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à- fupporter avec confiance les fatigues d’une marche
longue &r pénible, mettra pied à terre de
marchera à leur tête; fî fon âge, fa fanté & le
befoin de conferver fes forces ne lui permettent
pas cet exercice violent, il engagera quelqu’un de
les fubordonnés à le remplacer dans cette fonction
importante. C ’eft ainfi que, dans le fervice
pruflien, un officier marche toujours à pied à la
tête de chaque bataillon.
L’officier qui mènera la tête de la colonne,
marchera un pas de route égal, ni trop long ni
trop précipité ; ainfi on ne fatiguera pas les foldats
& on n’aurà jamais de traîneurs.
Deux pas de diftance fuffifent entre chaque rang,
& deux pieds trois pouces fuffifent pour chaque
homme dans fon rang ; ainfi huit hommes pafferont
avec facilité dans un chemin qui aura dix-huit pieds
de larg< ur.
Si l’on préfume que l’ennemi fe préfentera vers
la tête de la colonne , les troupes d’élite en auront
la tête, & dans le cas contraire elles marcheront à
la queue. Quand les troupes d’élite ont la tête de la
colonne, après elles marchent quelques pionniers,
qui font defiinés à raccommoder les chemins , à
combler avec des fafeines les trous & les ravins,
à applanir les bords dés foliés trop relevés, & à
conirruire des petits ponts avec des échelles , des
planches, &c. Quand les troupes d’élite rencontrent
quelqu’ohflacle phyfique, elles lailfent paffer
les pionniers qui font chargés de les leur aplanir :
les foldats qui portent les échelles & lés outils,
viennent après les pionniers;; c’eft principalement
fur eux que l’on règle la rapidité de la marche.
On. ne néglige jamais de tirer parti des appuis
naturels que l’on rencontre dans la campagne; ces
appuis font les bois, les montagnes,, les marais &
les rivières t l e s meilleurs de tous ces appuis font
les rivières larges & profondes ; elles mettent à
l ’abri dès coups des ennemis ., & on en jouit plus
long;teins que des bois & des marais.
Avant de partir du camp on doit prévenir les
foldats de tout ce qui peut arriver pendant la marche
: cet avertifTement empêche qu’ils ne foient
furpri's ou effrayés par l’apparition de l’ennemi ou
rebutés par les obftacles qu’ils rencontrent.
On doit calculer la durée de la marche, non-feulement
fur l'éloignement de l’endroit où l’on va,
mais encore fur les qualités du chemin que l’on
doit parcourir, fur fa faifon dans laquelle on marche,
& fur les obftacles qu’on prévoit de la part
de l’ennemi.
Si l’on doit marcher pendant l’été, & fi l’on eft
le maître de fixer l’heure de fon départ, on fe met
en marche de très - grand matin, afin d’éviter la
chaleur du jour : dans toutes les faifons il eft avantageux
d’arriver de bonne heure au pofte que l’on ;
veut occuper, tant pour avoir le tems de le re- ,
connoître, de le fortifier & d’en parcourir les en- ’
virons, que pour fe pourvoir d’eau, de bois, &c. j
On évitera, autant qu’on le pourra, les lieux fer- 1
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rés & étroits : on tournera les défilés, à moins que
l’on ne fe foit bien affuré des hauteurs & qu’on ne
gagne beaucoup de tems en paffant dans les gorges.
Quand vous aurez le choix entre deux chemins,
dont l’un fera large, plein, fec & découvert,
tandis que l’autre fera étroit, boueux, raboteux
& couvert, vous donnerez la préférence au premier,
quoiqu’il foit le plus long, à moins que vous
n’ayez un grand intérêt à cacher votre mar<. he, ou
que vous foyez affuré de rencontrer l’ennemi fur
le chemin le plus beau.
Quand vous voudrez cacher votre marche, vous
ne voyagerez que pendant la nuit, vous paiferez
le jour dans un pofte où vous ne pourrez pas être
facilement découvert, parce que vous y ferez em-
bufqué, & où vous ne pourrez pas être aifément
battu, parce qu’il fera fort par fa nature; vous
éviterez les endroits habités; vous fuivrez les bois
& les vallées; vous ferez arrêter avec foin tout-s
les perfonnes qui vous auront découvert, & qui
pourroient aller avertir 1 ennemi.
