
la manière de conduire les hommes. Ils
cherchaient prcfqùe toujours à parler aux yeux.
Ils n’avoient point oublié encore a force de raé-
taphyfique ce précepte de la „nature qu’Horace
a rendu en vers fi énergiques Segnius irritant
& c: Avant de parler de la dégradation moderne
qui eft infiniment petite & melquine, retraçons
celle dont nos pères faifoient, ufage. elle peut
être utile à quelque homme de génie , en lui
infpirânt des idées heureufes. Les détails que
nous allons donner font tirés d’un ouvrage
moderne dont les éditeurs ont acquis des droits
à la reconnoiffançe publique par les obfervations
intéreffarîtes qu’ils ont jointes aux mémoires
qu’ils font imprimer de nouveau. Frauget ou
Franget, gouverneur de Fontarabie avoit mal
défendu cette place, il fut condamné à perdre
la tête fur un échafaud1 , mais à être auparavant
dégradé. Le cérémonial feul de cette dégradation
dut être pour lui cent fois plus cruèl
que la mort. D’abord on affembla plufieurs
chevaliers, devant qui il comparut. En leur pré-
fence un héraut la rmes ,, après avoir détaillé
le fait , l’ accufa hautement de lâcheté. Les
juges le condamnèrent à être dégradé de no-
feleffo v & déclaré roturier.. Pour l’exécution de
cet arrêt, on drefla deux échafauds. Sur l’un
étoient. placés les chevaliers & écuyers, , aififtes
de hérauts, avec leur cottes d’armes. Sur l’autre
©n.voyoit le malheureux Franget armé de toutes
pièces. Son^écu blazonné de^ fes armes ,
mis* fur un pal devant lui , étoit renverfé la
pointe en haut, aux côté de Franget , douze
prêtres- chantoient l’ office des morts. A la fin
de chaque pfeaume , ces pretres faifoient
unepaule ,. durant laquelle les hérauts dépouil-
1 oient le patient de quelques - unes de fes
armes, A me Cure qu’on lui ôtoit une portion
de fon armure , les hérauts crioient haute
voix : ceci eft la cotte d?armes du traître &
déloyal Franget, ... & aiofi de Cuite. A coups
de marteau ils brisèrent fon écu en trois morceaux..
L’bfficé étant-fini, les rois d’ armes publièrent
de nouveau fa fentence ,, les prêtres
chantèrent fur fa tête le pfeaume Deus laudem
meam ne tacueris : on fait quelles malédiaions.
& imprécations, ce pfeaume contient. Enfuite
©n le defeendit dé l’échafaud ,. lié avec une
corde fous, les aiffelles. On le tranfporta a l’é-
glifé fur une civière, couvert d’un poêle & du
drap mortuaire. Ses- juges l’accompagnoient
vêtus- de robes 8c de chaperons de deuil. ^ L a ,
Franget fut déclaré roturier, ignoble, & incapable
lui 8c fa poftérité, dé porter les armes,
fous peine d’être fuftigé -de verges , comme
vilain & infâme -, en confidération de fa viel-
îeffe , on lui fît grâce de la vie. Cette faveur
étoit fans doute, le dernier outrage qu’ on lui
séfervoit.
Pe nos jours- la dégradation, pour l’officier efl
peu ou- point uCitée , mais on en fait ula^ê
pour le foldat que la loi condamne a paffetr
par les mains de l’executeur de la haute justice.
Dès qu’un des fergens de la compagnie
du foldat coupable a reçu ordre du major de
le dégrader, on le conduit dél’arme en face de
la compagnie dont il étoit membre ■, on lui
met fa giberne, & on lui donne un fufil. Dès
qu’il eft armé , on lui enlève fon fufil on le
prenant par derrière & par le milieu du canon;
on lui ôte enfuite la giberne en la faifant paffer
fous fes- pieds : puis on Le livre a l’exécuteur.
