
F O R
5 V.
Comment complettbr U force publique aHive & celle
pour Vintérieur ? Comment F augmenter pendant
la guerre ? Dans quelles bornes renfermer les
differentes claffes de la force publique , pour en tirer
les plus grands & les feuls partis néceffair'es pour
la fureté au*dedans 3 6* au-dehors ; pour là police
générale 6* particulière , & fur-tout pour empêcher
tout envahiffement ' fur les propriétés & fur la
liberté individuelles & générales?
Ce n’eft pas feulement de la fureté de la nation
dont il faut s'occuper ; il faut aufli lui con-
facrer te'fts les moyens d’ aflurer fa lib e r té ....
Eh ! comment ne pas s’ intéreffer de toutes fes
facultés, à l’affermiflement & à la perpétuité
de cette liberté fi émiraculeufe , fi nouvelle &
fi fragile encore} mais en la défendant de fes
ennemis, empêchons qu'on ne la rende oné-
reufe au peuple, car il n’y a d’ordre de chofes
durable que celui qui fe fait aimer. Otons furtout
au defpotifmë , la feule efpérançe qu’ il lui refte,
celle de nos excès & de nos. fautes ; fâchons
enfin nous attacher aux principes fages 8c éternels
qui doivent fervir de bafe à une confti-
tution. Le tems des conquêtes doit être paffé
pour la nation françaife, il s’agit de nous établir
en hommes libres & généreux dans ce que nous,
avbns conquis.
Peut-être y a-t-il des pays où la liberté prof-
père étoit comme use plante indigène; mais
en France, elle n’ eft encore qu’ un fentiment
exotique; il faut tout y combattre, l’étendue,
la pofition & la variété du pays ; les habitudes,
les préjugés , les moeurs , le fouvenir des anciennes
lois, 8c les hommes 5 fi quelque part la
tranquillité & l’ordre font l’accompagnement de
la l berté ; en France , il faut de profondes &
d’habiles combinaifons pour les concilier.
Nous l’avons déjà d i t , le grand objet de la
force publique a&ive eft de s’oppofer à toute tentative de la part des ennemis du dehors ,
contre les propriétés & la tranquillité des c itoyens
français. La force publique ina&ive ou
du dedans doit avoir pour premier objet la conservation
de la liberté publique. Pour fécond
o b je t, la police générale & le maintien des
lo is , fous h protection defqu elles les citoyens
yivent, poflèdent & joufüent.
Dans, un p'ys tel que la France, la force
publique du dedans doit être indépendante de
la force du dehors, elle doit en être le frein
le contre-poids 5 & lorfque la force active
eft employée contre les ennemis, il ne faut pas
moins qu’au-dedans les lois foient protégées 8c
la tranquillité aflurée j fans cela, ce feioit alors
que5 les défordres fe multiplieroient, 8c que
de grands troubles pourroient naître. C'eft aufli
en tems de j guerre que les impôts deviennent
plus onéreux, 8c que par conféquetit leur perception
devenant plus difficile, a plus befoin
d’être affurée.
Mais que les principes, que les élémens, que
les lois de cette force publique du dedans, font
difficiles à afleoir & à combiner ! Que fes rapports
avec la force publique du dehors , 6c
réciproquement ceux de la force du dehors avec
elle font délicats à établir !
Si la force publique eft conftituée, foit dans
fan organisation foit dans fon emploi , fur des
principes faux ou exagérés, elle peut opprimer
les libertés individuelles.
Elle peut les opprimer, en impofànt aux citoyens
un fervice, des contraintes, ou des dé-
penfes qui leur foient à charge.
Elle peut les opprimer,. en mettant dans la
main, des pouvoirs tant privilégiés que fecon-
daires, qui auront le. droit de l’employer, des
occafions ou des. moyens de vexation ou d-’in-
juftices. Alors les citoyens pourroient fe voir
expofés à être eux-mêmes-les inftrumens de leur
oppreffion.
Il y a des rapports nécefîaires entre la force
publique du dehors ', 8c cellé du dedans.
La liberté publique , la fureté ,• la tranquillité
, font le bien 8c le bonheur de tous 5 donc
tous les citoyens font à-la-fois intéreffés & obligés
à les garantir 8c à les défendre.
Les feuls ennemis dangereux que puifle avoir
la liberté publique , ce font les pouvoirs &
les armées.
.Pour obvier à cet inconvénient, il faut donc
d’uue part, que l’armée ou la force du dehors
exifte, mais point enfèmble ; qu’elle ne foit réunie
que momentanément pour s’exercer, mais ne
puifle pas relier fur pied une minute au-delà
de l’inftant fixé pour fa diflblution. D’autre part,
il faut maintenir une milice nationale permanente,
capable d’une aélion locale & fufeep-
tible de recevoir au befoin une organifatiop qtfi
la rende capable d’une aêtioïi générale.
Ainfi le fervice de la force.publique doit Ȑtre-
univerfel dans toute la république , tout citoyen
domicilié dans une. commune , doit en faire
partie, 8c être à cet effet enregiftré dans Je
tableau de la milice nationale de la municipalité
depuis l’âge de feize ans, jufqu’à celui de
cinquante ou foixante} en exceptant les membres
du directoire,.des corps légiflatifs, adminiftra-
tifs 8c judiciaires. Tout
..Tout citoyen, quoiqu’enrégiftré dans le tableau
de la force publique 3 ne devroit pour
cela éprouver aucun empêchement , d’aller ,
venir, changer de -, domicile ; -8c il feroit feulement
aflùjetti à la formalité pour le changer
ment de domicile.
i° . De ne le faire pour ceux de la fécondé ;
clafle, qu’à certaines époques de l’année qui fe
rapporteroient à la fin des camps d’inftruaion ,
8c après le changement des garnirons.
