
des lois que j’aurai faites , & jamais je n’ext-
gerai ce qu’eilés ne me donreront point le droit
de commander. Si notre- code n’a point tout
prévu, fi je fuis force de recourir à l’arbitraire,
Remploierai plutôt la perfuaiîon que la contrainte.
N’oublions jamais que fi dans l’enfance
on peut quelquefois reççurir à l’autorité , on
ne doit dans l’adoiéfcence recourir qu'à la rai-
fon ik à la loi. En permettant à mon élève
tout ce que. je ne lui aurai point défendu, j’éviterai
de grands maux , & je. ferai naître de
grands b ens. U.ne contrainte fervile rétrécit
J’ajn e \ i ni pire une niaiie timidité, habitué à la
baifeffe , au menfonça ; une jüfte liberté donne
au contraire aux enfans une noble confiance,
une - imable franchife', elle les rend gais, con-
tens de heureux , & quand ma méthode ne feroit
qu’ajouter un quart à la lomme du bonheur
accordé à chaque homme , ce i'eroit pour moi
un motif tout-puiffant.
Avec les moyens que je viens de développer,
& un grand noriib.re d’autres qui en font une
conférence néceflàire , je parviendrai, je n’en
doute point, à lui infpirer du goût pour la pro-
feffion militaire, & à lui donner la bravoure né-
ceffnre aux guerriers. Mais ne ferai-je point
de mon élève un capitan , un gladiateur, un
matamore? non , je n’ai point cette crainte. Il
eft d fficile, je le fais, d’endurcir-le coeur contre
là dculeirr & la mort fans émouffer. la fenfi-
bilité ; rarement celui qui- s’eft. habitue a
fupporter la faim, la foif, la chaleur & le froid,
eft ému par le fpectâcle d’un homme haletant
de chaîèûr, tranfi de froid, ou exténué parla
faim, rarement oft voit les hommes qui aiment
la guerre la craindre pour les autres-, rarement
ceux qui la défirent la regardent comme le
plus grand des fléaux pour un état ; rarement
on eft très ienfible à l’opinion des hommes &
affez philofophe pour ne pouvoir être oftènfé par
eux. Mais comme il a été & comme il eft encore
fans doute, des hommes qui ont allié
dans leur coeur la fé vérité pour eux-mêmes &
l’indulgence pour les autres -, le mépris de la
mort avec la crainte de la donner-aux autres ;
-l’infenfibilité à fes propres maux avec la cotn-
paffion pour les maux d’autrui i en un mot, la
bravoure la plus haute avec la morale la plus
pure, l’humanité la plus tendre-, pourquoi ne
réuflirois - je point aulfi à faire cet heureux
alliage dans le coeur de mon pupille ? L’in fri tu tion
fait tout, & ce fera à ce grand objet que je
donnerai mes foins les plus fuivis. Oui, tout
inftituteur qui donnera a lbn élève des idées
certes;des venus, des notions claires fur fes
devoirs & fur leur fubordination, atteindra né-
ceffàiremënt le but défirable que je voulois frapper
i il aura, veux-je dire,’ donné au caraâère
de fon lève le plus haut degré polfible d’éléya-
*ioa.i$cde bonté.
Telles font les principales vues qu’il m’a.paru
qu’on devroit fuivre dans la première éducation
d’un jeune citoyen qu’on deftine à la profef-
fi.on militaire-, il m’a femble qu'elles étoient
laites pour le rendre apte , à recevoir dans un
college Yéducation militaire publique , ou même
d’aller la recevoir dans un régiment , fous la
furveillance d’un mentor attentif.
§. I I I.
De l’éducation militaire publique.
