
pour n’ être détruits qu’avec beaucoup de peine
& de temps. A plus forte raifon ne doit-on
pas rejetter avec tant de mépris ceux qui ne
peuvent être battus que par le ricochet. Les ingénieurs
en France les ont pratiqués en différentes
occafions, & ils viennent encore de faire
exécuter des murs crénelés au .fort Saint-Pierre,
conftruit à une lieue en avant de Breft j la contrescarpe
du foffé de ce fort forme une galerie
voûtée fous le terre-plein du chemin couvert,
dont le mur extérieur eft crenelé dans toute fon
étendue j cette galerie crenelée eft d'autant plus
importante, que le foffé de trois côtés de ce
fort n'a que cette feule défenfe , n’étant flanqué
d’aucune partie du fort. Les ingénieurs qui ont
fait conftruire ces murs crénelés ont donc jugé
qu’ils feroient d’un bon ufage. Ils ont même
conftruit une femblable galerie crenelée fous
chacun des- flancs de ce même fo r t , du côté
formé en ouvrage à corne. Sans approuver à
beaucoup près des murs crénelés dans de pareilles
polirions,,& deftinés à de pareils ufages,
on ne les cite que pour prouver que l’ ingénieur
Cormontagne n’a pas été fondé a dire que les
murs crénelés ont été rejettés par tous les ingénieurs.
Il paroît par les plans que Belidor
a donné fix pieds d’épaiffeur dans le haut de fes
mûrs creneles,. & douze pieds dans le bas j que,
de plu s, ces murs font terralfés de fix pieds
d’épaifll ur jufqu’à quatre pieds & demi au-delïus
des créneaux ; & ces murs ne peuvent être en
prire qu’avec le ricochet. S'il eût donne deux
pieds de plus, addition facile à. faire , ; il eût
établi des murs dans fes places d’armes plus
difficiles à détruire que ceux placés au-deffus
des tours baftionnées. Cette eonftru&ion ne méritait
donc pas d'être traitée avec tant de.., mépris.
Les éclats que peuvent produire les boulets
de canon, frappant contre de la maçonnerie ,
n’ont jamais. fait exclure les murs. Les réduits,
dans les - demi - lunes , auroient été profcrits ,
puifque les. coups frappant leur revêtement , envoient
de tous-- côtés les pierres qu’ils en détachent......
On .n’y bâtiroit jamais de c.or.ps-degarde
ni de magafins à pcudre , on banniroit
les murs dont font conftruites les maifons des
villes dé guerre. 11'fau t, fans aucun doute, que
les murs qu’on a à élever foient couverts le plus
qu’ il eft p.offii le j mais il eft préférable d'avoir
un retranchement formé.par un mur bien épais,
à n’avoir point de retranchement, parce qu’en-
fin l’ennemi ne peut le franchir fans l’abattre ;
il ne peut l'abattre, s’ il n’ eft pas vu dans la
campagne , qu’en établiffant une batterie fur le
parapet de l’ouvrage qui le couvre : il ne p_ourra
faire brèche à l’ouvnge qu fe trouve derrière,
qu’après avoir rafé le retranchement ce qui
retarde les opérations de l’ennemi, & l’affiégé
n’eft pas obligé de tenir continuellement du
monde derrière ces retranchemens crénelés. Du
moment qu’ils font expofés à une batterie qui.
les bat en brèche de deffus la crête du parapet
de l’ouvrage, il retire fon monde & lailfe opérer
fa deftiuélion fans y facrificr perfonnej mais
jufqu’au moment que cette batterie eft finie &
en état de tirer, quel feu meurtrier ne fort-il
pas de ces murs crénelés, contre les travailleurs
de ces batteries & ceux du logement que l’ennemi
a à faire fur le parapet de tout l’ouvrage
ï Quelle précaution ne faut-il pas qu’il
prenne pour n’expofer fes travailleurs que le
moins poflible ? quelle lenteur n’en doit-il pas
réfulter dans l’établiffement de la batterie der-
tinée à détruire le mur crenelé? Le retard ne
fauroit être de moins de deux ou trois jours,
autant pour détruire le mur, afin de voir &
pouvoir battre l’ouvrage qu’il couvre j & l’affiégé
gagne une fémaine au moyen de ce mur crenelé
que l'ingénieur Cormontagne veut profcrire
pour toujours & dans tous les Tas. On jugera,
I d’après ce qui précédé, fi fon fentiment dans
: cette occalioii doit faire loi.
