
l’officier, dans chaque grade, pour le temps de
Ion fervice, un traitement plus fort que celui
dont il jouit actuellement, 8c lui en affureroit
encore, à l’époque où il voudroit le ceffer , un
beaucoup plus confidérable que celui auquel à
préfent il peut prétendre. Ce fyftême , en l'ouff
trayant l’ancien^officier. à - l’arbitraire de, fes fiipé-
rieurs & du miniftre , pour la certitude, l’époque
& la fomme de fon traitement, auroit encore le
précieux avantage de diminuer, dans un certain
temps, les charges du tréfor public de prefque
toutes les fommes affectées- à préfent aux penfions
des militaires.
Ces penfions s’élèvent aujourd’hui à. dix - huit
millions qui , avec beaucoup d’économie , .ne peuv
ent, dans le régime nouveau, s’élever à moins
de neuf à dix ; & ce projet, facile à réalifer,
n’exigeroit, après un certain nombre d’années ,
qu’une fomme affeâée tout au plus d’un million ;
parce que les feules penfions deftinées, ou à quelques
officiers bleffes à la guerre , ou à quelques
officiers généraux , dont la maffe ne feroit. pas
affez confidérable feroient payées fur ce fonds.
Le même principe d’équité vous portera fans
doute à chercher .les moyens de pourvoir au fort
du foldat après l’expiration de fon engagement,
de manière qu’une fomme dont il auroit alors la
difpofition , 8c qui jie diminueroît, par aucune
retenue, fa folde pendant le temps de fon fervice,
lui donneroit la poilibilité de quitter fon état s’il
ne dsfiroit pas le continuer , de faire un 'étabjif-
fement, d’embrafler avec quelque reffource une
profeffion nouvelle , ou de ne continuer le ihétier
de foldat, qu’autant que fon goût & fon intérêt
l ’y détermineroïent ; & «es moyens fe trouve-
roient peut-être fans difficulté.
Parmi les differens objets fur lefquels vous
croirez devoir arrêter quelques principes, vous
compterez fans doute les engagemens : vous avez
dû déterminer le mode de recrutement de l’armée
, parce que l’obligation générale du fervice
militaire attaquoit directement la liberté des citoyens
, & que vous ne deviez pas mutiler cette
liberté feus le fpécieux prétexte d’affurer des dé-
fenfeurs à l’éta t, quand vous pouviez pourvoir à
la d.éfenfe commune , en relpectant les droits
d’un chacun. Si les enrôlemens à prix d’argent,
ont pu donner lieu à de grands abus , les plaintes
multipliées les ont fait connoître : cette connoif-
fance vous fuffit pour exiger des lois propres à
les détruire & à les empêcher de reparoîtrë.
L’affemblée doit prendre dans toute fa folli-
citude le rétabliffement & le maintien de la discipline.
Sans difcipline, vous aurez des Soldats,
mais vous n’aurez jamais d’armée. Ce que vous
croirez dépenfer pour votre sûreté, pourroit tourner
contre vous-mêmes.
Qn fuppol’ero it, fans fondement, que la fubordination
militaire pourroit porter atteinte a lai
liberté publique, 8c comprendre des devoirs contraires
aux droits du citoyen. La difcipline n’eft
que le maintien de l’ordre jugé' néceflaire. L’ im-
perfeâion du commandement qui ordonneroit ce
que le foldat auroit droit de ne pas faire, ne
peut être regardée comme faifant partie de la
fubordination militaire^ mais les objets fur lefquels
elle s’élève font facrés ; le falut de la république
en dépend , & dès-lors ils deviennent
les premiers devoirs du citoyen.
