
celle des autres ports s ce l'ont les batteries ca-
fematées du général auxquelles ils ont jugé devoir
donner la préférence ; & le fort du Hou-
met eft la première conftruttion dans ce genre
qui ait été exécutée par des officiers du corps
du génie 5 mais il eût été à defirer que cette
première imitation eût été plus exacte; car les
cafemates en queftion n’ont aucuns des avantages
qui fe trouvent dans celles du général, ni relativement
à la dépenfe qu’elles peuvent occa-
lionner , ni aux effets de l’artillerie qu’elles peuvent
contenir.
Mais malgré tous les moyens donnés par le
général Montalembert, pour perfectionner les,
affûts , les embrâfures & les cafemates , il devint
effentiel pour lui de combattre les per-
fonnes ignorantes ou mal intentionnées qui avoient
voulu jetter de la défaveur fur une de fes idées
la plus ingénieufe & en même-tems la plus avan-
tageufe , que des cafemates étoient les feuls
emplacemens où l ’artillerie pût être confervée
dans des places affiégées , & que c’étoit de l’artillerie
feule que les cafemates pouvoiest tirer
leur défenfe. 11 eft vrai que- l’on a vu rarement
pratiquer des cafemates dans la conftiuétion des
villes de guerre. En vain l’expérience avoit-elle
appris que peu de jours fuffifoient pour démonter
l’artillerie placée fur les remparts. On ne
«’étoit point lafle d'y en mettre pour lui faire
éprouver le même fort 5 on ne trouve des cafemates
que dans quelques places d’ancienne conf-
tru&ion, & le Neuf-Brifack paroît être une des :
plus modernes où elles aient été conftruites y
mais pour deux pièces de canon chacune. C ’eft
l’ incommodité de. la fumée , d i t - o n , qui en a
fait abandonner l’ ufage : il eft poffible, fans doute
^ que cette incommodité y ait été affez grande
pour y faire renoncer ; mais il ne s’enfuir pas
qu’on doive l’éprouver dans toute câfemate. Il
femble d^illeurs qu’avant de renoncer à un auffi
grand avantage 3 on aûroit dû s’attacher à con-
noître fi la caufe n’en étoit pas dans le vice
de leur conftruétion , & l ’on n’ eût pas tardé à
s’appercevoir que toutes celles en ufage avoient
peu d’élévation dans leur voûte 3 peu de capacité
intérieure , peu d’air paffant, & des tuyaux
de cheminée fort étroits. De-là il a dû fubfifter une
ftagnance dans la fumée de la poudre & un reflerre-
ment de fes parties, à proportion del’augmentation
de fon volume, à laquelle il devoit être difficile de
réfifter.Les cafemates les plus modernes, qui fem-
bleroient devoir être les plus parfaites, font
celles qui ont été pratiquées dans les tours baf-
tionnées du Neuf - Brifack ; mais elles ont dû
être inhabitables toutes les fois qu’on a tenté
d ’en faire ufage. L’emplacement des batteries y
. eft très-étroit & peu élevé , la voûte de la feule
poterne par laquelle on y entre eft de fix pieds
plus baffe que la c le f de la voûte de la batterie j
il faut donc que la fumée raffemblée dans la
partie de la voûte la plus élevée, redefeende
pour entrer dans la voûte inférieure de la poterne,
qui eft fort étroite & fort longue, ayant
à traverser toute l’épaiffeur du rempart ; fa longueur
eft de plus de cinquante pieas. Enfin les
deux tuyaux de cheminée qui traverfent la voûte
pour fortir au haut de la tour, n’ont chacun que
trois pieds & demi en quarré ; à peine y refpire-
t-on dans leur état naturel; eft-il donc étonnant
que pour peu qu’il s’y raflemble de fumée, on
ne puiffe y réfifter ? Non, fans doute, il ne peut
même en être autrement. Les caufes d’un pareil
effet font évidentes, & le remede ne paroît pas
devoir offrir de grandes difficultés.,.. Augmentez
les efpaces , donnez un libre cours à l’air, &
tous ces inconvéniens difparoîtront.
