
même rivière , marcha du même c ô té , & les
armée» fe rencontrèrent dans les plaines de
Zama*
Annibal ne pouvoit pas temporifer , la bataille
étoit néçeffaire dans la pofition où, il fe trou- .
voit. Scipion de fon coté étoit ati milieu des
terres de la république de Carthage, éloigné
de la mer, entouré dJennemis, fans aucune
affurance pour fes fubfiftancesj il avoit en front
Annibal, & fur fes derrières les garnifons
d’Utiq ue, de Carthage 8c de Tunis ; il ne
pouvoit donc pas héfiter d’accepter le combat,
dans lequel Annibal fut défait & fon armée
entièrement détruite. On le croira fans peine,
pour remporter une pareille victoire contre un
général du mérite d’Annibal, Scipion dut dé-:
ployer des csrinoiffances militaires, & une manière
de difpofer fes troupes & de tes faire manoeuvrer
j qui fut inconnue à Annibal, ou fi bien
mafquée qu’il n’eut ni le tems ni les moyens
de s’y oppofer. Quoi qu’ il en fo it, on doit
regarder la bataille de Zama comme la première
où de part & d’autre les généraux manoeuvrèrent
comme ils le . firent j & à examiner cette aétion
militairement, Scipion femble devoir relier vainqueur
, d’après la manière dont fe comporta
Annibal, fi toutefois il eft permis de juger un
aulfi grand homme, d’après îe fimple narré des
hiftoriens fi fouvent infidèles ( i ) .
. (J) L’armée romaine à Zama étoit à-peu-près
égale en nombre à celle des .Carthaginois ; Scipion
changea l’ordonnance habituelle de fon infanterie
dans fon premier ordre de bataille, il plaça à la
première ligne les haftaires avec leurs intervalles
ordinaires, mais dans la fécondé ligne, lès manipules,
des princes furent rangées derrière celles des
haftaires, & celle des triaires dans la troifième ligne
derrière celles des princes. 11 prépara par ce moyen
des paflages aux éléphants j les vélites furent placés
dans les intervalles de la première ligne j ils avoient
ordre defondre fur le s éléphants dès qu’ils les verraient
avancer, afin de tâcher de les culbuter & de leur
faire rebrouffer chemin 5 & dans le cas où ils s'attacheraient
à ceux qui les, irriteroient, les vélices
dévoient leur faire prendre. les intervalles pratiquées
entre l,es manipules. Il mit la cavalerie
romaine à la gauche fous les ordres de Loelîus,
les numides à la droite fous les ordres! de Maflinifla.
Annibal rangea auffi fon infanterie fur trois lignes,
mais pleines , & mit devarft elles fes quatre vingt
éléphants 5 à la première ligne étoient fes troupes
érrangères , Gaulois, Liguriens , barbares , 8cc.
La fécondé ligne étoit compofée des Carthaginois 8c des Africains de nouvelle levée j & cent-vingt
pas en arrière étoit rangée l’élîtè de fon armée,
ces vieilles bandes ckèifées par lui-même, Si avec
kfquelles il avoit combattu ea Italie, elles for-
Bata il le de Z a m a . Scipion change ici l*ordre
habituel des manipules en échiquier, & les met
inoient fa troifième ligne ; la cavalerie carthagi-,
noile fut placée à l’aile droite oppofée à celle des
Romains, 8c les. numides à l’.aîle gauche oppofée
aux numides de Maflinifla.
Annibal fe rangea ainft fur trois lignes , comptant
peu fur les Carthagihois & les Africains-.de
nouvelle levée. I l avoit ordonné aux troupes étrangères
de fa première ligne, parmi lefquels il y
avoit d’excellens tireurs, de fuiVre les • éléphants
afin d’augmenter la confufion néceffairement jettée-
par ce s animaux dans les premiers rangs des-
Romains. Et dans le cas où ces animaux leroient
’écartés, les étrangers dévoient charger les haftaires
& être foutenus par lès Carthaginois de la fécondé
«ligne 5 dès-lors il voyoit les -deux autres lignes
des Romains venir appuyer la première 8c éprouver1
infailliblement quelque défordre : moment où il
s’étoit propofé de marcher avec fa troifième ligne,
en Liftant quelques intervalles pour faire paftèr»
( le s . hommes des deux premières lignes ', & combattre
avec fes troupes fraîches, les Romains déjà
harralfés de leur combat contre les deux premières
lignes. Les étrangers & les Carthaginois devant
fe reformer derrière cette troifième ligne, & marcher
pour dépafler l’ennemi 8c le prendre en flanc.
