
fouvent très-mal pourvues, étoient capables d’une
très bonne défenfe , quoiqu’elles euffent un très- j
grand défaut qui étoit que les murailles n’étant '
nullement couvertes, l’ennemi dès les premiers
jours de fon inveftiffement , en plaçant des batteries
éloignées battoit en brèche : ainfi les
aflîégés n’ avoient véritablement d’autres moyens
de défenfe que le déblai des brèches & les retranchemens
élevés derrière.
On auroit donc bien tort de croire que les
anciennes murailles étoient incapables de rélifter
à l’artillerie introduite dans les lièges depuis l’invention
de la poudre , & que ce tt’eft qu’à
î ’infuffifance de ces anciennes enceintes que nous
devons l’ufage de nos remparts baftionnés.
Après avoir vu le degré de réfiftance dont les
remparts des anciens ont été capables , avant
ainfi qu’après l’invention de la poudre j après
avoir donné des détails fur nos remparts modernes,
il femble que l’on doit être en état de juger
du mérite des changemens.
Autant il étoit avantageux aux anciens d’avoir
des murailles élevées, afin de découvrir de loin,
vu la fécurité où ils étoient pour leurs murailles
qu’on ne pouvoir attaquer de près 5 autant il eft
néceffaire aux modernes de n’être pas vus de la
campagne , vu la facilité que l’on a d’atteindre
de très-loin tout ce que l’on voit , au moyen
du canon. Mais au lieu de mépriler autant qu’on
l’a fait les anciennes enceintes, rie les aurait-on
pas rendues bien formidables, fi on les avoit
couvertes en avant du folfé , avec un fimple
rempart ou oeuvrefface en terre avec un foffé ?
On fe feroit procuré par-là des fécondés dëfenfes,
que. l’on ne peut point avoir dans la nouvelle
confiruction *, l’efpace manquant abfolument dans
les baftions qui ne font qu’une efpèce d’entonnoir
Qu’étoit la ville de Stetin devant laquelle la
tranchée fut ouverte le 6 juin 1677, & dont
la garnifon capitula le 14 décembre 5 réduite alors
à trois cents hommes, de trois mille dont elle avoit
été compofée ?
Une ancienne muraille, couverte par un très-
mauvais rempart à fauffe braie purement de terre,
en faifoit toute la force.
Les murailles ne pouvant être battues en brèche
de la montagne , au moyen du rempart environnant
qui les couvroit, il fallut faire un logement
fur la crête du parapet de ce rempart,
& y établir du canon, pour ouvrir la muraille
d’enceinte. Là garnifon n’ayant point à craindre
d’être emportée de vive force, défendit vigou-
reufement ce premier rempart de terre ; entre
Je mur & ce rempart elle éleva des batteries
contre celles que l’ennemi avoit établies fur le
parapet, elle pratiqua plufieurs retranchemens les
uns devant les autres.
Il eft donc évident que c’eft cet ancien mur,
derrière ce mauvais rempart à_ baftion, qui a
produit feul tous ces grands effets.
On peut donc regarder ce genre de fortification
comme du premier ordre par la longueur
de fa réfiftance , puifque ç’eft la feule manière
de l’apprécier.
Une place de guerre bien régulière, bien
revêtue, ne tient que quinze jours , un mois
de tranchée ; pourquoi è-* c’eft que l’attaque eft
mieux dirigée. Oui fans doute > mais ce n eft pas
là la principale raifon ; il n’y a plus de fécondé
défenfe à opérer pour la garnifon , aj^ès Te paf-
fage du grand foffé. L’efpace manque dans les
baftions, c’eft un vice dans la conftruétion, dont le
changement.de forme peutêtre l’unique remède.
Ce fut vingt ans après ce fiège, que le maréchal
de Vauban perfeètiônna fi fort l ’attaque
des places.
Le défaut réel des anciens remparts étoit de
n’être point fuffifamment flanqués , & ce défaut
étoit d’autant plus grand, que les flancs alors
euffent pu être plus utiles , parce que l’ennemi
n’éteignoit point leur défenfe par le ricochet
alors inconnu , & qu’il y étoit bien plusJong-
tems expofé.
Il falloit alors faire le comblement du foffé,
avant de pouvoir commencer à battre en brèche.
Quant, à nos remparts , relativement à la nouvelle'façon
d’attaquer, ils ne tiennent point ce
qu’ils promettent ; les flancs qui femblent être
imaginés pour défendre le corps de la place &
s’oppofer dans cette partie aux progrès de l’ennemi,
ne défendent que des efpaces où l’ennemi
n’eft prefque qu’en_paffant, c’eft-à dire, le foffé
que l’afliégeant ne fait que traverfer pour monter
à l’affaut-.
Dans la méthode des lièges aéfuels, les remparts
font ouverts par les batteries en brèche,
placées hors des enceintes des flancs. Si les foffés
font fecs , l’ennemi les paffe en colonne la nuit,
comme à Berg-op-zoom , & prend d’affaut la
place, les flancs encore tout entiers n’ont pas
différé la perte de la place d’un inftant.
