
fions diroit peut-être que, pour remédier à cet inconvénient,
on pourroic mettre une autre plé-
fion à la fuite de la première : ce feroit alors reconnaître
l’avantage de combattre en petits corps
féparés , & l’auteur feroit'd’accord avec lui fur
ce point : refteroic l’objet du canon, qui n’eft pas
à méprifer, à préfent que les armées en fourmillent.
Chez les anciens, l’artillerie n’étoit d’aucune
confédération dans la taâique , parce qu’ on
ne le fervoit que rarement des machines dans les
batailles.-La colonne préfente de tous côtés une
grande épaifiTeur-, 8c dans tel fens qu’elle reçoive
•le tir du canon, il doit y faire beaucoup de ravage.
La cohorte eft moins expofée à en être endommagée
, foit qu’on la confidère par le front
ou par les flancs : fes files ne font jamais que de
trois, parce que fes divifions ne Ce rapprochent
qu’au moment du choc , & qu’ alors elle n’ eft plus
en butte au canon ; d’ailleurs, elle marche avec
tant de célérité, qu’elle fe tire bientôt de danger.
La piéfîon donne fur Ion flanc une fois plus
de prife, & les coups en écharpe doivent furtout
lui faire beaucoup de mal. Combien n’en ferount-
ils pas davantage dans la colonne de Foîard!
Cét auteur, continue M. de Maizeroy en bataillant
avec fes critiques, s’eft fort animé contre
leurs objections } mais oh peut appliquer à fes répliques
ce qu’il dit du feu de bataillon, qui fait
beaucoup de bruit 8c peu d’effet. L’ ufage de a
colonne eft certainement piéférable à celui des
bataillons longs 8c m nces , qui n’ont ni force-ni
confïftance : l’obffination 8c l’ignorance-ont pu
feules le lui contefter ; mais c’eft dans fa manière
dë la hsjnpofer 8c dans fon mélange d’armes que
l’on peut trouver des.inconvéniens. L’auteur des
pléfions a ét:ndu & développé fon fyftème 5 il a
fubftitué à la colonne un corps qui a beaucoup plus
d’aélivité , 8c dont les divifions font nettes & bien
marquées; cependant l’ une 8c l’ autre font au fond la
même chofe. Le difciple a fuivi les principes &
les maximes de fon maître} il a feulement mis plus
d’art dans fon travail} il a perfectionné l’inven-
tton. L’opir.ion de la pefanteur d’un corps fur
plufieurs rangs compreffés, & l’exceffiveprévention
pour les piques , forment là bafe de leur tactique
& de cous leurs raifonnemens. La fupériorité
de la légion fur la phalange a décidé ce grand
procès chez les anciens } & fi quelques modernes
fe font déclarés pour le fyftème des Grecs , on ne
peut regarder ce choix que comme l’effet d’ une
prévention aveugle , ou comme un dëffein de fe
particularifer en adoptant des fentimens contraires
à la raifon-8c à l’expérience. ■
• Tels font les élémens de la tactique 8c les principes
fur lefquels M. de Maizeroy forme fon ordonnance
, bien perfuadé que, de toutes les difpofi-
tions qui peuvent fe prendre pour joindre la force
à la célérité, la fiènne eft la meilleure , la mieux
proportionnée à l’aêtioh dés-corps 8c la mieux
combinée avec le mouvement de la marche, 8c
qu'elle eft au fl! plus relative 8c plus convenable
qu’aucune autre , à la nature de nos armes.
Si les Romains, continue encore l’auteur, afin
de cumuler les preuves en fa faveur, ont vaincu
toutes les nations connues , c’eft une raifon pour
croire que leurs méthodes étoient les meilleures.
M. Folard, prévenu pour la prelïion des rangs, a
été perfuadé que (a colonne , en chargeant, ref-
fembloit à un corps folide dont toutes les parties
demeurent fermes et côhdènfées; mais il y a beaucoup
à décompter de la théorie à la pratique,
dans un terrein uni, à plus forte raifon s’ il y a
-des inégalités. La charge encourant, que l’ on veut
faire exécuter aux pléfions, n’eft pas praticable fans
ouvrir les rangs : pour-lors il n’y a plus cette pref-
fion que l’on juge pourtant fi néceffaire pour le
choc.
