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chai de Châtillon vit avec plaifir l’embarras du
marquis de Feuquières devant Thionville, 8c ne
fe preffa pas de lui mener des fecours comme il
en ayoît l’ordre.
La principale caufe de la perte de la bataille de
Novarre fut la jaloufie deTrivulce, qui lui fit manquer
d’empêcher la jon&ion d’un corps de troupes
ennemies j 8c d'arriver à tems pour foutenir la Tri*
mouille.
La jaloufie du duc de Guife contre le maréchal
de Termes empêcha ce dernier de faire de grands
progrès dans la Flandre pendant la campagne de
i j y8 3 8c fut peut-être la caufe de la perte de la
bataille de Gravelines.
La jaloufie entre le duc de Nemours 8c le comte
d’ Aubigni fut, en i j o i , la caufe de la perte de
Naples.
Quel général ofera fe plaindre d’avoir éprouvé
les effets de la jaloufie, quand, en Iifant l’hiftoire,
on voit les généraux de Charles V il jaloux de
Jeanne d’Arc, 8c des difpofitions perfides fe former
contr’elle à la cour, par rapport à l’afcendant
que dévoient lui donner fes exploits 8c fes fer-
vices. Les courtifans, las de fa gloire, la haiffoient;
les généraux firent veiller avec moins d’aftention
fur elle dans les périls où elle s’expofoit; ©n la
fuivoit de moins près aux afTauts. Ayant reçu, au
fiége de Paris, une bîeffure a fiez considérable pour
lui faire perdre beaucoup de fang & lui ôter l’u-
fage de fes forces, elle refta pendant une journée
entière au même endroit où elle avoit été bleffée :
heureufement elle fe trouvoit à couvert par une
petite éminence des traits des Parifiens, & ce n’eft
pas fans beaucoup de fondement qu’on a foup-
çonné le gouverneur de Compiègne d’avoir fait
fermer, pour la perdre, la barrière de la ville.
JARDINS. Le comte de Rumfort, ayant paffé
au fervice de Bavière en 1784, 8c ayant été chargé
fpécialement par l’éleéleur d’introduire parmi fes
troupes un nouveau fyftème d’ordre, de dîfci-
pline 8c d’économie, s’appliqua à rendre d’abord
la condition du foldat aufii douce & aufii attrayante
qu’il étoit pofiïbîe.- A.cet effet la folde fut augmentée,
l’habillement fut plus foigné : on lui donna ce
degré de liberté qui eft compatible avec le bon
ordre 8c la vraie fubordination. Les exercices militaires
furent fimplifiés, l'inftruétion rendue plus
courte 8c plus facile, & le fervice affranchi de tous
les ufiges fuperflus : on donna une attention particulière
à la propreté des cafernes & des quartiers
defiinés aux foldats. Leurs enfans 8c ceux des payons
du voifin.ige furent admis gratuitement dans
des écoles établies dans chaque régiment, pour
apprendre à lire, à écrire & à compter aux foldats.
On fournit aux écoliers, des livres élémentaires ,
des plumes, de l’encre 8c du papier.Outre ces écoles
, on en infiitua d’induftrie, où l’on inïtruifoit
à différens travaux les foldats 8c leurs enfans 5 ils
recevoient des matières brutes qu’ils ouvroiem à j
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leur profit. Pouvant difpofer à leur gré de l’argent
qu’ils gagnoient par leur travail, on leur fournif-
foit des furtouts, des culottes de toile, & on leur
abandonnoit leurs vieux uniformes, le tout comme
h vêtement de travail.
# Dans tous les travaux publics, tels que confection
ou réparation des grands chemins, defteche-
ment de marais , 8ce. les foldats étoient employés
comme travailleurs, & en pareil cas ils étoient
nourris Sc on s’occupoit de leur amufement. Les
jours de fête, on les encourageoit à fe récréer
par des dan fes & d’autres amufemens innocens :
des officiers 8c des fous-officiers faifoienc l’office
d’infpe&eurs.
Pour donner de l’agrément aux foldats 8c rendre
le recrutement plus facile, on donna aux régi-
niensdes garnifons inamovibles.