C’eft d’après ces principes que le général
Montalembert avoit déterminé les inftruétions
dans fon ouvrage.
Perfuadé par tous les faits tranfmis par l’hif-
toiré, & par fon expérience, que les fortifications
exécutées jufqu’à préfent ne rempliffoient
point l’objet qu’on s’en étoit promis, ii chercha
d’autres difpofitions.
Les remparts baftionnés font connus fous trois
dénominations qui indiquent leur différente fitua-
tion refpe&ive , courtines , faces & flancs ; les
flancs feuls défendent les courtines & les faces :
ils font cependant la partie la ' moins étendue
des fronts de fortifications; ils n’en font qu’un
peu plus du fixieme. Après s’être demandé pourquoi
ils ne font pas plus étendus, pourquoi les
courtines & les faces ne défendent aucune des
parties de l’enceinte 5 on fent naître le defîr de
fupprimer ces parties inutiles à la défenfe ; &
c’eft l ’objet que le général a rempli par fon fyf-
tême angulaire , où tout eft flanc. — Une fuite
de lignes tombant perpendiculairement les' unes
fur les autres, font à-la-fois face & flanc, de
manière que, tandis qu’un dodécagone de 180
toifes de corde, dont le rempart eft de zy6 toiles
courantes, n’a pour chaque' front,baftionné que
z6 à 28 toifes employées à la défenfe de la face
oppofée, le fyftême angulaire en donne 130 pour
la même corde.
Il eft facile de voir combien une auffi grande
étendue de remparts qui fe flanquent réciproquement,
donne d’abord un grand avantage à
cette méthode; mais cela ne paroiffoit pas suffi
fant au général, l’artillerie fur ces mêmes remparts
y auroit été également expofée au ricochet
qui détruit tout ce qu’il peut-atteindre. Il falloir
donc la couvrir ; des cafemates pouvoient
feules remplir cet objet important. En ce cis,
il falloit les conftruire de manière à ce qu’elles
puffent raffembler, dans un petit efpace | beaucoup
de feux j fans avoir à craindre les effets
lie la fumée d’une artillerie auffi nombreufe ;
r’eft ce que fit le génie inventif du général Montalembert;
& heureufement pour l’art, ce ne fut
oas uniquement furie papier ou avec des reliefs
nu’il donna des preuves de tous les avantages
de fes cafemates, ce fut dans un fort conftrujt
en bois à l’ ifle d’Aix , contenant 136 pièces de
canon- pour battre la rade dans tous fes feu s , &
empêcher les flottes les plus confiderables d en
approcher.
Cependant de telles conltruftions étant a.bfo-
lument nouvelles, firent naître dans les efprits
bien des doutes fur leur folidité & fur les fer-
vices qu’on en pouvoir tirer ; nombre d objections
furent faites, toutes évidemment frivoles;
& cependant elles perfuaderent, parce qu’el.es
critiquoient, & deux principaux reproches contre
ce fort firent impreflion..... les mconvemens de
la fumée dans fes batteries cafematées, & la def-
truftion par l'effet même ou la commotion que
le ïervice d’une auffi grande quantité de pièces
d’un auffi gros calibre pourroit occafionner : tout
devoit en recevoir un ébranlement capable de
jenverfer le fo rt, & faire périr toute la garni-
fon fous fes décombres,. Heureufement la fup-
pofition d’un pareil défiibe alarma le gouvernement
, & donna lieu à , un ordre de faire une
épreuve de ce fo r t, en fàifant l'exécution du
feu dé toutes fes batteries , pendant plufieurs
heures avec plus de vivacité que celle qu’on
'pourroit faire en préfénee de l’ennemi. Rien ne
pouvoït fatisfaire davantage & combler les voeux
de l’auteur & il n’eft pas probable que ceux
qui opinèrent pour „la néçeffité d’une pareille
épreuve, l’euffent fait dans l’intention de lui
procurer cette fatisfaélion ; mais quelles qu aient
pu être leurs intentions, l'effet en fut le même.