Pour qu’ une troupe puiffe marcher un pas fovcé,
il eft néceffaire qu’d y ait au moins deux pieds
de difiance d’un rang à ftautre, autrement il n’eft
pas poffible que le foldat emboîte fon pas, s’ il y a
jurtout la moindre inégalité dans le terrein. La
pléfion qui a trente-deux rangs, aura .trente-un
intervalles , qui, pris enfemble , font au moins
foixante-deux pieds : la pléfion fera donc ouverte
de tout cet efpace, 8c le dernier rang fera obligé
de le parcourir torique la tête fe fera arrêtée.
Voyons’ actuellement pour la courfe. On a effayé
avec des foldats très-bien exercés, de faire courir
une pléfion : on n’a pu y parvenir qu’en donnant
trois pieds de diftance d’un rang à l’autre, encore
la courfe ne pouvoit-elle pas être bien précipitée :
la pléfion, dans cet état, étoit ouverte de quatre-
vingt-treize pieds , que le dernier rang dëvoit parcourir
pour fe refferrer. Il eft très-pofitif qu’ une
troupe à huit de hauteur feulement,qui feroit venue
au devant d’elle au pas ordinaire 8c les rangs ferrés
, auroit renverfé la tête du premier choc ; que
cette tête renverfée fur les rangs füivans les auroit
troublés, 8c que toute la pléfion auroit été
mife en défordre. Les foldats, repouffés fucceffive-
ment les uns fur les autres avant d’ être alignés 8c
refferrés , perdroient leurs rangs 8c leurs files, 8c
ne formeroient plus qu’une malfe informe. Ce feroit
bien pis f i , dans le tems qu’on charge la tête,
la moindre petite troupe attaquoit par le flanc,
pendant que les rangs font encore ouverts. C ’eft
donc une pure fpéculation que de faire courir, ainfi
une troupe pour charger, encore plus de s’imaginer
qu’après avoir percé une ligne, elle fera en
état de courir à une autre : l’expérience nous prouve
que c’ eft une vraie chimère. Les Grecs ne mar-
choient qu’au pas précipité, la courfe ne pouvant
convenir à l’ ordre ferré ni à la nature de leurs armes.
Si les Romains fe mettoient en pleine courfe,
c’eft que leur ordre 8c leurs maximes étoient tout-
à-fait contraires à ceux des Grecs : les files 8c les
rangs étoient afifez ouverts pour que le foldat pût
courir aifément, 8c comme ils n’ étoient qu’ à dix
de hauteur, les rangs étoient bientôt ferrés lorfqu’on
s’ abordoit j d'ailleurs, ils ne mettoient au-
.cune confiance dans la •compreflson , le foldat devant
toujours garder la liberté de fe mouvoir & de
fe fervir de fes armes. Si l'on vouloit charger en
courant, la cohorte y feroit plus propre que la
pléfion, puifque, n’ayant que feize.hommes de profondeur
, elle prendroit moitié moins de longe-
ment, 8c qu’ il feroit encore diminué par la diftance
de fix pas la!fiés entre chaque divifion.
Comme il n'y a que huit rangs à chaque divifion,
ce ne font que fept diftances à refferrer} mais^cette
manière de courir à toute jambe ne paroit pas
nous conve n ir , 8c il faut fe contenter d’un pas redoublé
qui. s'anime 8c fe précipite vivement à me-
fure qu’on approche. La cohorte qui n a que huit
rangs| marche aifément ce pas les rangs ferrés ,
& lorsqu'elle fera doublée , elle aura la même facilité
au moyen des fix pas de diftance qui doivent
être confervés entre les deux divifions.
Ainfi M. de Maizeroy, après avoir témoigné fon
mépris pour l’ordre mince à trois de hauteur, avoir
cru prouver les défauts de la colonne du chevalier
Folard & ceux de la pléfion de M. Ménil-Durand,
convaincu de la fupériorité, fur tous les autres, de
fon ordre en cohorte , l’applique aux^ différentes
opérations de la guerre , avec une d autant plus
grande affurance de fuccès , que, placé entre les
deux opinions dire élément oppofées, la colonne
8c les bataillons , le corps dont il fe fert pour ^démontrer
diverfes opérations de la guerre, eft également
à l’ufagé des partifans de l’une 8c de 1 autre
opinion : on le formera en colonne quand on 1er
jugera à propos, ou on le^réduira en bataillon
quand on voudra. Au lieu de le doubler en le
mettant fur deux divifions , on le laiffera dans fon
état naturel, à huit de hauteur ou meme a fix , 8c
on lui trouvera toujours une égale flexibilité pour
toutes les formes qu’on voudra lui faire prendre.
