
y°.M. de Pomereuil fuppofe qu* *on ne pourro't
faire travailler aux chemins, que trente-un mille
hommes d'infanterie f.ançaife: il feroit très-aifé
de prouver le contraire.
Nous n'avons pas quatre-vingts villes de guerre
qu'il faille néceflairement garder. Il n’eft pas vrai
que les grenadiers ne puifient pas travailler aux
chemins : nous les avons vu travailler au comblement
des cunètesde Dunkerque, en 1763. Il n'eft
pas vrai que l'on ne puilTe pas faire travailler partie
de nos cavaliers, dragons & troupes légères.
D'ailleurs, il y auroit peut-être un moyen dont
nous parlerons , qui pourroit procurer un grand
rares, en ôtant quarante mille livres des deux cent
mille employées chaque année en Limoufin, il en
refteroit cent foixante mille pour les ouvriers, qui, à
quinze fous , fuppoferoient qu’on a employé chaque
année à peu près deux cent doutée mille journées peur
foire huit lieues j donc, avec trois millions jept cent
trente-huit mille, deux cent quarante journées que pourraient
fournir les trente-un mille foldats qu’on pourroit
employer aux travaux pendant cent vingt jours de
l’année, de l’aveu de M. de Pomereuil, on pourroit
. faire plus de cent trente-Jix lieues chaque année dans
la république : or, ces cent trente-Jix lieues coûte-
xoient au total, à raifon de vingt-cinq mille livres par
lieue, d’après l’évaluation des travaux du Limoufin,
trois millions quatre cent-mille livres.
Suppofez, avec M. de Pomereuil, vingt-cinq lieues
neuves chaque année pour fuffire aux réparations des
trois mille lieues déjà faites , il refteroit encore cent
on^e lieues que pourraient faire chaque année les trente-
un mille foldats, toujours d’après ce qui s’eft Fait en j
Limoufin, c’effoà-dire v dans le pays-cri l'on trouve i
le plus d’obftacles où l’on a dû fou vent employer i
des ouvriers peu vigoureux, & même des enfons. i
Mais fuppofons que l’on foffe trente lieues pour •
entretien , & qu’il ne refte que cent lieues à foire de :
chemins neufs chaque année. Dans la fuppofition où
trois millions quatre cent mille livres fuffifent à ce
travail, en en ôtant le cinquième, qui fe monte à
jix cent quatre-vingt mille livres, pour la partie des
voitures , il te9ctx oit deux millions fept cent vingt mille
livres ; ce qui procurerait plus dé quatorze fous par
jour pour chacun des trente-un. mille foldats qui travailleraient.
Mais, d’après ces différentes données, pn feroit
exécuter trente lieues pour entretien , & cent pour
Chemins neufs, tandis que M. de Pomereuil, d’après
les moyens qu’il propole ne pourroit 'foiré .exécuter
que vingt-cinq lieues pour entretien, & fo'ixante-
quin^e pour chemins neufs ; ce qui, de fon aveu,
coûterait onje milliorts,. tandis que ce que nous pro-
pofons, qui procurerait trente lieues de plus, ne coûterait
que Jix millions quatre-cent mille livrei\ en
fuppofont, comme M* de Pomereuil, trois millions
pour les ouvrages de l’art. ^
- Donc, au lieu d’être obligé de mettre un impôt
nombre de travaillèurs, en évitant tous les incon-
véniens dont parle M. de Pomereuil.
6°. L'officier dont nous difeutons les opinions ,
trouve des difficultés infurmontàbles à fe fervir
des troupes pour la conftruétion des chemins j d a-
bord le défaut abfolu de voitures et d’attelages ;
mais fans entrer dans tous les détails avec M, de
Pomereuil, répondons-lui par un fait : ce font les
chemins du Limoufin & une partie de ceux de la
Normandie.
