
‘f. h ordre foie capable de la variété néceflaire pour
le prêter à toutes les circonftances poflibles, &
capable de mouvémens affez rapides pour fe méta-
morphofer en un ordre tout d Itèrent, auflî promptement
que les circonftances peuvent l’exiger.
Il faut remarquer fur ces principes, qu’ à l’égard
du premier, la force eft a&uellement d’autant plus
’néceflaire, que les armées ont plus d étendue ;
ainfi, au lieu de diminuer l’épaifleur des lignes, on
auroit dû les augmenter. Dans une ligne de peu
d’ étendue, un général peut remédier facilement à
tout à l’inftant 5 mais dans une armée très-étendue
& dans un ordre mince, un corps enfonce.eft dif-
fipé avant de pouvoir venir à fon fecours. L auteur
prétend éviter cet inconvénient au moyen
de fes pléfions. D’ailleurs, comme on peut toujours
être pris en flanc, il faut toujours les aflurer.
Mais, comme dit Montécuculli, "on ne traîne pas
toujours avec foi les avantages du terrein qui l'es
appuie : il n’y a que les inftrumens de l’art qui
iuivent partout, & ces inftrumens font dans la
difpofition, dans la tactique > c eft donc aux pléfions
qu’ il faut avoir recours, d autant qu a 1 avantage
de la profondeur elles joignent,et lui de va- ;
rier félon les tir confiances; & les Vieux où elles |
doivent marcher, manoeuvrer, com b a ttre& c .
Entre les maïiis d’un homme de génie, les pléfions
ne peuvent donc, 'félon fauteur , qu aflurer
qui auroîeiVt forcé les corps qui feroient dans ceç
intervalles , pourroient les fuivre fans crainte,
ayant leurs flancs affûtés. La bai aille d Hochftet
en eft une preuve : les Français avoient, fur le
front dé leur armée, deux v.liages affez éloignés,
pour que leur feu ne protégeât pas l’efpace intermédiaire
la viàoire j l’ infériorité même ne feroit pas un j
obftaole dans les circonftances les plus défavanta-!
gèufes. Annibal, à Cannes ; Scipion, a Zama ; |
Épaminôndas , à Leu&rës ; C é fa r , à Pharfale, Ont
remporté des vi&oires figftalées _ fur des terrems j
unis , inférieurs de plus de moitié. Avec no'trê|
tactique 2Quelle , au contraire, les plus habrlés gé-.
néraux ne peuvent faire de grandes manoeuvres : j
1 uniformité prefqü’univerfeile de toutes nos ba-j
tailles je prouve affez. ’ u 1
Le fyftëmé des colbnnes produit au contraire j
une grande variété, en, adiheVrarit l’union de toutes!
fortes d’armes : tout t'etrein lui eft propre., là co- j
lonne fe formé dans le terrein le plus étroit; feules,;
les pléfions fe foutiennent dans les plus vaftes.plai-.
nés, tandis que les bataillons à trois de hauteur ne,
fauroient ni s’y foutenir ni s’y défendre.
Moins une armée aura .d’étendue en bataille,
moins il faudra en donner aux corps, qui en1 deviendront
plus fûts, plus aifés à garder , a defen-
L’auteür en vient à l’examen des ordres de bataille
d’aétion, & foutient qüefordfè oblique,
tout excellent qu’il eft, perd de fes avantages^xé-
cuté par les bataillons, tandis qu’il devient plus
redoutable avec les pléfions; il foutient les mêmes
avantages pour l’attaque perpendiculaire, le$ pléfions
pouvant percer J-’armée eriüemié en plusieurs
endroits , fe replier1 enfuite fur fes parties & procurer
ainfi 'es avantages de l’oblique. Dans le cas
même où il y. auroit des villages ou des châteaux
qui fortifieroient le champ de bataille;fes'pléfions
; l’ennemi y entra en force & , en
partageant notre armée avec des corps redoublés ,
il s’afiiirà de la vidtoiie. Si des pléfions eulfent défendu
la trouée , il eft probable qu’elles euffent
facilement empêché l’ennemi de pénétrer.
