eût dû déterminer le miniftère à fotlïcîtèr lui-
même la deftru&ion du recrutement a prix d’argent.
Vous convenez», auroit - ôn pu dire aux
minières, que votre armée a perdu toute idée
de fubordination -, vous convenez qu’elle recon-
noît avec peine le frein de la discipline •, vous
convenez que vous n’efpérez que foiblement de
la voir courber dé nouveau la tête fous le
joug néceffàire des lois , 8c cependant vous voulez
la recruter comme elle' l’a été jufqu’à ce
jour : à mefure que vous y enverrez un foldat,
il adoptera les opinions des hommes avec lef-
qusls il vivra, & le mal, loin de diminuer, ne
fera que le propager. C’èft-au moment où votre
armée a donné des preuves non équivoques d’in-
ïurreûion que vous améliorez foh fort -, cela
n’ëft-il pas impolitique ? ne craignez-vous point
/que fi vous n’en changez l’efprit en changeant
fa compofition , elle ne fe livre à de nouvelles
înfurredions pour obtenir des conditions encore
meilleures. Cette feule confidération paroitra
fans doute d’un grand poids à tous ceux qui
voudront la peler.
Mais pafions à la c o n s c r ip t io n m i l i t a i r e ; les
avantages qu’elle préfente prouveront mieux que
tous nos raifonnemens combien elle mérite d’être
préférée aux enrôlemens faits à prix d’argent.
Nous commencerons par offrir à nos ledeurs
5es-. objedions qu’on a faites contre ce moyen
.d’alimenter notre armée, & pour qu’on ne puifle
point nous accufer de les avoir affoiblies, nous
les tranfcrirons mot à mot.
« Pour établir avec équité la répartition du fer-
vice perfonnel fur tous les individus qui de-
yroient y concourir, il faut qu’elle fe faffe d’abord
fur toutes les provinces du royaume.
Qu’elle proportion conferyera - t - on dans cette
répartition? fera - ce ' celle de leur population?
elle feroit jufte fans doute, fi tous les individus
quelconques de l’âge prefcric pouvoient
archer -, mais fi l’on ne peut exiger le fervice
que de ceux qui auront la compledion & la
taille nfeeffaires au, métier habituel des armes,
cette bafe cefleroit d’être équitable-, il eft évident
, d’après le relevé de la population militaire
des différentes provinces , que le nombre des
hommes en état de faire la. guerre n’efl
pas, dans chacune, d’elles, dans le meme rapport
que leur population refpe&ive. Dans les
provinces du nord de la France, il n’exifte qu un
feptième des hommes que leur defaut de taille
ou leurs infirmités mettent hors d’etat d’être
foldat, tandis que dans les provinces du midi
îls y exiftent fur le pied d’un cinquième. Un
homme petit &Tfoible n’en- doit pas moins, dira-
t-on , contribuer aux charges publiques > il pourra
fe faire repréfenter, par un avoué, cela.eft vrai-,
mais fi fa fortune ne- lui permet pas cette- depenfe
ii faudra donc qu’il marche en peri’qnne 9 & fi tous
ceux qui font dans ce cas compofoient l e i armées g
quel fervice en pourroit-on attendre ? premier in-
inoonvénient du fervice perfonnel.