Faudra-t-il paffer des rivières , des d- filés ? la
cohorte confervera fa fupériorité fur les bataillons
8c fur la colonne. . .
Dans les fiéges, l’auteur croit la cohorte^infiniment
plus propre que le bataillon pour défendre
la tranchée, 8c contre les forties qu’elle pourra
auffi exécuter beaucoup mieux. La cohorte doublée
eft auffi la meilleure difpofition que Y on puiffe
prendre pour une attaque de chemin couvert.
On vient de voir les avantages de la cohorte
dans les opérations précédentes ; elle les aura
également dans l’ attaque & la défenfe des retran-
chemens 8c des jredoutes, 8c ainfi de même dans
toutes les différentes opérations de la guerre, dans
les camps, les quartiers d'hiver, l’attaque 8c 1 enlèvement
des quartiers, les fourrages, les convois
, les fecours 8c les furprifes de place, les retraites,
8cc. 8cc. '/ ■-
chevalier Folard 5c des pléfions de M. Ménil-Du-
rand, on a pu voir que, fans être d'accord avec
M. de Guibert, fur l'ordre mince à trois de hauteur
Ainfi, en donnant, comme nous venons de le
faire, un extrait du fyftème de M. de Maizeroy,
8c en le laiffant parler lui-même, 8c dire ce qu’ il
penfe d'e fes cohortes, ainfi que des colonnes du
, il penfe cependant comme lui fur plufieurs
points importans auxquels font attachés les parti-
fans de l'ordre profond. Ainfi , comme M. dp
Guibert, il penfe que la hauteur des rangs contigus
ne contribue ni à la force ni à.la v>tefle de la
colonne} comme lui , il fe moque de cette fimili-
tude prétendue entre une colonne 8c un corps
matériel, 8c entre les effets du choc de la première
, comparés à ceux qui réfulteroient du choc
du fécond. Il eft du même avis fur l’impoflibilité
de mener une colonne en bon ordre & fans tour-
| billonner jufque dans les rangs ennemis , fui tout fi
celui-ci fe fert de fon canon, qui, de l'aveu de l’ un
8c de l’autre , doit faire de très-grands ravages 8c
déranger lafymétrie delà colonne, 8c conféquem-
ment les effets qu’elle devoir produire} enfin, il
prouve mathématiquement l'impoflibilité de l’attaque
à la courfe, propofée par l’auteur des pléfions,
ainfi que de la preffion des rangs, même
en marchant d'un pas accéléré.^
D’après ces différens expofés , feroit-ce donc
l’ordre des cohortes qu’ il faudrait préférer ? Nous
ne nous permettrions pas de décider entre ces dif*
férens fyftèmes} mais afin de donner encore plus
de moyens aux militaires qui cherchent à s’ inf-
"truire pour réfoudre cet important problème.,
nous allons ajouter aux idées déjà très-connues des
officiers dont nous venors d’ extraire les ouvrages,
l’ opinion, fur cet objet, de M. de Laiffac, dans
fon ouvrage qui a fait affez de bruit, fous le titre
De VEfprït militaire, 8c la façon de penfer très peu
connue auffi fur le même objet, d’un militaire
qui paroît s’en être profondément occupé : cela
pourra contribuer peut-être à augmenter les lumières,
8c décider à prendre enfin un parti Tur le
point le plus épineux de la tactique moderne, 8c
conféquemment de l’art militaire.
Opinion de M. de Laijfac farda tactique , développée
■*- dans an Ouvrage intitulé De l’Efprit militaire.
Nous allons laiffer parler M de Laiffac.
La ta&ique eft l’art d’ordonner 8c de mouvoir
les troupes.
Depuis bien des années on ne ceffe d’écrire 8c
de difputer fur cette matière : difeutons, .en peu
de mots , la queftion fondamentale de ce long
procès.
L’ infanterie doit-elle être ordonnée primitivement
8c habituellement fur trois rangs, ou en colonne
?
Sur trois rangs, répondent les partifans de la
méthode aéluelle , 8c voici leurs raifons :
i° . L’arme à feu eft la plus terrible 8c la plus
meurtrière} C’eft donc fur elle que doit être fondé
Tordre habituel. 1 ‘ ‘ ' '
z°. L’amalgame de l’arme à feu avec l’arme