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d’ un édifice public, c’eft la folidité & futilité.
Un des grands hommes dont la nation s’honore,
î'énélon , veut , je le fais', que J’ architefhire &
la peinture étalent leurs reffources , leurs miracles
, .dans les temples & les. autres monumens
publics •:il- a rai Ton , ab lb lumen t parlant} mais
il auroit tort s’il eut appliqué fon principe
à. une1 nation accablée fous le poids de Ta dgtte
publique , &• a qui il manque un grand nombre
d’édifices de première néceffité. Ne traiteroit oh
pas d ’infenfé-un homme-qui dépeniéroit en portiques*}
en colonades, en ftatues les bonds qu’il
auroit affenî-blés avec peine , pour bâtir fa mai-
fon entière ? & cependant beaucoup de nations
commettent la même îaî*î£ * St ne .rougifient
point de l’avoir commife.
Gardons-nous d’attendre avant de confacrer un
monument public à un général victorieux, qu’il
ait terminé fa carrière j il eft beaucoup d’hommes
qui regardent avec indifférence les récom-
penfes dont ils ne doivent jouir qu’après leur
mort. Jouir de fa propre gloire , voilà ce qui
flatte, voilà ce qui élève Lame. C ’étoit ainfi
que penfoient les Romains, & c’eft: d ’après ces
principes qu’ ils avoient établi les triomphes &
les arcs , deftinés à en perpétuer le fouvenir. Un
général, dira-t-on peut-être , ternira l ’éclat de
fes victoires , ou par plufieurs défaites, ou même
par des crimes. Cela eft poflîble j mais en
aura-t-il, pour cela, moins rendu à fa patrie un
fignalé fervice ? Et d’ailleurs fi la crainte de voir
fon nom effacé ne devient pas un nouvel aiguillon
pour les généraux , au moins fera-t elle toujours
un frein-capable de les éloigner des vices
& des crimes.
Le nom du général ne devroit pas être le feul
inferit fur le marbre dépofitaire de la reconnoif-
fance publique 5 on devroit trouver dans quelque
autre partie du même édifice le nom de tous
les généraux fubalternes , & celui dé tous les.
corps qui auroient été à portée de fe fignaler.
C e t aCte de juftice ranimeroit l’émulation de tous
|es guerriers.
L ’ armée viCtorieufe ferait le folliciteur de
cette récompenfe, & la légiflature en feroit le
difpenfateur. On fe garderoit bien de rafîembler
dans la capitale tous les monumens des victoires 5
répandus dans les provinces, ils lesembeliiroient^
y enttetiendroient l’ardeur belliqueufe , & y fe-
roient naître l’amour de la gloire & dés arts.
A R CH IT E C T U R E MILITAIRE. S’ il eft.vrai
qu’ il n’ y a point dans la langue françoife des mots
qui foient parfaitement fynonymes, on a tort d’employer
indifféremment, ppur défigner l’art de fortifier
les places , les mots architecture militaire &
fortification : ne pourroit - on pas Ce fervir du
mot architecture militaire, comme d’un nom de
genre, du mot fortification comme d’un nom j
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d’efpêce : on pourroit encore employer le premier
de ces mots pour défigner l ’art qui enfeigne
à conltruire tous les objets qui, n’étant pas èfien-
tiellement militaires , ont cependant beaucoup de
rapport avec la guerre } tels font un arfenal, un
magafin à poudre, un -magafin de vivres, une
porte de ville , de citadelle ; & réferver le fécond
pour l’art qui enfeigne à choifir le terrein le plus
propre aux difrérens ouvrages, à tracer ces ou^
•vrages & à lesconftruire ? Si cette diftinCHon étoit
adoptée , on pourroit divifer Y architecture militaire
en deux grandes branches , en architecture mi-
lit aire, proprement dite, & en fortification.
A R G E N T . Nous employons ici le mot argent
comme un terme générique , fous lequel font
compris tous les lignes de la richefie : or & argent
monnoyés , ou non monnoyés, billets de
toute nature.
M n’eft prefque perfonne qui n’ait trés-fouvent
répété ce vieü adage ,■ Y argent eft le nerf de la
guerre ; & qui n’ ait trouvé un très-grand fens dans
cette réponfe dumaréchal de 1 rivuice à Louis XII.