Malplaquet, dont le champ de bataille étoit ref-
fetré entre les bois de Blangies & de Sars, eft
encore une atiion où les pléfions auroient été
d’une grande reffource j & a’abord, dans 1 ordre
accoutumé, l’armée françaife pouvoit, comme le
remarque M. de Feuquières, rendre fon pofte a
peu près inattaquable. Au lieu de fe placer dans
la trouée, elle pouvoit fe-former un peu en arrière,
en croiffant, dont les deux pointes auroient été
appuyées aux deux bois. Alors, pour attaquer,
l’ennemi auroit été forcé de déboucher par un
petit front débordé, en vironné de toutes parts par
un plus grand , dont le fetvfe feroit réuni & même
crôifëfur Jui, & il n’eût pas été facile de faire
taire ce feu en allant à la charge 5 car , comment
atteindre ou le centre ou les ailes fans prêter le
-flanc & fans faire des convergions, impraticables
fous le feu de l’ennemi ? Et f i, dans cette pofî-
tion, le prince Eugène eût voulu tenir fes lignes
éloignées, il n’auroit attaqué qu’avec des forces
inférieures, & auroit eu -encore bien moins de
fuceès Si au contraire on fuppofe fon armee formée
en pSéfiôn , toute' Ion infanterie raffemblée
prend l ’ordre perpendiculaire double , débouche
dans la trouée , le centre marche contre le>cemre,
& les deux lignes perpendiculaires font à droite &
à gauche pour marcher contre les ailes. Alors, au
moyen de cette difpofition, l’armée environnante
ne peut rien attaquer en flanc,-& eft elle-même
chargée de front en trois endroits. ; .
Quoique les pléfions ne foiënt pas- néceflaires
pour attaquer des poftes , il y a des cas où l’auteur
croit favorable de les employer, comme dans
ceux où les poftes, étant rapprochés, font encore
fortifiés par des troupes placées dans les intermédiaires.
Plufieurs pléfions, ne formant qu’unfr-ont,
Le jettent entre les poftes, lès attaquent de côté ,
pendant que d’autres, en àvarit., chargent; les
troupes qui forment les courtines : la vivacité de
l’attaque la force de l ’ordre doivent rendre
les fucc'ès plus affûtés que par des bataillons.
Pour la défenfe d’ un village, Fauteur regarde
fa pléfion Comme infiniment fupérieure aux ba-
taillons-,, q u i, obligés de-pénétrer en défordre,
ferbieik inliimblement reuverfés & !difperfés‘par
lé choc Üe cdtps' profonds.
' lAùtéùr ajoüre ici un ordre double oblique, dans
lequel -, au moyen dei-fes pléfions y il enfonce le
centre & refufe fes ailes, en formant de l’armée
une efpèce de coin, & fe repliant fur celles de
l ’ennemi.
Un avantage que l’auteur trouve encore à fes
j, pléfions, c;eft de pouvoir donner à ces corps;
entr’eux des difpolitions que l’ennemi ne puiflé .
connoïtre, & dont les bataillons né font pas fuf- .
ceptibles , à çaùïe de leur foibleffe, de leur flot- \
tement, &c du danger de leur mouvement, qui leS
expofe fans ceffe à être pris en flanc. Par exemple
, la difpofition d’Annibal à Cannes eft unftra- .
tagême impoflîble à pratiquer aux bataillons, que j
les pi, fions exécuteroient avec beaucoup plus d’à- ;
vantage que l’armée d’Annibal. Eh effet, comment
oDroit-on hàzarder de pareils ftratagêmes ;
avec des corps qui ne pèuvént ni marcher ni '
quitter l’enfembie & l’ alignement des autres fans
être difperfés à l’inftant ?
Pour parvenir à faire ufage des bataillons d’une
manière analogue à celui des pléfions, fâhs quitter
abfolument cette ordonnance , en p6.ui;rôitTa- rendre
.beaucoup meilleure, en doublant & triplant
les files & fe mettant à feizede hauteur : alors
lès bataillons auroient plus, de forte Sc de légèreté,
fans perdre leurs‘propriétés. A cet avantage,
l ’auteur propofe encore d’ajouter celui de
diftribuer fur le front une certaine quantité de
piques, de manière que les deux premiers rangs
loienc piques & fulils alternativement, en joignant
à ces corps un demi-efeadron de cavalerie.
Avec ces moyens, l’auteur n’héfite pas d’affurer
la vi&oire à une armée inférieure, fur une de
beaucoup fupérieure.
Ainfi , l’ ufage de la pléfion comme de la colonne
eft favorable dans toutes les opératiohs de
la guerre.
Les attaques de flancs d’armées ne peuvent être
plus folidement exécutées que par cette dilpofL
tion. Chargez-en un bataillon ; il peut être pris
lui-même en flanc par la fécondé ligne, & c’ eft le
cas où auroit été Céfar à Pharfale, s’il n’avoit pas
eu à fa droite une réferve de fix cohortes , qui,
ayant battu la cavalerie dê Pompée, déjà viéto-
rieufe de celle de Céfar, fè replièrent fur le flanc
de l ’infanterie de Pompée, qui dès ce moment
vit la bataille perdue fans reffource. Or , la
pléfion , n’ayant rien à craindre pour fes flancs ^
peut achever fon opération fans inquiétude , fur-
tout protégée par fes grenadiers à pied, à cheval
, foutenuë de la ligne de Parrnée , & , en cas
de befoin, d’ une ou deux autres pléfions qui af-
furent fa marche.
