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rans ou les blefles 5 Dans un corps fur trois ou
quatre rangs , l'homme qui tombe ne caufe aucun
défordrè : on lui a bien vite fait place 5
mais fi le corps a feize rangs , il eft impoffible
de ne pas être forcé de fouler aux pieds le foldat
qui tombe fi l'on marche , ou de le'laiffer dans
les rangs fi Fon eft ftabîe.- Eh ! comment calculer
^lors tous les effets de Fimagination 3 au milieu
des cris des mourans ou de Fafpeét des morts,
furtout dans une troupe qui, ne faifant point feu,
ne peut être diftraite, ni par le bruit ni par Foc-
cupation ?
11 paroît donc toujours plus démontré, d'après
les raifonnemens conformes à ce que l'expérience
a pu enfeigner fur les effets du canon, ainfi que
fur le mécanifme moral des foldats , qu'il faut
préférer l'ordre mince à l’ordre profond, en ob-
fervant cependant que", dans toutes les occafions
«où Fon pourra éviter le feu de l'ennemi jufqu'à
cent ou cinquante pas de lui, il faudra l’a tta q u e r
avec de petites colonnes de huit ou feize hommes
de profondeur, fur vingt ou vingt-quatre de front,
c'eft-à-dire, avec de petites colonnes formées de
deux ou de quatre Compagnies , parce qu’alors
les avantages de fordre profond ne feront contre
balancés par aucun inconvénient ; mais Fordré
en colonne dont nous parlons, n'eft en aucune
manière Fordre profond que prêchent les pléfio-
niftesr, & il eft bien plus avantageux que celui 1
des pléfîons j en ce qu'étant infiniment plus fim-
ple dins fa formarFon, puifqu'il fe borne au dou-
blement de deux ou de quatre compagnies , il
n a pas la prétention de faire de la réunion de
plufieurs hommes J un corps phyfique qui puiffe
entraîner par la maffe,& par fon choc. Les petites
colonnes que Fon propofe, n'en ont pas moins
tous les avantages de h pléfion dans l’attaque 5
mais cette forme n'étant qu'accidentelle, routes
Jgs, parties de ce tout étant infiniment diftinétes ,
& ne prenant que momentanément à propos &
prefque fans danger une forme différente de celle
qu'elles ont habituellement, Fimagination du foldat,
bien loin de s’alarmer, ne voit dans ces cir-
conftances qu’une manière plus fûre de vaincre,
& très-peu de rifques à courir.
Un autre avantage de l’ordre profond, & qui
lui eft particulier, c'eft de -refifter bien mieux
a la cavalerie. Un cheval qui renverferoit aifé-
ment trois ou quatre hommes rangés à la file,
ne renverf roit feulement pas le premier homme
Sri était foutenu par fept ou quinze autres.'
-Auffi Fordre mince a-t il fagement adopté l'ordre
en colonne pour les marches , les attaques'
qui peuvent fe commencer très-près de l’ennemi i
& à Fabri de fon feu; enfin, les défenfës contre
la cavalerie , &c..
Quant aux anciens, ôn ne fauroit trop rendre
juftice a leur génie dans la formation de leur
ordonnance , qui étoit parfaitement a loprée à J
leurs armes, 8c qui étoit la fuite des plus fages 1
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réflexions. ( V o y e 1 Feu, Files, T actique. )
S u p p lém e n t .
HAZARD. Le hazalrd eft le tyran du foibl«
& Fefclave du fort.
Eloignez foigneufement de vous tout efpoir dans
le hazard j il n’a aucune influence à la guerre.
Penfer différemment feroit une foibleffe; une.idée
auffi fatifte & auffi dangereufe ne pourroit être
enfantée que par la flatterie, qui voudroit excufer
l'ignorance. En rapportant le trait fuivant, nous
chercherons donc bien moins à fournir des armes
aux partifàns du hazard, qu a indiquer aux généraux
un moyen dont ils pounoient tirer un grand parti
dans un combat.
cc P arrive fouvent, dans les combats, des aven-
cc tu^es fi bizarres, auxquelles on ne s’attendoit
» pas, qu'elles font fouvent la décifion de la jour-
» née j celle de Cocherel en eft un exemple, car,
33 comme on en étoit aux mains, deux coureurs
33 viennent à toute jambe avertir les Fiançais
33 qu’ils combattiffent fans relâche, parce qu’il
33 leur venoit un grand renfort qui les alloit ren-
■*> dre vidorieux , & cependant ces deux hommes
33 s’étoient mépris, car ce fecours étoit pour les
” Anglais.