Pour donner plus d’apparat à la dégradation du
foldat, je voudrois que fes camarades, lui enle-
vaffent fa cocarde & Ion habit militaire, & qu ils
le déchiraient fous lés yeux; ou au moins
qu’ils lui enlevaffent les boutons, les pare-
mens & toutes les autres d-iftinaions; ne pour-
roit-on pas peut-être aulîi renouveler la cérémonie
ufitée chez les Romains & chez nos antiques
preux, de faire couper la robe au coupable y
ce qui fe réduîroit à enlever les bafques d©
! l’habit.
I l me ferable qu’ il feroit aujourd’hui polîible
; & utile d’inftituer une dégradation civique ; ce
qui n’eût été qu’une cérémonie^ puérile lous
l'ancien gouvernement , deviendroit, je penlé s
une cérémonie impofante fous le nouveau.
D É G U IS EM E N T .. (Supp..) Pourquoi les
peuples, de l’antiquité faifoient-ils plus frequent-
ment ufage que nous des deguifemens^ pour fui-
prendre les places ? e ft-ce l’invention dé la
poudre qui a produit ce changement ? eft-ce la
manière dont nous fortifions nos villes, oiy la
police que nous y avons établie ? cette derniere?
caufe eft fans doute la feule ou du moins la
plus réelle. Mais ne feroit-il point encore pof-
fible de faire ufage des furprifes par déguisement?
oui fans doute eela eft pomble oc 1 hii-
toire moderne en offre des preuves. Il elt donc
utile , il eft donc néceffaire de faire connoitr©
aux militaires les déguifemens les plus^ favorables,
8c la conduite qu’ils doivent tenir pour
en rendre le fuccès affuré. Ces détails feront
confignés dans notre article furprife , il en fera
.de même des précautions à prendre- pour fe
mettre à l’abri des entreprîtes de cette Jiature.
Voyei S u r p r is e par déguifement.
DÉLITS MILITAIRES. Un- tableau fidèle &
complet des aâions. que. les. différent peuple»-
connus ont mis au rang des délits militaires y
8c des peines qu’ ils ont infligées a chacune cle.
ces actions , ,-feroit intéreffant pour le. legiüa-
teur, pour le philofophe & pour ’homme de-
:: fireux de s’inftruire. Ge tableau, j’auroi» ^voulu
le placer dans cet ouvrage, mais gg n ai ni
; le temps , ni les talens, ni les matériaux qu il
.faudrait pour le bien compqfer. L informé
fefquîffe que j’en offre prouvera ma volonté, &
déterminera peut - être quelque militaire favant
à lé finir. Ce travail eft pénible pour le coeur,
il eft ingrat pour la renommée , mais il peut
être u tile , ce mot répond à tout.
J’ai fuivi l’ordre alphabétique comme le plus
commode pour le leétéur, je n’ ai point transcrit
la table des délits militaires françois, . elle
eft incomplette , 8c va bientôt être changée. Ce
fera là encore un des bienfaits de l’Affemblée
Nationale. Notre code militaire pénal étoit
plus Informe 8c plus barbare que notre code
criminel civil.
Abandonner fon rang dans le combat. ^ Ce
crime étoit puni en Egypte par la dégradation ;
en Perfe par la mort ; à Athènes1 par la note
d’ infamie, par l’exclufion de l’afperfion luftrale,
par la privation d’obtenir des couronnes & ,
d’affifter aux facrifices publics ; à Lacédémone, 8c chez d’autres peuples de la Grèce, le coupable
étoit obligé de fe tenir debout en public ; a
Syracufe comme à Athènes ; fous la République ■
Romaine, par le fuftuarium ou la mort ; fous
le bas empire , par le dernier fupplice , les biens
du coupable étoient faifis 8c livrés a la troupe
dont il faifoit partie; fous François Ier > par
la mort ; fous Henri II, le coupable étoit paffé
par les piques; fous Henri I I I , par les armes,
fous Louis XIV, il étoit puni de mort : Guf-
taye -Adolphe avoit infligé la même peine.
Abandonner Varmée fans congé. | Voyez plus
bas D ésertion.
Abandonner fes armes ojfenfives ou défenfives.