Enfin, des jardins furent formés-pour les foldats,
en vue furtout de mettre en vigueur la culture
des pommes de terre : à cet.effet l'on.prit des
portions de terrein dans les villes de garnifon ou
autour de leur enceinte, 8c elles furent données
exclufivement en propriété aux fous-officiers 8c
aux foldats. Chaque terrein fut divifé par régiment,
bataillon, compagnie,chambrée, 8cquatre
des dernières divifioris formèrent la part d’une compagnie.
Onaffigna à chaque chambrée afiez de terrein
pour que la part de chacun des hommes dont
elle étoit eompofée, fût une aire de trois cent
foixante-cinq pieds carrés.
Chaque foldat -demeuroit propriétaire de cette
portion de terrein pendant toute la durée de fon
engagement; il pôuvoit la cultiver à fon gré, 8c
difpofer comme il lui pla;fôit dé fes produits; cependant
il étoit tenu de ne pas la laiffer en friche
8c d’en extirper les mauvaifes herbes ; s’il ne rem-
pliflbit pas ce devoir, s’il montroit de la fainéan-
tife 8c de la négligence, fon terrein lui étoit ôté,
, & on le donnoit à quelqu’autre de fes camarades
plus laborieux que lui.
Les divifions de ces jardins militaires étoient
marquées par des allées plus ou moins larges, couvertes
de gravier 8c proprement tenues. Les allées
principales, qui étoient plus larges que les autres,
demeuroient toujours ouvertes, 8c feivoient de
promenade publique à tous ceux qui aimoient à
obferver 1 intéreffant fpe&acle des travaux champêtres.
Les effets de cette mefure furent très-remarquables
dans le court e/pace de cinq années.
Les foldats, de fainéans qu’ils étoient/8c n’ayant
aucune notion de jardinage 8c de ce que rapporte
un jardin potager, devinrent les jardiniers les plus
aélifs 8c les plus expérimentés 3 ils contractèrent
une telle prédilection pour les mets tirés du règne
végétal , que ces productions utiles 8c falubres
formèrent bientôt les principaux articles de leuf
nourriture journalière.
Chaque foldat enfuite qui s’abfentoit par congé
ou qui retournoit dans fon pays natal à l’expira-
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tion du terme de fon engagement, ne manquoit ,
pas d’emporter avec lui des graines potagères 8c
des pommes de terre, qu’il fe propofoit d'y cultiver.
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Pour faciliter aux foldats ce genre d occupation,
on leur fourniffoit gratuitement des uftenfiles de
jardinage, 8c de tems en tems du fumier 8c différentes
efpèces de graines; mais les plus laborieux
vamafloient ou achetoient du fumier, 8c recueillaient
dans leurs propres jardins les femences
qui leur étoient néceflaires; chaque compagnie
entretenoit aufii une couche de tumier pour fe
procurer des plantes précoces, afin qu’au prin-
tems les foldats puffent attirer fans délai de quoi
varier leurs repas.
En vue d’attacher davantage les foldats à leurs
petites poffeflions, dont la culture 8c le produit
augmentoient les profits 8c leur bien-être, on
avoit conftruit, pour chaque compagnie, un certain
nombre de cabanes où ils trouvoient un abri
contre la pluie, 8c dans lefquelles ils pourvoient fe
repofer quand ils étoient las.
M. d’Efthérazi, convaincu des avantages fans
nombre que T on pouvoir retirer du travail des
foldats, après avoir obtenu que fon régiment ref-
teroit en garnifon à Rocroi, avoit aufii imaginé
de donner des jardins à fes huffards.
En Corfe, M. de Falkenheim, commandant à
Corte, fit défricher un terrein abandonné, où il
fe créa un jardin jftifli utile qu’agréable. En même
tems les foldats du régiment de Caftellâ, fuiffe,
encouragés par leurs chefs, fe formoient un éta-
bliffement dans un efpace fabloneux couvert de
roches 8c de cailloux ; ils creufoient la terre pour
les enfouir, 8c ils la rejetoient enfuite par deflus;
ils y joignoient celle qu’ils retiroient des folles
ou qu’ils ramafloient dans des endroits perdus.