33 Cette efpérance dont fe flattèrent les Fran-
33 Çais ^ leur fit redoubler leurs coups avec plus
33 de vigueur , fe jetant comme des lions au mi-
33 l'eu des rangs de leurs ennemis, ne doutant
33 plus que la victoire n’allât-fe déclarer en leur
» faveur. Cette feule opinion leur donna tant de
33 coeur & de fuccès, qu’ils firent une horrible
» boucherie des Anglais. »
Les événemens ne dépendent pas toujours des
bonnes difpofitions, & les mefures prudentes &
fages ne font pas toujours fumes d'un heureux
fuccèsj cependant i! faut en convenir : en général,
de toutes les' entreprifes qui ne réuftjffent
pas, il n'en eft guère il n'en eft même aucune
qui n'échoue pour quelqu’erreur qu’on n’avoit pas
pu prévoir , & par conléquent éviter.
HEIDUQUE , fantaftin hongrois , armé d’un
petit fabre & d’une petite hache, portant un bonnet
garni de plumes. En France, on donne ce nom
à de* valets à qui Fon donne la coefure 8c le
coftume des heiduques.
H E R C O T E C T O N I Q U E , mot dont on fe fera
i t jadis pour défigner Fart de fortifier les places,
de etrancher les camps, de mettre les poftes
en état de defenfe. ( V y y e £ Fo rtification. )
HERISSON. On donne ce nom à une poutre
garnie d’une grande quantité de pointes de fer
ou de pieux aiguifés , dont on fe fert pour fermer
lès portes de quelques villes, & dont on
fait plus communément ufage pour fermer les
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cours & les champs enclos de haies. Le hérifïbn
tourne fur un pivot placé dans fon milieu , ou
bien une de fes extrémités tourne fur des gonds,
tandis que l'autre roule fur une petite roue. On
peut faire ufage du hérifion pour fermer l’entrée
d’une redoute ou de tout autre ouvrage en
terre. p
HÉROS. Ce titre fut réfervé parles anciens,
à ceux d’entr’eux qui fe diftinguèrent par une
grande valeur ou par de grandes actions à la
guerre. On l’emploie aujourd’hui dans une acception
pareille, 8c c’eft encore le titre le plus
glorieux auquel puiffe afpirer un militaire ; mais
de tous les tems les véritables héros ont été
très-rares : de la nobleffe d'ame, de la fierté,
de la fermeté, une grande valeur, une conduite
irréprochable, font des qualités néceffaires à un
héros, & la difficulté de les rencontrer dans le
même homme, doit contribuer à rendre les héros
très-rares j c’eft cependant à l’être que doivent
afpirer tous les militaires jaloux d’acquérir de la
gloire 8c d’immortalifer leur nom.
HÉROÏSME. Les vertus 8c les qualités qui
font propres 8c particulières aux héros, & qui en
font le caractère , tout ce qui éft au deffus des
vertus ordinaires, conftituent Fhéroïlme 5 c’eft en
furmontant les - foibleffes ordinaires de l’humanité,
c’eft en fe mettant au deffus de la conduite
vulgaire, c’eft en faifant des actions plus qu’humaines,
que Fon atteint à l’héroïfme. Ainfi les
vertus, le courage, lés aérions, les fentimens,
la patience, font héroïques- lorfqu’ ils ne font !
point ordinaires, & qu’ils paroiffent pour ainfi
dire furnaturels; auffi les anciens avoient-ils attaché
quelque chofe de divin à tous leurs héros
& à tous les aôtes d’héroïfme : fils d’un dieu ou
d’une deetfe, les héros étoient encore infpirés,
protégés par quelques divinités, dans toutes les
actions éclatantes qui leur acquéroient des droits
à i'adm ration ou à la reconnoiffance des hommes.