■ Les feuls Spartiates ont puni l’abandon des
armes défenfives, plus févèrement que celui des
offenfives ; parmi eux le guerrier coupable
de ce crime étoit noté d’infamie , déclaré
incapable d’ exercer les emplois publics , d a-
chêter & de vendre ; chez les Athéniens celui
qui avoit abandonné fes armes étoit puni comme
celui qui avoit abandonné fon rang dans le
combat; Il en étoit de même à Syracufe; les
Romains en usèrent toujours de meme ; les
Germains punifloient. ce crime par l’infamie ;
celui qui s’en étoit rendu coupable étoit banni
des facrifices 8c des affemblées publiques. Sous
Charlemagne & la fuite- de nos rois jufqu’a
Henri II, il fut puni par la diffamation. Je n’ ai
pu fuivre ce crime jufqu’à nos jours.
Abandonner une brèche. Celui qui-, fous François
I er, étoit convaincu d’avoir abandonné une
brèche, étoit puni de mort.
Abandonner fon chef. Prefque tous les peuples
ont puni l’abandon du chef comme celui du
rang,, du pofte ou du drapeau. Les lois de
François Iej: font, encore plus févères ; il veut
que celui qui ne fecourt point fon chef foit
puni de mort-
Abandonner fon drapeau. Les Thuriens qui
abandonnoient leurs drapeaux , étoient^ traînes
trois fois par jour dans la place publique revêtus
d’habits de femmes; les Romains,faifoient
décimer les troupes qui avoient abandonné leurs
drapeaux , ceux fur qui le fort tombaient étoient
battus de verges 8c frappes de la hache ; ceux
qui éçhappoient à la décimation campenent fe-
parémënt 8c étoient * nourris avec de 1 orge au
lieu de l’être avec du blé. François Ier porta
contre ce crime la peine de mort; Henri II
voulut que les coupables fuffent dévalifes, dégradés
8c bannis des bandes; Henri III , qu’ ils
fuffent dégradés des arme», déclarés ignobles,
affujettis à la taille ; Louis XIV 8c Louis XV
ont laiffé fubflfter ces ordonnances ; mais ils ont
laiffé au confeil de guerre le foin de juger ft
le coupable mérite la mort.
Perdre fon drapeau. Chez les Romains celui
qui avoit furvécu à la perte de l’enfeigne mi-*,
îitaire, avoit la tête tranchée.
Abandonner fon pofie pour une troupe. Ce
crime étoit puni- chez les Romains comme 1 a-*-
bandon du drapeau ; quelquefois on fe conteri-
toit de, déckner le corps , de réduire ceux a
qui le fort avoit été favorable à vivre avec
de l’orge au lieu de froment , ^ & à . camper
hors des retranchemens ; ceux a qui le fore
avoit été contraire mouroient fous le bâton.
Abandonner fan pofie four un individu.- Chez-
les peuples de l’antiquité ;ee crime étoit puni
comme l’abandon- du rang ou du drapeau ;
fous -François Ier , le. coupable étoit puni de
mort; fous Henri I I , paffé par les piques ;
fous Henri I I I , par lés armes ; fous Louis X ÎV , 8c Louis XV puni de mort. En Pruffe, l’ officier'
général qui abandonne dans le camp le pofte’
qu’on lui a fixé éft condamné à payer aooo l . y
à la carffe des invalides-, ,8c l’officier particulier
- qui le quitte même pour un demi-quart
d’heure eft mis en prifon dans une place de-
guerre pendant un an , & fa paye- eft remife'
à la carffe des invalides.
Abandonner la troupe que' lyon commande. Cçr
crime étoir puni chez les Romains par les»
verges & par la hache.-
Ne point fe trouver à une alarme.• Celui- qui’
ne fe trouvait point à une alarme é toit,.- fous-
François 1 , puni dé mort.
Perdre fes armes. Celui qui, chez les-Romains,,
perdoit fes armes même par un accident impoflible-.
à prévoir étoit dégradé. Guftave-Adolphe adopta
cette loi. A Rome le chef dont la troupe étoit
mal armée étoit .condamné à avoir en préfenee
de l’ armée fa robe coupée par le lifteur.
Vendre fes armes. Celui qui vendoit à lLonî.e
une partie de fes armes étoit battu, de- verges ;, 8c celui qui les vendoit toutes était puni de