Le paffage des foffés plein d’eau, exigeant la
conftruétion d’un pont & d’un épaulement/devroit
être très-difficile fous le feu de flanc ; mais l’expérience
nous apprend, que ce paffage eft toumurs
perfectionné en même tems que la brèche
eft praticable j la raifon en eft que le feu d’un
petit flanc très-élevé, quand il feroit entier ,
ne feroit pas à beaucoup près, capable de s’oppofer
au comblement du foffé j à plus forte ra:fon
ne peut-il rien, quand il eft éteint par mille
feux qui le prennent de tous les* fens. Le canon
& furtout les bombes, qu’on dirige aujourd’hui
avec tant de précîfion, bouleverfent le petit
efpace d’un baftion de fond en comble.
On ne peut donc s’oppofer avec fuccès au
paffage du foffé , qu’avec un feu beaucoup plus
puiffant & qu’on ne puiffe pas éteindre.
Les flancs aCtuels font donc démontrés infuf-
fifans j mais il ne paroît pas qu’on ait fait attention
à ces vérités.
En foiSant des baftions, on n’a fait que donner
plus de faillie aux tours anciennes, on a baiffé
les murailles , on les a terraffées, pour pouvoir
les border d’artillerie 5 on a confervé mal-à-
propos les courtines j enfin on a ajouté des
dehors j mais dans tout cela, refte toujours le
premier trait de la fortification ancienne.
Encore fi malgré ces vices effentiels, la méthode
des fronts baftionnés eût été également applicable
à tous les cas, on devroit moins s’étonner de
l’eftime qu’on lui a confervée ; mais fans con-
fidérer ni la dépenfe, ni la defe&uofîtè, ni là
foibleffe, il auroit dû fuffire, pour exciter à de
nouvelles recherches, devoir qu’elle ne convient
ni aux grandes ni aux petites enceintes.
Ses plus grands partifans ont toujours reconnu
que cette méthode n’eft applicable aux grandes
enceintes, qu’avec des dépenfes énormes , &
qu’au moyen de très-fortes garnirons, & qu’en
l’employant dans les petits efpaces , elle devient
d’une très-mauvaife défenfe.
Un quarré à quatre baftions, le moindre &
le plus foible des poligones eft un objet d’environ
deux millions , & exige, félon le maréchal de
Vauban , une garnifon de deux mille quatre cents
hommes d’infanterie, & deux cents quarante
hommes de cavalerie, & ne peut être conftruit
dans un efpace de moins de deux cents cinquante
à deux cents foixante toifes quarrées:
à caufe de fortes dépenfes, & du nombre de
troupes que demandent les moindres forts ! il
y a peu de fituations de places qui n’exigeaffent
cinq & fix forts environnans femblables 5 il fau-
dro/t donc douze millions -pour les conftruire ,
huit à dix mille hommes pour les garder, &
autant pour le corps de là place.
L’impoffibilité de remplir ces objets fait que
l’on fe borne à une enceinte baftionnés pour le -
corps de là place , au devant de laquelle on
celle de multiplier les ouvrages extérieurs.
En cherchant à changer la fortification depuis
l’invention de la poudre, il fallait ou trouver
les moyens de rendre nuis les effets di canon,
ou trouver les moyens de détruire les batteries.
Mais que peut une garnifon vigoureure contre
une batterie en brèche , toutes les batteries des
remparts font déjà détruites par celle de- l’aflié-
geant, les flancs font labourés, rien ne peut tenir
derrière ; par où donc & avec quoi s’oppofër
au renverfement des murailles ? La garnifon renfermée
Combien d’éminences avantageufes à occuper
n’ont pas cette étendue 1 Que fait-on alors d£
mauvaifes redoutes ou des forts irréguliers qui
n’ont ni forme ni force , qui font enlevés , fi
ils font nuifibles , & inutiles s’ils ne Je font
pas, parce que l ’on ne peut pas en déboucher ?
Combien de portes avancés dans des terreins
plus étendus, importans à garder, ne peuvent l’être
dans l’enceinte de fes hauts remparts ,
n’a plus aucun débouché pour aller renverfer
les travaux de l’ennemi. Le grand foffé qui l’en
fépare , ne peut plus être franchi j le logement
de l’afliégeant qui 1 embraffe dans une grande
étendue, & qui n’étoit point en ufage dans
l’attaque ancienne , y forme un obftacle infur-
montable. Ce feroit donc en dedans de ces mêmes-
remparts, qu’il faudroit trouver de nouveaux
moyens de défenfe 5 il y faudroit ménager de
nouveaux obftacles ; de bons retranchemens intérieurs
, de féconds & troifièmes remparts à
franchir feroient des reffources qu’il femble que
l’ art eût dû s’occuper de ménager au petit
nombre d’affaillis, contre ce grand nombre d’af-
faillans. Mais pour cela, il faudroit que le retranchement,
ou la fécondé enceinte, fît partie des
fyftêmes de fortifications, & que. la configuration
de la seconde enceinte, fût fufceptible des
reffources qui font néceffaires, en étant formée
de telle ou telle manière , pour fournir plus
d’avantages à défendre la fécondé. .
Nous n’avons que trois places, Béfort, Landau
& le Neufbrifack, dans lefquelles la première
enceinte ait été difpofée relativement à une
fécondé, faifant partie du fyftême & exécutée
en même tems.
Cohorn qui avoit fi ingénieufement imaginé
fa face baffe & fa face haute du baftion, pour
fe procurer une fécondé enceinte , ne les a point
mis en pratique en fortifiant Berg-op-zoom.
Les remparts modernes font tous compofés
comme nous l’avons v u , par chaque front de
deux faces, placées en faillie , de deux flancs
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