Ces difpofîtions fi bien raifonnées furent à peu-
iprès inutiles j dès le premier fignal donné pour
combattre, les vélites. romains attaquèrent les éléphants
; les cris, le fon des trompettes & le
cliquetis des armes, redoublés à deflein dans l'armée
romaine , épouvantèrent d’abord, la partie de ces
animaux qui étoient à la gauche j aulieu d’avancer
ils tournèrent de côté, & fe jettèrent en fureur
au milieu des numides de l’armée carthaginoife.
Maflinilfa faifît ce moment, les chargea , les empêcha
de regagner leur terrein, 8c après un combat
très-court les rompit entièrement , & les poursuivit
beaucoup au-delà du champ de bataille.
Pendant ce premier choc , les vélites entraînoient
le refte des éléphants à travers les intervalles des
• manipules, en même tems la cavalerie romaine
conduite par Loelius chargea la carthaginoife, la
Senverfa & fe mit à fa pourfuite. -
: Lé front dè la bataille débarràffë des éléphants,
j les douze ' mille étrangers de l’armée d’Annibal
; s’avancèrent fièrement- jufqu’à la portée du trait,
; 8c firent pleuvoir une grêle de pierrës fur les haf-
■ caires qu d'abord s’arrêtèrent. C ’étoit le moment
j où les Carthaginois de la féconde ligne dévoient
■ marcher pour- féconder la première ligne, 8c attaquer
les Romains avec plus de force; Cependant
[ les étrangers ne fe fentant point fécondés, & voyant
[ les haftairé’s marcher. *à eux, reculèrent en gar-
! dant leurs rangs, toujpurs dans, l’efpérance d’ètre
les unes derrière les autres , afin de donner
une plus grande facilité aux vélites de faire
appuyés î mais la frayeur s’étoit emparée de ces
hommes fans expérience, & 011 ne pouvoit les
décider à avancer. Dès-lors les étrangers, pouffes pâlies
-haftaires, fé croyant trahis par les Carthaginois
, tournèrent le dos aux Romains & tombèrent
fur la fécondé ligne, où le défefpoir & la
honte ne tardèrent pas à changer ces lâches en
furieux , faifant d’abord main-baffe fur les étrangers,
8c s'unifiant enfuire à eux pour recevoir les
haftaires avec une vigueur qui les força de s’arrêter,
8c lès auroit infailliblement culbutés, fi
les princes n’avoient promptement marché pour les
foutenir. Mais à leur approche, là frayeur s’empara
de nouveau des Carthaginois qui entraînèrent
les étrangers dans leur fuite, & auroient culbuté
la troifième ligne, fi en leur préfentant fes piques, !
elle ne les avoit pas forcé à s’écouler le long du
front. /
Dès l’inftant où Scipion vit les deux premières '
lignes de l’armée carthaginoife en fuite & encom- ■
brant le front de la troifième ligne, il occupa fes j
vélites à nettoyer le front de fon armée, qui étoit 1
rempli de morts & de mourants, & mettoit un i
obftacle à fa marche. Pendant ce tems il fait ref- I
ferrer les haftaires fur eux-mêmes pour fe former \
en phalange dans le centre , & porte en égal nombre j
fur leur droite 8c fur leur gauche, les princes 8c ;
les triaire&~,Ainfi formé fur une feule ligne, égale \
à cellé troifième des Carthaginois, il marcha rapi- .
dement à elle ; & on fe battoit avec une extrême '
opiniâtreté & une parfaite égalité de part & d’autre, ■
uani tout-à-coup Loelius & Maflinifla parurent :
errière les Carthaginois & les attaquèrent à dos
& fur leurs flancs. Le carnage dès-lors fut terrible
, & Annibal réduit à fe lauver avec quelques
cavaliers à Adrumète.