Le rétabliffement de la difcipline dans l’armée,
fi effentiel pour le falut de tous, doit être une
loi de l’é ta t , émanée de l’affemblée nationale ,
& iandionnée par le roi. Revêtue de ce grand
caractère. , elle fera , fur tous les individus de
l’armée, une impreffion profonde qui ne pourra
laiffer douter du fuccès. Ainfi les fautes contre
la difcipline & la fubordination deviendront un
délit national; la fubordination & la difcipline,
des vertus vraiment patriotiques; & l’armée attachée
à l’obfervation de les devoirs par les fen-
timens de citoyen, les remplira dans tous fes
détails avec plus de dévouement & de patriotisme.
Pour écarter tout arbitraire dans la punition
des crimes & .délits militaires, Eaffemblée nationale
croira fans doute devoir établir les points
effentiels d’un code pénal bien précis , où les
peines proportionnées aux fautes ne feroient point
; arbitrairement ordonnées, où tout moyen de justification
feroit donné à l’accufé, & tout moyen
déquitable application de la lo i , au juge. Ainfi
vous compléterez, par la certitude de la juftice ,
le bonheur du foldat.
L’afTemblée doit encore indiquer fes vues fur
les règles a établir pour l’avancement. Il eft
temps, fans doute, de détruire les barrières insurmontables
que la claflela plus nombreufe voyoit
oppofer à fon avancement , foit par les ordonnances
qui lui interdiioient l’accès de certains
grades, foit par la faveur qui l’en repouffoit.
Mais en voulant reconnoître & fervir les droits
de l’ancienneté, on ne fauroit perdre de vue
qu’une armée n’ eft pas feulement inftituée pour
affurer le bien-être de ceux qui la compofent,
qu’elle l’eft plus particulièrement encore pour
l’utilité de/l’empire. Cet important objet feroit
mal rempli , fi les lois militaires afluroient les
mêmes avantages à l’homme incapable, à l’homme
inappliqué., inaffidu à fes devoirs, & à l’homme
! que fes talens , fa conduite 8c Ton intelligence
feroient diftinguer par l’opinion publique,
Ainfi , fi vous croyez devoir adopter , pour
• règle générale de l’avancement, le fyftême de
l’ancienneté , vous croirez fans doute aufli devoir
laiffer place à des exceptions pour le mérite
i diftingué" & l’incapacité reconnue & comme
aucune ïoï précife ne peut fixer ni l ’étendue, ni
l’oceafion dé ces exceptions néceffaires ; comme
le mérite d’un chacun , toujours confidérable a
fon propre' fens , ne peut être juftement apprécié
par des règles confiantes , vous laiflerez l’exercice
de ces exceptions au r o i, à qui la conduite,
la djreélion , la jdifpofition de l’ armée doivent
être confiées fans réferve, fous la condition
des lois conftitutionnelles du royaume & du
militaire.
Tels fo n t , Meffieurs, les points fur lefquels
il me femble eflentiel que l’ affemblée nationale
pofe des bafes , parce que ces points intereffant
effentiellement la conflitution de l’armée , ne
peuvent pas être laiffés à l’arbitraire. Tels font
aufli les points fur le • aels elle doit fe borner
à. prononcer , parce - qu’elle n’a pas, en elle les
moyens d’entrer, ainfi qu’ il a déjà été dit , dans
tous les détails multipliés de l’organifation de
l’armée , & que cette organifation, cette^ direction
appartiennent fans aucun doute au r o i, chef
Suprême de toutes les forces militaires.
Ces bafes p o f é e s , & l ’ a f f em b l é e a y a n t décrété, :
fur la demande du ro i, quelle fomme doit être
affeélée à l’entretien de l’armée & de combien
d’hommes e l l e doit être compofée , le foin du
refte doit être, entièrement abandonné au pouvoir
exécutif.
