices,
Man iem en t des arme s & Ma r ch e . N ous y
parviendrons enfin , en introduifaut dans l’ armée
des jeux faits pour chaffer l’ennui qui la confumç.
Payez A g ilité & J eu.
ÆRE D IR U T I , punition militaire employée par
les romains > elle confiftoit à priver le (aidât de fa
paye entière. Nous ne fommes pas allez heureux
pour pouvoir faire ufage de cette punition , parce
que nos foldats n’o n t, pour la plupart, que leur
paye pour fubfifter. Voyez A mende dans ce fup-
plément, & le mot In terd ic tion dans le tome
$• de l’Art militaire. Voyez aufli Ære d ir u t i
dans le diâionnaire des antiquités.
AFFABILITÉ. U affabilité eft une qualité qui
fait qu’ un homme reçoit & écoute d’une manière
gracieufe ceux qui ont quelque affaire à traiter
avec lui.
Polir prouver que le général & tous les chefs
militaires doivent fe ..faire une loi d’être affables -,
je ne citerai poinr des faits pris dans l’antiquité >
c’eft principalement pour des François que j’ écris,
ce fera donc dans l’hiftoire de France que je pui-
ferai mes preuves.
Charles de Bourbon , ce connétable fi impérieux
avec fes égaux , fi fier avec ceux que le fort
avoit placés au-deflus de lui , fi froid avec les
courtifans , étoit affable avec fes foldats $ il em-
ployoit toujours , avec eu x , ce ton d’égalité qu’ il
connoiflfoit fi propre à les féduire j il marchoit à
leur tête 5 il vivoit comme eux , il les entretenoic
familièrement} aufli avec de petits moyens.fit-il
de grandes chofes : Lautrec , au contraire , qui
manquoit Y affabilité , ne fit', avec de. grands
moyens , que de petites chofes , il navoit guères
accoutumé de caufer avec perfonne , & cela lui fit
grand to n , dit Montluc. Le connétable de Montmorency
qui étoit conftamment’ fier , hautain ,
méprifant même , changea de conduite au camp
devant Avignon : obligé, dans cette circonftance
décifîve, à fuivre un plan tout-à-fait oppofé au
génie de la nation , & aux idées que les troupes,
alors mal difei pli nées ,,av oient de l’art de la guerre,
il mit dans fes manières une affabilité, une bonté
qu’il n’avoit jamais montrées 5 il eut fouvent la
condefcendance d’expliquer à fes officiers les motifs
de fa conduite, de leur faire voir les avantages
qui en étoient déjà réfultés , & les fuccès , plus
grands encore , qui en feroient la fuite.
Henri IV n’eut peut-être jamais été furnommé
le grand s’il n’eut mérité lfe furnom Yaffable.
Le vainqueur de Villaviciofa avoit fans doute
A F F
un nombre confidérable des qualités qui confti-
tuent un grand général, mais il lui en manquoit
plufieurs , tout le monde en convient 5 comment
les remplaçoit-il ? c’étoit par fon affabilité, par
- une familiarité douce, prévenante j c’étoit ,.pour-
arnfi-dire , par l’oubli du rang qu’ il occupoit, du
nom qu’il portoit : celui des. généraux françois
qui a néanmoins tiré de Y affabilité les avantages
les plus grands, c’eft le célèbre défenfeur de
Grave : fa conduite , avec fa petite armée , eft un
excellent modèle. Voyez dans la relation du fiège
de Grave, la page 72.
Mais quelle eft l’efpèce d’affabilité qui convient
au général & air refte des chefs militaires ?
1Yaffabilité militaire doit être la même dans
tous les tems} le foldat rit de celui de fes chefs j
qui h ’ eft 'affable qu’au moment d’un combat, &
qui ne le-traite de camarade quelorfqu’il a un befoin
preffant de fes fervices : elle doit être plus grande
avec les hommes que le fort a fait nos inférieurs,
qu’avec ceux qu’il a fait nos égaux 5 Y affabilité avec
nos égaux n’eft point une qualité heureufe , c’eft
un devoir qui nous eft impofé par notre intérêt :
Y affabilité avec nos inférieurs eft une vertu.