Le 7 oéfobre 1781, en préfence de plufieurs
officiers-généraux de' terre & de mer, d artil-
lerie & de fortification, il fut tiré y33 coups
de canon par feu réglé & fucceffif, par feu a
volonté qui dura une demi-heure , .par falves
fucceflîvës des trois batteries , l’une de 16 pièces
de 36, la fécondé de 40 pièces de }6, la troi-
fième de n pièces du calibre de 12;.... enfin ^
par une falve générale des trois batteries fervies
enfemble : le tout dans l'intervalle de deux
heures.’ '
Ce feu n’ayant été interrompu par aucun accident
3 & ayant été fait avec toute la vivacité
defirable , fans aucune avarie ni commotion pré
judiciable au fort.
» Au procès-vetbal dont nous venons de donner
»î De l’aveu même dés officiers de la marine,
là fumée du canon dans la première & fécondé
batterie couvertes, eft beaucoup moindre &
moins incommode qu’elle ne l’eft dans^ celles des
entre-ponts de vaiffeaux. Cette artillerie eft montée
l’extrait étdi,t jointe une lettre lignée Voyer
D a rg en fo n , dans laquelle cet officier-général dit
quq l'épreuve ordonnés du fort en bois de l’iüe
d’Aix, a eu un fuccès complet.
fur des affûts très-ingénieux, &c.
»s 11 faut convenir que cette nouvelle théorie
raflemble une plus grande maffe de feux dans
un moindre efpace que les fyftèmes de fortification
généralement reçus.
» Je dois à la vérité de dire que beaucoup
de détails dans ce fyftême m’ont paru le réfultat-
d’ idées long-te ms ciigérées, par un militaire qui
a favarnment approfondi les principes connus dé
l’artillerie & du génie, avant de les combattre
& de mettre en pratique ceux qu’ il a publiés.»
Voilà donc le procès d.s cafemates gagné par
cette épreuve ; encore les batteries du fort de
rifle d’Aix étoient-elles dans un cas moins favorable
relativement à la fumée, qu’elles ne le font
dans la plupart des cafemates qui fe trouvent
dans les fortifications propofées par le général
Montalembert ; puifque ces dernières font entièrement
ouvertes du côté de- l'intérieur de h
place , tandis que celles de Fille d’Aix n’avoient
d’ouverture qu’une croifée de dix pieds en quar-
"ré : ces croifées d’un c ô té , les embrâfures du
côté oppofé,. & des cheminées de trente pieds
en quarré, pratiquées dans la terraffe du haut
du fo r t, ont été les feuls paffages par où la fumée
ait pu fe diffiper > mais en même-temps ,
c’ eft en quoi l’expérience a été plus inftruâive,
puifque. ces iffues ont fait connaître la vitefle
que la fumée pouvoit prendre par i’impulfion de
l’air paffant, & par l'ëffet de l’explofion de la
poudre enflammée.fur l’ air intérieur ; & ce dernier
effet s’eft manifefté de la manière la plus
fenfible : à chaque coup de canon de l’intérieur
du fo r t , la quantité & la vitefle de la fumée
portée au-dehors étoient toujours augmentées;
les embrâfures des canons qui ne tiroient pas
en même - tems , donnoient plus de fumée que
dans les inftans de ceffation du feu ; toutes les
fois que le feu des batteries a été peu confidé-
rable, il y paroiffoit plus de fumée que lorfque
le feu devenoit plus v if ; & il n’y en a jamais
moins eu qu’après des fa ves.générales. Ces falves
imprimoient un mouvement rapide à la fumée,
par les différentes iffues, qui fe confervoit même
après l’effet c e fle , & l ’intérieur de la batterie
fe trouvoit entièrement dégagé..... Dans la batterie
du premier étage du fo r t , armée de 43
pièces de canon du calibre de 36 , efpacés feulement
de neuf pieds les uns des autres, on y
eft refié pendant deux heures de fuite » comme
on auroit fait en plein air ; les. canonniers, les
officiers, les fpe&ateurs, perfonne n’en a reflenti
, fe moindre incommodité. L’on ne peut faire dans