Suivant l'ingénieur Cormontagne, lés réduits
qu’il propofe dans les places d’armes de Metz,
'font infiniment meilleurs } mais c’eft: ce qu’on
ne lui accordera pas.. Il fe prévaut de trois pieds
de commandement qu'ont les parapets de fes.
! réduits fur la tête du chemin couvert} mais ce
• n’eft point affez-, parce que le feu du réduit ne
î. peut avoir lieu en même-temps que celui., du<
chemin couvert, les trois pieds ne fuffilant pas
' pour garantir ceux qui auroient J tirer du che-
• min couvert. Ces trois pieds d’élévation expo-
fant la crête du parapet du- réduit au feu de
l’ennemi, il le détruit, & le foldat plàcé deri
riere n’ eft plus fuffifamment couvert, tandis qu’un
|. réduit à mur crenelé d’une fuffifantè épaifleur,,
î dont le fommet eft tenu à un ou deux pieds au-
? défions de la tête du parapet ou chemin cou-.
l: vert, refte en état d’être garni de fufiliers tirant
très à couvert contre les travailleurs qui éta-
bliffent le logement.. Ils tirent dfe bas en haut
- fans être vus-, ils percent & pénètrent -les fapes
.fans qu’on puiffe rien contre eux-Ils déf oient
, les cavaliers de tranchée, dès l’inftant qu’ils font
parvenus à avoir quelques plongées dans le chemin
couvert, tandis que les réduits , fuivant le
fyftême de l’ingénieur Cormontagne, feront plongés
eux-mêmes par les cavaliers de tranchée} &
tous lès fufiliers qui vôudroient aborder les parapets
pour faire feu fur les têtes des fapes,
feroient-vus par-deffus-le • parapet autant qu’ils-
verroiént, & même ils- ne feroient plus couverts
que par un parapet à moitié détruit & toujours
très-imparfaitement réparé , par la difficulté
• de -faire un bon' travail dans des parties expofées
rà un-feu de l’ennemi auffi dangereux. Il en donc
bien évidemment prouvé que les réduits les plus-
avantageux font- tes réduits crénelés^, lorfqu’ilsont
les conditions requifes. Mais on croit que
Belidor en i trop éloigné la crête de-fon chemin
couvert} ce qui ne peut que les découvrir
davantage.
Cependant pour détruire ces réduits, l'ingénieur
Cormontagne convient qu’il peut être né-
ceffaire d’établir des batteries fur la crête du
chemin couvert, & qu’ il faut les démolir au
moyen de ces batteries, pour parvenir à détruire
les taponierres & le réduit > alors ces
premiers réduits feroient le même effet que ceux
exécutés à Metz , avec cet-te différence à l’avantage
des premiers que , par le feu couvert partant
de leurs xreneaux , ils s’ oppôferoient hier,
plus puiflamment à l’établiffement de cette bat
terie , lequel en deviendroit beaucoup plus long
& plus meurtrier.
Obfervation fur les pièces détachées dans le fyjlême
de Belidor.