Pour donner le change; à votre adverfaire & à
j fes efpions, vous pourrez prendre un chemin tout-
à-fait oppofé à celui que vous aurie.z dû tenir naturellement
pour aller exécuter l’opération dont
vous êtes chargé : quand vous aurez, marché pendant
quelque tems fur cette ro;ute & lorfqu un bois
ou une montagne pourra couvrir votre mouvement
, vous gagnerez au travers des champs le
chemin que vous deviez fuivre : à ce •ftratagême,
qui pour être fimple & très-connu!n’en fera quelquefois
pas moins heureux , vous joindrez quelques
uns de ceux dont nous allons donner une .idée.
Pour faire croire à l’ennemi que vous êtes plus
fort que vous ne l’êtes réellement, vous marcherez
moins ferré qu’à l’ordinaire ; pour lui perfuader que
vous êtes-plus'foible., vous marcherez avec de très-
petites diftanees : on peut employer les inftrumens
militaires pour fortifier ie premier de ces deux
ftratagêmes : on peut encore , fe fervir des inftrumens
militaires pour faire croire à l’ennemi qued’on
tientun chemin oppofé à celui que l’on'fait ; pour
cela, on en envoie quelques-uns du côté où l’on
veut attirer fon adverfaire : on leur ordonne de
battre ou de fonner, & l’on marche foi-même à
la fourdine du côté oppofé.
Pendant les marches de nuit, on doit redoubler de
foins & d’attention : alors, comme Je dit Xénophon,
les yeux doive n t ê tre r emp lace s par les o re i lies.
Quand on aura deux marches à faire, on ne
paffera la nuit dans un village que lorfqu’on
aura le tems d’en fermer les avenues , d’en barrer
les rues, & qu’on fera affuré de la fidélité des
habitans. Dans! toute autre circonftance on couchera
au bivouac j ayant l’attention de choifîr un
endroit naturellement fort, & de le fortifier encore
par des abatis , des chevaux- de frife , &c.
Un détachement qui marche fur un trop grand
front, gagne peu de terrein , flotte fans ceffe, &
eft obligé de manoeuvrer à chaque inftant pour fe
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conformer à' la largeur des chemins qu’il .doit
fuivre. Une colonne trop profonde a ordinane-
ment beaucoup de traîneurs : la plus petite halte
eue fait un homme de la tête, occafionne un retard
vivement fenfible dans la queue : il faut donc
prendre un jufle milieu entre ces deux extremes.
Comme un -officier particulier ne peut cependant
pas ouvrir lui,même ces marches, & comme le
général n’en fait pas ouvrir pour un petit détachement
, les officiers particuliers fuivront donc
prefque toujoms les chemins déjà faits , & ils ne
donneront à leur colonne qu’un front proportionné
à la largeur de ces chemins.
Un détachement marchera, autant qu il le
pourra , fur un nombre de files dont il foit pof-
fîble de prendre exactement la moitié : tels font
deux, quatre, h u i t f e i z e , trente-deux , & g.
Le nombre huit eft celui qui nous parcitle plus
convenable à un détachement conduit par un officier
particulier; huit files n occupent en effet
que dix-huit pieds,.de front, & dix-huit pieds
font la largeur ordinaire des chemins très-,étroits :
on dédouble les divifions , ce qui n alongç pas
la colonne ; & quand ils font très-ouverts, on peut
aifément fe meure fur un front double , &c. Tout
détachement fera donc divifé en deux, fe étions ,
autant qu’on le pourra , de, vingt-quatre hommes
chacune, chaque feétion fubdivilée en deux pelotons!
Quand un détachement fera compofe de
plufieurs feélions, on formera autant de colonnes
differentes qu’on aura de divifions, de quatre,fec-
tions chacune.
Quand on mènera avec foi des bêtes de femme
ou -des chariots chargés d’outils , de provifions
de guerre ou de bouche pour l’ufage du détachement,
ils marcheront vers la queue des colonnes,
quand 1 ennemi fera en avant; vers la tete, quand
il fera en arrière ; fur le flanc droitquand il menacera
le flanc gauche ; fur le flanc gauche, quand
il menacera le flanc droit; & dans, le milieu des
colonnes ou des7 pelotons , quand il aura 1 air de
vouloir faire une attaque environnante.