C ’eft encore la légèreté dans la marche & la fé-
curitépour fes flancs qui rendent la pléfion parfaite
pour les attaques d’arrière-garde. Elje joint prompt
tendent l’ennemi ; elle le harcèle fans c.éffe, &
elle occafionne du retard! dansda marche de l’armée
fi elle veut foutepir fon arrière--garde : le
même ordre dans une arrière-rgarde'arrête l’avant-
garde des ennemis.
Pour les attaques d’armées en marche, la fupéfiorité
de l’ordre en pléfion eft^ncore un avantage
manifefte. Dans ces circonftances, tout terrein
eft propre aux légions , par rapport à leur peu
d ’ é t e n d u e , avantagé refufe aux bataillons. Les
pléfions , toutes formées, n’ont befoin d’être ni
alignées ni diftanciées entr’elles; pendant que
l’ennemi s’occupe à fe mettre en bataille , la pléfion
l’attaque & le difperfe. C’eft ici où l’on doit
appliquer ce que dit le maréchal de Puyfegur :
Qu oa perd bien des batailles , faute de /avoir ou de
pouvoir fe mettre en bataille & que les ordres de bataille
lés plus /impies ■ & les plus tôt formés font les
feuls dont on- doive faire ufage.
L e s d i f f i c u l t é s d e s m a r c h e s & d e s c o m b a t s d e
n u i t d i fp a r o i f f e n t e n e m p l o y a n t e s p l é f i o n s , q u i
p a f f e n t a i f ém e n t p a r t o u t , f o n t t o u j o u r s f o rm é e s ,
& n b n t b e f o in d ’ a u c u n e f y m é t r i e n i d ’ a u c u n a l i g
n e m e n t d a n s l e u r o r d r e . D ’ a i l l e u r s , l e c o m b a t à
l ’ a rm e b l a n c h e é t a n t c e lu i d e s p lé f io n s , c 'e f t u n
n o u v e l a v a n t a g é ^ l e f e u , f é l o n S a n t a - C r u z , n ’ ë -
ta r i t d ’ a u c u n e f f e t d a n s l e s c o m b a t s n o é t u r n e s ,
f u r t o u t c o n t r é d e s c o r p s q u i p r é f e n t e n t u n a u f f i
p è t ié f r o n t .
Il n’eft peut-êtte aucune opération de guerre fl
difficile-, que le paflage des rivières de vive force.
Ne pouvant faire paffer affez de monde à la fois ,
on fe trouve obligé de combattre avec défavan-
tage fi l’ennemi fe décide à attaquer les troupes
à mefure qu’elles arrivent : pour fe défendis
malgré leur infériorité , il faudroit qu’elles fuffent
dans un ordre folide, & qui, ne craignant pas
pour fes flancs, Tût débordé fans danger ; en un
mot, qui mît le petit nombre en état de réfifter
au grand ; eenditions qui ne peuvent regarder que
les pléfions, qui feules font propres à les remplir.
-
Les mêmes principes montrent encore les mêmes
avantages dans la défenfe des defeentes. Les pléfions,
foutenues de leur cavalerie, arrivent rapidement
8ç affez à tems pour combattre les troupes
defeendues & qui fe forment encore ; objet im-
pofliblé à remplir par les bataillons.
Dans les combats fur les montagnes , l’ufage
des pléfions eft d’autant plus néceflaire, que les
gorges obligent de rétrécir le front des corps, &
que les bataillons ne peuvent y marcher qu’en colonne.
Lorfqu’on attaque un retranchement , il faut,
i 9. arriver trës-vîte, fans s’amufer à faire feu;
2°. fe gliffer par une brèche, un pont, une partie
du foffé comblée enfin, par des paflages toujours
étroits ; 30. faire à c.et.te brèche ou à ce paffage
un violent effort contre c-eux qui le défendent,
pour ne pas êtrè cÿlbuté; 40. pouffer fon avantage
pour ne pas: donner à l’ennemi le tems. de fe
remettre , & en même tems faire place aux corps
i qui fui vent ; ce qui péceflite la pléfion ou la ch-
i lonne, La foibleiie du bataillon, fon étendue qui
: le force dé fe rompre pour entrer , fes armes, peu
: propres à faire un effort violent à un paffage bien
Y y y y y 2