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indifpenfables que doit avoir' un véritable & un
excellent écuyer.
C O N N O I S . S A N C E S .
Les connoiffances qui doivent contribuer à
former un bon écuyer font toutes relatives au
cheval.
Première Connoiffance. Propagation.
Il faut que P écuyer foit inftruit de la manière
la plus avantageule dont on peut perpétuer l’ef-
pece li précieulè des chevaux : ce qui exige des
connoiffances très - étendues fur les différentes
efpèces de chevaux qui peuvent réuflïr dans le
royaume ; les lieux les plus propres à la propagation
de telle efpèce plutôt que de telle autre ,
-d'après le fol , la nourriture , le climat , & c. -,
la façon de perfeâionner chaque efpèce , foit par
le croifement des races , foie au moyen d'étalons
pris dans les pays étrangers , & placés
chez vous dans les lieux & pour les efpèces qui
leur conviennent le mieux.
La manière de conduire les étalons & les
jumens , foit avant qu’on les faffe couvrir , foit
après , foit lorfque les jumens ont mis bas ; enfin
la manière de conduire les jeunes poulains depuis
l’inftant de leur naiffance jufqu’au moment où
ils font livrés à Vécuyer pour les dreffer & les
monter.
Seconde Çpnnoiffance. Qualités du Cheval,
& fes vices ou défauts.
Il faut que Vécuyer connoiffe les qualités
phyfiques, & on oferoit dire morales, des
chevaux qu’ il fe charge de dreffer ou de faire
drefier & monter , ainfi que tous leurs vices
ou défauts.
La connoiffance des qualités phyfiques du
ch e v a l, ainfi que celle de fes vices & de fes
défauts , entraîne celle préliminaire de fa conf-
truâion , de fa conftitution & de fa conformation.
Si la nature fe trouve rebelle & qu’ on ne
foit point en état de découvrir d’où naît cette
opiniâtreté, on court rifque d’employer des
moyens capables de produire des vices nouveaux.
Pour que Vécuyer ne coure pas les rifques de
commettre une aufli grande faute , il faut qu’il
connoiffe les défauts- ou extérieurs ou intérieurs
de l’animal qu’ il veut dreffer. Par les défauts
extérieurs, on entend la foibleffe des membres ,
foit naturelle , foit accidentelle , qui fe rencontre
aux reins, aux hanches , aux jarrets, aux jambes ,
aux pieds, ou à la vue. Les défauts intérieurs,
qui forment le cara&ère du cheval, font la timidité
, la lâcheté , l’impatience , la colère, la
.malice , les mauvaifes habitudes.
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Vécuyer ne doit pas ignorer non plus que les
os 8c les mufcles offrent ce qu’il y a de plus
intéreffant dans le mécanifme de l’animal relativement
à fes a étions mais il doit bien fe
garder de fe laiffer féduire par le bel enfemble
de l’extérieur ; il faut aufli qu’il s’ affure que
l’organifation intérieure ne dément pas les belles
formes du corps ; pour cela il doit confulter les
mouvemens & le caractère de l’animal. Il efl
donc effentiel que Vécuyer foit en- état de juger
& de connoître jufqu’aux moindres nuances de
l’individu qu’il fe propofe de former.
En effet , il eft d’autant plus indifpenfable
de connoître parfaitement toute la mécanique du
cheval, que fi l’on ignore les refforts & toutes
les machines que la nature emploie pour la pro-
greflion de cet animal , on fera fans ceffe trompé ,
& l’ on ne pourra jamais juger bien lainement en
quoi & pourquoi tel ‘ou tel cheval eft bon a
un fervîce plutôt qu’à un autre ■, cependant un
cheval ne peut fe mouvoir que conformément à
fon mécanifme , & rien ne peut amener aux
ufages ce qui y eft diamétralement oppofé.
Toutes ces différentes connoiffances , d’où
dépendent celles des qualités des vices & des
défauts du cheval, font donc toutes infiniment
effentielles à Vécuyer. . . Sans elles , il eft im-
poflible qu’il ne règne une grande oppofition de
volonté & de moyens entre les individus, d’où
s’enfuit la fatigue de l’homme & du cheval ,
& le dépériffement du dernier ; ici , vous aurez
un cheval ardent qui fe précipitera , forcera tous
fes mufcles & abufera de fes forces : fi , faute de
le connoître & d’avoir bien étudié Ion caractère
, vous n’avez pas l’attention de le calmer
en l’endormant au pas & au trot , vous ne tarderez
pas d’abufer de tous fes moyens , &
d’en faire un très-mauvais cheval. . . là , vous
trouverez deçchevaux ramingues . . . j ici , vous
en aurez d’ombrageux •, là , de rétifs . . . ; Iss
uns voudront être retenus , d’autres excités
ou encouragés. . « *, ceux-ci foutenus . . . •, ceux-
là abandonnés à leur bonnes qualités ; tous enfin
veulent être,'connus , afin que l’on puiffe ou
corriger leurs défauts , ou profiter de leurs
qualités. Les écuyers inftruits font d’autant plus
convaincus de cette vérité, qu’ils fentent bien
que pe n’eft que d’après ces connoiffances qu’ils
peuvent efpérer de mettre en confiance le cheval
qu’ ils dreffent, d’accorder fes volontés avec la
leur, en un mot de le raifonner •, en effet , rien
n’eft fi dangereux qu’un artifte ignorant, parce
qu’il fe trompe avec méthode , & s’égare avep
entêtement.
Troifièmé Connoiffance. Santé du cheval.
