
Quand la foibleffe du détachement ne permettra
pas de fournir douze hommes à l’avant-
garde , ( ce qui fera très-rare ; car on envoie
prefque toujours! au moins cinquante hommes
eniemble ) , on marchera fans corps d’avant-
garde , & on fera feulement précédé par fix
découvreurs.
Une nécèïïité abfolue peut feule contraindre de J
fe borner à n’avoir que fix découvreurs. Quand la
force du détachement le permettra, on en mul- j
tipliera donc le nombre , de manière à ce qu’ils !
forment une efpèce de cercle autour du corps de
bataille.
Tous les découvreurs marcheront à cent cinquante
ou à deux cents pas du corps de -l’avant-
garde ; ils obferveront continuellement ce qui fe
paffera en avant d’eux -, ils ne, perdront jamais
de vue , ni lès autres découvreurs , ni le corps
d’avant-garde ; ils obéiront à tous les ordres que
ce corps leur donnera , à tous les fignaux qu’il
leur fera ; ils fe conformeront à tous fes mou-
vemens ;. ils s’arrêteront , quand il fera halte-, ils
changeront de direéiîon , quand il changera de
point de vue ; & ils fe retireront , quand il fera
la retraite.
Les découvreur^ chercheront toujours à marcher
couverts par quelques haies-, quelques arbres,
quelques broufiailles , ou quelques éminences-;
en un mot, à voir fans être vus. L es découvreurs
qui feront à cheval fe pencheront fur le col de
leurs chevaux pour n’être point aperçus de loin.
Audi tôt que les découvreurs verront une troupe ,
un d’eux viendra en avertir le commandant du
corps de l’ayant-garde.
Quand les découvreurs auront reconnu la force f
& la qualité de la troupe qu’ils n’avoient d’abord
qu’aperçue, ils feront donner un nouvel avis au
commandant du corps de l ’avant-garde ; ils refter j
ront cependant toujours dans leur pofte , pour
continuer à obferver l’ennemi ; ils donneront ces
divers avis fans b ruk , & toujours en le cachant
avec foin.
Si les découvreurs ne font que deux hommes à
chaque découverte , le commandant de l’avant-
garde renverra tout de fuite après fon arrivée,
celui qui fera venu donner le premier avis , ou
bien il le fera remplacer par quelqu’autre foldat
moins fatigué.
Les découvreurs fe rappeleront fans ceffe-qulils
ne font pas deftinés à combattre, mais à éclairer
les démarches de l’ennemi ; qu’ils ne doivent faire
ùfage de leur arme à feu , que lorfqu’ils tombenp .
dans une embulcade que lorfqu’ils ne peuvent
donner autrement l’ alarme à l’avant-garde & au
corps de bataille ; & enfin , que lorfqu’uno troupe
de cavalerie qu’ ils ont aperçue trop tard marche
fu r ie détachement avec beaucoup de rapidité.
Quand les découvreurs rencontreront un bois ,
ils le fouilleront aveç le plus grand-foin , & il>s
n’avanceront qu’après s’être bien affurés qu*il ne
recèle-', ni parti ennemi , ni embufcade. Ilsfouil»
leront les folfés , les ravins , les chemins creux,
les revers des chauffées ou des folfés très-relevés ,
les haies très-fourrées , les champs enclos de
murs, ceux qui feront couverts d’une haute
moiffon ; en un mot , tous les objets qui fe
préfenteront. en avant d’eilx , ou fur les flancs ,
& qui pourraient fervir à cacher , ne fût - ce
même que quatre hommes,
Quand les découvreurs rencontreront des maifons
éparfes , des moulins , ou d’autres édifices , ils
les fouilleront avec le plus grand foin’ ; s’ils ne
font que deux à chaque découverte , un d’eux
entrera dans le bâtiment , pendant que l’autre
en reliera hors de la portée du fufil. Si le
découvreur qui fera entré dans la maifon ne revient
pas , après ^que le "temps qu’ il lui aura fallu pour
la fouiller fera écoulé , ce fera une preuve, ou
au moins une préfomption , que la maifon
recèle des ennemis; en conféquence , le fécond
découvreur ira avertir le chef de l’avant - garde ;
celui-ci fe conduira d’après les circonftances &
les ordres qu’il aura reçus. Quoique les décou-
vreurs foient plus de deux enfemble, ils n’entreront
jamais tous en même-temps dans les bois ,
les ravins , lès maifons , & c .