Je ne donnerai point le nom Y affable à tous ces
hommes, qui accueillent de la même manière,
l konnece homme & le fat y qui paroiflent prévenus
en faveur de tous ceux qui ieur.parlent} qui tiennent
à tous le même langage ; qui ont l’air de vouloir
tout entreprendre pour vous obliger} d’entrer dans
toutes vo.s vues, dans toutes vos raifons, dans
tous vos intérêts, maisqui tiennent à tous le même
langage, & qui blâment hautement en parlant à
celui-ci , ce qu’ils ont applaudi avec tranfport ;
en parlant à celui-là : je ne le donnerai point non
plus, à tous ces obligeonsdifeurs d’inutiles paroles à
tous ces grands faifeurs deproteflations , en un mot à
tous ces hommes que le père de la bonne comédie j
en France , a diffamés par un coup de fon art y à
tous ceux-là je dirai avec Alcefte : morbleu , vous
tl êtes pas pour être de mes gens. Le chef militaire
qui à mes yeux mérite véritablement le furnom
Y affable, c’eft celui qui prévient par un accueil
gracieux } qui cherche à diminuer l’embarras ou
la timidité de ceux qui l’abordent 5 qui écoute
avec patience } qui répond avec bonté } qui contredit
avec douceur & avec ménagement} & qui
diminue le défagrément, la honte du refus , par
le déplaifir & la peine qu’il paroît avoir en re-
lufànt} ou , pour me fervir des expreflions énergiques
de l’immortel Bofîuet, qui eft affable avec
dignité , qui fait eftimer les uns fans fâcher ies au-
t r e s , diftinguer le mérite fans humilier la foi-
blefîe.
Qu’il eft heureux, celui à qui de profondes ré-
T « un naturel heureux bnt donné cette
a$abü,u que je viens de peindre 1 elle ouvre juf-
<jua im un chemin facile à la vérité ! elle lui
A F F 7
concilie tous les efprits, lui gagne tous les coeurs!
celui qui n a pris au contraire-le mafque de Yaffa-
btltte que pour fe faire dés partifans, n’arrache,
comme les vils hiftnons fi que des applaudiffemens
paliagers , & finit toujours par être couvert d’un
mépris univerfel.
Qu’une petite vanité, qu’ un fot orgueil que la
crainte de compromettre fa dignité n’empêchent
donc jamais le général d e t t e affalU & bon avec
les loldats & avec tous fes fubordonnés ; on ne
mepnfe [‘affabilité que lorfqu'elle eft jointe à la
ballelie , a 1 ignorance & au manque de moeurs;
alors meme ce n’eft point l'homme affaA/eqVorï
mepnfe , mais l’homme ignorant, l’homme fans
moeurs , en un mot l’homme vil. Foyer A c c e s -
sible A mour, ou s o iu a x .
. AFFAMER une armée ou une ville. C ’eftré-
duire les hommes qui compofent l ’armée, ou oui
gardent la ville , à faire, forcés par la faim ce
qu Us avoient projetté de ne point faire.
C ’eft en coupant les vivres a une armée ou i
une ville, qu on reufiit à Y affamer.
^ Il eft différentes manières de couper les vivres
a une armée ou à une v ille; les principales font
indiques dans les Articles Blo cus , C o n v o i
1 laces , A t t a q u e des p l a c e s , & V iv r e s / il une armée, on l'oblige fouvent
a lever uni fiege qu'elle avoir formé ; à abandon-
nei ,un P®«* . “ ?« pofition , dont elle s’étoit emparée;
a difcontinvçr une conquête qu’elle avoir
entreprife : on I oblige aufli quelquefois à fe dévorable!
“ “ ’ Com!>attr£ dans une P»ftion défa-
En affamant une v ille , on l’oblige fouvent à
ouvrir les portes C e moyen de fe îendre maTtre
dune place ei lo n g , & n’eft pas toujours pra-
ricable : lorfquon peut en faire ufage , on doit
AGE. Supplément. L ’auteur de l’article A ge ■
nous a dit quel eft Yâge auquel les différens eou-
vernemens ont ouvert la carrière militaire ; j’ai
par e dans la tro.fieme fetftion de l’art. G e n ïr L
de 1 âge du chef d une armée ; je dois examiner
dans ce fupplement quel eft l ’^ e auquel on den
n T d ’ l d e r “ ’ ksieUnes -
On donnoit fouvent, autrefois, des brevets
d officiel: a des enfans encore à la mammelie ; on
en accordoit quelquefois à des êtres qui n’avoient
point encore vu.le jo u r ; on faifoitplus, on en
donnoit a des femmes, pour les enfans qu’elles
dévoient concevoir. M. deChoifeu il, ce miniftre
a qui le militaire françois doit un grand nombre
de fages reformes, detruiiït ces abus monftrueux;
il nxa a feite ans 1 epoque à laquelle les jeunes