Pour maintenir , conferver le cheval en fan t é ,
ou la lui fendre lorfqu’ il eft tombé malade , il
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faut que Vécuyer pofsède parfaitement l’anatomie
du cheval, foit très-inftruit de l’hygiène qui lui
eft relative , & qu’il connoiffe les caufes qui
concourent aux maladies des chevaux & a leur
deftruétion. Ces caufes font très-nombreufes &
peut-être aufli variées que multipliées . . . elles
ont les unes & les autres plus ou moins de
fimilitude, de convenances , 'd’analogie & de
rapports qui les rapprochent de certains genres
qui aident à les faifir -, mais dont on ne peut
faire la différence , fans entrer dans de grands
détails.
Pour éviter ces détails , Vécuyer inftruit raflem-
blera fans doute les différentes caufes fous un
certain nombre de claffes . . . , comme la débilité
. . . , les vices héréditaires . . . , ceux de
conformation . . . , de la nutrition . . . , de l’éducation
. . . , de la conduite . . . , du régime . . . , -
du climat & des faifons . . . ; les différentes
maladies, foit aiguës , foit fébriles . . . , foit
opprelîives. . . , foit douloureufes . . . ; les abus
de confiance . . . , ceux des remèdes 8c leurs
fauffes applications.
Sous la-débilité) il ne manquera pas de comprendre
tous les effets de la foiblefie, foit générale
, foit particulière , foit naturelle , foit
acquile , foit effentielle , foit accidentelle,. . .
Il faura que cette caufe a lieu dans toutes les
époques de la vie de l’animal & fait de grands
ravages , parce que l’inftruâion & l’expérience
lui auront appris qu’ il périt beaucoup de chevaux -,
lorfqu’ils font poulains , parce que les forces
manquent -, lorîqu’on commence à les monter,
parce que les forces font prodiguées } lorfqu’ ils
font plus âgés , parce que les forces font épuifées.
Relativement aux vices héréditaires , il fera
attention à tous les défauts qui ont été tranfmis
a l’animal par ceux dont il provient , foit vices
de caraélère, foit vices de conftru&ion , d’après
des accouplemens, ou trop prématurés , ou trop
tardifs , ou mal afiortis.
Dans les vices de conformation , il renfermera
tput ce qui dans la forme & dans la conftruâion
de l’animal s’ oppofe à la liberté des fondions
vitales & animales.
/ Par les vices de la nutrition , il entendra tous
ceux qui font les fuites d’ une mauvaife première
nourriture après la naiffance.
Les vices de /’éducation doivent comprendre tous
les maux qui doivent réfulter de la mauvaife
manière dont on élève les poulains , ainfi que
de celle dont on dreffe les chevaux.
Les vices de la conduite -, Vccuyer les verra
naître des alternatives dans l’excès du travail
& de l’ ina&ion tous excès oppofés devant
avoir des réfultats malheureux.
■ Les vices du régime renfermeront les maux
qui doivent naître du défaut & de l ’abondance
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des alimens 8c des boiffons, de leur nature de
leurs qualités, ou de leurs défauts naturels ou
accidentels.
L9intempérie. comprendra tous les maux qui
peuvent dépendre des influences de l’air , de la
conftitution du temps , des faifons , des lieux, des
climats , des habitations , &c.
Les maladies . . . aiguës, celles qui font avec
des fymptômes violens & finiftres . . . 9 redou-
blemens , inflammation , putridité . . • y fébriles ,
les fièvres . . . > opprejjives , ce qui tient ^aux
organes de la refpiration . . . , toux, morve , & c ;
douloureufes , tous .les accidens , luxations,
fraétures , bleffures , &c.
Les abus . . . , ceux de confiance occafionnent
les maux qui viennent de l’ignorance de ceux
auxquels vous avez confie vos chevaux. . . ;
ceux des remcdes occafionnent les maux , les
accidens & les rifques qui peuvent naître de
l’habitude , du trop grand ufage , comme de la
négligence des remèdes.
La fauffe application des remèdes doit occa-
fionner les maux, les accidens , 'les dangers,
qui peuvent naître des erreurs , des meprifes ,
des mauvais remèdes ou de ceux mal appliques,
mal préparés , ou mal dirigés , foit par ceux qui
n’ont qu’ une routine , foit même par les gens
de l’art.
Quatrième Connoiffance. Nourriture,
Comme la vie , le travail & la fanté du cheval
dépendent en grande partie de la manière dont
il eft nourri, il eft important que Vécuyer connoiffe
, non-feulement les qualités des foin s ,
pailles , luzernes , trèfles , fainfoins , avoines ,
orge$, & c , dont on peut fe fervir pour nourrir
les chevaux ; mais qu’il fâche aufli quelles font
celles de ces différentes nourritures qui conviennent
le mieux à chacun des chevaux dont il
eft chargé, ainfi que la quantité qu’il faut leur
en donner & les occafions où il faut les changer.
Ainfi , tel cheval ne feroit pas devenu pouffif
fi on lui avoit fait manger moins de foin , tel
autre foutiendra plus long-temps le travail s’ il
n’eft nourri qu’ avec de la paille , & c . Il eft
abfurde de croire qu’ il faille fe foumettre aveuglément
à la routine fuivie jufqu’à préfent
fans aucune obfervation fur la conformation ,
le tempérament v., l’efpèce de travaux' des chevaux,
ainfi que le climàtdans lequel on fe trouve... ;
faute de foins fur cette partie effenrielle , des
chevaux deviennent poùffifs , d’autres goufeaux ,
‘ ceux-ci perdent leurs forces , ceux-là s’entre -
prennent, & prefque aucuns ne rendent les fèr-
vices qu’on en efpéroic 8c qu’ on auroit dû en
attendre.