La difpojition des pièces détachées propofee par
Belidor efi telle, dit l’ingénieur Cormontagne,
•qiïil feroit bien difficile d! en imaginer de pire. Çes
pièces touchent au pied du glacis , tandis qu a
Landau la queue d’ hironde eft a joo toifes. 11
donne pour raifon de fon opinion quelles ne font
pas enveloppées d’ un avant - chemin couvert ,
régnant fur tout le front} mais un pareil chemin
couvert ne pourroit avoir lieu que tant qu on
auroit placé une autre lunette femblable fur la
capitale de la demi-lune} ce qui auroit été une
dépenfe de plus, & une dépenfe inutile 5 car
cette troifième lunette ne peut pas tenir plus
que les deux autres, & tombe en même-
temps : c’eft; donc une économie bien entendue
que de l’avoir fupprimée. L’ingénieur
Cormontagne dit q u e , devant un front garni de
lunettes avancées fur chaque capitale des bâfrions
& demi-lunes, on ne parviendroit point,
dès la dixième n u it, à établir une parallèle fur
la queue des ^glacis. Ainfi il faut, fuivant lui-
même , dix nuits lorfqu’il n’y a des lunettes que
fur les glacis des battions, pour établir une femblable
parallèle : pourquoi donc en a-t-il établi
une dès la cinquième nuit ? Il fe trouve ici en
contradiction avec lui-même} mais il en veut à
ces pièces, quoique des lunettes avancées foient
en ufage par-tout, & qu’ il en ait placé lui-même
à Metz. 11 attribue leur forme , qu’il qualifie
d’extraordinaire , au defir de paroître avoir fait
un nouveau fyftême. Cependant un nouveau fyf-
r,ême ne confifte pas dans la forme d’une feule
pièce, & il eût dû fentir que c’étoit pour leur
donner l’avantage de mettre les batteries placées
fur leur flanc hors de la direction du ricochet
qui enfileroit les faces, afin que le même
boulet ne détruisît pas l’ un &■ -!’ autre à-Ia-fois.
C eft une propriété, de ces iLncs retirés , fen-
I fible à tous les yeux .& que l’ingénieur Cormontagne
devroit avoir apperçue.
Eût-il dû dire , d cette occafion., qu’il faut
toujours fe méfier de ces nouveautés? ce n’éto t
pas le moment de donner une exi lufion générale
a celles qui ne doivent leur naijfance qua un pur
travail de cabinet, puifqu’ il eft démontré qu’elles
ont des avantages que leurs aînés n’ont pas.....
La profonde théorie , dit-il, & la plus grande pratique
jointe tnfemble avec beaucoup de> jugement,
ont bien de la peine a fournir du nouveau aujourd’hui
, qui foie meilleur que ce quon fait. Ce font là
certainement de grands mots } que veulent-ils
dire ? On fait que la profonde théorie des fyftêmes
baftionnés fe réduit à prendre la fixième partie
de cent quatre-vingt toifes , pour déterminer par
une perpendiculaire ; l’ inclinaifon des faces des
battions auxquelles on donne deux feptièmes des
mêmes cent quatre-vingt toife s , afin de fixer
les flancs fur les lignes de défenfe ; on fait de
même que la grande pratique qui fe trouve réunit a
cette profonde théorie, fe réduit d faire élever des
murs fur le tracé général de tous les fronts baf-
rionnés } on fait encore que cette profonde théorie
eft immuable dans la pratique : ainfi, quoi-
qu’avec beaucoup de jugement, comment produire
du nouveau meilleur que ce qu’on lait , quand
le premier trait de ce tracé eft toujours le même ?
Alors il faut ne'ceffairement que le nouveau foit
auffi mauvais que l’ancien , & la plus profonde théorie
, jointe à -la plus grande pratique , ne produt*
roit jamais que la même chofe.
Sixième nuit.
L’ on a vu qu’ ;l n’ étoit pas poflible de fuppo-
fer que le logement dans les lunettes avancées fût
fait la cinquième n u it, & que pour y faite
brèche, les fécondés batteries étoient infuffi-
fantes ; ainfi le travail fuppofé ici la fixième
•nuit, feroit impoflible. En général , i s logemens
fur les places a’armes du chemin couvert, ne
peuvent point être opérés par une attaque de
vive force , telle qu’on le fuppofe ic i} & celles
de ce fyftême étant foutenues de très-près par
des ouvrages qui fe flanquent tous perpendiculairement,
dont les feux n’ont point été éteints
parv aucune batterie à ricochet, font moins dans
le cas qtf*aucun autre. Ainfi dans le. fyftême d’attaque
établi , ici par l’ingénieur Cormonn g n e ,
les progrès ne peuvent être que très-lents , & ,
vouloir les fixer , c’ eft vouloir fe jeter dans
des évaluations de tems arbitraires qui ne pré-
fentent que des incertitudes. Il femble alors
qu’on n’a d’objet que celui de tâcher de réduire
à l’abfurde un fyftême vifibl.ment plus
fort que ceux qu’on prétend qui doivent être
j préférés.
I Que les pièces détachées foient prifes la cin-
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