C’eft au minifire a bien mériter de la nation,
en proposant la formation d’armée qui réunifie au
plus grand nombre d’avantages l’économie la plus
lage ; c’eft à lui à calculer dans la plus grande
perfeétion poffible la combinâifon & la divifion
des armes, la formation des corps, l’équipement
& l’armure-, toutes, les ordonnances auxquelles
Vos principes connus ferviront de bafes, enfin ,
tous les détails de l’ armée. Il confidérera que la
France a befoin d’une nombreufe cavalerie , pour
agir au-delà du Rhin , ou pour défendre les pays
ouverts qui nous fervent de frontières depuis
Dunkerque jufqu’à Bâle ; que les armées dont
nous avons à craindre l’approche de ces côtés,
font fortes d’une cavalerie confidérable , & mènent
à leur fuite une formidable artillerie de campagne.
Il examinera fi le projet d’entretenir fous les
armes un moins grand nombre de troupes pendant
un long-temps de l’année, pour en réunir
un nombre plus confidérable pendant un temps
fuffilant 8c pour augmenter ainfi la force de
l’armée prête à marcher au premier fignal , ne
pourroit pas prélënter des vues utiles à la forte,
a la bonne compofition de l ’armée & au maintien
de la conflitution. Sa Science 8c fon habileté
s’exerceront à former une armée qui raflembîe
dans une bonne proportion tous les moyêhs de
défenfe que notre pofition nous rend néceffaires; 8t s’ il réfout ce grand problème en lé renfermant
exa&ement pour les dépenfes dans la fomme'affi-
gnée au département, peut-être, malgré l’augmentation
de paye du fo ld a t, inférieure encore
à celle indiquée par le comité militaire, il aura
rempli le but qu’il doit fe propofer. Alors l’af- -
femblée donnera par fon décret une exiftence
conftitutlonneîle à l’armée; & la réunion de tous
ces movens affurant la liberté des citoyens , la
jouiffance naturelle de leurs droits & le maintien
de la conflitution, affurant fous tous les rapports
le bien-être de tous les individus de l’armée ,
affurant enfin, par l’exiftence d’une force formidable
8c bien- organifée, la liberté politique de
la France , remplira toutes les conditions que l£
nation, a droit d’attendre de la fageffe de fes
repréfentans. -
Eclairé par les deux opinions que je viens de
tranfcrire 8c par des débats particuliers auxquels,
j’ai été admis , j’ai recueilli quelques principes
! généraux fur les conflitutions militaires des peuples
libres; je vais les inférer ic i , ils pourront,être
utiles , ou à mes compatriotes, ou à des pënples
qui voudront fe refaifîr un jour de droits qu’on
a ufurpés fur eux. Ils font en effet capablés de
donner à la nation, qui les adoptera, une armée,
qui non - feulement ne pourra attenter à leurs
droits individuels ou nationaux , mais qui ne
pourra même en concevoir le projet ; ils lui donneront
une armée qui la fera refpeâer au dëhors
& qui maintiendra, la tranquillité dans l’ intérieur
de l’état ; une armée qui ne nuira ni à la population
, ni à l’agriculture , ni au commerce , ni
aux arts, & qui méritera & obtiendra l’amour 8c l’eftime générale.
J’ai divifé ces principes en deux claffes : dans
la première , j’ai placé les principes généraux des
conflitutions militaires, & dans la fécondé , les
articles qu’une nation qui aime la liberté d o it, à
mon avis, inférer dans la conflitution,
§. I I I .
Maximes générales fur les conflitutions militaires,
ou principes que ne doivent jamais perdre de
vue- les légiflateurs d’ une nation libres
I. Dans l’état actuel de l’Europe , il faut à
toute nation une force armée toujours fur pied.
II. La force armée, ou l’armée doit être constituée
pour le bonheur de tous f| & non pour
l’avantage particulier de ceux,à qui elle eft confiée.
I I I . Toute nation fage , & qui eft jaloufe de
fa liberté , doit avoir toujours prête une force
capable de contrebalancer avec facilité la force de
fon armé.e ; fans cette précaution , fa liberté leroit
compromife.
IV . C’eft à la nation feule qu’ il appartient de
donner des lois conftitutionnelles à fon.armée, 8c
de les changer.