Comme nous avons prouvé ailleurs que les
collèges militaires aftuels font inconftitution-
nels, qu’ils ne donnent de Y éducation qu’à un
petit nombre de citoyens , qu’ils font que
l’état paye avant d’avoir reçu, qu’il paye l'ou-
vent fans recevoir, & enfin que ce qu’il reçoit
vaut rarement ce qu’il a payé -, nous avons démontré
qÛE Y éducation militaire publique ne doit
point être donnée dans les collèges & les écoles
militaires aéluelles : comme nous avons pcotivé
aulfi que les examens & les cours dans .les régi
me ns font fous tous les alpeéls préférables
aux colleges , & qu'ils peuvent feuls procurer
aux citoyens une bonne éducation militaire publique
, nous nous bornerons dans ce paragraphe
à renvoyer nos leâeurs aux articles dans lef-
quels nous avons développé notre opinion fur
•ces objets.. Voyê{ Ecoles militaires, Examens,
Capitaine & Mentor.
E F
EFFECTIF. Veßeclif eft ce qui ëxifte en effet
quand on a défalqué les hommes qui manquent
au complet , ceux qui font aux hôpitaux ou
dans les infirmeries , ceux qui fönt en congé ou
-fur les derrières ,' ceux qui font de fervice ou
incapables d’en faire. Cet eßeftif eft' fou vent bien
peu conlîdérable eu égard au complet des compagnies
ou des régi mens. Ce n’eft cependant
que fur cet eßeBif que le général d’une armée
doit calculer lès opérations. Vàye{ Journal.
e L
' ÉLITE , (troupes à'élite). Voye^ T rouves.
E M
EM FAUCHEURS. On ne doit donner le nom
d’embaucheur qu’aux hommes qui e fiaient de
déterminer les foldats à déferter pour aller
s’engager au fervice d’une puifiance étrangère.
On a dit , il y a long-temps, s’il n’y avoir
point-dé receleurs , il y auroit peu de. voleurs;
de même on pourroit dire , s’il n’y. avoit point
d' embaucheur & ) il y auroit peu de délerteur».
C’eft en effet aux embauchera quVn doit'
prefque toujours s’en prendre des déferrions ,
dirigées vers le pays ennemi.
Pour diminuer le nombre des déferteiH's-, il
faut donc s’occuper d’abord'à rendre celui des ,
embiucheurs moins grand. Le réglement pour le
fervice intérieur .des corps , preferit à cet égard
des précautions bien figes.. Il veut qu’on furVeiile
tous les gens fufpeâés de faire cet infâme
métier ;. qu’on, arrête ceux qui donnent lieu à
des foupçons fondés , qu’on les interroge avec
foin, qu’on examine leurs paffe-ports , leurs
certificats , il donne enfin le finalement général
de cette cl a fie d’hommes. Ce. feroit déjà beaucoup
fans doute que ces précautions , mais
elles ne fuffir oient point. Pendant que la loi
prononcera une peine capitale contre les embau-
cheurs , & qu’il faudra par conféquent réunir
pour la leur infliger un corps complet de-preuves ,
on les verra toujours échapper à la peine portée
par lai loi.
Si l’on fe bornoit à bannir loin des villes de
garnifon & vers l’intérieur du royaume tout
homme fufpecté d’embauchage , -& de condamner
à une forte amende celui qui en feroit convaincu,
on verroit tous:les bons citoyens & les foldats
eux-mêmes-'fe hâter de les dénoncer. Ne pour-
roit-on pas au fil donner à tout foldat qui dénon-
ceroit un embaucheur une petite recompente pécuniaire
-, cette recom pente n’auroit rien d’aviliffant :
celui - qui l’auroit méritée n’autoit rompu pour
l’obtenir aucun des liens que l'honneur. & la
fociété rendent facrés.
Les embaucheur s dont nos villes frontières
fourmillent ont une correfpondancë ouverte avec
une foule de recruteurs Autrichiens , Pruffiens ,
Hoilandois , &c , établis dans lés villes & les
villages les plus voitins de notre domination.