Si les découvreurs rencontrent un village , &
s’ils ne font que deux à chaque divifion , un
entrera dans le village, tandis que l’autrereftel-a
en-dehors ; celui qui fera entré , s’ arrêtera aux
premières maifons ; il prendra auprès des payfans
qu’il rencontrera les informations fuivantes. I l
demandera : l’ennemi eft - il dans le village ; à
t-il paru dans les environs ; quelle efpèce de
troupe s’eft montrée ; quelle étoit fa force 5
qu’eft-il devenu, & c ? Si le découvreur apprend
que l’ennemi n’eft pas dans le village , & que
lui-même peut y entrer avec sûreté , il le fouillera
en grand , c’eft-à-dire , qu’il parcourra les
places & les principales rues ; il ira chez le
premier magiftrat ; il lui fera les mêmes queftions
qu’il aura déjà faites aux premiers paylans qu’il
aura rencontrés ; il emploiera enfuite les menaces
ou lès promelfes pour en obtenir des ôtagès ,
des guides, & tous les renfeignemens dont il aura
befoin. Aulfitôt qu’ il fera alluré des bonnes
difpofitions des habitans, & qu’il aura obtenu
d’eux ce qu’il en’ défiroit, il rejoindra, fon camarade
; celui-ci -entrera à fon tour dans le village ,
le ' traverfera , & i r a fe. placer en-rdehors du côté
de l’ennemi. Le découvreur qui aura pris les
informations , les ôtages & les guides , fia rendre
compte de ce qu’ il aura remarqué au command
dant de l’avant-garde , & il lui amènera tes ôtages
& tous les habitans dont il aura çru pouvoir
tirer des renfeignemens.
Quand les découvreurs feront plus de deux
enfemble ,
enfemble , ils fe conduiront ainfi que nous l’avons
dit dans la fuppofition précédente , c’eft-à-dire,
qu’ils fe diviferont toujours én deux parties:
oomme il n’eft cependant pas néceffaire que tous
les découvreurs qui font entrés dans le village
rétrogradent pour aller inftruire l ’avant-garde ,
ceux qui ne feront pas utiles à cet objet fe
joindront à ceux qui ne feront point encore entrés
dans le pofte ; & réunis ils iront occuper le
.premier défilé qu’ ils trouveront en dehors du
village.
Les découvreurs qui entrent dans une maifon
ou dans un village doivent fe garder de commettre
aucune violence contre les habitans , &
de s’y amufer à boire : par l’une & l’autre conduite
, ils retarderoient la marche du détachement
, & ils s’expoferoient à être pris & tués,
ou par les troupes des ennemis , ou même par
les habitans du lieu.
Lorfque les découvreurs rencontreront des hauteurs
d’où ils pourront vdàr une grande étendue
de pays , ils s’en approcheront avec précaution ,
& ils y monteront avec prudence; ils examineront
enfuite tous les penchans de la montagne,
& ils en feront le tour pour s’ affurer que l ’ennemi
n’a point dre fie d’embufeade dans cet
endroit. Quelques-uns des découvreurs relieront
fur le fommet de la hauteur , jufqu’à ce que
l’avant-garde les ait rejoints ; alors ils fe remettront
en marche. •
Quand les découvreurs rencontrent un défilé
formé par des montagnes , ils fe conduifent
comme dans la fuppolmon précédente.
S i . les découvreurs rencontrent un marais qui
ne foie pas traverfé par un chemin frayé , & dont le .fond ne foit pas connu , ils cherchent à
favoir , par le moyen de quelques payfans des
•environs , quel eft l’endroit où le fond eft le
meilleur ;. ils le fondent enfuite eux-mêmes pour
s’affurer de la vérité des rapports qu’on leur a
faits ; ils plantent fur les deux côtés du chemin
qu’ils ont fuivi quelques jalons , ou quelques
branches d’arbres , qui fervent à diriger la
marche du détachement.
