
& profiter de leur paye : anffi le payss étoit 11
ouvert à l'ennemi qui le parcouroit en toute
liberté. Comment s'étonner, après ces détails,
qu'une poignée de foldats aguerris ait défait,
dans ces pays , des armées immenfts^ ’ Combien
t s'étonner que Cyrus ait conquis l'Afîe
avec une fi grande facilité ? A en croire Xéno-
phon , rien de plus pariait que la conftitution
militaire des Perfes fous ce conquérant. Plu-
fieurs perfonnes, il eft vrai, révoquent en doute
la Cyropédie, & la regardent comme un roman ;
mais il importe peu fi l'ouvrage du capitaine grec
eft vrai ou s'il n'eft qu'une fiélion : on ne doit
pas moins le regarder comme un code complet
de fdence militaire propre à inftruire quiconque
eft deftiné à gouverner des hommes êc â conduire
des armées. Selon Xénophon , tous les
hommes en Perfe étoient deftinés, dès leur enfance
, à la défenfe de la patrie ; mais après
Cyrus , ils négligèrent fes réglemens : bientôt
corrompus par les délices de l'Afîe , gouvernés
par Cambyfe, prince cruel & diffo'u, les Perfes
quittèrent leur manière de vivre pour embraffer
les moeurs & les coutumes des peuples qu’ils
avorent domptés.... Audi voit-on les troupes du
premier Darius, fils d’H ifdafpe, qui s'étoit
rendu le maître de î'Afie après Cambyfe, battues
à Marathon, par Milthiade...... Xercè s , fils de
Darius , qui > au milieu du luxe & de la corruption
r connoiffoit fi peu la puiffance fur les
hommes de l'honneur & de l'amour de la l.ber-
t e , couvrant la terre & la mer de fes troupes
innombrables , & croyant marcher à la deftrüc-
tion de la G rè c e , battu fur mer à Salamine,
obligé de repafïer l ’H ellefpont, & fon général,
Mardonius, refté en Grèce, auffi battu à Plate
par les Lacédémoniens & les Athéniens, réunis
Tous Àriftide & Paufanias.
Ainfî les fouverains- de l’Afîe fe fuecédoient
fans profiter des fautes de leurs prédécefleurs.
Ainfi les imitoit le fécond Darius, en montant
fur le trône dé l’Empire de I'Afie; convaincu
comme les autres que le nombre fajfoit la feule
force des armées , ne composant les fiennes
qu'avec des efclaves , il ofoit marcher au milieu
du luxe & de la moltefle afiatique, à la tête de
foldats couverts d 'o r , contre Alexandre qui ve-
noit l'attaquer avec fa phalange & £es Macédoniens
, fi peu accoutumés au lu x e , fi braves ,
fi aguerris & fi fort endurcis aux privations ,
aux fatigues & à la peine..... Auffi Darius fut-il
vaincu par-tout, & forcé d'abandonner tous fes
Etats à Alexandre, qui pouffa fes conquêtes juf-
ques fur les bords du Gange.
A la mort d’Alexandre, fes généraux fe disputèrent
les débris dé fon empire, & fe firent
continuellement la guerre; élevés fous un fi grand
-maître, ils étpient devenus très-habiles, & les
troupes dont ils fe fervoient étoient, pour le
fond , les mêmes qui avoient conquis I'Afie.
Tant que l'on eut les'armes à la main, il étoit
difficile d’oublier tout-à fait les premiers principes
de la conftitution primitive > mais des que
les derniers empires fuient folidevnent établis,
le luxe & la corruption eurent bientôt ramené
les Afiatiques & leurs conquerans au point de
molle f i e & d’ignorance où ils étoient avant Cyrus
& Alexandre. Ce qui le prouve, c’eft l’efpèce
de foldats qui compofoient les armées des rois
d’Egypte, de Syrie , & même celles de Mithri-
date , lorfque l'Afîe fut attaquée par les Romains.