Ces idées vraiment grandes donnoient néceffaire-
ment une haute idée des hommes regardés comme
des héros, & leur héroïfme acquéroit une d’autant
plus grande confidération, que Fon y atta-
choit toujours l'idée de la divinité coopératrice.
O vous jeunes guerriers que l'amour de la gloire
.dévore, long*z combien il faut être vertueux,
combien de qualités il faut acquérir, combien de
courage il faut montrer pour arriver à cet héroïfme
qui fait l'objet de votre ambition ! Mais bien loin i
de vous rebuter, redoublez d'efforts 8c de conf- i
tance : il a déjà bien mérité de fes concitoyens , 1
le guerrier dont tous les delirs fe portent vers ■
F héroïfme !
Mais fi l’héroïfme fuppofe des vertus d’éclats i
cjui excitent Fetonnement & l’admiration , mal !
a propos allons-nous chercher l’hérbïime fur les \
ianglans théâtres où le vulgaire le place, dans les ’
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i1 camps, les armées, fous les murailles des villes
afliégées; car le commun des hommes ne connoît
point d’autre héros que les guerriers} cependant,
pefés dans la balance de la raifon & de l’équité ,
ces triomphateurs font-ils dignes des grands noms
qu’on leur prodigue ?,
Il eft inconteftable que Fefprit militaire eft le
défenfeur d’un état:,il faut l’y nourrir avec foin,
mais comme on nourrit un dogue pour la garde
d’une maifon en l’enchaînant, & ne lui permettant
de prendre que très-rarement l’effor, de peur
•qu’il ne dévore fes maîtres même.
Attendu Finjuftice 8c la méchanceté des hommes,
la guerre eft néceffaire j mais c'eft toujours
un mal que tout le bien qui en peut revenir ne
fauroit coropenfer. Fille de la Férocité, elle n’enfante
que des forfaits, des cruautés oc iiw
très} elle déchire le coeur des mères, des épou-
fes, des amantes 3 elle dépeuple les départemens ,
réduit les villes en cendres & ravage la campagne :
elle fait pis, elle déprave les moeurs, éteint le
goût des beaux,arts , 8c fur les ruines des vertus
fociales, des fciences 8c des lettres, elle établie
la grofiïéreté, l’ ignorance 8c la barbarie 5 c'eft
alors que F inhumanité brille fous lé beau nom de
bravoure, 8c que Fon ne connoît plus de vertu
que la foif du fang ennemi.
Jamais la Grèce ne compta tant de héros que
dans le tems de fon enfance, où elle fl’étoit encore
peuplée que de brigands & d’aflfaffins. Dans
un fiècle plus éclairé, ils ne font plus en fi grand
nombre^} mais le peuple eft toujours peuple, &
comme il n’a point d’idée de la véritable grandeur
, fouvent tel lui paroît un héros, qui, réduit
à fa jufte valeur, eft Fopprobre du genre humain.
Voyez la plupart des foldats mercenaires, foldés
par le dcfpotifme & la tyrannie; autant ils font
ineptes à tout autre état, autant ils font propres
à Fêtât militaire : pour le bien remplir il fuffit,
félon leur maître, d’être violent, farouche, inhumain
8c cruel ; il ne leur coûte point d’efforts
pour s’exciter au maffacre ; ils ne reconnoiffent
plus les hommes pour leurs femblables, puifqu'ils
font payés pour les' tuer : la crainte d’un fort
pareil ne ralentit point leurrage; ils ne portent
pas leur penfée au-delà de l’inftant préfent; ce
font des automates armés, des machines de guerre
placées fur un champ de bataille, qui fe montent
au bruit du tambour, des trompettes 8c des clairons
: le fracas de l'artillerie achève de les mettre
en mouvement ; alors ils frappent à droite 8c à
gauche, 8c tout ce qu’ils ont de vie 8c d’a&ion eft
ramaffé dans leurs bras.
Voilà cependant pour la multitude un vaillant
homme, un héros, furtout s'il tient un rang qualifié
dans l'armée ; car le titre de héros, dans la
langue vulgaire, emporte avec foi l’idée d’un grade
éminenr : un foldat ne l’obtient pas s’il n'eft que
fous-officier ; il faut au moins qu’il foie feld-maré-
çhal, généraliffime ou prince.