Ces recruteurs , peu délicats fur la maniéré de
forcer nos déferteurs à s’engager , emploient
pour y parvenir les moyens les plus violens ;
l’humanité gémit du récit de ces atrocités , mais
le militaire François eft forcé de s'en féliciter :
fi nos foldats nétoient pas perfuadés qu’ils ne
pourront échapper à ces ibirres ; s’ils ne lavoient
pas que tout déferteur qui entre fur les terres
impériales eft regardé comme foldag»; s’ils ne
favoient pas que le bâton eft fans ceffe levé fur
les épaules des François déferteurs, nous verrions
la defertion faire dans notre armée des progrès
encore plus rapides. Cette réflexion , je la dois
à un officier .Autrichien auquel je me plaignois ,
au nom de l’Humanité , de leur dilcipline barbare ,
& des procédés peu délicats dont ils font ufage
pour recruter leurs troupes.
Par un effet de notre population & du goût
que le François a . pour le fervice militaire ,
nos régi me ns nationaux ne recourent point aux
■ embaucheurs pour fe recruter; mais il n’en a pas
été toujours de même des régîmens étrangers
qui font à notre fervice. Ils ont eu des em ba u -
cheurs, même dans les garnifons Françoifes. Il-
faut elpérer que cet abus affreux fera totalement
détruit. J’ai vu le colonel d’un de nos régîmens
étrangers 8c un prince au fervice de la maifott
d’Autriche, fe vanter publiquement des fuccès
qu’ils aypient eus en ce genre l’un fur l’autre ;
ils firent plus ; ils parièrent une fomme affez
confidérablè au premier grenadier qu’ils réuffiroient
à s’enlever. Il y avoit cependant un cartel entre
les deux puiffances.
Les embaucheurs , lorfqu’iïs deviennent fauteurs
de défertion , lorsqu’ils fourniffent au foldat le
moyen de déferter , foit en leur aidant à fe
; traveftir , ou à s’efquiver , devroient être punis
plus fevèrement que. ceux qui 1e bornent à lèur
verfer du vin à.pleins brocs , ou à les enivrer
| de fales voluptés ,-ou à les féduire par des pro-
meffes aulfi trompeufes que magnifiques.
ÉMULATION. Si tous les citoyens d’un empire
étoient foidats ; fi les loîd-us n’étoïent jamais raf-
femblés, qu’au moment du combat -, fi la çnierre
n’étoit point, un art, & fi l’on ne combattait
jamais que pour conferver fes propriétés , petit-
être feroit-il inutile de, chercher à exciter V ém u la
t io n dans famé des guerriers,; peut-être leur
intérêt répondroit il de leur valeur, de leur courage
,• de leur confiance : mais comme les guerriers
modernes vont prefque toujours à la guerre
pour combattre des hommes qui ne font point
leurs ennemis perfonnels , & avec lefqueis ils
n’ont jamais, eu rien à déméler; comme ils fe battent
pour des intérêts qui leur font étrangers-;
comme la profelfi n des armes eft devenue ls
métier de quelques individus ; comme on a cru
devoir toujours tenir des armées fur pied , &
enfin comme la guerre eft un art infiniment pénible
à exercer & difficile à apprendre, il faut nécef-
fairement créer parmi nous des objets qui pu filent
, par leur nature, allumer une vive ém u la ■
tion dans l’arne des militaires. Je fais bien que
dans le s ‘républiques & dans tous les gduver-
nemens dont les fujets font animés par i’ efprit
public, l’amour de ia patrie peut, jufqu’à un certain
point, fuppléer à Vémulation - mais je crois
que, même cUns. les gouvernemens heureux , il
feroit imprudent de ne point employer ce reffort
tout puiffant : fans fon fecours , on ne verroit ,
je penfe, qu’un très-petit nombre de guerriers
faire , pendant la paix & pendant la guerre , tout
ce qui dépendroit d’eux pour procurer à leur patrie
les fuccès qu’elle ambicionneroit. Qu’on ne m’ac- Icufe point de calomnier le patriotifme, qu’on ne
m’accule point d’atténuer fa force,, fon empire ;
j’en ai conçu l’ idée la plus haute : je crois que
tout bon citoyen doit, au nom de patrie,& de
liberté y fe fentir traniporté -par un y if enthou-
E p x