Ajoutons enfin que, fi l’on connut jamais en
Afie une bonne conftitution militaire, elle fut
copiée fur celle des Grecs... Cyrus les prit pour
modèle , lorfqu'il voulut perfectionner fon militaire
, ou plutôt en avoir un fur lequel il pût
compter. Auffi Xénophon , pour exprimer ce qui
concernoit les troupes de Cyrus , ne s'eft fervi
que des termes ufités chez les Grecs ; vint en-
fî ite le tems où Alexandre.s'empara de cet empire
; dès-lors on ne connut plus que la conftitution
militaire des Grecs , qui alla toujours en
dégénérant, >ufqu’au moment où les Romains
vinrent envahir I'Afie.
Cependant, à en juger par cfe qu'ont dit les
hiftoriens, du luxe qui régnoit dans les armées
des fouverains qui fe partageolent I’Afie, quels
foins & quelles précautions lie dèVoit-on pas
être obligé de prendre, pour fatisfaire d’abord
aux premiers befôins de la multitude qui com-
pofoit ces armées , & enfuite pour y procurer
l'abondance, l’aifan'ce & les commodités aux-
quel'es étoient accoutumés, & dont ne favoient
pas fe pafler tous les feigneurs qui marchoient
à la fuite de leurs fouverains, & qui , comme
eux , étoient fuivis par leurs femmes,, leur famille
& leurs efclavës....... 'Si l'on nous parloit
d'urié anriée de Patanes ou de Marates; fi l’on
nous difoit qu'un fabre, un manteau & un peu
de ris formoit, à l'inftar de ces Indiens, tout
l’équipage, l’armement,- le vêtement & l’appro-
vifionnement des foldats qui compofoient les*af-
mées des princes de l'Alie, nous ferions bien
peu embarraffés de favoir de quelle manière on
pourvoyoit à leur fubfiftance : mais raffembler
deux ou trois cent mille perfonnes, une quantité
prodigieufe de chevaux pour la cavalerie,
lès chariots & :les chars , des chameaux , des
éléphahs, des femmes, des enfans, des efclaves;
faire marcher , camper , combattre , prendre la
fuite, fe rallier, •revenir au combat, toute,cette
multitude : tout cela', de la part des hiftoriens,
fe fait avec auffi peu d’embarras, comme s’il
s’agiflbit d’un particulier riche, voyageant dans
un pays où il trotfvèfoit des routes fupeibes,
d« auberges peu éloignées, & toutes les commodités
qui pourraient lui être néceffaires.
11 faut cependant en convenir,phon, qui étoit un homme de gu leorrrfeq,u se' eXmépnaore
ddief félr’henifcteo irdea nms iflait amirea iv, èroen dter olu'évcer ireu n; em gariasn odne
rna’nenc e refulire lepsa sm moyoeinnss edmanpsl ouynées pporuorf ofnadties faigirneo a
dtoaunss lleess bmefaoricnhs eds,’u fnoeu ranrimfféoeit.-.o..n D aaunxs lfeosl dcaatms pdsu, dpaui nb léto ,u tq ufaeiltq ?u eofoui sf ee nb ogrrnaoinits- o, nq uà ellequure fdoo ns neenr farine ? Avoiént-ils l'habitude de faire leur pain?
Y joignoit-on de la Viande , des légumes ! Comment
fe procuroit-on ces différons objets ? Car
enfin Ses endroits où l'on fait la guerre, quelquefois
ont été ravagés, ou font rarement fournis
de toutes les denrées néceffaires à la nourriture
d’uoe armée..... Y avoit-il des entrepreneurs
pour cet objet ? .Comment veilloit-on fur
la fante du foidat ? Comment s’ y prenoit-on
pour les guérir des maladies ordinaires, des
épidémies fi communes là où i y a beaucoup
d’hommes enfemble, & des bleffures qu’fis re-
cevoient ? Avoient-ils des hôpitaux attachés à
leurs armées ? ou chaque troupe avoit-elle à fa
fuite des médecins & des chirurgiens deftinés à
veiller fur la fanté des foldats, avec les remedes
& les inftrumens qui pouvoient être néceffaires ?
Enfin comment étoient-ils logés en campagne?
Quefle étoit la forme de leurs tentes? Comment
étoient-elles tranfportées d'un camp à l'autre ?