La population de chaque province fervant dé
bafe au contingent d’hommes qu’elle devroie
fournir , il en réfulteroit que chacune d’elles
contribueroit au recrutement de l’armée dans fa
proportion refpeâive avec les autres > mais
toutes n’ont point l’efprit également militaire,
toutes, par leurs habitudes aêtuèlles, ne fe con-
facrent pas de même à cet état. L’expérienee
démontre que les habitans du nord de la Francs
font non-feulement plus propres 'au fervice, mais
encore qu’ils ont plus de goût pour cet état,
puifqu’ ils y contribuent dans une proportion beaucoup
plus confidérable par la voie des engage-
mens volontaires. Pour rendre cette vérité plus
fenfible, nous allons vous rapporter des faits
pris d’après les relevés comparatifs qui en ont
été faits au mois de mai dernier, par l’auteuc
du mémoire qui vous a été préfenté fur la population
du royaume. Ces faits font eonftatés
par le tableau qu’il en a rédigé avec toutes les
connoiflances qu’il a acquifes par un travail réfléchi
, fur cette partie intéreflante trop longtemps
négligée , & qu’il à * pour ainfi dire, tirée
du chaos dans lequel l’infouciance & .la' négligence
du gouvernement l’avoient laiffé plongée
trop long-temps. Il eft démontré par ce tableau
que les feize généralités du nord, fur une population
comme de quatorze millions fix cents
quarante-un mille deux cent quatre-vingt-cinq,
âmes, fourniflent à i’armée quatre-vingt-dix-huit
mille foixante-huit hommes , c’eft-à-dire , un fur
cent quarante-neuf & demi, tandis que les quinze
généralités du midi, fur une population de dix millions
quatre cent vingt-cinq mille cinq cent quatre-
vingt-dix-huit âmes , n’en fourniflent que trent-e-fept
mille deux cent foixante-dix-huit , c’ëft - à - dire un
fur cent foixante-dix-neuf-& demie. Si 1 on
avoit obligé ces généralités du nord & du midi
| à fournir, chacune en raifon de leur population
refpe&ive , les cent trente-cinq mille trois, cent
quarante-fix françois qui compofoient réellement
l’armée à cette époque , il en feroit réfulté que
les feize généralités du nord .auraient dû fournir
foixante dix-neuf mille foixante-dix hommes ,
& les quinze généralités du midi, cinquante-lix mille
deux cent foixante feize hommes j c’eft-a-dire, dix-
huit mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit hommes
de moins par les premières , & pareille quantité de
plus par les fécondés. Les arts , le commerce , l’in-
duftrïe, l’agriculture même ont pris dans chacune
de ces provinces le niveau de fa quantité
de bras qu’elles ont à y employer en fùîvant ce
fyftême, & d’après ces calculs, les feize pro-
; vinces du nord feroient furchargles de dix. huit
mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit hommes
qu’elles ne pourroienç occuper y & qui 9 portes
c o N
par inclination au fervice militaire,- îroient en
chercher chez les puiflances voifines : car il n’efl:
pas vraifemblabié que les citoyens des provinces
répondant des avoués par lefquels ils fe feroient
repréfenter , voululfent les choifir parmi des
étrangers à leur canton qu’ils ne connoîtroient
pas , ou qu’ils pufient les prendre dans d’autres
provinces qui, voyant par là diminuer J a mafle
de leurs contribuables au fervice perfonnel, ne
youdroient pas certainement le foufrrir.
Les quinze provinces du midi , au contraire,
obligées de fournir un nombre d’hommes.excédant
de beaucoup la proportion dans laquelle elles font
dans l’ufage de contribuer habituellement à pré-
fent au fervice , éprouveroient un déficit con-
fidérâble dans .leurs travaux ordinaires , ce qui
deviendroit très-préjudiciable à leurs intérêts..
Ce contraire paroitra encore plus frappant , fi au
lieu de le préfenter en mafle' , on eh offroit
l’application particulière à quelques provinces : par ,
exemple , P Alfa ce , fur g ne population de fix cent
cinquante - quatre mille huit cent quatre-vingt-
une âmes, fournit par le recrutement volontaire
dix mille fix cent cinquante-lept foldats ; par le
fervice perfonnel , elle n’en donneroit plus que
cinq mille-trois cent trente- neuf , tandis que
la généralité d’ Auch ,\fur huit cent quatre-vingt-
fept mille fept cent trente • une âmes , n’en fournit
que mille quatre cent treize , & feroit obligée
d’en donner cinq mille fix cent quatre-vingt-trois.
Combien de difficultés ne rencontreroit - on pas
pour changer les habitudes dé ces deux provinces,
& y rétablir le niveau 1 Second inconvénient du
fervice perfonnel.