I l faut trois chofes pour faire la guerre avec fucces ,
premièrement de /’argent , fecondcment de /’argent ,
troifiemement de /’argent : cependant cet adage &
cette réponfe font faux. N o n , ce n’eft point Y argent
qui eft le nerf de la guerre } Ton Yargent
n’eft point la feule chofe néceffaire pour obtenir
des fuccès: on peut fans argent entreprendre &
foutenir une guerre , on peut fans argent la terr
miner avec gloire , mais il eft impoflible de remporter
des victoires fi l’on n’a pas de bons foldats
& des généraux habiles. L’hiftoire ancienne nous
offre un grand nombre de preuves de cette vé?
rité.‘ Voyei notre article Lu xe. L’hiftoire moderne
elle-même n’eft point dépourvue de preuves du
même genre j les François étoient beaucoup plus
riches dans le milieu du quatorzième fiècle que
les Angloisleurs vainqueurs: Henri IV , fans argent
& fans moyens d’en amafler , vainquit & les
maîtres des mines du Nouveau - Monde , & le
pape, pour-qui fon nom étoit une mine plus riche
encore : Venife & la Hollande ont, malgré leurs
richefles , prefque toujours fu.bi la loi que leurs
ennemis ont voulu leur impofer : la riche Angleterre
n’a pu foumettre les Etats-Unis de l’Amérique,
& la Suifîe eft reftée libre malgré fa pauvreté :
nous dirons donc avec le citoyen de Genève « que
nos politiques daignent fufprendre leurs calculs
pour réfléchir à ces exemples, & qu’ils apprennent
une fois qu’on a tout avec de Y argent, hormis
des moeurs & des citoyens j nous dirons aufli
avec Voltaire que les peuples les-plus pauvres
triomphent toujours des plus riches 5 & enfin avec
Montécuculli , dont l’opinion doit être pour les
militaires d’ un poids très-grand : qui ri’aquede
Vargent , qui n’entretient point aflez de bonnes
troupes , fiibira tôt ou tard le joug qu’on voudra
l ui impofer. C e font donc les bonnes troupes U
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Aon Y argent qui font le nerf de la guerre , ainfi il
‘faut premièrement, fecondement, & troifième-
ment de bonnes troupes : les bonnes troupes ont
d’ailleurs cet avantage, qu’elles peuvent procurer
de Y argent, au lieu que Yargent feuj ne peut former
de bonnes armées j avec de 1 argent on n a
que des hommes , & c ’eft des foldats qu il faut}
nous ne di fil mu leçon s cependant point qu il faut
de Y argent , qu’il faut beaucoup à?argent pour
faire la guerre > mais nous ne mettrons jamais les
richefles conventionnelles au premier rang des
chofes nceflaires 5 jamais nous ne les regarderons
comme les feules càufes des Ÿïétoires } jamais ,
fur-tout , nous ne nous en fervirons pour acheter
la .paix. Tout peuple qui employé Y argent à cet
ïifage eft groflîèrement trompé 3 il croit tenir la
paix, & on ne lui a livré que la guerre. L ’hiftoire
de tous les peuplés prouve cette vérité.
... On dit afiez généralement que c’eft la guerre
qui ruine les nations , & .on a raifon 5 mais cette
extrême, cherté de la giierre , dont on fe plaint
tant, me paroît, à moi, heureufe pour l’humanité.
Je. crois • avec Jofeph Prieftley ., que iufqu’à ce
qu’on par vienne-à guérir les princes de là folie dif-
pendieufe de faire la guerre , il n,:.’î- pas à defîrer
qu’ils aient un fuperflu de richefles à 'cur difpofition.
Aucune nation ne pouvant s affiner d’ être gouvernée
par une longue fuite de fages gouverneurs,
élles. doivent fe contenter de fe trouver dans l’état
exaét de pouvoir payer l’intérêt de leurs dettes , &
fe pérfuadera que ce n’eft qu’un tel'êtat de chofes
qui peut leur afllirer une continuation de paix , &
leur fervir dé garde contre la deftruétïon. Oui , la
guerre eft le jeu des rois } ils rie cefleront de le
jouer que lo’rfqu’âucun d’eux né fera plus aflez
riche pour tenir le dez : la politique & la - phi-
'iofopliîé fe vanteront à l’envie dé ’c'èttè révolli-
tion , & cependant elles n’y auront eu qu’une
très-petite-part. Mais comme il né faut pourtant
poih’t trop compter-fut ce moyen , & -comme il
peut abfolu.ment fe préfenter des occafions où une
dation eft obligée de faire la giierre , cherchons
■s’il ne feroit pas pofîible de rendre la guerre moins
difpendieufe.