' On confiera les bagages à une feâion dont la
force fera proportionnée a celle du détachement :
cette petite troupe fera commandée par. un officier
ou. par un fous-officier, qui fe.conduira d a-
près les principes développes au mot C onvoi... <_
Quand des chariots porteront des bagages,- on
pourra s’en fervir pour former une efpèce de re-
trancheraient en avant du front qui fera attaqué
on placera quelques foldats fur ces chariots : par \
leur feu, ils éloigneront l’infanterie de l’ennemi,
& leur cavalerie ne pourra rien contre 1 obft-acle
phyfique qüe les chariots préfenteront ; les munitions
de, guerre, qui peuvent s,’enflammer aifément
, feront confervées dans l’intérieur du parc
formé avec les chariots. ( V . le mot G ony o i. )
Après que le commandant du: détachement
aura donné les ordres; que nous venons de rap- I
porter, & qu’il aura divifé fon détachement, il
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fe mettra en marche. Prodiguons fous fes pas les
différens obftacles qui peuvent s’y Rencontrer, &
éffayops de lui fournir les,moyens de les vaincre. _
Auffitôt que le commandant en chef fera averti
par fon avant-garde, qu’on apperçoit. dans le lointain
un corps de troupes „ .il fera mettre fon détachement
dans le plus grand.ordre ; il marchera
à petits pas, & il obfervera fi les environs de 1 endroit
où il fe trouve , i \ é lui offrent pas quelque
pofition avantageufe , tant contre de la cavalerie
que contre de l'infanterie,..
Auffitôt que l’avantTgarde avertira le corps de
bataille que l’ennemi approche, le commandant
en chef prendra fon parti d’apres le.s.cjrconftances
du rapport qu’on lui aura fait, d’après les ordres
qu’il aura reçus & la pofition dans iaquelle il fe
trouvera.
Si le détachement eft rencontré par un petit
corps de cavalerie peu redoutable pour lui, il
continuera fa .marche, après s’être fait joindre cependant
par fes découvreurs , fon avant-garde &
fon arrière-garde. Il détachera en même tems,
! fur les flancs defa troupe, quelques foldats ieftes
& adroits ;. ils feront chargés d’éloigner par leur
; feu les cavaliers qui fer oient tentes de s. approcher
de trop près : ces tirailleurs ,. qui feront fournis
par les découvreurs, par l’avant-garde & par l’arrière
garde,, marcheront & ferpnt feu à volonté ;
: ils fe .retireront vers le d-etacliement fi la cavalerie
ennemie a l’air de vouloir les charger.
; Dès l’inftant où le commandant du détachement
reçonnoîrra, aux manoeuvres des ennemis, qu’ils
ont l'intention de s’abandonner fur lui, il fera
faire halte à fa troupe ; il recommandera à fes
officiers & à fes fous-officiers de raffûter leurs
foldats , & de bien leur perfuader que la cavalerie
n’eft dangereufe que pour ceux qui,la craignent.
Il fe formera alors de la manière qu’il croira la
plus avantageufe. .-h
Dans toutes.lés circonftançes , on tirera de manière
à ne point fe dégarnir en même tems de
tout fon feu. Les foldats ne tireront que lorfque
là cavalerie feraXtrente pas : on leur recommandera
de vifer au poitrail des chevaux , & de ne
pas chercher à recharger après avoir fait feu ,
mais de préfenter la baïonète fans fe troubler.
Après.que la cavalerie aura été Tepouffée , ou
après quelle fe fera retirée, le détachement fera
partir les découvreurs des flancs & du front de
la marche ; l’àvant-gardp les, fuivra bientôt; &
quand le chef de la troupe, fera averti que. l’ennemi
eft éloigné., le corps de bataille fe remettra
en marche : les découvreurs de L’arrière-garde &
l’arrière-garde elle-même partiront quand le gros
de la troupe aura gagné le terrein qui doit les fé-;
parer de ces deux divifions.
Si le détachement eft fur le point d’être attaqué
par un parti de cavalerie tvès-confiderable , & s il
voit qu’il lui eft abfolument impoffible de réfifter ,
l ’officier qui le commandera, apiès s etre fait