20. De fe faire enregiftrer dans le tableau
de la milice nationale de la nouvelle commune ,
où il s’établiroit.
Le tableau de la milice nationale dans chaque .
commune, feroit diftingué en quatre claffes }
de 16 à 21 ans; de 21 à -50; de 30 à 40; de
4® à 60. Chaque clafle diftinguée par année ;
l'ancienneté dans chaque fous-divifion par année,
étant prife par l’époque de la naiflance.
Dans chaque clafle „les hommes de chaque année
feroient divifis par cinq, dix, vingt, & c. (1).
(1) Depuis Moïfe jufqu’au roi patriote Alfred,
qui le fit revivre pour le bonheur do peuple Anglais,
on trouve, partout dans l’hiftoire ancienne & mo-
derrte des preuves de l’excellence & de l’utilité de la
divifion par cinq, dix, vingt, &e.
Diéteê par la nature même , elle femble avoir
été employée partout ou la liberté 8c la civilifatiori
ont marché d’un pas égal.
C ’eft à elle que les anciennes républiques durent
léurs plus beaux tems , comme fon relâchement fut
la première caufe de leur perte ; les Romains la
firent eonnoître partout où ils étendirent leurs conquêtes
& leurs colonies. v ■ <' . ’ SÉ
Le defpotifme fappa infenfiblemenf cette inftitu-
tion, & il n’en refta que des chargés fans emploi
& des noms fans lignification , dont le peuple ignora
bientôt l’origine (*).
C ’eft par cette divifion. que les mauvais citoyens
& les corrupteurs effrénés des moeurs „ éternels agens
(* ) Au moment de la révolution il exilloit encore a
Paris des charges de quarcenier, de dixainier, de cinquan-
tenier auxquelles il n’éioic rien attribué que des coiinmifions
de police trcs-fubalternes, même fans exeici.ee, & qui
11’étoient plus recherchées que pour quelques minces privilèges
qu’elles donnoient.
Quelques-uns de ceux qui en éçoient pourvus furent
chargés par le gouvernement de préfider les premières affem-
blces de difttift, & il ne vint feulement pas à l’idée
d’aucun d’eux en les ouvrant de fe montrer, par un motif
tiré de la nature même de leur charge, l’homme du peuple ,
& non celui du tyran qui les mettoit fans les eonnoître
lui-même & malgré lui en exercice.
Art Milit, Suppl. Tome IV ,
A la tête de chaque divifion de cinq feroit un des
cinq choifi par les quatre autres. Mais à la tête
de chaque divifion de dix & de vingt, dans
chacune des trois claffes, feroit placée un des
hommes de la quatrième clafle de quarante à
foixante ans , choifi par le canton réuni , n’étant
plus armé que d’une pique ; & chargé fpécia-
lement de veiller fur la conduite, les moeurs,
8c l’inftruclion des dix ou vingt hommes dont
il feroit cenfé le chef. Dans chaque clafle cent
hommes d’une même commune , leétion ou municipalité,
ou de plufieurs réunis dans le même
canton feulement, formeroient line compagnie,
à la tête de laquelle feroient encore nommés
deux vétérans. Ainfi deux vétérans commandant
la compagnie; cinq, les vingtaines. Sergens, dix,
les dixames ; caporaux, dix-fept vétérans attachés
à chaque compagnie. Le nombre d’hommes
dans chaque clafle fu.rpaffant les divifions par
cent, formeroient des fractions de vingt ou de
dix, placées comme fuppléans à la fuite des
compagnies, 8c fo-us l’infpeêtion des chefs.
La première clafle dè feize à vingt-un ans, ne
feroit point armée ; mais dans cette clafle , les
jeunes gens de vingt ans devront être chargés
de la conduite des. malfaiteurs d’une commune
à l’autre , des efeortes du tréfor public, dé-
ferteurs &rc. ,'On les armeroit alors, & toutes
les fois où ils dtvroient s’exercer'au maniement
des armes, ainfi que ceux de J’âge de dix-neuf
ans; deux de feize, dix-fept 8c dix-huit, ne
devant être exercés qu’a la marche &. au fimu-
iacre du maniement des armes, avec des fufîîs
en bois peints 8c bien fimulés. La-féconde &
troïfième clafle feroit complètement armée à
fes dépens; le canton Subvenant aux dépenfes
xiéceflaires pour cet objet, ainfi qüe pour l habildu
defpotifme, feroient Forcés ou de s'exiler, ou de
changer de principes & de conduite ; elle fuppîéeroit
à une foule de lois & de réglemens d’une exécution
difficile. Par elle, chaque poini: d’un empire devien.-
droit agiflant, faqs r.uire à l’àélivité du centre ,
dont, elle entretiendroit au contraire le foyer ÿ elle
augmenteroit ainfi la vie. & la force, du- corps
focial, elLe rempliroit les armées de phalanges
invincibles,, d’amis, de parens, de yoifins réunis ,
& à la première apparence d’une invafîon elle hérif-
feroit de fpldats chaque point de la république.
Par ces divifions les citoyens fe furveilleroient
les uns les autres fies moeurs nationales, les droits,
la liberté dés nations & la liberté du peuple feroient
efficacement maintenus par. cette efpèce d’excommunication
qui eft évidemment dans les droits de
j toute Communauté fociale, & ne peut qu’être
! approuvée quand elle eft employée pour le falut de
la chofe publique.
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