Combien contenoient-elles de foldats ? Comment
y étoient - ils couchés ? Leur diftribuoit - on ,
quand on le pouvoir, de la paille pour répandre
fur la terre , fur laquelle fis dévoient repofer ou
dormir? Avoient-ils des couvertures pour fe
couvrir pendant la n u it, &c. ? Telles font en
grande partie les différens objets qui tiennent a
h fubfiftance & à la famé du foidat, & fur
lefquels on eft malheureufement forcé de fe borner
à des queftions. — On peut en dire autant
fu- la police intérieure , les récompenfes, les
peines , la difcipline, &(,• Les hiftoriens, routeurs
avides du merveilleux , s'empreffent de
nous apprendre les noms de tels ou tels rais
qui ont ravagé la terre à 1a tête de multitudes
innombrables ; mais où avoient - ils raffembié
tant de monde ? Comment en avoient-fis décidé
une fi grande quantité à quitter leur pays , Ifeur
famille , pour aller s’expofer à toutes, les fatigues
& les dangers de la guerre ? Une fois raf-
femblés, quel moyen avoir - on pris pour fub-
venir à leurs befoins , les former, les employer,
les inftruire, tes difeipliner, & c . ? Voilà ce qu’il
feroit intéreffant, fans doute, de favoir, afin de
s’inftruire de la manière dont on s’y prenoit
pour diminuer les .maux , bien plus nombreux
dans les ar.nées que' pat-Yout ailleurs......... Mais
l’hiftoire, trop occupée à parler & à plaire à
l’imagination du trop grand nombre de leéteurSy
flattés de lire des chofes que fouvent ils admi- -
rent fans les comprendre ,, évitent d’entrer dans
des details faits pour iutéreffer les coeurs fen-
fibles ; détails cependant d’autant plus effentiels
qu’ils auraient pu donner des lumières fur les
moyens de foulager la malheureufe humanité.'
Après avoir été forcé, faute de fecouts , de
taire, malgré nous, & à regret, des détails fur
des objets qui tenoient de très-près au bonheur
& à la confervation des individus qui compofoient
la force publique , chez, les différentes
puiffances de l’Afrique & de I’Afie : nous allons
paffer à des peuples fur lefquels on nous a con-
fervé de plus grands détails, & que nous regardons
encore avec raifon comme nos modèles &
nos maîtres dans l’art de la guerre, ainfi que
dans beaucoup d’autres arts & la littérature, &c.
En effet, dans l’époque dont nous nous occupons
, la terre ne femble avoir été poffédée que
par deux peuples qui fe fùceédérent, les Grecs
& les Romains ; eux feuls femblent, pour ainfi
dire , avoir connu la formation la plus avanta—
geufe de la force publique, & étudié & pratiqué
la meilleure manière de faire la guerre avec
art : l’hiftoire de ces deux peuples fi fameux
peut donc feule inftruire, avec fuccès, fur l’objet
dont nous nous occupons.
E l R O f SB.' ■
Levée des troupes.
Les levées qui ne font, relativement à Ta1 fores
publique,qu’un raffemblement d’hommes deftinés
au fervice militaire, fuppofent une réunion d’individus
, un ordre , un fouverain & des loix ....
Dans les petites peuplades fauvages , il n’y a
point de levées à proprement parler, mais deà
affociations volontaires pour faire la guerre...«.
Cependant en général tous les hommes, depuis
tel âge jufqu’à tel autre, y font regardés comme
guerriers j mais tous les membres de la focieté
étant égaux, il faut que ceux reconnus comme
chefs lèvent la hache, & perfuadent à leurs compagnons
de prendre part à l’entreprife qu’ils ont
projettée.
Dans les fociétés qqi ont une forme de gouvernement,
le-fouverain ( .c’ eft-à-dire la nation
ou fes repréfentans ) , ayant feul le droit de faire
la guerre, il a.feul auffi celui de fixer la manière
dont on doit faire des levées.
Les anciennes républiques ayant retenu , en
grande partie!,l’égalité naturelle, tous les citoyens
y étoient tenus, au fervice militaire ; la forme
des levées'étoit déterminée par la lo i, & le fou.-