En effet, quoi de plus connu que la facilité que
l'on trouvera toujours à avoir des perfonnes dans
chaque province, qui entreprendront de fournir
chaque année , pendant cent vingt jours, les voitures
néceffaires aux chemins que l'on devra y
faire 5 car on ne fauroit trop remarquer que tout
ce que dit M. de Pomereuil fur les voitures nécefde
Jix millions de plus, comme le demande M. de
PomereuilI on pourroit fe borner à impofer un million
quatre cent mille livres ; & , fi l’on avoit gagne
fur les chemins cinquante mille arpens en diminuant
leur largeur , en fuppofont chaque arpent a dix livres
de rapport, cette économie produirait cinq cent mille
livres ; ce qui réduirait en réalité l'augmentation de
l’impôt à peine à un million ; & fi , comme il feroit
aifé de le prouver, on devoir fe bgrner à n avoir
dans la république que quatre cents lieues de grandes
routes, au lieu des fix mille deux cénts projetées donc
parle M. de Pomereuil, en réduifant plufieurs des
grandes routes a&uelles en chemins provinciaux , il
refteroit à peine deux mille lieues de grandes routes à
faire, foit pour achever toutes celles de la république,
fbit pour réduire celles qui font déjà faites, & qui font
trop forges ,*foit enfin pour exécuter les plantations
d'arbres, telles que nous les avons propofées.
Dès-lors, en dix ans, on aurait perfectionné les
grandes routes , & on n’auroit dépenfé que dix mil-
lions au-delà de ceux impofés pour cet objet Sc les
; ponts & chauffées, tandis que M. de Pomereuil,
même dans \€ fyftème qu'il propofe, demande qua-
. rante ans & deux cent quarante millions au-dela de
l’impofition : donc trente ans de plus & deux cent
‘ trente millions : donc on pourrait très-aifément fe
fervir des troupes, puifque c’eft dans la fuppofition
que l’on fe ferviroit des trente-un mille foldats qu’ac-
• corde M. de Pomereuil, que nous venons de foire tous
les calculs ci-deffus, tandis que M. de Pomereuil ne
craint pas d’avancer, pag. que fi l’on fe fervoit
des troupes, il faudrait deux cent quarante ou même
quatre cent quatre-vingts ans pour terminer les .ouvrages
pour lefquels il ne demande que quarante ans»
& pour lefquels, en les réduifant au point on ils doivent
être-, nous ne demandons - que dix ans avec ces
mêmes foldats fi fort rejetés,’ tant il eft vrai que,
dès'qu’on- eft parti -d’une fuppofition abfurde ou
faufle il ne refte plus de moyens de revenir au vrai »
Sc l’on marche, fans s’en appercevoir, d’exagération
en exagh'atidn.
faires dans le cas qu'on fe fervît des troupes, on
auroit pu le dire dans la fuppofition où les che-1
mins feraient donnés à prix fait à des entrepreneurs.
11 n’y a ici qu'une différence , & elle eft a
l’avantage du travail fait par les troupes, c’eft que
les entrepreneurs feroient affûtes des travailleurs
dont ils auraient befoin. , . .
« Les officiers des troupes employées fe tien-
h dront-iis fur les ateliers ou ne s'y tiendront-ils
« pas? Propofera-t-ôn de faire furveiller les trouai
pespar leurs officiers? Ce feroit.une de ces
» chofes que l'autorité ne doit jamais tenter,
» parce qu elle feroit compromife en y échouant,
» & trop malheureufe fi elle réulfiffoit. Qui ne
,, fait qu'un officier fe croiroit avili fi on le for-
>3 çoit a veiller fur fes foldats quai\d on les em-
>3 ploierait aux travaux, publics ? & que pour-
»» roit-on efpérer de ceux que le befoin enchame-
33 roit à ce devoir ?
Voilà, je l’avoue, des demandes & des affer-
tions auxquelles on ne devrait, ce femble-, pas
s'attendre de la part d'un officier qui a du mérité
& de l’inftru&ion. On croit qu’un des partis le plus
foge à prendre fil on employoit les foldats en corps,
feroit de le faire par régiment. En confequen.ee
trente-huit rég mens d’infanterie devraient fournir
les trente-un mijle hommes demandés, en ce que,
en ôtant les fous-officiers, les tambours , les mu-
ficiens, les ouvriers indifpenfables, les malades
& le non-complet, chaque régiment ne peut pas
fournir au-delà de huit cents ouvriersdans lefquels
il faut comprendre foixante caporaux ou fer*
gens néceffaires pour les furvetller & les conduire.