La majeure partie des recrues que l’on fait a pré-
fent éft compofée d’artifans, d’ouvriers , prelque
tous habitaii des* villes dans lefquelles ils partent
fucceffivement , en faifant ce qu’ils appellent
le u r to u r d e F r a n c e y le befoin , le libertinage
même les y font engager : ce font des hommes
déjà perdus pour lés campagnes qu’ils ont abandonnées
, & pour l’agriculture dont ils ont craint
les travaux. Errant continuellement de ville en
ville , n’ayant , pour ainfi dire , de domicile fixe
dans aucune , 'ils ne pourr oient être înferits fur
-aucun regiftre public de fervice perfonnel •, &
cette clarté d’hommes étant, pour ainfi dire ,
perdue pour lui (car aucun citoyen , fans doute,
ne voudroit choilir parmi ces coureurs un avoué
dont il répondroit) forceroit à enlever réellement
aux campagnes plus de bras qu’elles n’en four-
niflent actuellement. Les villes aujourd’hui
contribuent ainfi de près des deux tiers au recrutement
de l’armée y d’après les bafe s-de la population,
elles en fourniroient à peine le cinquième :
quel tort cela ne ferojt-il pas à- l’agriculture:,
non-feulement en,lui-enlevant desbras néceflaires ,
mais encore en dégoûtant de ces travaux des
hommes « qui en. ayant perdu, l’habitude pendant
C O N 197
le M$nps 3 e leur fervice dans î’oifiveté des gar *
nifons , y feroient peut-être peu propres-à leur retour.
Troifième inconvénient du fervice personnel.
La majeure partie des citoyens , accoutumée
à un autre genre de vie que l’état de foldat,
quitteroit avec peine fes travaux , fés foyers ,
les habitudes ordinaires •, elle chercheroit à f®
faire repréfenter. Chacun répondant de fon avoué ,
ne voudroit prendre que quelqu’un dont il croiroit
pouvoir être sûr •, il voudroit choifir dans la Province
, dans fon canton même. Les hommes dans
le cas de fervir ainfi, Tentant la néceilité dont ils
feroient, voudroient tirer parti du befoin qu’on
auroit d’eux -, ils fèroient la loi *, les gens ailes
ne regarderoient pas à la dépenfe pour avoir un
homme qu’ils croiroient sûr. En vain les ordon-,
nances fixeroient le prix des avoués , ils s’éta-
bliroient bientôt à un taux plus haut que celui
auquel il feroit déterminé. La généralité de Lille ,
par exemple , engage pour fes milices actuelles ;
chaque homme lui revient l’un dans l’autre à
plus de 3zo liv. , tandis que les recrues de
l’armée ne coûtent que 120 à 130. liv. On voit
par là que fi le tréfor public fe trouve en apparence
foulagé par la fuppreffion des dépenfes du
recrutement à prix d’argent , dont il ne feroit
plus les fonds , elles monteroient à de,s femmes
- bien plus confidérables payées par les particuliers -,
ce qui reviendroit au même dans le fait , attendu
que ce qui feioit ainfi payé par eux particulièrement
, n’en doit pas moins être regardé
comme une-charge publique , qu’ils feroient
-obligés de fupporter fous une autre dénomination.
Quatrième inconvénient du fervice perfonnel.
Enfin , le fervice perfonnel, quelques précautions
qu’on prenne, pour le répartir également ,
plaira-t-ii à toutes les provinces ? Les milices
actuelles ne marchoient pas. Quel effroi cependant
ce fervice , fufceptibîe au plus d’être
prévu , n’infpiroit - il pas ? Combien de réclamations
n’exifte-t-iî pas dans tous nos cahiers, qui
demandé nt fa deftruâion ? Que le roi t --ce donc
fi ces mêmes provinces , peu militaires fans
doute r & c’eft le grand nombre ,, le; voyoienc
aflujetties de droit a un fervice a c l i f 8c qui
tîreroît- de leurs foyers des citoyens-peu curieux
de ce métier, où les obligeroit à fe procurer k
prix d’argent un avoué dont ils répOndroienc t
Pour établir le fervice perfonnel avec les avantages
qu’on^ auroit droit d’en attendre , il Lut-
droit changer les efprrts , les habitudes-les- pg?©^-
. jugés de ces provinces-, & maïheu-reufement arte?
paieille révolution n’eft pa-s-l’ouvrage d’un jour 1
on ne peut efpérer de la produire' que- fuctefix-
: vement •, & fi l’bn youîoit mettre- ce fyftême' &U
l vigueur, avant qu’elle fût opérée , o-n expsfevohr
: P armée à manquer de foldats- dès la premrère1
| année y 8c peut-être même ver Ecrit-©0 dans-
i rieur du. roja^ime setraîrre les- msiæea