Pour rendre la guerre moins difpendieufe, il faut
confier à des militaires l’achat, la Confection , la
confervation & la diftribution de tous les objets
relatifs à la guerre. Voyei D ir e c to ir e , M asse ,
& H abillement., h faut acheter toutes les ma- ;
tiei;es premières delà,première main } les acheter
«ans les te ms convenables & les payer argent ■
comptant : en agiflfant ainfi , on apportera une !
très-grande économie dans le département-de
la. guerre. Le maréchal dé Noailles l’avoit bien
fenti} aufli, dit-il, dans une des lettres à.M. d’Ar- ;
genfon : « plus l’on différera , .& ip.lus les fubfif- i
•tances- feront non-feulement^ .difficiles à. avoir,
mais plus il en coûtera. Et c’eltseneore le plus foulen
t par des dépenfes faites, à .demi ^ ou trop tard,;
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f qii’oh ruine l’Etat, & qu’ôn l’épuife plus que par
I l’objet des chofes même. Voye% les livres V i l &
VIII des mémoires de Boivin de Villars , & vous
trouverez que le maréchal de Briflac mit un .grand
nombre de fois cette vérité fous les yeux de
Henri II. Pour rendre les guerres moins chères,
il faut encore avant de les entreprendre avoir
pourvu aux fonds qui feront néceflaires pendant
la guerre entière. Il en eft des Etats comme des-
particuliers } toutes les fois qu’ils vivent du jour
à la journée, ils font néceflairement ce qu’on appelle
des. affaires, & qu’on devroit nommer de’
mauvaifes affaires.
On a demandé fouventfi Y argent doit être placé'
au rang des réc'ompenfes militaires 3 je crois qu’on
doit s’en fervir, mais non dans toutes les circo.nPitances
, & moins encore avec tous les guerriers.
Voyei R é c o m p e n s e s p é c u n i a i r e s .-
On a demandé s ’il eft permis d’employer Yar-
gent à l ’ufage auquel l’employoic Philippe de Macédoine
: ce prince fe vantoit de devoir plus à fon
argent qu’à fon épée , & il fe regardoit comme
maître d’une place s’il pouvoit y introduire un mulet
chargé d’or : quoique beaucoup de politiques
difent : la ou. eft.le profit, la eft la gloire 3 nous ne regarderons
pas Comme très-glorieufe’cette manière
de vaincre fmais elle eft reçue , mais elle'épargne
le fang, on peut donc en faire ufage. Quels moyens
emploirons-nous afin d’empêcher nos ennemis de
tourner contre nous des armes de la même efpèce ?
Séviflons avec rigueur contre les premiers coupables
que l’or aura faits 3 la certitude d’une punition
févère peut feule arrêter celui dont l’ame eft
aflez vile pour-concevoir le projet de trahir fon
pays, afin de gagner un peu d’or.
On fe plaint communément que les militaires
modernes aiment plus Y argent que la gloire 3 fi ces-
plaintes étoient fondées il faudroit chercher avec
Tôin le moyen de produire une rapide révolution
dahs les efprits : cette recherche appartient à l’article
R é c o m p e n s e s m i l i t à i r e s ,-
: On a demandé fouvent fi Y argent doir proqurer
les grades militaires comme'il procure des places-
dans la magifirature 5;c’eft dans l’ar-tiole V énalité^
que cette queftion eft difeutée.
Si nous avions écrit il y a quelques fïècles , nous-
aurions ëxaminé rres-férieufement fi le commandant
d’une place afliégée peut', pour faire la montre
a.’;fes troupes ,-s emparer de Y argenterie des églifes
& d tY argent renfermédans-Ies.temples 3 mais au^-
jourd’hui cette queftion eft l'éfolue : aucun général
, n’héfiteroit à transformer: les vafes èYargent en
^monnoie: , & les cloches, en canons ; celui qui fe'
trouverbit dans le cas de recourir à ce-moyen vio-
rient, devroit néanmoins im ite r c e mefemblea !â
.conduite fage que tint en'Efpagne , pendant l’anW-
,ne£. i y y 2 , Dona-'Maria-Pacheço cexte femme,