Et comme ces régimens emploieraient les fix plus
beaux mois de l’année, mai, juin, juillet* août,
feptembre & octobre, à fournir les cent vingt
journées demandées chaque année, il n’y aurait
aucun inconvénient de les faire camper. On eft
très-convaincu, quoi que puiffe en dire M. de Pomereuil
, qu'aucun officier ne trouverait mauvais
de préfider, tous les trois jours, aux ouvrages
dont feroient chargés les foldats de leur compagnie*
à raifon d'un officier par compagnie chaque jour,
& d'après la fuppofition qu’ il y auroit la moine j
des officiers alors en congé. Quant aux compagnies
où il n'y auroit pas trois officiers prifens par des
événemens imprévus, le fourrier de la compagnie
ou un porte-drapeau le remplace roit. Comme, -
d'après ce que nous avons, d it, il devroit fe trouver
quatre-vingts ouvriers par compagnie, un fer
gent & deux caporaux préfidevoient a quarante
hommes dans le travail, tandis que les deux autres
fergens & les quatre autres caporaux de chaque
compagnie pvéfi-deroient a la nourriture &
aux autres détails ; & dans le cas qu'il fe trouverait
des régimens qui manqueraient d hommes
pour fournir les huit cents ouvriers, il leur feroit
permis de s’affocier, pour les cent vingt journées,
la quantité de jeunes gens ouvriers qui leur feroit
,néceffuire, U que s’occuperaient à leur procurer
les-entrepreneurs des chemins, à ràifop de quatorze
fols par jour, lefquels logeraient & mange-,
raient avec les foldats,.& finiraient probablement
par s'engager. Chaque fois que le chemin avancerait
& s'éloignerait du premier camp que Ion
auroit pris en commençant l'ouvrage, on fe camperait
vis-à-vis l'ouvrage deftiné à chaque compagnie,
parce que, pour la commodité, ondtvi.e-
; roit chaque lieue en dix parties, une par compagnie
5 celle dont les ouvragés plus ai fes feraient
plus tôt finis, viendrait fe joindre à celles dont
les ouvrages fe feraient trouvés lys plus difficiles.
Chaque régiment auroit à peu près trois lieues de
chemin à faire chaque année, & en employant alternativement
à ces travaux tous le$ régimens de
l’infanterie françaife, chacun d'eux ferviroit trois
ou au plus quatre ans pour finir toutes les routes
de la république & les maintenir en bon état.
Quant aux officiers, il feroit aifé d’établir un tour
pour ce fer vice , comme pour ceux de la guerre.
Je ne m'arrêterai pas à prouver que 1 autorité ne
feroit ni compromife en exigeant ce fer vice des
officiers, ni malheureufe fi elle réuffiffoit a le leur
faire trouver agréable. Aucun officier, dans le mo-
ment où nous fouîmes, ne pourroit fe croire avili
de faire, pour le bien de fa patrie & le lien propre
( puifque cela diminueroit lés impôts ) > ,un
fervice bien moins pénible que celu.iqu’il faut faire
fi inutilement dans les villes de guerre, & apurement
aucun d’eux ne fe foumettroit à le faire par
befoin. J’aime à croire que M. de Pomeréüij en,
conviendroit ailement S’ il vouloir réfléchir a la
foumiffion habituelle, des; officiers & des foldats
français, & à leur zélé à1 exécuter ce qu’ils croient
être utile.
7%Mais füivonsM.de Pomereuil,qui nous dit,
page f 10, qu'il n'a pas encore expofé toutes fes
difficultés, et voyons fi elles ne font pas plus m-
furmontables que les précédentes.
« H faudra baraquer ou faire camper les foldats :
„ baraquerferoittropcoûteux&tropincommode;
» camper feroit plus analogue avantageux aux
» troupes, pat l'habitude qu’il eft effentie! quelles
„ en aient,»Nous venons de dire que nous croyons
que c’ étoit à ce moyen qu il falloir s arrêter. Il eft
le moins difpendieux, le plus commode& le plus
approprié à la vie que doivent mener les foldats.
« ÎI faudra fournir le foldat d’outils; il faudra les
entretenir , pourvoir aux moyens de faire tranf—
» porter aux hôpitaux voifins les foldats ma-
» lades ou bleffés; il faudra fournir aux foldats ,
„ le pain la viande, les légumes, le vin ; le foldat
». ufera plus de linge , de vêtemens , de fouliers ;
» jl aura befoin d'un habit de travail : pour tous cçs
objets, à peine fi fous par jour, de retenue, pour-
» ront-i|s lui ffiffiie : le prix de la journée, évalué
» à i l fous, fe réduira à 7 fous et à fa fo.lde, qu'en
„ fera trop heureux de lui faite confommet à bire ;
» car il faut que lefoldàt u* connoiffe l'argent que
„ pour le dépenfei-, non pour l'amaffer. Mais
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