Polybe partage fes éloges entre les deux généraux
5 on trouve en effet dans le plan d’Annibal,
outre de l’art & du génie , cet elprit de rufe qui
fe fait remarquer dans toutes fes batailles. Peut-être
auroit-il pu mieux faire, mais il faut bien con-
noître les faits, les circonftances de l’adion & la
manière de combattre des anciens, avant d’ofer
dire avec le chevalier Folard : Annibal avoit perdu
la tête , & fa difpofition étoit au-deflous du
médiocre.
On peut cependant fe permettre quelques réflexions
fur une aétion aulfi importante, & où
les deux généraux font mis au rang des plus fameux
de l’antiquité.
paflfer fans danger les éléphants, dont ils pour-
roient être pourfuivîs. Et cet ordre fi fimple
de cette première, attendant à la tête d’une troifième
ligne j le^ moment favorable pour décider
la viâoire par les efforts de l’élite de fon armée.
Cette difpofition , d’abord: fi brillante en apparence
, paroît en l’examinant avoir un défaut capital,
celui d’avoir formé la fécondé ligne fans intervalles,
& uniquement compofée de nouvelles levées
faites à la hâte.
, Avec la précaution des intervalles, les étrangers
repoufTés aüroient pu facilement paffer derrière cette
ligne, fans y occafîenner le moindre défordre, fe
rallier & venir occuper ces intervalles pour combattre
de nouveau : ( conjecture bien raifonnable,
les étrangers ayant dû. être formés & combattre par
petits corps, afin de pouvoir fe fervir de leurs
armes de jet. )
Avec la précaution hon moins fage de mêler
cette fécondé ligne, dans le centre & fur les ailes
de quelques cohortes de vieux foldats, leur exemple
& l’autorité auroient fans doute décidé la ligne
entière à marcher bravement au fecours de la première
j faute de cette fage précaution, les étrangers
peu au fait de la manière de combattre fut
plufieurs lignes, fe croyant facrifiés 8c trahis, fe
livrent à leur rage, & tournant le dos à leurs
ennemis, rfe jettent en défefpérés fur. cette fécondé
ligne. Le carnagë horrible qui fe fit alors entr elles
donna un grand avantage aux Romains, qui tombèrent
fans obftacles fur ces lignes, combattant
fi mal à-propos entr’ellesl; . '
Pendant ce choc, la cavalerie romaine inftruite
par Scipion à arriver au galop fur l'ennemi, fans
déranger ni fes rangs, ni fes files, avoit fu profiter
de la mauvaile formation à huit de hauteur
des efcadrons carthaginois, préfentant de tous côtés
des flancs aifés à gagner 5 8t les ayant empêché
de fe dédoubler, les avoit fi rapidement culbutés
& fi chaudement pourfuivi, qu’ils n’avoient pas
même pu fe rallier fous la. .troifième ligne d’infanterie
éloignée de cinq cents pas. Maflinifla avoit eu
de fon côté le même fuccès , & il ne refta pas
à Annibal un feul efcadron pour féconder les efforts
de fon infanterie. Evénement malheureux! qu’il
auroit dû prév oir & empêcher, en prenant des précautions
à la hauteur de fa troifième ligne, pour
afliirer gu moins le ralliement de fa .cavalerie, dans
le cas, où, comme cela arriva, elle feroit défaite
en première ligne.
Annibal ne paroît pas non • plus avoir voulu
rétablir fes deux premières lignes oeifes en déroute ;
î n’avoit-il pas le .tems de lès faire rallier 8c d’en
un corps de réferve, pour aflurer fes der-
c.omment. ofa-t-il mettre fon
le courage 8c les efforts .de
I i i i ,2
La difpofition d’Annibal paroît d’abord judicieufe 5
il forme une première ligne de fes étrangers dont . former
il eft fur, pour commencer à fatiguer les Romains, ! rières & fes .flancs , 8c il deftine une fécondé ligne à foutenir les efforts : unique confiance dans