Quand les découvreurs arrivent fur le bord d’une
rivière ou d’un ruiffeau que le détachement doit
paffer à gué , ils en agiffent .comme nous venons
de le dire pour un marais ; ils obfervent de plus
avec foin le revers du rivage , pour bien s’affurer.
que l ’ennemi ne s’y eft pas embufqué ou caché
dans les rofeaux ; ils reconnoiffent avec le même
foin le bord oppole ; ils en agiffent de la même
man iè req uan d le corps qu’ils éclairent doit
paffer la rivière fur un pont ou dans des bateaux.
Toutes les fois que les découvreurs^ rencontreront
dans la cainpagne des payfans ou des
voyageurs , ils leur feront beaucoup de queftions
pour en obtenir des éclairci (Te mens fur le compte
Art. Milit. Tome IV. Suppl.
de l’ennemi ; ils mettront cependant a fiez d’art
dans leurs demandes , pour ne pas faire deviner
quel eft l’objet de là marche du détachement ; ils
arrêteront toutes l$s personnes qui fuivront la
même route qu’eux , ou qui voudront les dé paffer.
Les découvreurs obferver ont avec attention la
direction que les partis ennemis prendront, 8c
ils en rendront compte au chef de l’avant-gardé ;
celui-ci, d’après leur rapport , formera des conjectures
vraifemblables fur la pofition qu’occupe-
le corps dont ces partis font détachés.
Les découvreurs doivent comme les fentinelles
être exercés à reconnoître à la pou.ffière qui
s’élève, l’efpèce de troupes qui marchent , 8c à
juger de la direction & de la force des colonnes
par la direétion de la pouflière & par fa quantité ;
ils doivent examiner les traces qu’ont laiffées les
chevaux. 8c les gens de pied ; & s’ils font bien
exercés, ils peuvent reconnoître à peu de chofe
près, par la façon dont le terrain eft battu , 8c
dont l’herbe .eft foulée., quelle eft' la force 8c la
qualité de la troupe qui y a pàffé. Ges indices
font louvent fautifs , mais on ne doit cependant
pas les négliger. Voye[ I n d ic es.
D’après tout ce que nous .venons de dire , on
peut juger aifément combien le rôle de découvreur
eft important, & combien il eft difficile de le
bien jouer. Ce fera toujours à des foldats très-
expérimentés qu’on le confiera. Nous én avons
peu en état de s’en bien acquitter, 8c il. ferait
très - important d’exercer les plus intelligens à
cette partie effentielle.
Pour que les découvreurs puiffent rendre de
très - grands fervices aux détachemens , & les
éclairer de très-loin , on peut, au lieu d’un habit
militaire , leur faire prendre celui d’un braconnier
, ou d’un gardé-chaffe de quelque feigneur
des environs avec lequel on eft d’intelligence. Il
faut que les découvreurs qu’on traveftft ainfi foient
munis de fauf-conduits , qu’ils connoiffent bien-
le pays , & qu’ils aient beaucoup d’ intelligence.
Il eft quelquefois avantageux de donner des
chiens aux découvreurs , fur-tout pendant la nuit ;
les aboiemens de ces animaux pourront faire
découvrir les embufeades que l’ennemi aura
formées.
Pendant» la nuit , les découvreurs redoubleront
de foins & d’attentions , tant pour n’etre point
découverts , que pour arrêter les paylans , les
voyageurs , 8c les autres perfonnes qui voudraient
les dépaffer ; ils ne s’éloigneront pas du corps
de l’avant-garde au-delà de la portée ordinaire
de la voix ; ils marcheront très-lentement, s’arrêteront
de cinquante en cinquante pas , mec .vont
de temps en temps l’oreille contre terre, g a r l ront
le plus profond filen.ee , o-bferveront avec attent on
les' fignaux qu’ on leur fera , & leur obéiront avec
1p rom*p■ titude,’ u i.