Bientôt l ’ingratitude du fol fut vaincue par l’opiniâtreté
de leurs travaux, 8c les légumes qu’ils
recueillirent les dédommagèrent abondamment
de leurs peines. Depuis ce tems les régimens
qui étoient en garnifon dans cette place, confer-
vèrent ce jardin en payant une mince redevance
à une églile, propriétaire du fonds, 8c les foldats
en tirèrent des douceurs qui allégèrent beaucoup
le fardeau de leur pauvreté.
Nous allons communiquer ici un mémoire donné
fur cet objet, 8c envoyé au miniftre de la guerre
en 1787.
Trente ou trente-cinq arpens de terre médiocre
fuffirQÎent pour un régiment d’ infanterie : les ordures
des pavillons 8ç des cafernes, celles balayées
devant leurs portes , enfin.le réfultat de leur di-
gefiion 8c la vieille paille de leurs lits ferviroient
à faire le fumier nécelfaire ; les foldats auroient
foin de ménager des plantes pour en recueillir les
graines propres aux femences.
En fuppofant qu’on ne trouvât pas des terres
Vagues qui puffent être défrichées, trente-deux
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arpens de terre médiocre qu’on acheteroit à 3001.
ou que l’on arrenteroit à 161. l’arpent,
coûceroient, par an.............................. J l i I.
Pour engrais à joindre à ceux mentionnés
plus haut............................. .. 45 0
Pour outils, charrois 8cautres frais.. 338
Ainfi le total de la dépenfe pour tous
les . légumes néceffaires à un régiment
d’infanterie, n’excéderoit pas.............. 1300 1.
Il en coûte à préfent plus de onze deniers par
jour à chaque foldat pour fe procurer la quantité
dont il a befoin de ce genre d’alimens; Sc en formant
l’établiffement propofé , cette même quantité
ne lui reviendroit pas à un denier; par confé-
quent il auroit un profit équivalent à 10 deniers
de folde.
Suppofons huit cent foixante.-fix hommes par
régiment habituellement préfens dans les garnifons
, fi chacun d’eux cède un denier par jour pour
le légumier , on trouvera par an 365 d.
qui, multipliés par 866, égaleront.. . . 1317 1.
Et comme la dépenfe fera de............ 1300
La maffe propofée pour cet effet auroit
un excédent de.............................. 17 1.
On ne voit donc que de grands avantages à la
création des jardins, qui feroient fi utiles à tous
égards.
JONCTION. Faire joindre un corps d’armée
ou même une troupe à une autre, ou empêcher
des jonctions, font, pendant la guerre, des opérations
militaires très-importantes, 8cqui exigent
dans l’un ou l’autre cas, de la part du général,
de la hardieffe , de l’a&ivité 8c des talens.
La fagëffe veut que, quoiqu’inférieur en force
à l’ennemi, dès l’inftant où l’on eft affuré qu’il
doit recevoir des renforts, on fe hâte de lui livrer
bataille avant la jonction. Ebutius , général
romain, dans la guerre contre les Latins, ayant
appris qu’ un grand nombre de Volfques 8c de
Janiques devoir les joindre dans l’efpace de huit
jours, rafiembla toutes fes forces, marcha à i’en-
, nemi, lui livra bataille 8c le battit.
Le comte de Stivun , général de l’empereur ,
fe voyant fur le point d’être attaqué en même
tems par l’électeur de- Bavière, le maréchal de
Villars 8c un corps de troupes aux ordres du marquis
d’Uffon , bien loin d’attendre la jonction de
ces différentes troupes, marcha rapidement contre
le marquis d’Uflbn , 8c le battit avant l’arrivée de
Villars 8c de l’éleétèur.
Le comte de Doun étoit convenu de fe joindre
à M. de Laudon pour attaquer le roi de Pruffe :
Frédéric découvrit cep'rojet; il quitta fecr.éte-
. ment fon camp, fe porta avec 45,000 hommes
1 au devant de M. de Laudon, 8c le repouflâ. Le